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29/07/2025

GIDEON LEVY
Nier la famine à Gaza n’est pas moins ignoble que nier la Shoah

Gideon Levy, Haaretz, 27/7/2025
Traduit par Tlaxcala

La négation est légitime en Israël, elle est conforme à la bienséance politique locale – il n’y a pas de famine, et les descriptions d’une famine délibérée à Gaza relèvent d’un complot antisémite.


Un homme porte le corps du bébé palestinien Zainab Abu Haleeb, décédé de malnutrition selon les autorités sanitaires, à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, samedi. Photo : Ramadan Abed/Reuters

Il n’existe que peu de phénomènes aussi odieux que la négation de la Shoah juive. Les négationnistes ont affirmé qu’elle n’avait jamais eu lieu, ou que le nombre de victimes était faible, voire qu’il n’y avait jamais eu de chambres à gaz.
Ils ont pris des mesures et utilisé des données pour soutenir leurs dires. La Shoah serait une conspiration destinée à obtenir des compensations et de la compassion. Sa négation est criminalisée dans de nombreux pays, et les négationnistes sont considérés comme antisémites. L’historien britannique David Irving a été emprisonné en Autriche et banni.

Mettre en doute le 7 octobre a été condamné en Israël, et quiconque s’y risquait était qualifié d’antisémite. Lorsque Roger Waters a déclaré qu’il n’y avait pas de preuves de viols et que l’histoire de bébés brûlés dans des fours était un mensonge israélien, il a été largement attaqué – comme bien d’autres qui ont souligné des exagérations dans le récit israélien.

Ces dernières semaines, une vague abjecte de déni déferle sur Israël, de tous les endroits possibles. Elle touche de larges pans de la société et est partagée par presque tous les médias.

Nous avons essayé d’ignorer, de dissimuler, de détourner le regard, de blâmer le Hamas, de dire que “c’est la guerre”, ou qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza – jusqu’à ce que la somme des crimes commis par Israël dans la bande de Gaza déborde.

Avec l’apparition d’une famine mortelle et délibérée, il ne restait plus d’autre issue que le déni, aussi ignoble que celui de la Shoah.

Ce déni actuel inclut la négation de l’intention génocidaire et de l’objectif évident de déplacer la population de Gaza ailleurs.

Ce type de déni est légitime en Israël, il est conforme à la bienséance politique locale – il n’y a pas de famine ! Personne ne sera blâmé ou puni pour l’avoir causée.

Cette attitude fait désormais partie du courant dominant. Les descriptions de famine délibérée à Gaza sont perçues comme une conspiration antisémite. S’il y a famine, parlez-en au Hamas.

Des Palestiniens attendent de recevoir de la nourriture d'une cantine caritative, en pleine crise alimentaire, à Gaza, samedi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

C’est ce qui arrive quand on épuise ses excuses, ses mensonges et sa propagande. Quand on est devenu moralement si perverti qu’on affirme qu’il n’y a pas de famine, alors même que les images sont sous nos yeux. Quel droit ont ces gens de dire ça ?

Il existe 50 nuances de négation israélienne, toutes aussi méprisables. De la simple indifférence au regard fuyant, jusqu’au mensonge pur et simple.

Elles visent toutes le même objectif : fuir la responsabilité, continuer à jouer les victimes tout en se glorifiant. Les négationnistes viennent de tous les milieux.

Cela inclut quatre chercheurs israéliens ayant publié un article intitulé « Le soi-disant génocide dans la guerre des Épées de Fer » – dont les failles ont été dénoncées par l’historien de la Shoah Daniel Blatman et le journaliste Nir Hasson (édition hébreue de Haaretz) – et la femme distribuant gratuitement Israel Hayom, qui m’a assuré récemment que les images de famine « venaient du Yémen ou avaient été créées par l’IA ».

Cela inclut aussi la journaliste télé moralisatrice Moriah Asraf, qui a fait taire de façon méprisante la journaliste indépendante Emmanuelle Elbaz-Phelps, et tous les rédacteurs des journaux télévisés qui dissimulent ce qui se passe à Gaza.

Des Palestiniens tentent d'obtenir de la nourriture distribuée dans une cuisine communautaire de la ville de Gaza, au nord de la bande de Gaza, samedi. Photo Abdel Kareem Hana/AP

Le déni accompagne Israël depuis la première Nakba, en 1948 – qui, bien sûr, n’aurait jamais eu lieu et ne serait qu’une invention des ennemis d’Israël. Ce déni s’est poursuivi durant toutes les années d’occupation et d’apartheid.

Aucune société au monde ne vit dans un tel déni de soi, largement encouragé par sa presse dite libre. Mais ce qui se passe ces dernières semaines dépasse tous les records d’abjection.

Il n’y a pas de famine à Gaza. Après tout, des camions attendent à la frontière, les parents d’enfants mourant de faim sont obèses, une vidéo montre des terroristes du Hamas mangeant des bananes dans leurs tunnels (vidéo prise il y a six mois, aujourd’hui diffusée par le principal propagandiste du pays, le porte-parole de Tsahal).

Il y a là quelque chose de plus ignoble encore que la fuite de responsabilité : le mépris de la victime, de l’enfant qui meurt dans les bras de sa mère en pleurs. Lui dire qu’il n’y a pas de famine délibérée, c’est la mépriser dans sa douleur.

Pendant des années, j’ai pensé que même si on montrait aux Israéliens toutes les preuves, ils les rejetteraient. La preuve est là. Les images de la famine envahissent les écrans du monde entier – et les Israéliens les nient.

Avec quelle assurance ils affirment que ces images sont fausses, qu’il n’y a pas de famine, qu’il y a des bananes, que 80 camions par jour entrent à Gaza.

C’est exactement ce que faisait le professeur français Robert Faurisson : il affirmait que, compte tenu du volume des chambres à gaz, la Shoah n’avait jamais eu lieu.

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