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31/07/2025

ARIK ASCHERMAN
Si des Israéliens et des Juifs n’agissent pas maintenant, nous sommes complices : voici comment mettre fin à la famine à Gaza

Rabbin Arik Ascherman, Haaretz, 30/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le rabbin Arik Ascherman (Erié, Pennsylvanie, USA, 1959) a dirigé l’organisation Rabbins pour les droits humains pendant 21 ans et est cofondateur et directeur exécutif de Torat Tzedek - Torah de Justice.

 

Nous, Israéliens et Juifs de l’étranger, sommes tous responsables de ce que notre gouvernement fait subir aux Palestiniens à Gaza. C’est pourquoi nous devons exiger la seule mesure efficace qui reste, celle que le gouvernement Netanyahou ne peut ignorer

« Arrêtez d’affamer Gaza » : manifestants à Tel Aviv. Photo Itai Ron

Il est difficile ces jours-ci de ne pas se demander « en faisons-nous assez alors qu’Israël affame à mort les Palestiniens à Gaza ? »

Mais que pouvons-nous faire alors que l’opinion publique a si peu d’importance pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son gouvernement ? Je me sens impuissant. Lorsque je participe à des manifestations pour obtenir la libération de nos otages détenus par le Hamas et mettre fin à la guerre à Gaza, je sais que je soutiens les familles des otages et que je plaide pour la fin des morts absurdes de soldats israéliens à Gaza, mais je ne fais pas grand-chose pour changer la politique du gouvernement. En même temps, je suis rempli d’angoisse quand je pense au nombre d’Israéliens qui se soucient légitimement de nos otages et de nos soldats, mais qui ne se soucient guère des milliers d’enfants morts à Gaza et des milliers d’autres qui meurent de faim.

Je comprends les raisons tactiques qui poussent beaucoup de gens à concentrer leurs protestations sur le sort de leurs compatriotes juifs. Mais aujourd’hui, alors que des gens meurent de faim à cause de la politique israélienne, ce n’est plus une option.

Toutes les personnes de conscience doivent dire clairement et publiquement qu’elles s’opposent à causer davantage de souffrances et de morts aux enfants de Gaza et aux autres non-combattants. La tradition juive enseigne qu’il existe une ligne rouge à ne pas franchir, même en cas de légitime défense : le traité Sanhédrin nous interdit de tuer des innocents, même si c’est pour sauver notre propre vie.

Jusqu’à présent, je me suis dit que même si les horreurs sont encore plus grandes à Gaza que là où je passe mes journées à travailler avec Torat Tzedek pour protéger les communautés de bergers palestiniens de Cisjordanie menacées par des colons violents et pour lutter pour le retour de ceux qui ont déjà été expulsés par le système judiciaire, je dois continuer à me concentrer là où mes actions ont au moins une chance limitée de réussir.

Mais je ne peux plus rationaliser notre travail ailleurs comme une excuse pour rester silencieux sur Gaza.

Je me suis toujours demandé ce qui, historiquement, avait empêché les gens de s’opposer aux actions malveillantes de leur gouvernement. Après coup, ils peuvent dire qu’ils ne connaissaient pas l’ampleur du problème ou qu’ils s’y étaient toujours opposés, même si c’était en silence. La tradition juive nous enseigne que Noé était furieux contre Dieu lorsqu’il est sorti de son arche après le déluge et a vu la mort et la destruction. Dieu l’a réprimandé en lui disant : « Pendant 60 ans, tu as construit l’arche sans prononcer un mot de protestation. Et maintenant, tu es en colère ? »

Dans les dictatures oppressives, les gens risquent leur vie pour s’opposer à la politique. En Israël, c’est rarement le cas. Et comme nous l’a enseigné le rabbin Abraham Joshua Heschel, « dans une société libre, certains sont coupables, mais tous sont responsables ».

Nous, Israéliens, sommes tous responsables de ce que fait notre gouvernement. Les Juifs vivant à l’étranger qui ont un sentiment d’appartenance à Israël et au peuple juif partagent également cette responsabilité. Que pouvons-nous faire, en tant que citoyens, face à un gouvernement qui refuse de changer sa politique alors que des milliers d’Israéliens manifestent chaque semaine dans les rues ?

Noé aurait peut-être pu empêcher le déluge s’il avait discuté avec Dieu, mais dans notre cas, les protestations se sont avérées insuffisantes.

C’est pourquoi nous devons exiger les seules mesures efficaces qui restent, celles que notre gouvernement ne peut ignorer. Nous devons appeler à une grève générale de toute l’économie israélienne, menée par l’Histadrout*. Il ne peut y avoir de retour à la normale tant que nous affamons la population de Gaza.


Un jeune Palestinien tient une boîte de pois chiches provenant d’un colis humanitaire largué depuis un avion, alors que la famine sévit à Zawayda, dans le centre de la bande de Gaza. Photo  Hatem Khaled / Reuters

L’Histadrout doit prendre l’initiative, mais il n’y a pas de temps à perdre. Tous les commerçants et tous les propriétaires de petites ou grandes entreprises doivent fermer leurs portes. Les dirigeants de cinq universités ont désormais déclaré leur opposition, et ils doivent passer à l’action en faisant grève et en fermant leurs portes. Tous les services non essentiels qui peuvent être fermés doivent l’être.

Ceux d’entre vous qui vivent à l’étranger doivent informer l’Agence juive et vos fédérations juives que vous placez vos contributions prévues dans un fonds bloqué. Que vous souhaitez soutenir Israël, mais pas tant qu’Israël continuera à laisser mourir de faim des enfants.

Je comprends ce qui motive tant d’Israéliens. Nous avons le droit de nous défendre et d’assurer notre sécurité. Mais il ne s’agit pas d’un débat entre ceux qui croient en la légitime défense et ceux qui n’y croient pas, il s’agit aussi de se soucier des non-juifs. C’est un débat entre ceux qui pensent que l’on peut justifier de laisser mourir de faim des enfants au nom de la légitime défense et ceux qui savent que rien ne peut justifier de laisser mourir des enfants de faim.

Nous voulons tous pouvoir dire à nos enfants et petits-enfants que nous avons fait quelque chose d’important lorsque notre peuple a réagi de manière immorale. Comme le dit l’interprétation rabbinique du Psaume 119:126, « Il est temps de violer ta Torah pour agir au nom de Dieu. »

Que direz-vous à vos enfants et petits-enfants lorsque nous sortirons de l’arche et verrons ce que nous avons fait ? Que direz-vous à Dieu lorsque vous arriverez devant le tribunal céleste ? Que vous direz-vous à vous-même ?

NdT

*L'Histadrout, créée en 1920, se présente comme un syndicat de travailleurs juifs. Elle s'est toujours opposée à l'adhésion de travailleurs non-juifs. Depuis sa fondation, elle a fonctionné de fait comme un bureau de travail juif et a fourni la base des partis travaillistes. Ayant connu un fort déclin, parallèlement à celui de la "gauche" sioniste, il y a peu de chances qu'elle suive les conseils de notre brave rabbin et entre en dissidence. Il n'est pas interdit de rêver.

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