Luis Portillo
Pasqual del Riquelme, El Independiente, 7/6/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane
Dire que le Front Polisario (FP) est « une entité privée non reconnue »* est une absurdité absolue, indigne de ceux qui se prétendent à l’avant-garde du « progressisme » national et international. Ceux d’entre nous qui lisent ces stupidités n’en croient pas leurs yeux, tant le niveau de dégradation atteint par le parti PSOE est affligeant : je n’ose même plus dire « Parti socialiste ». Ils ne savent plus quoi dire ou faire pour nier l’évidence, enfonçant toujours davantage leur chute du mauvais côté – le côté obscur – de l’Histoire, aux côtés des forces les plus réactionnaires de la société.
Dire
que le Front Polisario est « une entité privée », comme s’il s’agissait d’une
pharmacie, d’un concessionnaire automobile ou d’un club de football, ne
rehausse en rien le prestige des ‘intellectuels’ (vraiment ?) organiques ni
celui des commissaires politiques du parti autrefois socialiste, devenu repaire
de filous, d’opportunistes et de sans-vergogne.
Après
50 ans de lutte héroïque et de résistance du peuple sahraoui, voilà que ces
petits malins de troisième zone osent sortir de telles énormités.
Le
Front Polisario a été créé en 1973. Et même à cette époque lointaine, il
n’était en rien « une entité privée non reconnue ». Il a bel et bien été connu
et reconnu ! Même le gouvernement de l’UCD, celui d’Adolfo Suárez, a négocié
avec le FP les conditions de retrait des militaires espagnols ! À propos,
l’armée espagnole était-elle aussi une « entité privée » ? Voilà le genre de
stupidités auquel mène la ‘logique’ du PSOE.
Oui,
l’Espagne était alors la puissance coloniale, la « mère patrie », la métropole,
une « entité publique reconnue » qui a signé son arrêt de mort en tant que
telle lors des honteux et sanglants événements de Zemla, avec le massacre de
Sahraouis, la « disparition » et l’assassinat du dirigeant sahraoui Bassiri…
pour lesquels, encore aujourd’hui, l’« entité publique reconnue » (aux glorieuses
« valeurs patriotiques ») qu’est l’Espagne n’a fourni aucune explication, ni
déclassifié les documents secrets (bel exemple d’« État transparent et de droit
»), malgré son appartenance à l’ONU, à l’OTAN, à l’UE, au FMI et à toute cette
panoplie de sigles d’« entités reconnues » censées conférer à ce pays
passeport, prestige et « garanties de sérieux ».
Le
FP, messieurs du PSOE, a été RECONNU par les Nations Unies comme représentant
légitime du peuple sahraoui et maintient depuis un Représentant permanent à
l’ONU à New York : notre regretté Ahmed Bujari jusqu’à son décès il y a
quelques années, puis son successeur Sidi Omar depuis avril 2018. La
représentation légale et reconnue du peuple sahraoui n’est pas, messieurs du
PSOE, « une entité privée non reconnue », comme pourrait l’être une épicerie ou
un club de football.
Le
Front Polisario, en tant qu’avant-garde du peuple sahraoui, a livré trop de
batailles, douloureuses et acharnées, sur les plans politique, diplomatique et
militaire, pour qu’on vienne aujourd’hui le qualifier de « simple entité privée
», à l’image de ce que ses ennemis du camp alaouite du PSOE, à coups de
propagande et de désinformation, s’emploient à faire : tenter de le faire
passer pour une « organisation terroriste » (reconnue ? privée ?).
Bien
au contraire, le FP est l’avant-garde organisée du peuple sahraoui héroïque,
expulsé de sa terre – à l’instar des Palestiniens –, abandonné par le
gouvernement espagnol (tant franquiste que « socialiste »), livré à ses
ennemis, et bombardé par ceux-là mêmes – ceux des « accolades fraternelles » et
des propositions d’autonomie – à coups de napalm et de phosphore blanc, tous
deux interdits – tout comme l’invasion et l’occupation – par le droit
international, ce droit si scrupuleusement respecté par les Trump, Netanyahou
et autres acolytes.
Le
peuple sahraoui (une « entité privée non reconnue » ?) a proclamé, avec le FP à
sa tête, son indépendance, sa Constitution et son propre État : la République
Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), reconnue comme État par au moins 84 pays.
Même si, par la suite, les manœuvres financières, pressions et chantages du
Maroc ont entrepris le sale – que dis-je, le répugnant – travail de tenter
d’effacer la RASD, le peuple sahraoui et les principes du droit international
fondé sur des règles.
L’ONU
a reconnu le Front Polisario. L’Union africaine (comptant 55 États) a reconnu
la RASD. Le FP dispose d’ambassades dans de nombreux pays, même sans disposer
du chéquier du Maroc, grossi par les largesses de l’Espagne, de l’UE et des
pétromonarchies du Golfe – celles-là mêmes qui financent des Murs de la honte,
tuent et font disparaître les Khashoggi en toute impunité, et abritent des
monarques en fuite.
Durant
plusieurs années, par une série de jugements successifs, la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE) a donné raison au Front Polisario en tant que
représentant légitime du peuple sahraoui – tout comme l’avaient déjà fait l’ONU
et la CIJ en 1975 – et lui a reconnu sa capacité juridique. Le FP a gagné face
au Maroc, à l’Espagne, à la Commission et au Conseil de l’UE. Face à tous.
Et
voilà que les illuminés du PSOE débarquent en déclarant que le Front Polisario
est « une entité privée ». Il ne manquait plus qu’ils ajoutent « à but non
lucratif ». Comme un club de foot de troisième division, en somme. Ce qui
montre bien que, dans ce parti, les diplômes sont superflus et que le cap est
perdu. Ou quelque chose de bien pire, si tant est qu’ils en aient jamais eu : la
conscience et l’éthique.
*Dans le débat parlementaire sur la proposition de loi du groupe Sumar d'accorder la nationalité espagnole aux personnes nées au Sahara "espagnol" avant le 26/2/1976, le PSOE a rejeté la clause incluant des documents administratifs espagnols validés par le POLISARIO, qualifié d'"entité privée non reconnue" (...par le Maroc).[NdlT]
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