Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
La série à succès de Netflix « AlRawabi School for Girls » révèle à la fois la domination totale des hommes et l'hypocrisie des mères, plus préoccupées par les ragots que par les cicatrices émotionnelles de leurs filles.
Une scène de la mini-série Netflix de 2021 « AlRawabi School for Girls ». Photo : Netflix
Mariam (Andria Tayeh) a été assommée, le sang coulant de sa tête. Heureusement, une autre camarade de classe a vu l'incident ; elle a appelé une ambulance et a sauvé la vie de Mariam. Cette scène impressionnante est le point culminant du premier épisode de la nouvelle série Netflix "AlRawabi School for Girls", qui a connu un grand succès en Jordanie et dans la plupart des pays arabes.
Il faut dire que la série n'est pas un chef-d'œuvre. La mise en scène de la cinéaste jordanienne Tima Shomali, qui a créé la série avec Shirin Kamal, a besoin d'être peaufinée. Les erreurs de scénario sont évidentes et parfois ridicules, le jeu des actrices trahit leur manque d'expérience, et la série dans son ensemble est moins que la somme de ses parties.
Mais ceci n’est pas une critique de film. L'essentiel est que la série, qui parvient à maintenir la tension, tend un miroir à la société arabe, à la Jordanie en particulier.
Cette mini-série en six épisodes aurait pu être produite dans n'importe quel pays du monde ; la violence entre écoliers n'est pas propre aux écoles arabes. La vengeance, l'exclusion, les brimades, les moqueries, les humiliations et les méchantes reines de classe dont le train est tenu par une coterie de servantes sont devenues si courantes que nous n'avons plus guère besoin de films. La réalité est plus terrifiante.
Il semble que seuls l'écriture en langue arabe, le lieu, les plaques de rue et l'architecture montrent que la série se déroule dans un pays arabe. Ni le drapeau jordanien ni les photos du roi ne figurent nulle part. Seuls ceux qui connaissent Amman, l'amphithéâtre romain, les hôtels et le beau pont qui relie ses quartiers et le "prestigieux" quartier Abdoun peuvent reconnaître de quel pays il s'agit.
Une autre caractéristique clé permet d'identifier le lieu. Les réactions enragées à la série, et même les demandes pour que Netflix la retire de l'antenne, sont venues principalement de Jordanie. Sur les médias sociaux, les gens ont commencé à la juger dès le premier jour, les opinions étant fortement divisées entre ceux qui ont dit qu'elle "ne représente pas les valeurs jordaniennes" et ceux qui ont dit qu'elle était trop douce et ne montrait pas suffisamment les problèmes dont souffrent les filles dans la société arabe.
Les signes des protestations jordaniennes
"Les filles de Rawabi" - comme le nom de l'hymne de l'école privée où les filles de l'élite économique et politique jordanienne "tentent d'atteindre le sommet" - sont très performantes. De plus, elles portent le dernier cri de la mode occidentale et s'amusent comme si elles étaient dans une université usaméricaine.
Mais une guerre sur deux fronts sévit entre elles. Le premier est celui du trio des "méchantes filles". Il y a Layan (Noor Taher), reine de la classe, qui, grâce au statut élevé de son père, ne respecte pas les règles et menace le directeur. Il y a ensuite Rania (Joanna Arida), aux cheveux roux, que son riche père bat lorsqu'il est ivre, Roqayya (Salsabiela Adriani), pieuse et portant le hijab, et les autres filles, qui sont menacées par la troïka. La deuxième guerre oppose les "reines" à leurs familles, dirigées par des pères et des frères qui dictent les "bonnes valeurs" au milieu de la richesse ostentatoire des parents avec leurs voitures de luxe et leurs belles villas.
Il y a aussi la gardienne de l'école, Summaya, qui travaille pour faire vivre sa famille et qui est méprisée par les filles protagonistes. Cela reflète clairement la raison des manifestations qui ont eu lieu en Jordanie l'année dernière contre la corruption, le chômage et le fossé entre la plupart des gens et le millième supérieur qui peut s'offrir des écoles privées pour ses enfants.
Les "Rawabi girls" préparent leur dernier coup. Photo : Netflix
Mais la créatrice Shomali n'épargne aucun mal social. Avec une intensité débordante, comme si elle craignait de ne pas avoir la possibilité de décocher toutes ses flèches, elle révèle à la fois la domination totale des hommes et l'hypocrisie des mères plus préoccupées par les ragots que par les cicatrices émotionnelles de leurs filles. Shomali n'a aucune pitié pour démontrer que la jeune génération d'hommes n'est pas différente de celle de ses pères patriarcaux.
Dans l'une des scènes les plus passionnantes, Shomali s'attaque également au harcèlement sexuel dans la société arabe. Lors d'un voyage scolaire, les "filles de Rawabi" se rendent sur l'un des plus beaux sites de vacances de Jordanie, où une vengeance est prévue contre les filles qui ont abusé de Mariam.
Une vengeresse, Noaf (Rakeen Saad), qui se trouve seule dans un coin de la piscine, est surprise par un homme qui commence à la tripoter. Noaf, qui jusqu'alors montrait l'indépendance froide d'une fille qui sait se défendre, est soudain terrifiée et impuissante, exigeant que l'homme la laisse tranquille. Mais il ne la lâche pas jusqu'à ce qu'elle pousse un cri hystérique.
Les filles de Rawabi en action. Bien sûr, la violence entre écoliers n'est pas propre au monde arabe. Photo : Netflix
Qui vient à son secours sinon la reine qui était la cible du plan de vengeance. C'est elle qui maudit le harceleur et tente de calmer Noaf.
Mais Shomali ne s'arrête pas là. Lorsque la directrice adjointe, Mlle Abeer (Reem Saadeh), qui, comme toujours, entend parler de l'incident, tout ce qu'elle a à dire, c'est : « Ce n'est pas sa faute. A quoi t'attendais-tu quand tu t'habilles comme ça ? »
Et donc « l'honneur de la famille » est aussi en vedette, dans toute sa brutalité. Mais comme je ne veux pas divulgâcher, je n’en dirai pas plus.
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