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13/05/2025

FAUSTO GIUDICE
“La religion est à Dieu et la patrie est à tous” : en Syrie, le message de Sultan al-Attrache reste valable un siècle plus tard
Entretien avec Rim al-Attrache

Alors que les feux de l’actualité sont braqués sur la Syrie et que l’écrasante majorité des  « informations » circulant dans les médias internationaux sont produites par des personnes ignorant tout ou presque tout de l’histoire syrienne, il nous a semblé utile de donner la parole à  Rim al-Attrache, une habitante de Damas, descendante d’une longue lignée de combattants, pour qu’elle nous parle de son père Mansour (1925-2006) et de son grand-père Sultan Pacha (1888-1982), dont l’histoire peut éclairer l’état actuel du pays.

Propos recueillis par  Fausto GiudiceTlaxcala



 Rim, peux-tu vous présenter, toi et ta lignée ?

Dans l’introduction de mon premier roman, en arabe, intitulé « Jusqu’à la fin des temps », j’ai écrit ce qui suit : « Je suis une personne qui essaie de combiner l’islam et le christianisme dans son cœur, et je crois que la religion appartient à Dieu et que la patrie appartient à tous ».

 Un jour, l’avocat syrien Najat Qassab-Hassan, m’a posé cette question : Rim, quelle partie de toi est druze et quelle partie est chrétienne ? Je lui ai répondu sans la moindre hésitation : Je suis divisée, verticalement, en deux, et je peux déplacer mon cœur tantôt à droite, et tantôt à gauche. 

Zoukan (assis) et Sultan, 1910

Je suis l’arrière-petite-fille du martyr Zoukan al-Attrache, l’un des chefs de résistance contre les Turcs (1910). Il a été condamné à mort et exécuté s à la place Merjé, à Damas par Jamal Pacha, dit Le Boucher meurtrier.


Youssef al-Choueiri

Je suis l’arrière-petite-fille de Youssef al-Choueiri, moudjahid avec Sultan al-Attrache durant la Révolution arabe de 1916-1918 : il a rejoint la révolution avec son ami Sultan al-Attrache, afin de libérer Damas, le 30 Septembre 1918, suite à la bataille de Tuloul al-Manea, près de Kisswa, au sud de Damas. Avec son fils Habib al-Choueiri, mon grand-père maternel, il a été prisonnier durant la première révolution de Sultan, en 1922. Tous les deux soutenaient Sultan et ses compagnons en 1925, financièrement et moralement.

Je suis la petite-fille de Sultan al-Attrache, chef de la Grande Révolution syrienne (1925) contre le Mandat français.

Enfin, je suis la fille de Mansour al-Attrache, politicien syrien, l’un des premiers Baathistes, en 1945, et membre du conseil fondateur du parti Baath en 1947. 

Que faut-il savoir sur Sultan Pacha, auquel tu as consacré une série de 5 volumes (éditée au Liban), basée sur les archives de votre famille ?

Sultan al-Attrache a explicitement rejeté les mandats français et britanniques devant la Commission King-Crane (1919), lorsque celle-ci lui a rendu visite au Djebel al-Arab  (dit Djebel Druze) pour sonder l'opinion des habitants de la région.

Il rassembla les cavaliers pour aider l’armée syrienne, dirigée par le ministre de la Guerre, Yusuf al-Azma, le 24 juillet 1920, à Mayssaloun. Les cavaliers de Djebel al-Arab , dirigés par Sultan al-Attrache, arrivèrent dans le village Sijen, et même quelques-uns atteignirent Braq (40 km au sud de Damas), où Sultan, apprenant le meurtre de Yousef Al-Azma, déclara : « Perdre une bataille ne signifie pas perdre la guerre. ».

Sultan al-Attrache voulait alors organiser la résistance au Djebel al-Arab sous la bannière de la légitimité en Syrie. C'est pour cette raison qu'il invita le roi Fayçal Ier à s'installer là-bas au lieu de partir pour l'Europe, en 1920. Mais le roi répondit au messager de Sultan, en disant :  « Il est trop tard » ! 

Sultan a également demandé à Ibrahim Hanano (chef des rebelles du Nord) de rester chez lui pour organiser la résistance contre l'occupation française, lorsqu'il est venu lui demander protection en 1922, mais Hanano a voulu se rendre en Jordanie.

La Grande Révolution syrienne éclata dans le dernier tiers de juillet 1925, mais elle attira l'attention du monde entier après la bataille de Mazraa contre l’armée du général Michaud, au début du mois d'août de la même année. Les Européens ont commencé à envoyer des journalistes d’Allemagne et d’autres pays européens en Syrie, et plus précisément au Djebel al-Arab, pour découvrir la vérité sur ce qui s’était passé. C’est seulement à ce moment-là que les nationalistes arabes ont commencé à s’intéresser à ce qui se passait !

Il est important de noter qu'après la bataille de Mazraa, les autorités françaises ont été contraintes de demander une trêve et une cessation des hostilités, avant que les dirigeants du mouvement national à Damas ne répondent à l'appel à la révolution du Djebel al-Arab , dans le but de l'étendre à toute la Syrie et au Liban.

Sultan al-Attrache a déclaré aux deux journalistes allemands du journal Vössische Zeitung, venus photographier le site de la bataille de Mazraa, ce qui suit : « Les Français ne cherchent pas sérieusement la paix dans leurs négociations. Même les conditions modérées présentées par notre délégation n'obtiendront rien d'essentiel du général Sarrail. Ils veulent nous distraire jusqu'à l'arrivée de leurs nouvelles forces militaires, qu'ils ont fait venir de France ou de leurs colonies voisines. Quant à nous, nous ne restituerons pas les armes capturées sur le champ de bataille tant que nous serons en vie. Nous ne nous satisferons de rien de moins que de l'indépendance et de l'unité complète de la Syrie et de l'établissement d'un gouvernement national constitutionnel. La mission de l'État mandataire doit se limiter à fournir une assistance et des conseils techniques et administratifs, par l'intermédiaire de conseillers et d'experts qualifiés, en application de ce qui a été stipulé dans le Pacte de la Société des Nations en 1919 concernant le mandat. ». La condition posée par Sultan al-Attrache pour les négociations avec les Français était qu'elles ne devaient pas dépasser trois jours.

Ainsi, l’intérêt, sérieux, arabe et européen pour la Grande Révolution syrienne a commencé après la bataille de Mazraa (2-3 août 1925). L’armée du général Henry Michaud comptait 13 000 soldats et officiers français, et ils furent sévèrement défaits par environ 400 combattants rebelles de Djebel al-Arab . C'est ce qu'a déclaré l'un des soldats d'origine marocaine, qui a participé à la campagne de Michaud et a été capturé : il l'a confirmé au commandant en chef de la révolution syrienne, Sultan al-Attrache. Il rejoint plus tard les rangs des révolutionnaires pour combattre les Français. Les forces nationales ont décidé de choisir Sultan al-Attrache comme commandant général de cette révolution. C'est ici que fut publiée la célèbre déclaration du commandant en chef, « Aux armes », le 23 août 1925, dans laquelle il était souligné que le premier objectif de la révolution était d'unifier la Syrie, à la fois sur la côte et à l'intérieur, ce qui signifiait rejeter la division de la Syrie sur une base confessionnelle, religieuse et ethnique, et que le deuxième objectif était l'indépendance complète. Le slogan de la révolution c’est : « La religion est à Dieu et la patrie est à tous. »

Tout au long de sa vie, Sultan n’a jamais abandonné ce slogan qu’il avait lancé ; pour lui, il est resté inébranlable, en paroles et en actes. Ce slogan était une gifle aux colonialistes français, prétendant faussement la croyance en la laïcité. Ce slogan était une réponse claire au rejet de la division du pays, planifiée par l'accord Sykes-Picot, qui a également abouti à la déclaration Balfour, que Sultan al-Attrache a complètement rejetée.


« La religion est à Dieu et la patrie est à tous » : c’est un slogan qui peut soulever des questions problématiques aujourd’hui, mais pendant la Grande Révolution syrienne de 1925-1927, c’était incontestable, et représentait les concepts : « laïcité » et « résistance ».

Lors des préparatifs des batailles, Sultan al-Attrache élaborait des plans militaires en consultation avec les commandants de terrain, en fonction de la zone où se déroulaient les batailles, et en fonction du positionnement des forces ennemies, de leur nombre et du volume de leurs munitions. Il était également toujours en coordination avec les commandants qu'il envoyait en campagne à l'extérieur du Djebel, et sa responsabilité était de leur assurer des munitions et de l'équipement.

Il est important de souligner que les négociations des hommes politiques syriens avec les autorités du mandat français dépendaient de la fermeté des révolutionnaires sur le terrain. La politique est, sans doute, d’une grande importance, mais la Grande Révolution syrienne, qui a surpris tout le monde, des politiciens nationalistes syriens et libanais aux politiciens français et européens, a commencé à imposer sa présence, surtout après la bataille de Mazraa. Tous les nationalistes se référaient toujours, dans leurs négociations, à l'avis de Sultan al-Attrache, qui consultait les révolutionnaires pour élaborer une opinion représentant tout le monde.

Tout au long de sa vie, Sultan al-Attrache n’a jamais employé « je », mais plutôt « nous ». Cela indique l’effacement de soi et l’incapacité à nier le rôle des autres !

Le 25 octobre 1929, pendant la période d'exil, se tint à Haditha, dans le Wadi al-Sirhan, la     « Conférence du désert », convoquée par Sultan al-Attrache. Des personnalités nationales de partis et d'organisations y ont participé. La conférence a pris des décisions très importantes qui ont eu un impact significatif sur le développement de la vie politique en Syrie, et sur le cours que les événements et les négociations ont pris par la suite, conduisant à l'évacuation.

Sultan al-Attrache et les révolutionnaires en exil ont insisté pour que cette conférence soit libre de toute influence étrangère et adhère aux principes des droits de l'homme, et que la Syrie reste attachée à ses droits légitimes et à son unité nationale globale dans la quête de libération du colonialisme. A l’issue de cette conférence, une résolution en six points a été annoncée, dans laquelle les révolutionnaires stationnés dans le désert ont condamné la suspension des travaux de l'Assemblée constituante en Syrie et les déclarations d’Henry Ponsot [Haut-commissaire de France au Levant, 1926-1933], ignorant la question nationale syrienne. La conférence a également dénoncé les décisions invalides du Congrès sioniste de Zurich [1929] et les attaques des Juifs contre les Arabes, appelant le gouvernement travailliste britannique à révoquer la célèbre Déclaration Balfour et à reconnaître les droits nationaux des Arabes et leur souveraineté dans leur propre pays afin d'assurer la paix mondiale et d'encourager des relations modernes entre les peuples, comme l'a fait la Grande-Bretagne en Égypte et en Irak. La conférence a également remercié les Arabes de la diaspora soutenant financièrement la patrie et les révolutionnaires et leurs familles, en exil.

Sultan al-Attrache croyait que la Grande Révolution syrienne avait duré douze ans, de 1925 à 1937, car son refus de rendre les armes, avec ses camarades révolutionnaires, signifiait que la résistance continuerait et qu'ils ne se rendraient pas au colonialisme. Les hommes politiques lui écrivirent également fréquemment pour lui demander son avis durant son exil de dix ans, de 1927 à 1937, durant lequel il a appelé à l'unification du monde arabe, afin de         « parvenir au succès de la cause syrienne, qui est le noyau de l'unité arabe ». Cela est considéré comme une prise de conscience claire de l’importance de parvenir à l’unité entre les Arabes. Durant cette période, il a résisté à d’énormes tentations, malgré toutes les difficultés qu’il a subies, avec sa famille, ses camarades et leurs familles !

Je mentionne ici que le responsable britannique, agissant en tant que représentant du roi George V, a rencontré Sultan al-Attrache à Azraq en 1927 pour discuter de la question de la déportation des révolutionnaires qui refusaient de rendre leurs armes. Ce représentant tenta de convaincre Sultan de la nécessité de mettre fin à la révolution sans condition et lui fit une offre royale, dont l'essentiel était qu’il vivrait dans un palais privé à Jérusalem, en plus d'un salaire mensuel lucratif à vie qui lui garantirait une vie confortable aux frais de l'Empire britannique. Mais Sultan a répondu : « Notre bonheur réside dans l’indépendance et l’unité de notre pays, la liberté de notre peuple et le retrait des forces étrangères du pays ». Lors de cette rencontre, le représentant du roi George V n'a pas oublié d'apporter avec lui de la nourriture et des boissons délicieuses et de les mettre devant les rebelles assoiffés et affamés. Cependant, les rebelles, sur ordre de Sultan, ne les ont pas touchés du tout. Sultan a refusé l’offre généreuse royale, ainsi que la nourriture !

Dans l’un des documents du ministère britannique des Affaires étrangères, pendant le mandat, se trouvant aux archives de la Bibliothèque nationale, le consul britannique au Levant a admis à son ministère des Affaires étrangères que Sultan al-Attrache avait obstinément refusé de coopérer avec la Grande-Bretagne malgré les tentatives répétées et persistantes des autorités. Il a écrit : « Sultan al-Attrache ne s’achète pas. »

Sa position sur l’enseignement était ferme ; en exil, il s'efforçait de faire en sorte que les fils et les filles des révolutionnaires soient éduqués et qu'une école soit construite pour eux dans le désert. Il a également fait don d’un terrain pour construire une école dans son village natal (Quraya) après son retour d’exil.

La Palestine et le plateau du Golan étaient son obsession jusqu’à la fin de sa vie.

Sultan al-Attrache a soutenu l'unité entre la Syrie et l'Égypte et la lutte du parti Baath.

De 1918 à 1946, il refusa à la fois le poste et l’argent. Il recommanda au défunt président Chukri al-Quwatli de préserver l’indépendance du pays pour la libération duquel les révolutionnaires avaient tant sacrifié ! Il réitéra cette recommandation plus tard, en 1960, devant le président Gamal Abdel Nasser. En 1981, devant le président Hafez al-Assad. Il a écrit cette recommandation dans son testament politique, diffusé par son fils Mansour devant le cortège funèbre d'un million et demie de personnes, au stade municipal de Sweida, le 28 mars 1982.

Sultan al-Attrache a signé la célèbre Charte nationale, qui a été signée par des personnalités nationales bien connues de toute la Syrie, notamment feu Hachim al-Atassi, dont le petit-fils, Radwan al-Atassi l'a publiée dans la biographie de son grand-père. Cette charte nationale comprenait les principes suivants :

1- Condamner le pouvoir individuel autoritaire et ne pas se conformer à ce qu’il édicte.

2- Exiger des élections justes qui établissent un régime constitutionnel et démocratique.

3- Respecter les libertés publiques et l’État de droit pour tous.

4- Protéger l’indépendance et la souveraineté.

5- Renforcer l’armée et limiter sa mission à la défense de la patrie et de sa sécurité.

Suite à cela, le colonel Adib Chichakli a lancé une campagne militaire injuste contre la population du gouvernorat de Soueïda, croyant qu'en agissant ainsi, il consoliderait les piliers de son pouvoir, contre lesquels tous les citoyens libres de la plupart des partis (y compris le parti Baath et le parti communiste) avaient lutté. 

Une centaine de martyrs non armés ont été tués au Djebel al-Arab pendant la campagne militaire (1954). Sultan al-Attrache a quitté son village et s'est dirigé vers la Jordanie pour éviter de nouvelles effusions de sang. Il a alors prononcé sa célèbre phrase : « Je refuse d'affronter les militaires de l'armée syrienne, car ce sont mes fils ! ». Sultan et ses compagnons ont marché, sous des chutes de neige, jusqu'en Jordanie. Il avait 66 ans à l’époque. À son arrivée à la frontière jordanienne, le gouvernement lui a envoyé une voiture sur laquelle flottait le drapeau britannique, mais il a refusé d'y monter, même s'il était poursuivi et que sa vie était en danger. Mais non, même dans les circonstances les plus difficiles, Sultan al-Attrache ne faisait pas appel aux étrangers ! Le gouvernement jordanien a été contraint d’envoyer une autre voiture avec le drapeau jordanien flottant dessus. Il accepta de la prendre avec ses compagnons, et ils entrèrent en Jordanie. Sultan et ses compagnons y sont restés jusqu'à ce que Chichakli quitte le pays ! Il revint victorieux au village.

Lorsque les gens sont venus le féliciter pour le meurtre de Chichakli, il leur a dit : « Je n'ai plus aucun lien avec lui depuis qu'il a quitté le pouvoir. Son assassinat était un acte individuel, et nous ne cherchons pas à nous venger ni à nous réjouir de sa mort ! »

Ce sont trois leçons exemplaires que Sultan al-Attrache a laissées aux Syriens d’aujourd’hui !

Dans un document des archives de ma famille, que j'ai éditées et publiées à la maison d’édition Abaad à Beyrouth, en cinq volumes, Sultan a écrit, en 1961 : « Ils ont dit que nous avons récolté le fruit de notre lutte, le fruit de cet arbre dont nous avons arrosé le sol avec notre sang. Non, ce fruit n’est pas encore mûr. Notre lutte est à l’état de fleur et n’a pas encore porté ses fruits, parce que nous ne nous sommes pas tous unis en tant qu’Arabes pour les récolter ensemble. Fils de la révolution et enfants du désert, c'est ainsi que nous nous sommes voués à être des sacrifiés sur l'autel du nationalisme arabe. Cet arbre ne portera pas de fruits tant que ses branches seront couvertes d’insectes… Il ne portera pas de fruits tant que la voix de la liberté de la Palestine ne s’élèvera pas pour éloigner le spectre des ambitions coloniales, concernant l’Irak, l’Égypte et la Jordanie. Après cela, quel fruit délicieux et mûr, symbole des générations qui ont porté le flambeau de la civilisation, dont la lumière ne s'éteindra jamais ».

Sultan al-Attrache s’est toujours méfié des ambitions coloniales qui prenaient mille formes. Il a laissé, alors, un testament politique à cet effet. 

Venons-en à ton père Mansour, fils de Sultan. Résume-nous son parcours

Il a étudié les sciences politiques et l'histoire à l'Université américaine de Beyrouth ; il a étudié le droit à l'Université de la Sorbonne à Paris. Il a été emprisonné pour des raisons politiques à trois reprises : en 1952 et 1954 à l'époque d'Adib Chichakli, et en 1966 après le Mouvement du 23 février. Il a vécu, ensuite, en exil à Beyrouth entre juillet 1967 et avril 1969, date à laquelle il est retourné à Damas.

Sultan et Mansour, 1971

Il est nommé ministre du Travail et des Affaires Sociales en 1963. Il était membre du Conseil présidentiel en 1964. Il a refusé d'accepter le poste de ministre à plusieurs reprises, notamment pendant la période de 1961 à 1963. Membre des directions régionales et nationales du parti. Il était président du Conseil National de la Révolution 1965-1966. Il a pris sa retraite et a travaillé dans l'agriculture.

 Il était Président du Comité arabe syrien pour la levée du siège et le soutien à l'Irak de 200 à 2006 et membre fondateur du Comité de soutien à l'Intifada de 2000 à 2006. 

Il était marié à l'enseignante, à l’École Normale Supérieure, Hind al-Choueiri, chrétienne orthodoxe de Damas, et il a eu deux enfants : Thaer (ingénieur civil) et moi, Rim (traductrice et écrivaine).


Mansour en 2005

Dans une interview publiée au quotidien Al Khalij, le 23 mai 1993, Mansour al-Attrache a déclaré ce qui suit :

« Nous sommes responsables et notre génération est condamnée. Si, un jour, j’écris mes mémoires, je les intitulerai “La génération condamnée” .

« Condamnée pourquoi ? Parce que nous, en tant que génération, n’avons pas été fidèles aux objectifs que nous avions fixés pour le parti Baath, et nous n'avons pas été fidèles à la voie honnête vers ces objectifs. Nous nous sommes noyés dans des excuses pour nous protéger de la chute du pouvoir, et nous sommes donc tombés moralement et éthiquement. Nous ne ressentons plus aucun lien entre nous et la première image du parti Baath...

« Sur le plan personnel, je peux dire que je suis tombé avec la génération, mais je me suis sauvé en tant qu’individu. Je n’ai violé les droits de personne, je n’ai pas changé et je ne me suis pas noyé dans les tentations du pouvoir. De ce point de vue, j’ai la conscience tranquille et je me considère libéré des maux de cette expérience, ce qui a renouvelé ma détermination à entreprendre une œuvre nationale, d’ambition modeste, qui répond aux nécessités de la phase actuelle que traverse la Nation arabe.

« Mais je crois franchement que le salut d’un individu face à toute lacune dans le travail national ou à toute accusation morale dans le cadre de son travail politique, n’a pas beaucoup de valeur, car l'individu, malgré son rôle parfois important dans le travail politique, ne peut pas sauver la génération de sa responsabilité dans l'échec ».

À ton avis, qu’auraient fait Sultan et Mansour dans la Syrie de 2025 ?

Mon grand-père Sultan et mon père, Mansor, croyaient en l’unité de la Syrie et du Levant, ainsi qu’en la nécessité d’une intégration entre les pays du monde arabe, pour former une force politique et économique significative. Ils ne peuvent donc pas être convaincus par la division et la fragmentation du pays, sur une base confessionnelle et ethnique. Je crois plutôt que s’ils étaient présents en Syrie aujourd’hui, ils auraient œuvré pour soutenir le dialogue national entre les Syriens afin de parvenir à une constitution qui protège la citoyenneté, et de préserver la liberté, l’indépendance et le pluralisme, dans le but de consolider la démocratie participative et la séparation entre les trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ils auraient œuvré aussi pour réaliser la confédération du Levant, basée sur un programme national clair. Ils auraient également souligné la nécessité de libérer la Palestine du fleuve à la mer, et d’expulser toutes les armées étrangères se trouvant maintenant en Syrie et dans tout le Levant.



Sultan en 1950

Comment définir l’être Druze dans le monde d’aujourd’hui, où les Druzes, comme tous les Syriens, les Palestiniens et autres, sont devenus un « peuple-monde », présent du Venezuela (où on les appelle les Bani Zuela) à la Scandinavie et à l'Australie, en passant par la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine, dite « Israël » ?

Le nombre d’expatriés du Levant est très important, notamment depuis la guerre civile libanaise, ainsi que depuis 2011 en provenance de Syrie, depuis 1948 en provenance de Palestine et depuis 1967 en provenance du plateau du Golan, en raison de l’occupation sioniste. Les Druzes de la diaspora sont, pour la plupart, des Syriens, des Libanais, des Palestiniens, des Jordaniens et, finalement, des Arabes. Quant aux nouvelles générations, elles appartiennent au pays d’expatriation dans lequel elles se trouvent et se sont largement intégrées. Il existe cependant un fil très fin qui relie encore la plupart d’entre eux au patrimoine de leur pays et à leur communauté religieuse. Cela s’est clairement manifesté, par exemple, par leur soutien matériel et moral des druzes en Syrie pendant l’épreuve syrienne qui dure depuis 2011 et qui continue encore aujourd’hui, d’autant plus que le peuple syrien est aujourd’hui à 90 % en dessous du seuil de pauvreté !

Quels sont les rapports entre les Druzes du Djebel Druze, du Golan, de Damas, du Liban et de la Palestine de 1948, dite « l’Israël » d’aujourd’hui ?

Les monothéistes ou les Druzes ne s'abandonnent jamais. Il s’agit des mêmes familles, réparties en Syrie, sur le plateau du Golan syrien occupé, au Liban, en Jordanie et en Palestine occupée. À l’origine, il s’agissait de tribus arabes venues du Yémen, et elles constituent une confession islamique du chiisme des sept Imams. Les monothéistes n’abandonnent pas leurs terres ni leurs armes, car les armes protègent la terre et l'honneur, et ils ne s'abandonnent pas, en raison de leur parenté et de leur nombre restreint. On constate donc que, dans le cas d’une menace existentielle pour certains d’entre eux, ils se rangent tous du côté de celui qui se trouve sous cette menace. C’est ce qui s’est passé, par exemple, en 1982 au Mont Liban.

Peut-on rêver à une confédération transnationale druze ?

Je ne crois pas que ce soit un rêve politique druze. Car tout au long de leur histoire, les Druzes ont adopté des positions patriotiques pour construire un État national et se libérer du colonialisme occidental et turc.

As-tu autre chose à ajouter ?

J’aimerais ajouter ici une partie du testament politique de Sultan al-Attrache, seul révolutionnaire syrien à avoir laissé un tel testament :

« Je vous dis, chers Syriens et Arabes, que vous avez devant vous un long et difficile chemin, exigeant deux types de djihad : le djihad contre votre instinct confessionnel et le djihad contre l’ennemi. Soyez donc patients, comme les hommes libres, et que votre unité nationale, et la force de votre foi soient votre chemin pour repousser les complots de l’ennemi, expulser les usurpateurs et libérer le pays. Sachez que préserver l’indépendance est votre responsabilité, après que de nombreux martyrs sont morts pour elle et que beaucoup de sang a été versé pour l’obtenir. Sachez que l’unité arabe est force et puissance, qu’elle est le rêve de générations et la voie du salut. Sachez que ce qui a été usurpé par la force sera rendu par l’épée, que la foi est plus forte que toute arme, que l’amertume dans la gloire est plus douce que la vie dans l’humiliation, que la foi est chargée de patience, préservée par la justice, renforcée par la certitude et fortifiée par le djihad.

Sachez que la piété est pour Dieu, que l’amour est pour la terre, que la vérité victorieuse, que l’honneur est dans la préservation des mœurs, que la fierté est dans la liberté et la dignité, que le progrès est par la connaissance et le travail, que la sécurité est par la justice, et que la coopération fait la force ».

Sultan avec Rim, Falougha, Liban, 1971

RED DE SOBREVIVIENTES DE ABUSO SEXUAL POR SACERDOTES
Tres papas, tres traiciones: ¿será usted el cuarto?
Carta abierta al nuevo papa

“NOSOTROS, LOS NIÑOS DE LA IGLESIA”
UNA EXHORTACIÓN AL NUEVO PAPA

SNAP, 8-5-2025

Traducido por Tlaxcala

Nosotros, antes niños de la Iglesia, llevamos en nuestros cuerpos y memorias las heridas invisibles de la violencia sexual: nuestros propios estigmas espirituales. Sin embargo, nuestra voz colectiva, que se eleva desde lo que alguna vez fue indecible, es un acto de resurrección. Restaura la humanidad que nos ha sido violentamente arrebatada y nos permite comenzar una nueva vida.

8 de mayo de 2025


Su Santidad

Palacio Apostólico

00120 Ciudad del Vaticano 

Jueves, 8 de mayo de 2025 

Le escribimos como la organización más antigua e importante del mundo que representa a las víctimas de violaciones, agresiones sexuales y abusos cometidos por sacerdotes, religiosos y religiosas, ministros laicos y voluntarios de la Iglesia católica.

Desde hace más de 35 años, hemos apoyado a más de 25,000 sobrevivientes en todo el mundo. Antes del cónclave que lo eligió, lanzamos una nueva iniciativa mundial en favor de los sobrevivientes, Conclave Watch, una base de datos que detalla cómo los cardenales que lo eligieron han facilitado y encubierto casos de abuso cometidos por miembros del clero.

Antes, éramos los niños de la Iglesia.

El delincuente sexual siempre comete dos crímenes: primero roba el cuerpo, luego la voz. 

Muchos de los cardenales que lo eligieron han encubierto los crímenes cometidos en nuestra contra, y los sacerdotes y otras personas que nos agredieron tienen un valor social y un prestigio muy superiores al de cada uno de nosotros, ya sea de manera individual o colectiva. 

El teatro y los aplausos internacionales que rodearon su elección lo demuestran de manera inequívoca. No es natural, en un momento como este, querer conocer el tipo de aflicción sexual y espiritual de la que fuimos víctimas en nuestra infancia. Tal conocimiento perturba y amenaza el funcionamiento ordinario de la Iglesia.

¿Quién, comprometido en la oración y la alabanza por su ascensión, quiere conocer este rostro oculto, repudiado y obsceno de su Iglesia?

 Nadie, excepto aquellos que están motivados por la única razón verdadera de querer conocerlo: la justicia.

Si el sacerdote y los otros delincuentes han robado nuestros cuerpos, son los cardenales y los obispos de la Iglesia, así como los tres papas que les precedieron, quienes han robado nuestras voces.

Imagínese nuestra decepción y desesperación al descubrir que usted es uno de ellos.

Sus primeras palabras deben dirigirse a los sobrevivientes y a los niños de la Iglesia

Esperamos que algunos nos critiquen por haber planteado esta cuestión en un momento en que el mundo celebra su elección. Pero ¿cuándo es entonces el momento adecuado para hablar de la alarmante realidad de la violación y la violencia sexual contra los niños, que ocurre cada minuto de cada hora de cada día en este mundo convulso?

Poco antes de su muerte, el Papa Francisco organizó una cumbre de líderes mundiales sobre los derechos del niño (1) y firmó una declaración en la que se establecen ocho principios para la protección y el respeto de los derechos del niño. A raíz de esta cumbre, anunció su intención de publicar una exhortación apostólica especial dirigida directamente a los niños, con el objetivo de educarlos y empoderarlos para que conozcan sus derechos.

Pero no alcanzó a vivir para completar esta exhortación. Esa tarea le corresponde ahora a usted. Las primeras palabras que usted pronuncie como Papa deben dirigirse a los sobrevivientes y a los niños de la Iglesia.

Pero, ¿cómo va a proclamar su compromiso de defender los derechos de los niños en el mundo y denunciar a quienes no lo hacen, cuando según las leyes de la Iglesia, las personas vulnerables no tienen esos derechos? Además, ¿cómo puede hacerlo cuando muchos de sus colegas obispos actualmente violan esos mismos principios?

Las Naciones Unidas, las comisiones estatales sobre abusos y los sobrevivientes como nosotros hemos pedido repetidamente al Papa Francisco promulgar una verdadera ley universal de tolerancia cero para los abusos sexuales y el encubrimiento de abusos. No existe tal ley en la Iglesia. ¿Por qué decenas de miles de clérigos, que usted y sus colegas obispos de todo el mundo saben que han violado y abusado sexualmente de niños y personas vulnerables, siguen ejerciendo su ministerio hoy en día? ¿Por qué cualquier obispo del mundo, incluido usted, puede ocultar casos de violación y trasladar a los delincuentes a nuevos destinos donde es probable que vuelvan a abusar?

Sin una nueva ley universal de tolerancia cero, los abusadores conocidos pueden ejercer legalmente y presentarse como sacerdotes en regla en las parroquias y las escuelas, y ante las familias. Las leyes actuales de la Iglesia no protegen ni hacen cumplir los derechos de los niños. Ellas protegen y apoyan la inmunidad de obispos y clérigos que abusan de menores, obstruyen la justicia civil y encubren delitos sexuales.

Lo que debe ser la verdadera tolerancia cero universal bajo su pontificado

Nos dirigimos a usted con un espíritu de cólera profética, frustración, amor y una llamada a la justicia. Asumir el papel de profeta, es decir, exhortar al jefe de la Iglesia católica a respetar sus propias palabras y compromisos, es una tarea ingrata e inoportuna. Sin embargo, los sacerdotes, religiosos y religiosas, ministros laicos y voluntarios que han abusado de nosotros, los obispos que lo han encubierto y los papas finalmente responsables de ello nos han obligado a adoptar esta postura. Estamos decididos a permanecer fieles a la misión que nos han confiado los hijos de la Iglesia.

San Francisco de Asís dijo: “Empieza por hacer lo que es necesario, luego haz lo que es posible; y de repente, estarás haciendo lo imposible”.

Hemos redactado cuidadosa y meticulosamente, palabra por palabra y línea por línea, la primera ley verdaderamente universal de tolerancia cero que cumple con los requisitos y normas del derecho canónico y del derecho internacional de los derechos humanos (2) Esta ley es necesaria. Permitirá retirar legal y rápidamente del ministerio a los sacerdotes que son conocidos delincuentes en todo el mundo, y empezar a exigir responsabilidades a los obispos por sus actos. Al hacerlo, podremos lograr lo que parece imposible: crear una Iglesia en la que ninguna persona que haga daño a los niños y a las personas  vulnerables pueda ser sacerdote, y en la que ninguna persona  que encubra a sus compañeros sacerdotes pueda volver a ser obispo o sentarse en la silla de San Pedro.

San Francisco también hizo la famosa observación: “Tus acciones son el único sermón que la gente necesita oír”. Firmar la tolerancia cero en la ley de la Iglesia y ponerla en práctica como Papa será la única exhortación que los niños del mundo necesitarán oír de su parte.

Transición hacia una iglesia sin abusos

Con la ayuda de la comunidad internacional, estamos poniendo en marcha un proceso claro, pragmático y factible para resolver esta catástrofe, pero sólo podrá tener éxito si usted participa con nosotros en un proceso mundial de justicia transicional dirigido por los supervivientes para abordar por fin el legado de la Iglesia de abusos sexuales y su encubrimiento.

Este modelo exige la plena implicación del Vaticano, especialmente lo que concierne la revelación de la verdad, la restitución y la reforma, pero no debe estar controlado por la Iglesia. Ofrece un camino hacia una Iglesia post-abusos basada en la transparencia, la justicia y la sanación.

Este modelo debe adherirse a los principios fundamentales de justicia reconocidos internacionalmente por los supervivientes, las Naciones Unidas y los organismos y organizaciones internacionales de derechos humanos, especialmente en el contexto de abusos sistemáticos y generalizados de los derechos humanos. Debería ser responsabilidad de los supervivientes liderar este proceso basándose en su experiencia como víctimas de estas violaciones. Para que se produzca una verdadera reconciliación, los líderes de la Iglesia deben primero demostrar, aceptar y proclamar la verdad sobre su complicidad en estos crímenes y violaciones. Por ello, la Santa Sede no puede controlar el proceso, sino que debe cooperar plenamente y de buena fe con un organismo externo. Por último, los componentes de este modelo deben aplicarse universalmente a toda la Iglesia mundial:

  • Una comisión mundial para la verdad, independiente y con la plena cooperación del Vaticano. Esta comisión organizará audiencias regionales, documentará los abusos y los encubrimientos y exigirá el pleno respeto de las normas por parte del Vaticano, incluyendo la apertura de todos los archivos relacionados con los abusos

Una ley universal de tolerancia cero promulgada en el derecho canónico, que elimine a todos los autores de abusos y a los funcionarios cómplices.

Participar de manera proactiva en acuerdos internacionales que exijan la transparencia de las iglesias y el apoyo a las acciones judiciales. Los concordatos deberían incluir obligaciones de declaración. 

Un fondo de reparación apoyado por los activos de la iglesia para ofrecer una justa restitución a los sobrevivientes. Esto incluye atención psicológica, restitución financiera, educación y vivienda. Los actos públicos de restitución deberían incluir conmemoraciones y reconocimientos oficiales de la Iglesia. 

Formar un Consejo mundial de sobrevivientes con la autoridad para supervisar la implementación y el cumplimiento de la ley. Este consejo requerirá la cooperación y participación de las conferencias episcopales y de los órganos jurídicos internacionales.

Si usted no se une a nosotros para tomar estas medidas, todos los esfuerzos realizados para combatir la catástrofe de los abusos cometidos por miembros del clero se convertirán en los mismos fracasos repetidos, en una nueva generación de depredadores clericales y en la continuación de este traumatismo mundial.

Tres papas, tres traiciones: ¿será usted el cuarto?

Después de la resurrección, Jesús le dijo a Pedro: “Cuando eras joven, te vestías solo e ibas adonde querías; pero cuando seas viejo, extenderás las manos, y alguien más te vestirá y te llevará a donde no quieras ir”. (Juan 21:18)

A diferencia de usted y de Pedro, muchos de nosotros no hemos conocido la libertad de la juventud. De niños, no se nos permitía vestirnos solos ni ir a donde queríamos. En cambio, nos llevaban  a lugares de total sumisión, despojo y desesperación, lugares donde sentimos la ausencia de Dios, un poco como lo que Cristo vivió en la cruz.

Hoy, usted lleva el peso de esta carga. Los abusos a menores por parte de ciertos sacerdotes y el encubrimiento de estos crímenes por los obispos lo involucran directamente. Esta historia lo obliga a enfrentarse a la traición de la inocencia, llevándolo a un lugar al que no quiere ir.

Como Obispo de Roma, usted es el sucesor directo de San Pedro, a quien usted considera que fue el primer Papa, elegido no por los hombres, sino por el mismo Cristo. Sin embargo, uno de los grandes misterios de la fe es que Jesús no eligió a Pedro por su valentía o su honestidad; sabía que Pedro lo traicionaría. Jesús sabía que Pedro negaría su inocencia y mentiría al respecto, no una, sino tres veces. En otras palabras, nuestro primer Papa era un cobarde y un mentiroso.

Usted será el cuarto Papa sucesivo desde la revelación pública a los católicos y al mundo entero de los abusos generalizados y sistemáticos contra los niños. Sus tres predecesores aceptaron el oficio papal plenamente conscientes de que habían traicionado la inocencia de los niños de las diócesis que se les habían confiado. Cuando se convirtieron en papas, ninguno declinó el cargo por vergüenza o indignidad por lo que había sucedido: ni Karol Józef Wojtyła en Polonia, ni Joseph Alois Ratzinger en Alemania, ni su predecesor, Jorge Mario Bergoglio en Argentina. Ninguno de ellos se acercó a la silla papal y, como Pedro, no confesó sus pecados, ni lloró amargamente y no juró no volver a traicionar a los inocentes. Como ellos, ¿ no reconocerá plenamente lo que usted y sus colegas obispos han hecho y siguen haciendo?

Jesús le reservó a Pedro algunas de sus reprimendas más virulentas, diciéndole: “¡Apártate de mí, Satanás!” cuando Pedro no comprendió el costo real de la vida de discípulo. Sin embargo, a pesar de sus defectos, Pedro siguió siendo aquel a quien Cristo confió la dirección de la Iglesia.

La traición de los inocentes no es, en sí misma, un obstáculo para sentarse en la silla de san Pedro, siempre y cuando se siga el ejemplo de Pedro. Pedro no justificó sus actos. No se excusó a sí mismo. No se protegió de la devastadora toma de conciencia de lo que había hecho.

¿Deberán los niños y las personas vulnerables de su Iglesia soportar un cuarto papa que los traicionará, a ellos y a todos los inocentes confiados a su cuidado? ¿O será usted el primer papa que ponga fin a este flagelo y sane las heridas abiertas dejadas por la larga historia de la Iglesia católica en materia de violencia sexual?

Atentamente, 

La red de sobrevivientes de abuso sexual por sacerdotes

(SNAP, la red de sobrevivientes, ha estado apoyando a las víctimas de abusos sexuales en entornos institucionales durante más de 35 años. Nuestra red cuenta con más de 25,000 sobrevivientes y simpatizantes. Nuestro sitio web es https://www.snapnetwork.org )

Notas

(1) “Discurso del Santo Padre Francisco a los líderes mundiales que participan en la Cumbre sobre les derechos del niño”. 3 de febrero de 2025 

[2] “Recomendaciones de Tolerancia Cero de SNAP”. Red de sobrevivientes de abusos por sacerdotes


12/05/2025

ANÍBAL QUIJANO ET AL.
Écrits sur la colonialité du pouvoir

Le penseur péruvien Aníbal Quijano (1928-2018) inventa le concept de “colonialité du pouvoir”, développé dans deux textes fondateurs de 1992 et 1997, rendus enfin accessibles en français. Ce recueil est complété par une présentation de sa vie et son œuvre et par une analyse critique de ces textes par Abraham Acosta. Avec en bonus un texte de parodie de la littérature ethnologique eurocentrée, par l’anthropologue Horace Miner.

Éditions The Glocal Workshop/L’Atelier Glocal

Collection Tezcatlipoca

Mai 2025

94 pages

Classification Dewey : 001.012 - 320.01

Table des matières

Avant-propos 3
Aníbal Quijano, sa vie, son œuvre 4
Textes d’Aníbal Quijano existant en français 13
Textes sur Aníbal Quijano 13
Colonialité et modernité/rationalité 14
Europe, colonialité culturelle et modernité/rationalité 19
La question de la production de savoir 20
La question de la totalité dans la connaissance 23
Reconstitution épistémologique : la décolonisation 27
Colonialité du pouvoir, de la culture et du savoir en Amérique Latine 31
“Globalisation” et réoriginalisation de l’expérience et de la culture 32
Colonialité du pouvoir, dépendance historico-structurelle, eurocentrisme 34
Entre imitation et subversion culturelle 40
Subversion – Réoriginalisation culturelle et révolution – contre-révolution sociale 42
Les rites corporels chez les Nacirema 49
Sources (dé)coloniales : la colonialité du pouvoir, la réoriginalisation et la critique de l’impérialisme 58

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A4 A5



11/05/2025

OFRI ILANY
Le sionisme n’a pas toujours été raciste. Les problèmes ont commencé quand des Russes s’en sont emparés

Le sionisme n’est pas né comme un mouvement raciste et colonialiste [sic]. Son tournant désastreux s’est produit lorsqu’il a été pris en main par des “révolutionnaires” russes

Ofri Ilany, Haaretz, 9/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


En février 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le général de division (ER) Gershon Hacohen des Forces de défense israéliennes (FDI) a participé à un débat sur l’événement sur la chaîne de télévision israélienne Kan. Contrairement à la ligne alors dominante dans les médias, Hacohen a exprimé une position résolument pro-russe. Kiev, a-t-il souligné, est le berceau de la civilisation russe, ajoutant que les frontières internationales ne sont pas sacrées et que le pouvoir du président Vladimir Poutine est légitime aux yeux du peuple russe.


Ben-Gourion

Le cas historique sur lequel il fonde son soutien à la Russie n’est pas moins provocateur. « Israël a été construit par des Juifs russes, comme mon grand-père, qui venaient de ces régions », a déclaré  Hacohen. « L’expérience du MAPAI n’était ni éclairée ni libérale » a-t-il ajouté en faisant référence au parti au pouvoir de Ben-Gourion, précurseur du parti travailliste. Tout comme Poutine, a-t-il ajouté, « Ben-Gourion pensait à une expansion constante dans la région, car la bande côtière de Tel-Aviv n’est qu’une porte d’entrée à la Terre d’Israël ».

Le point de vue de Hacohen sur le sujet a été englouti dans le flot de bavardages entre les panélistes de la télévision. Mais elle mérite un second regard, car elle révèle une vérité. L’analyse politique de Hacohen est brutale et sombre, mais son argument historique est juste. Israël a en effet été créé par des Russes, et la culture politique énergique, violente et antilibérale de l’Empire russe fait partie de son ADN.

Et c’est là notre désastre.

Les historiens, les sociologues et les journalistes débattent souvent de la question de savoir d’où vient le culte de la force d’Israël. C’est une mentalité brutale qui nous a actuellement amenés à un nadir moral sans précédent : le massacre cruel et aveugle des Palestiniens.

L’opinion largement répandue à gauche et au centre tend à en attribuer la responsabilité au messianisme religieux, mais la tendance sioniste à l’expansion et à la colonisation a commencé lorsqu’Israël était gouverné par des dirigeants laïques, dont certains prônaient un socialisme scientifique. Certains considèrent le sionisme comme un mouvement colonialiste et raciste dès l’époque de Theodor Herzl, même si dans « Altneuland », le roman écrit par le fondateur du sionisme politique, les Arabes jouissent de droits égaux à ceux des Israéliens.

En pratique, le tournant calamiteux de la culture politique israélienne s’est produit lorsque le mouvement sioniste a été récupéré par la secte politique russe, en particulier celle issue de la Seconde Aliya (la vague d’immigration juive en Palestine de 1904 à 1914). La culture russe possède des aspects nobles et a atteint des sommets intellectuels et culturels. Mais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la Russie connaît des bouleversements politiques spectaculaires qui engendrent une culture politique brutale, méprisant la tolérance et les Lumières.


Jabotinsky et les hommes du Betar, son groupe paramilitaire, en 1929 et en 1939


Diverses formes d’idéologie, allant du nationalisme au socialisme, voient le jour et marqueront le XXe siècle de leur empreinte. Ce terreau politique a donné naissance au bolchevisme, ainsi qu’à l’activisme politique juif. C’est dans cet environnement conceptuel que naissent le sionisme pratique et le mouvement révisionniste de Ze’ev Jabotinsky. Joseph Trumpeldor, le soldat-pionnier d’origine russe qui était admiré par les deux branches, peut être considéré comme une figure représentative de cette mentalité.

C’est de cette culture que sont issues les figures dominantes qui ont façonné l’histoire d’Israël : non seulement Ben-Gourion, mais aussi les familles de Moshe Dayan et d’Ariel Sharon. Le grand-père de Bibi, Nathan Mileikowsky, a atteint sa maturité politique dans les cercles sionistes russes.

Rav Nathan Mielikowsky(1879-1935), le grand-père de Bibi. “Netanyahu” était son nom de plume

Il existe également d’autres sources d’influence dans le sionisme, notamment en Europe centrale. Mais même si le judaïsme allemand suscite beaucoup de curiosité, l’impact des yekkes, comme on les appelait, est négligeable. Les intellectuels et les dirigeants sépharades sont encore plus marginaux. L’influence de la culture humaniste polonaise fut également piétinée, malheureusement, par la machine politique russe. il faut dire qu’ils étaient vraiment durs et déterminés, et qu’ils étaient plus prêts que d’autres au sacrifice et à un mode de vie spartiate.


Walter Moses, l’un des dirigeants du mouvement de jeunesse juif-allemand Blau-Weiss et, après son immigration en Palestine, chroniqueur à Haaretz, a décrit les attributs des Russes dans une chronique publiée en 1951. Moses était dédaigneux des Russes et de leurs traits de caractère. Comme beaucoup de yekkes, il pensait que les Juifs russes sont de qualité humaine inférieure, qu’ils manquent d’éducation et de culture. En même temps, il reconnaît que leur dévouement à la cause est indéniable.

« Ces Moscovites possédaient un attribut qui n’est présent dans aucune autre tribu du peuple juif : le Saint-Esprit s’accrochait à eux », écrit Moses. « Ils étaient des idéalistes fanatiques, dotés d’une vertu morale et d’un niveau éthique que l’on ne retrouve qu’à quelques époques de l’espèce humaine, prêts à tous les sacrifices, enthousiastes face à toutes les idées impossibles, ne se laissant décourager par aucune tâche ni aucun travail, aussi onéreux soit-il, s’attaquant à tous les problèmes avec le plus grand sérieux, et souvent avec trop de sérieux ».

Culturellement, ce sérieux et cette rigidité idéologique ont transformé le sionisme en un désert esthétique, dépourvu d’humour et d’éros, et rappelant la toundra gelée de Sibérie. Un sol tendu, dur et cruel. Mais pire encore, le monde conceptuel de la force en Russie justifiait le piétinement des minorités, la colonisation et la prise agressive de territoires.

Dans les limites du camp

Si tel est le cas, la dette politique du sionisme à l’égard de la culture politique russe est en fait assez évidente. Alors, pourquoi n’en parle-t-on pas ou ne la soumet-on pas à la critique ? Il arrive que l’on entende des points de vue critiques. À la fin des années 1950, par exemple, les journalistes Uri Avnery et Boaz Evron ont noté qu’Israël était toujours lié aux modèles idéologiques de la deuxième aliya. Et c’est peut-être encore le cas aujourd’hui.

En fin de compte, cependant, personne n’a vraiment intérêt à poursuivre cette ligne de pensée. La critique du sionisme émane de la gauche radicale, mais à la base, ce camp de gauche est pro-soviétique et vise l’impérialisme usaméricain et le colonialisme occidental. Ironiquement, le débat sur le sionisme, pour ou contre, reste dans les limites du camp des héritiers de la culture politique russe.

Les révisionnistes historiques, bien qu’appartenant à une culture politique différente, étaient en fin de compte une branche de la même famille. L’historienne Anita Shapira, connue comme historienne sioniste avec un penchant mapainik, a noté dans son livre de 1992 « Land and Power : The Zionist Resort to Force, 1881-1948 » (Stanford University Press), que la violence politique des révisionnistes avait également ses racines dans la gauche révolutionnaire russe.

« Cessez votre cruelle oppression des Juifs « : Le président Theodore Roosevelt au tsar Nicolas II : « Maintenant que vous avez la paix à l’extérieur, pourquoi ne pas lui enlever son fardeau et avoir la paix à l’intérieur de vos frontières ? ».  Chromolithographie d’Emil Flohri, 1904, suite au pogrome de Kichinev de 1903


« Le monde intellectuel auquel une grande partie de la gauche se sentait attachée n’était pas celui de la social-démocratie, mais plutôt l’idéologie révolutionnaire violente nourrie dans la zone de résidence*.
 
Ses symboles et ses modèles n’étaient pas tirés des mouvements du socialisme réformiste, mais principalement de ceux de la Russie bolchevique. Leur vision du monde ne rejetait pas d’emblée la violence comme moyen d’action », écrit Shapira. Les germes de la violence d’extrême droite ont été nourris par l’idéologie révolutionnaire de la gauche russe.

La culture politique russe est si profondément ancrée dans le projet sioniste qu’il est aujourd’hui presque impossible d’imaginer une trajectoire historique différente. Les réalisations d’Israël sont également attribuées pour l’essentiel à cette mentalité révolutionnaire et partisane débridée.

Mais aujourd’hui, à un moment de l’histoire où la Russie et Israël sont deux entités brutales qui sèment l’horreur et la destruction, la ressemblance est à nouveau visible à l’œil nu. Et ce n’est pas une coïncidence. S’il y a un espoir pour Israël, c’est de se libérer de cet héritage politique catastrophique.
QDT1000NIS (Question du traducteur à 1000 shekel) :
Si je comprends bien, les fondateurs allemands et austro-hongrois du mouvement sioniste, Herzl et Nordau, étaient des enfants de chœur tendance bisounours. Les méchants étaient des russo-bolcheviks. Sauf que Jabotinsky n'a pas envoyé ses miliciens se former en URSS, mais dans l'Italie de Mussolini. Bibi = Poutine ? Donc Zelensky= Hamas ?
NdT

* Créée en 1791 par l’impératrice Catherine II de Russie, la zone de résidence (en russe : Черта оседлости, tchertá ossédlosti ; en yiddish : דער תּחום-המושבֿ, der tkhum-ha-moyshəv ; en hébreu : תְּחוּם הַמּוֹשָב, t’hum hammosháv ; en allemand : Ansiedlungsrayon ; en polonais : Strefa osiedlenia) était la région ouest de l’Empire russe où les Juifs, enregistrés comme tels, étaient cantonnés de force par le pouvoir impérial russe, dans des conditions matérielles souvent misérables, jusqu’à la Révolution de février 1917.


 

ORLY NOY
Ce qu’un « sommet de la paix » révèle sur l’état de la gauche israélienne

Des ateliers de dialogue bien intentionnés, des panels sur des solutions politiques lointaines, mais aucune mention du génocide : ce sont des distractions privilégiées que nous ne pouvons plus nous permettre.
Orly Noy, Local Call/+972 Magazine 7/5 /2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Orly Noy est née à Téhéran en 1979. Elle s’appelait alors Mozghan Abginehsaz. Arrivée en Palestine avec ses parents en janvier 1979, elle a dû changer de prénom puis a adopté le nom de famille de son mari Chaim par commodité. Elle s’est engagée à l’adolescence dans la défense des droits des Mizrahim (les Juifs orientaux) et dans les efforts pour établir des alliances entre Palestiniens et Mizrahim. Traductrice, elle a notamment traduit en 2012 le roman Mon oncle Napoléon, d’Iraj Pezeshkzad en hébreu. Présidente du CA de l’ONG B’Tselem, elle est rédactrice en chef du site ouèbe Local Call et milite au parti Balad-Tajamu, créé et animé par des Palestiniens de 1948 et comptant dans ses rangs des militants juifs. 
Ce week-end, une coalition de 50 organisations israéliennes de paix et de partage social s’est réunie à Jérusalem pour le « Sommet du peuple pour la paix » - un rassemblement de deux jours qui vise, selon son site Internet, à « [travailler] ensemble avec détermination et courage pour mettre fin au conflit israélo-palestinien par le biais d’un accord politique qui garantira le droit des deux peuples à l’autodétermination et à des vies sûres ». 


Ici, en Israël-Palestine, nous vivons une période sombre et amère, comme nous n’en avons jamais connue auparavant. Dans ces circonstances, une démonstration de force aussi impressionnante de la part de la gauche réveillée est sans aucun doute importante et significative, et je tire mon chapeau à tous ceux qui travaillent à créer un changement vers un avenir meilleur.

Pourtant, il faut reconnaître que la conférence se déroulera au milieu d’un génocide en cours, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, et qui est susceptible de s’intensifier encore dans un avenir proche. Après avoir examiné attentivement le programme très dense des activités et des panels de la conférence, le mot « Gaza » n’apparaît que dans un seul événement, intitulé : « La paix après le 7 octobre - Voix de l’enveloppe de Gaza et de Gaza », qui présente « [des] résidents [israéliens] de la zone frontalière de Gaza et des survivants du massacre, ainsi que des messages vidéo d’activistes pacifistes à Gaza ».

Plus d’un an et demi après l’anéantissement systématique de la bande de Gaza par Israël, les seules victimes que les organisateurs de l’événement semblent vouloir reconnaître sont les victimes israéliennes du massacre du 7 octobre. Les habitants de Gaza - ceux qui font face à un génocide - doivent être désignés comme des « militants de la paix » afin d’obtenir la légitimité d’exprimer leur point de vue devant les participants.

Cela soulève des questions troublantes : Comment le « camp de la paix » conçoit-il son rôle en ces temps sans précédent ? Et, plus fondamentalement encore, comprend-il l’ampleur du génocide dans lequel nous nous trouvons ?

Faire face à une nouvelle réalité

C’est peut-être la volonté d’être « du peuple » qui a conduit les organisateurs à choisir des titres aussi stériles et rassurants pour un grand nombre d’événements de la conférence : « Woodstock pour la paix« , avec une “journée entière de connexion à la terre, à la nature, à la paix et à l’espoir” ; “Des jeunes Israéliens et Palestiniens présentent leur point de vue sur le mot ”paix’ » ; « Il y a un chemin » ; « L’espoir de Jérusalem » ; etc.

Le désir d’offrir de l’espoir, à une époque où il est si profondément absent, est compréhensible. Mais lorsque pas un seul événement du programme de la conférence n’est consacré au génocide en cours à Gaza, cet espoir devient, au mieux, détaché de la réalité et, au pire, une échappatoire dépolitisée cherchant à abrutir et à engourdir.

Parallèlement, la conférence comprend plusieurs tables rondes traitant des solutions politiques potentielles futures et des cadres pour « mettre fin au conflit ». Cela suggère que, malgré ce qui se déroule sous notre nez, les organisateurs pensent que le rôle principal de la gauche israélienne reste inchangé : insister sur le fait que le conflit israélo-palestinien n’est pas inévitable et que des solutions existent pour bénéficier à toutes les personnes vivant entre le fleuve et la mer. À mon avis, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de réexaminer non seulement la réalité, mais aussi notre rôle au sein de celle-ci.

L’accent mis sur les « solutions politiques » implique que ce qui nous fait le plus défaut aujourd’hui, c’est « l’imagination politique », un concept fréquemment invoqué lors de la conférence. Cette hypothèse mérite d’être remise en question. Ce qui se passe à Gaza n’est pas le résultat d’un manque d’imagination de la part des Israéliens et des Palestiniens, ou parce qu’on ne leur a pas présenté de plans de paix suffisamment clairs au cours des dernières décennies. Le fascisme meurtrier n’a pas pris le contrôle du gouvernement israélien parce que le public ne s’est pas vu proposer suffisamment d’alternatives.

En effet, nous ne pouvons pas considérer comme acquis que la rupture profonde et sanglante que nous vivons conduira naturellement le public israélien à réaliser qu’une voie différente doit être trouvée. Bien qu’une partie des Israéliens ait peut-être appris cette leçon depuis le 7 octobre, le sentiment le plus répandu est qu’Israël peut et doit « mettre fin à la question palestinienne » par la force et, si nécessaire, par l’anéantissement, l’épuration ethnique et l’expulsion.

Si les sondages n’indiquent pas de montée en puissance spectaculaire des partis de gauche, ce n’est pas parce que l’opinion publique ne connaît pas leur offre politique, mais parce qu’elle n’en veut pas. Telle est la réalité à laquelle la gauche doit faire face.

En ce sens, la conférence de paix se replie sur la zone de confort de la gauche israélienne, évitant les questions existentielles auxquelles ce moment historique nous oblige à nous confronter. Et cela avant même de considérer les obstacles pratiques des solutions proposées, comme le démantèlement délibéré par Israël du leadership palestinien et l’évidement de l’Autorité palestinienne.

Dures vérités

Je pense que cette conférence est une réponse au profond et écrasant sentiment d’impuissance que nous ressentons tous, alors que les rivières de sang continuent de couler sous nos yeux. Bien qu’il soit tentant d’offrir de l’optimisme, de la paix et des solutions - après tout, ce sont des choses dont nous avons tous désespérément besoin - l’espoir n’est jamais un luxe ; c’est un moteur nécessaire pour le changement.

Mais pour que l’espoir se transforme d’un vœu creux en un plan réalisable, il doit être ancré dans la réalité, et non en être détaché. Je suggère à la gauche de s’attarder un moment dans ce lieu de rupture totale et d’impuissance, de reconnaître nos limites dans cette réalité génocidaire et, à partir de là, de réexaminer notre rôle.

La répression institutionnalisée qui vise désormais ouvertement toutes les organisations de gauche en Israël fait également partie de la réalité à laquelle nous devons faire face, et elle exige des choix tactiques et stratégiques radicalement différents de ceux sur lesquels nous nous sommes appuyés jusqu’à présent. Nous devons affronter la dure vérité : aucune des solutions politiques actuellement proposées n’est réalisable sous ce régime d’apartheid. Le temps des illusions est révolu. 

Notre tâche consiste maintenant à repenser l’organisation d’un camp d’opposition qui se consacre au démantèlement de ce système. Cela nécessitera une bonne dose d’humilité et la reconnaissance sobre du fait qu’avant que des solutions puissent émerger, nous devons d’abord endurer une période douloureuse de lutte prolongée. C’est là que notre énergie doit être dirigée.

Pour être clair, ces mots ne sont pas écrits par cynisme ; j’apprécie vraiment les organisateurs de la conférence et ses nombreux participants. Je ne doute pas de leurs bonnes intentions et de leur engagement sincère à changer notre horrible réalité. Pourtant, alors qu’Israël affame systématiquement les habitants du camp d’extermination de Gaza, la gauche israélienne ne peut plus rester dans sa zone de confort.

Le message de Macron au « Sommet de la paix »

10/05/2025

MURTAZA HUSSAIN /RYAN GRIM
Le nouveau président syrien a une offre à faire à Trump

Ahmed al-Charaa veut rencontrer Trump et offrir aux entreprises usaméricaines la possibilité de reconstruire la Syrie

Murtaza Hussain et Ryan GrimDrop Site News9/5/2025 
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le président syrien Ahmed al-Charaa  a autorisé des émissaires à faire une série de concessions inédites au président Donald Trump dans l’espoir de normaliser les relations avec les USA. Cette offre vise à éviter une catastrophe financière imminente qui pourrait désintégrer l’État. Lors d’une réunion le 30 avril à Damas, al-Charaa s’est réuni avec une délégation dirigée par l’homme d’affaires usaméricain Jonathan Bass [PDG de la compagnie gazière Argent LNG  et militant républicain trumpiste, NdT] et Mouaz Moustafa, directeur exécutif de la Syrian Emergency Task Force. Bass a déclaré que des responsables saoudiens s’efforçaient de négocier la prochaine rencontre avec Trump.


Depuis qu’il a pris le pouvoir en décembre lors d’une offensive militaire surprise qui a renversé le régime de Bachar el-Assad, Charaa, anciennement connu sous le nom de guerre d’Abou Mohamed al-Joulani, s’est engagé dans une campagne de relations publiques visant à convaincre les capitales occidentales sceptiques à l’égard du nouveau régime, notamment en raison de ses anciens liens avec Al-Qaïda et l’État islamique. Il vient de se rendre à Paris, où il a été accueilli par le président français Emmanuel Macron.

Jusqu’à présent, Charaa  n’a pas croisé le chemin de Trump, mais cela pourrait bientôt changer. Les deux dirigeants devraient se rendre à Riyad, la capitale saoudienne, la semaine prochaine, où Trump arrivera à la tête d’une délégation usaméricaine qui devrait signer d’importants accords commerciaux, d’armement et d’énergie avec les dirigeants saoudiens. Selon Bass, qui a déclaré avoir été en contact avec des responsables saoudiens, le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman s’est efforcé d’organiser une rencontre directe entre le dirigeant syrien et Trump lors de leur séjour à Riyad, ce qui constituerait un tournant pour le nouveau gouvernement de Damas.

Moustafa, s’adressant aux journalistes vendredi matin à Washington, a déclaré qu’al-Charaa avait explicitement autorisé la délégation à proposer un accord global à Trump, dont al-Charaa a dit qu’il était un « homme de paix envoyé par Dieu ». Al-Charaa espère rencontrer Trump dans les prochains jours, lorsque les deux hommes seront à Riyad. Moustafa a déclaré que le deal généreux pour les USA nécessiterait une rencontre ne dépassant pas cinq minutes.

L’accord potentiel, selon Moustafa, est rendu public parce que certains des conseillers pro-israéliens de Trump, dont le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz, qui a été démis de ses fonctions, ont délibérément empêché Trump de prendre connaissance des concessions que la Syrie est disposée à faire.

La Syrie a été largement détruite au cours de la guerre civile qui a duré quatorze ans. La Banque mondiale estime que la reconstruction du pays coûtera entre 250 et 400 milliards de dollars, et ses souffrances ont été aggravées par un régime de sanctions écrasantes imposé par les USA. La Chine et la Russie ont fait des démarches agressives pour obtenir des contrats de reconstruction dans le pays, en proposant de développer les réserves de pétrole et de gaz, et en construisant des infrastructures de télécommunications par l’intermédiaire de l’entreprise chinoise Huawei, a déclaré Al-Charaa. Le nouveau président syrien a néanmoins exprimé sa préférence pour un partenariat avec l’Occident.

Si les USA y sont disposés, la Syrie inviterait les entreprises usaméricaines à exploiter les ressources pétrolières et gazières du pays, et travaillerait avec des entreprises usaméricaines sur des projets de reconstruction. Bass a déclaré qu’AT&T avait été explicitement mentionnée comme un partenaire préféré à Huawei.

Dans le cadre de cet accord potentiel, la Syrie continuerait à lutter contre des groupes tels que l’État islamique et Al-Qaïda. Moustafa a déclaré qu’il y aurait davantage de possibilités d’échange de renseignements dans le cadre du rapprochement entre les USA et la Syrie. L’accord pourrait également inclure une limitation de la capacité des groupes militants palestiniens, considérés comme alignés sur l’Iran, à opérer en Syrie. Moustafa a noté que le gouvernement syrien a récemment emprisonné des responsables du Jihad islamique palestinien, ce qu’il a décrit comme un signe de la volonté du nouveau gouvernement de s’attaquer à l’Iran et à ses alliés. « Nous avons les mêmes ennemis que les USA », a déclaré Bass, résumant ce qu’al-Charaa a dit au groupe : « Nous avons les mêmes alliés potentiels que les USA ».

Charaa a déclaré que la Syrie était ouverte à la normalisation de ses relations avec Israël dans des circonstances appropriées, affirmant qu’il respectait l’accord de 1974 sur le « désengagement des forces ». Depuis son arrivée au pouvoir, Israël bombarde sans relâche la Syrie, envoie des troupes pour occuper davantage de territoires à l’intérieur du pays, y compris dans la zone tampon démilitarisée des Nations unies sur les hauteurs du Golan, en violation de l’accord de 1974, et tue des dizaines de Syriens. L’armée de l’air israélienne a également lancé une attaque sur le terrain de son palais présidentiel au début du mois de mai. Cette attaque a eu lieu 24 heures seulement après que la délégation usaméricaine se fut rendue au palais pour rencontrer al-Charaa. Des responsables israéliens ont suggéré qu’il s’agissait peut-être d’un essai pour attaquer directement le dirigeant syrien à l’avenir.

Selon d’anciens responsables usaméricains qui ont servi de médiateurs entre les deux pays, la Syrie et Israël ont envisagé de normaliser leurs relations sous l’ancien régime de Bachar el-Assad, avant le soulèvement de 2011 en Syrie. Les deux pays sont confrontés à un problème en suspens concernant la région contestée du plateau du Golan, qui constitue un important grief national à l’intérieur de la Syrie, et qu’Israël occupe depuis 1967.

Offensive de charme

Pour parvenir à un accord, la Syrie devra voir lever les sanctions américaines qui pèsent actuellement sur elle. La Syrie est actuellement soumise à des sanctions en vertu de la loi César de 2019, qui a imposé des restrictions économiques écrasantes à l’ancien régime Assad, soi-disant en raison des violations des droits humains commises par ce gouvernement. Le nouveau gouvernement et ses partisans affirment que les sanctions, qui visaient à punir Assad, punissent désormais ses victimes présumées, et qu’elles devraient être levées pour cette raison. Mais elles devraient également être levées pour que la vision de Charaa d’un « deal du siècle » avec Trump se concrétise.

Cette semaine, les USA ont annoncé une exemption de sanctions qui permettrait au Qatar de payer les salaires du secteur public syrien à hauteur de 29 millions de dollars pour les trois prochains mois, ce qui permettrait à Damas de préserver certaines de ses institutions en ruine et de renvoyer les employés du gouvernement au travail. Cette décision fait suite à de précédentes dérogations limitées aux sanctions appliquées par Washington pour permettre aux groupes d’aide d’opérer dans le pays après la chute d’Assad. L’Arabie saoudite et le Qatar avaient précédemment annoncé qu’ils rembourseraient la dette syrienne de 15 millions de dollars à la Banque mondiale - une somme relativement faible que Damas ne pouvait pas se permettre -, ce qui montre à quel point le pays s’est appauvri après plus d’une décennie de conflit.

La Syrie est toujours en proie au chaos interne, notamment à la violence sectaire, à la criminalité, à la pauvreté généralisée et au manque de services de base. Des milices liées au gouvernement ont perpétré un massacre à grande échelle de civils alaouites à la suite d’un “coup d’État avorté” dans la région côtière de la Syrie au début de l’année. Pour tenter de maintenir la situation fragile, exacerbée par les attaques extérieures, Charaa aurait également engagé des pourparlers indirects avec Israël, sous la médiation des Émirats arabes unis. Ces pourparlers auraient porté sur la demande de la Syrie qu’Israël cesse ses frappes aériennes sur le pays, se retire des territoires occupés dans le sud et cesse ses efforts pour promouvoir le séparatisme ethnique visant à provoquer la dissolution de la Syrie - un objectif déclaré de certains ministres israéliens actuels. Le gouvernement syrien a également mené une action agressive auprès des Juifs syro-usaméricains, en facilitant les voyages vers les sites historiques du pays et en s’engageant à restaurer et à protéger le patrimoine juif dans le pays.

Il reste à voir si Charaa peut réussir le délicat exercice d’équilibre consistant à apaiser suffisamment les USA pour lever les sanctions et permettre la reconstruction de la Syrie. Mais sa tentative de tendre la main à Trump en offrant une opportunité commerciale lucrative aux entreprises usaméricaines pourrait lui donner une chance. Moustafa a déclaré que les USA avaient une « opportunité en or » avec le nouveau gouvernement, qui se présente désormais comme ouvert aux affaires avec Washington.