09/07/2025

GIDEON LEVY
Tous les captifs, israéliens et palestiniens, doivent être libérés

Gideon Levy, Haaretz, 6/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Lorsque Israël maltraite les otages et les détenus palestiniens qu'il retient prisonniers, il perd tout droit moral de réclamer la libération de ses propres otages. Personne n'a le droit de maltraiter des êtres humains de cette manière. 


Manifestation de soutien et de solidarité envers les prisonniers palestiniens détenus par Israël, dans la vieille ville de Naplouse, en Cisjordanie, en 2023. Photo : Jaafar Ashtiyeh/AFP

La mesure d'urgence la plus urgente à prendre aujourd'hui, outre la fin des massacres à Gaza, est le sauvetage de tous les captifs, Israéliens et Palestiniens, des conditions épouvantables dans lesquelles ils sont détenus. Les tunnels de Gaza ou la prison de Megiddo, la captivité du Hamas ou celle du Shin Bet, sont tous deux d'une cruauté presque indescriptible. Il est regrettable qu'aucun proche des otages israéliens n'ait appelé à la libération des otages palestiniens, ou du moins à l'amélioration de leurs conditions de détention.

On ne peut juger ces familles dans leur douleur, mais compte tenu des nombreux rapports sur les conditions dans lesquelles les otages palestiniens sont détenus en Israël, on aurait pu espérer un soupçon d'humanité et de compassion, en particulier de la part de personnes qui craignent tant pour le sort de leurs proches.

Non seulement le sadisme d'Israël peut affecter les conditions dans lesquelles nos propres captifs sont détenus, mais il y a aussi cette simple considération morale : lorsque Israël maltraite les otages et les détenus qu'il retient de la manière dont il le fait, il perd tout droit moral de demander la libération de ses propres otages.

Il est inutile de comparer le centre de détention de la base militaire israélienne de Sde Teiman aux tunnels sous Khan Younès, car il est impossible de comparer deux souffrances horribles. Dans les deux endroits, des êtres humains sont détenus dans des conditions inhumaines, indignes de tout être humain, même des membres de la brigade d'élite Nukhba du Hamas.

Personne n'a le droit de maltraiter des êtres humains de cette manière. La seule comparaison valable est celle entre les auteurs des mauvais traitements : à Gaza, ce sont les membres d'une organisation considérée [par certains, NdT] comme une organisation terroriste meurtrière, et en Israël, ce sont les membres d'un État qui se prétend démocratique.

Seule une personne sans conscience pourrait rester indifférente à la description exemplaire faite par Hagar Shezaf des conditions de détention des prisonniers et otages palestiniens : Les soi-disant détenus administratifs, détenus sans procès, sont des otages, et ils sont des milliers.

Le reportage d'investigation de Loveday Morris et Sufian Taha publié l’année dernière dans le Washington Post aurait également dû bouleverser ce pays. Au total, 73 otages et détenus palestiniens sont déjà morts dans les prisons israéliennes – un chiffre choquant, dont seule l'indifférence avec laquelle il a été accueilli est plus choquante encore. Où sont passés les jours où la mort d'un détenu en prison était considérée comme un scandale ? Le nombre de morts dans les geôles du Hamas est loin d'atteindre ce chiffre.

Shezaf a décrit une histoire troublante de torture, de famine, d'absence de soins médicaux et de violence, le tout commis par l'État. La famine infligée par l'État, les coups brutaux et le sadisme sous l'égide de l'État. Il ne s'agit pas d'Itamar Ben-Gvir, mais de l'État d'Israël. Pourquoi est-il nécessaire d'affamer les gens jusqu'à ce que mort s'ensuive ?

De quel droit est-il permis de refuser des soins médicaux à 2 800 personnes incarcérées souffrant du fléau de la gale, ou à des milliers d'autres qui ont contracté des maladies intestinales dans ces lieux de famine et d'épidémies ?


Khalid Ahmad tient une affiche sur son fils de 17 ans, Waleed, décédé dans une prison israélienne, dans la ville de Silwad, au nord-est de Ramallah, en Cisjordanie, en mars. Photo : Nasser Nasser/AP

 Le corps de Waleed Ahmed, 17 ans, présentait une inflammation intestinale et la gale, et il ne restait pratiquement plus de graisse ni de tissu musculaire. Il est mort de faim à cause d'un cocktail Molotov et de pierres qu'il avait lancés, tout comme ceux lancés par les colons à Kafr Malek. Les services pénitentiaires israéliens l'ont exécuté sans procès.

Le Washington Post s'est entretenu avec des détenus qui étaient sortis de cet enfer et avec des avocats qui avaient visité les prisons, et le tableau qu'ils ont décrit était le même. Eux aussi ont décrit la politique systématique de privation de nourriture et de soins médicaux.

« C'est Guantanamo », a déclaré l'un d'entre eux. C'est pire que Guantanamo si l'on considère le nombre de décès. Les photos de Palestiniens squelettiques et estropiés qui sont sortis des prisons israéliennes au cours des dix-huit derniers mois en disent long. Elles constituent une grave accusation contre l'État d'Israël.

Dans les années 1980, j'ai réussi à visiter une fois la prison de Megiddo et à rencontrer des prisonniers palestiniens, à l'époque où les Forces de défense israéliennes géraient encore la prison. Les conditions étaient alors humaines et relativement décentes.

Mais ce ne sont pas seulement les conditions qui se sont détériorées de manière irréversible depuis lors. Un autre événement grave s'est produit : à l'époque, Israël avait honte des abus et essayait de les cacher. Aujourd'hui, Israël est fier de son sadisme et l'affiche ouvertement, notamment lors des visites honteuses effectuées dans les prisons par les correspondants de la télévision israélienne. Le sadisme envers les Palestiniens fait désormais partie intégrante des relations publiques. Il permet même de remporter des voix lors des élections à la Knesset.

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