Il y a fort à parier qu’être un
refuge pour les prédateurs sexuels juifs n’était pas l’intention lorsque la
Déclaration d’indépendance d’Israël a proclamé que le pays ouvrirait ses portes
à “l’immigration juive et au rassemblement des exilés”
Andrés Roemer Slomianski, petit-fils du compositeur et chef d'orchestre viennois Ernst Römer, réfugié au Mexique après l'annexion de l'Autriche par le Reich, avec sa dernière épouse en date (2018), Pamela Cortés, influenceuse, mannequin et amuseuse de télé. Un couple “très ouvert”
Le diplomate mexicain Andrés Roemer
est arrivé en Israël avec un faux passeport en 2021, apparemment pour éviter d’être
inculpé dans son pays d’origine, où plus de 60 femmes l’ont accusé de viol et
de harcèlement sexuel.
Roemer, qui est juif, avait déjà
séjourné en Israël après avoir pris une position pro-israélienne qui lui avait
coûté son poste d’ambassadeur du Mexique auprès de l’UNESCO. Le maire de Ramat
Gan (et ancien ambassadeur à l’UNESCO), Carmel Shama-Hacohen, a été tellement
impressionné par Roemer qu’il a décidé de donner son nom à une rue, en disant
qu’il “aime Israël, s’est battu pour Israël et a payé le prix pour cela”.
Carmel avec son ami Emmanuel en 2018
Shama-Hacohen a été moins
impressionné par la décision du procureur général mexicain d’inculper Roemer et
d’émettre un mandat d’arrêt international à son encontre. Le maire israélien a
déclaré que, puisque Roemer nie les allégations, il ne retirera pas son nom de
la rue.
Maintenant que Roemer est enfin sur
le point d’être extradé vers le Mexique (les autorités mexicaines affirment qu’Israël
a ignoré leurs demandes pendant longtemps), Israël reçoit un nouvel accusé de
viol - le cinéaste hollywoodien Brett Ratner, qui a décidé de faire son aliyah
dans l’État juif.
En 2017, six femmes ont accusé
Ratner, qui a réalisé les films “Rush Hour” et “X-Men : The Last Stand”, d’agression
sexuelle et de harcèlement sexuel.
Toutes les femmes ont fait part de
leurs allégations dans un article du Los Angeles Times. L’une d’entre
elles, l’actrice Natasha Henstridge, affirme que Ratner l’a forcée à lui faire
une fellation lorsqu’elle avait 19 ans. L’actrice Olivia Munn a décrit dans l’article
comment Ratner s’est masturbé devant elle sans son consentement.
Les studios hollywoodiens ont
immédiatement coupé leurs liens avec sa société de production. L’État d’Israël,
lui, ne l’a pas fait. Selon un rapport publié mardi par Tal Shalev sur le site
d’information israélien Walla, le Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou a personnellement invité Ratner à assister à son discours devant l’Assemblée
générale des Nations unies le mois dernier. Ratner a même téléchargé une photo
sur Instagram avec Netanyahou et sa femme Sara en marge de l’Assemblée
générale.
James Packer sur son yacht à 200 millions
Les graves allégations liées au nom
de Ratner n’ont pas dissuadé Netanyahou de dérouler le tapis rouge pour le
nouvel immigrant. Pas plus que le fait que Ratner soit un ami proche et un
ancien partenaire commercial du milliardaire australien James Packer, l’homme
au centre d’une affaire pénale contre le premier ministre israélien. Netanyahou
a été accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir accepté des cadeaux d’une
valeur de plusieurs centaines de milliers de shekels de la part de Packer - et
il fréquente maintenant Ratner en public alors que son procès est toujours en
cours.
James et Sara Netanyahou
Personne n’attend grand-chose de
Netanyahou, un homme qui n’a jamais manqué une occasion de se lier d’amitié
avec un riche juif, même si la relation est inappropriée ou contraire à l’éthique.
Malheureusement, le premier ministre n’est pas la seule raison pour laquelle
Ratner sait qu’il sera le bienvenu en Israël.
Le pays est devenu un point chaud
pour les prédateurs sexuels juifs étrangers. Selon Jewish
Community Watch, une organisation qui traque les personnes accusées de
pédocriminalité, plus de 60 citoyens usaméricains entrant dans cette catégorie
ont fui les USA pour Israël au cours des dernières années.
Ratner n’est même pas le premier
réalisateur des X-Men accusé de crimes sexuels à avoir trouvé un nouveau foyer
en Israël. Bryan Singer, qui a réalisé plusieurs films de la franchise X-Men, a
été accusé de viol et d’agression sexuelle sur plusieurs mineurs. Il vit en
Israël depuis quelques années et n’a eu aucun mal à trouver des collaborateurs
israéliens pour ses futurs projets.
Lorsque la Déclaration d’indépendance d’Israël a
proclamé qu’Israël ouvrirait ses portes à “l’immigration juive et au
rassemblement des exilés”, il y a fort à parier qu’offrir un refuge aux
prédateurs sexuels juifs fuyant la justice n’était pas l’intention.
Photos ingimage / Matan Mittelman, photoshopées par Anastasia Shub pour Haaretz
Lorsqu'il
s'agit de migrations, de droits des migrant·es, de racisme et d'antiracisme, le
discours public italien, même dans ses variantes non racistes, semble souvent se
déployer comme si chaque fois était la première : les antécédents et le
développement de tel ou tel événement, de tel ou tel problème, de telle ou
telle revendication, de tel ou tel concept sont tout simplement escamotés.
Cet oubli,
pour ainsi dire, n'affecte pas seulement la rhétorique publique majoritaire,
mais influence parfois l'attitude et le discours des minorités actives, se
reflétant également dans le langage et le vocabulaire, influencés par la
vulgate médiatique et même par le jargon du sens commun.
Alors qu'on
les croyait remisés aux archives grâce à un long travail critique, les formules
et le vocabulaire liés aux schémas interprétatifs, même spontanés, font leur
retour. Faute de pouvoir en dresser le catalogue complet, nous nous attarderons
sur quelques-uns d'entre eux.
Race-racial
Le racisme
est avant tout une idéologie, donc une sémantique : il est constitué de mots,
de notions, de concepts. L'analyse critique, la déconstruction et la
dénonciation du système-racisme ont donc nécessairement un versant lexical et
sémantique. Ainsi, si l'on parle de discrimination raciale au lieu de discrimination
raciste, on peut finir par légitimer inconsciemment la notion et le paradigme
de “race”, en suggérant l'idée que ce sont les personnes différentes par la “race”
qui sont discriminées.
De telles
maladresses lexicales peuvent également être commises par des locuteurs qui se
considèrent comme antiracistes et, de surcroît, cultivés, voire par des
institutions et associations chargées de lutter contre le racisme ou même de
promouvoir le respect de codes éthiques dans le domaine de l'information. Cela
apparaît d'autant plus paradoxal aujourd'hui que même en Italie, à l'initiative
d'un groupe d'anthropologues-biologistes, puis d'anthropologues culturels, une
campagne est en cours pour effacer le mot “race” de la Constitution.
Bien que la
notion de “race” ait également été expurgée du domaine de la biologie et de la
génétique des populations, son utilisation persiste dans les cercles
intellectuels et/ou même “de gauche”, faisant l’objet d’un usage banal et
dangereux que l'on ne peut ignorer.
Ethnie-ethnique-ethnicité
Comme le
note l'anthropologue Mondher Kilani, coauteur avec René Gallissot et Annamaria
Rivera de l'essai collectif L'Imbroglio ethnique en quatorze mots
clés (Payot, Lausanne, 2000), l'adjectif “ethnique” a une consonance inquiétante dans des expressions
telles que “nettoyage ethnique”, “guerre ethnique”, “haine ethnique”. En outre,
le sens commun et une partie des médias et des intellectuels ont tendance à
considérer les soi-disant “groupes ethniques” comme des entités
quasi-naturelles, connotées par l'ancestralité et les liens de sang
primordiaux, et par conséquent à les associer à une diversité insurmontable.
Par conséquent, le terme “ethnie” est souvent utilisé comme un euphémisme pour
"race".
Même dans
les milieux antiracistes, l'utilisation abusive d'expressions telles que “société
multiethnique”, “quartier multiethnique”, “parade multiethnique” est
fréquente... Bien qu'elles soient parfois utilisées dans un sens se voulant
positif, ces formules font toujours référence à l'“ethnicité” : une notion très
controversée, puisqu'elle repose sur l'idée qu'il existe des groupes humains
fondés sur un principe ancestral, sur une identité originelle.
En réalité,
dans les contextes discursifs dominants, “ethnique” désigne toujours les
autres, les groupes considérés comme particuliers et différents de la société
majoritaire, considérée comme normale, générale, universelle. Il n'est pas rare
que le terme “ethnicité” soit utilisé, en référence aux minorités, aux Rroms,
aux populations d'origine immigrée, comme un substitut euphémique du terme “race”.
À tel point que même dans la meilleure presse italienne, il est possible de
rencontrer des expressions absurdes et paradoxales telles que personnes
d'ethnie latino-américaine ou même chinoise, alors qu'il ne nous est
jamais arrivé de lire ethnie européenne ou nord-américaine.
En tout
cas, qu'il s'agisse de préjugés ou d'intentions discriminatoires,
d'incompétence ou de négligence, lorsqu'il s'agit de qualifier les citoyens
d'origine immigrée ou appartenant à des minorités, le critère neutre, ou du
moins symétrique, de la nationalité ne semble pas s'appliquer.
La guerre
des pauvres
C'est l'une
des rhétoriques les plus abusives, même à gauche, même dans la gauche supposée
éduquée. Elle est généralement utilisée en référence à deux catégories de
belligérants supposés, imaginés comme symétriques, dont l'une est une
collectivité de migrants ou de Rroms.
L'usage
abusif de cette formule est révélateur d'un tabou ou d'un retrait : on a du mal
à admettre que le racisme puisse s'insinuer dans les classes subalternes pour
déclencher des guerres contre les plus pauvres. Guerres asymétriques, non
seulement parce que les agresseurs sont généralement les nationaux, mais aussi
parce que ceux-ci, aussi défavorisés soient-ils, jouissent encore du petit
privilège de la citoyenneté italienne, qui leur donne quelques droits
supplémentaires.
Ce racisme
- que la littérature sociologique appelle le racisme “ordinaire” ou “des petits
Blancs” - prend souvent racine chez ceux qui souffrent d'une certaine forme de
difficulté sociale et/ou de marginalité, voire de marginalité spatiale.
Favorisé par des politiques malavisées en matière de logement, d'urbanisme et,
plus généralement, de politique sociale, il est aussi souvent habilement
fomenté par des entrepreneurs politiques du racisme.
Parfois, la formule passe-partout de “guerre
entre les pauvres” n'a pas le moindre fondement pour justifier son utilisation,
comme cela s'est produit dans le cas notoire des assauts armés répétés contre
le centre de réfugiés Viale Morandi, dans la banlieue romaine de Tor Sapienza,
en novembre 2014. La tentative de pogrom contre des adolescents fuyant les
guerres et autres catastrophes a été présentée comme l'expression spontanée de
la colère de résidents exaspérés par la “dégradation”, et donc comme un épisode
de la “guerre entre les pauvres”. En réalité, les agressions, auxquelles un
nombre limité de résidents a participé, ont été dirigées par une escouade de “fascistes
du troisième millénaire”, eux-mêmes exécutants probables de commanditaires liés
à la Mafia de la capitale.
Peu de
temps auparavant, on avait parlé de “guerre entre les pauvres”, même à gauche,
à propos d'un crime particulièrement odieux survenu le 18 septembre 2014 à
Marranella, un quartier romain de Pigneto-Tor Pignattara : le massacre à coups
de pied et de poing de Muhammad Shahzad Khan, un Pakistanais de 28 ans, doux et
malchanceux, par une brute du quartier, un garçon romain de 17 ans, à
l'instigation de son père fasciste.
Les
précédents de ce schéma interprétatif paresseux sont nombreux. Il a été
appliqué de temps à autre aux pogroms contre les Rroms à Scampia (2000) et
Ponticelli (2008), fomentés par la camorra et les intérêts spéculatifs ; au
massacre de Castelvolturno par la camorra (2008) ; aux graves événements de
Rosarno (2010), également fomentés par les intérêts mafieux et patronaux.
Tout cela est révélateur d'une aversion croissante
pour les interprétations complexes, favorisée par le bavardage des médias
sociaux, qui contribue à son tour au conformisme croissant qui caractérise le
débat public. Le racisme, on le sait, repose sur une montagne de gros mots. Les
déconstruire et les abandonner n'est pas se livrer à un exercice abstrait de “politiquement
correct” (bien que ce dernier ne soit pas aussi méprisable qu'il a longtemps
été de bon ton de le faire croire), mais plutôt saper son système idéologique
et sémantique.
Grado
Giovanni Merlo (1945) est un historien italien, spécialiste de l’histoire
des églises et mouvements religieux dans l’Italie du Moyen-Âge, auteur,
notamment, de Au nom de saint François. Histoire des Frères mineurs et du
franciscanisme jusqu’au début du XVIe siècle, traduit de l’italien
par Jacqueline Gréal, préface de Giovanni Miccoli, Paris, Éditions du
Cerf/Éditions franciscaines, 2006
NdT
Le pape Jean-Paul II l’avait proclamé, dans une bulle de 1979, “Patron
céleste des cultivateurs de l’écologie”.L’archevêque jésuite argentin Jorge Mario
Bergoglio a choisi en 2013 le nom papal de François en son honneur. Et la
gauche italienne, des communistes aux opéraïstes, n’a pas manqué de le
revendiquer, ce qui n’est pas étonnant, vu qu’elle a été très fortement
imprégnée de catholicisme et a toujours eu un certain mal à comprendre les vers
de l’Internationale proclamant « Il n’est pas de sauveur
suprême/Ni Dieu, ni César, ni tribun ». Ci-dessous l’analyse d’un
médiéviste, qui remet les pendules à l’heure.
DANS LES “CAHIERS DE PRISON”
ANTONIO GRAMSCI MENTIONNE RAREMENT SAINT-FRANçOIS
Juxtaposé, en 1934, à “un Passavanti” et à “un
(Thomas) a Kempis”
pour sa “naïve effusion de foi”, saint François était auparavant entré dans la
compagnie des “mouvements religieux populaires du Moyen Âge”. (...) Les
fragments de Gramsci ne mettent pas en valeur ou ne mythifient pas saint
François, dont l’histoire est considérée dans ses limites politiques, pour
ainsi dire, mais aussi dans ses effets institutionnels.
ALESSANDRO NATTA : SIMPLE FRÈRE
En 1989 est paru le texte d’une longue
interview d’Alceste Santini, “vaticaniste” de L’Unità, avec Alessandro
Natta, jusqu’à l’année précédente secrétaire du Parti communiste italien (...).
Vers la fin de l’entretien, Santini demande à Natta : « Quelle figure
spirituelle ou religieuse vous semble la plus conforme ? » La réponse de l’ex-secrétaire
communiste est la suivante : saint François, “homme d’une remarquable modernité”
et “fondateur d’un des mouvements les plus modernes, proche, même
historiquement, des problèmes du monde actuel”, au point de pousser le leader
communiste à visiter “les lieux où il a prêché, fondé et animé son ordre
religieux” : « J’étais à Assise en octobre 1987 (...). À cette occasion, j’ai
rendu visite aux frères franciscains, dans leur couvent, renouvelant la visite
faite précédemment par Berlinguer. Le prieur (sic !) était absent, et je suis
revenu le lendemain pour le remercier de l’accueil qu’il m’avait réservé (...).
Intéressé et intrigué, d’autant plus que le prieur (sic !) me semblait être à
la fin de son second mandat, je lui demandai : “Et quand on n’est plus prieur ?”.
Il me répondit : “Le prieur redevient simple frère”. Ce n’est pas un hasard si,
dans sa lettre de démission du secrétariat du Parti communiste italien du 10
juin 1988, Natta déclare que pour lui “s’applique la règle des Franciscains,
parmi lesquels le prieur (sic !) qui a terminé son mandat redevient simple
frère”.
La statue de saint François
d’Assise devant la cathédrale Saint-Jean de Rome, entre deux affiches
électorales, novembre 1960.
LE “MILITANT
COMMUNISTE” FRANCISCAIN
Poursuivant
notre chemin dans la gauche, nous rencontrons Empire. Ses auteurs sont
Michael Hardt et Antonio Negri, plus connu sous le nom de Toni Negri. Le livre
vise à illustrer “le nouvel ordre de la mondialisation”, avec la conviction que
“l’Empire est le nouveau sujet politique qui régule le commerce mondial, le
pouvoir souverain qui gouverne le monde” et dans la perspective d’identifier et
d’illustrer “les forces qui contestent l’Empire et préfigurent en fait une
société mondiale alternative”. Au terme d’une lecture laborieuse, on trouve un
médaillon décrivant “le militant”, c’est-à-dire “l’agent de production
biopolitique et de résistance à l’Empire”, celui qui, en se rebellant, se
projette “dans un projet d’amour”. Nous assistons ici à l’entrée en scène de
saint François d’Assise : « Il existe une légende ancienne qui pourrait
éclairer la vie future du militantisme communiste : la légende de saint
François d’Assise. Voyons quel fut son exploit. Pour dénoncer la pauvreté de la
multitude, il a adopté la condition commune et y a découvert la puissance
ontologique d’une société nouvelle. Le militant communiste fait de même (...).
Contre le capitalisme naissant, François rejette toute discipline instrumentale
et la mortification de la chair (dans la pauvreté et l’ordre établi) et lui
oppose une vie joyeuse (à) la volonté de puissance et (à) la corruption. Dans
la post-modernité, nous sommes toujours dans la situation de François, opposant
la joie d’être à la misère du pouvoir ». On pourrait dire que nous sommes
face à un Saint François situationniste-esthétisant dans une conception
révolutionnaire situationniste-esthétisante. L’empire est laid et misérable,
être un communiste militant est beau et joyeux, tout comme “sa” révolution. [Lire Le siècle bref de Toni Negri]
À
ce stade, une association d’idées se fait jour qui nécessiterait de comparer l’élaboration
de Hardt et Negri avec certains aspects connotant le MoVimento5Stelle. L’élément
spéculaire qui confronte l’un à l’autre est, en l’occurrence, Saint François.
LE M5S ET LE
FRANCISCANISME
Sur le blog de
Beppe Grillo, on peut lire : « Le M5S est né, par choix, le jour de saint
François, le 4 octobre 2009. C’était le saint qu’il fallait pour un mouvement
sans contributions publiques, sans siège, sans trésoriers, sans dirigeants. Un
saint écologiste et animaliste. Les gars du M5S (...) se sont appelés en 2010
les "fous de la démocratie", tout comme les Franciscains étaient
appelés les "fous de Dieu". Il y a beaucoup d’affinités entre le
franciscanisme et le M5S ». Peu importe que ces prétendues “affinités”
soient très difficiles à percevoir ou, mieux encore, qu’elles n’existent pas du
tout. Et lorsqu’elles sont mises en évidence, il ne faut pas longtemps pour se
rendre compte qu’elles sont basées sur des données peu fiables ou fausses. On s’en
aperçoit dès que l’on cherche à comprendre quel saint François les dirigeants
du MoVimento s’imaginent être. À cet égard, le livret Il grillo canta sempre
al tramonto [Le grillon chante toujours au crépuscule], un dialogue “à
trois” entre Dario Fo, Gianroberto Casaleggio et Beppe Grillo, est éclairant. C’est
Fo qui se charge de retracer, par rapport aux “faussetés” “qui nous ont été
racontées pendant des siècles”, certains aspects de la “véritable histoire” de
saint François.
LE “GRAND RÉVOLUTIONNAIRE” ÉCOLOGISTE ET
ANIMALISTE
L’image de saint François écologiste et
animaliste est très répandue. Elle occupe par exemple une place de choix dans
le “dialogue de l’hiver 1994” entre les “communistes” Paolo Volponi et Francesco Leonetti.
À un moment donné, le philosophe demande au célèbre écrivain “à quel classique
italien” il fait référence. La réponse de Volponi est immédiate : « La leçon
de saint François est toujours d’actualité, et aujourd’hui plus que jamais
(...). J’aime (...) sa leçon. C’est celle d’un grand révolutionnaire, au nom de
la beauté de la Terre et de l’honnêteté des êtres (...). Saint François, c’est
l’idée du bonheur et de la vérité, dans le nouveau, de la révolution, du
présent possible ». La réponse de Volponi ne contient pas seulement l’image
d’un Saint François “écologiste et animaliste”, mais d’un Saint François qui
fut même un “grand révolutionnaire” capable d’indiquer aux hommes de la fin du
vingtième siècle les voies d’un changement radical dans leur façon d’agir et de
se rapporter à la vie. Un air de famille semble envelopper et respirer la
position exprimée synthétiquement par Volponi et Leonetti et celle de Hardt et
Negri. Il est curieux de noter que Leonetti et Negri - ce dernier après avoir
commencé sa militance dans l’Action catholique - ont à l’origine coulé leur
vision communiste dans l’opéraïsme des années 1960.
La nÉcessitÉ D’UN “NOUVEAU MONDE”
Il n’est pas
dans mon intention de suivre ce chemin “à rebours”, car je serais arrivé à l’extraordinaire
“ouverture” que constitue l’élection de Jorge Mario Bergoglio comme évêque de
Rome. Nombreux sont ceux qui ont repris des concepts qui ne sont pas nouveaux
pour évoquer son choix de prendre le nom de Pape François. Pensons à un ancien
militant et dirigeant du PCI, Alfredo Reichlin, qui, au début du mois d’avril
2103, s’exprimait ainsi : « Nous sommes entrés de plain-pied dans la
mondialisation et nous la vivons sans nous rendre compte de l’énormité et du
danger du fait qu’elle est dirigée par la logique des mouvements financiers
(...). Qui la prend en charge ? (...) J’ai été très impressionné par l’élection
de ce pape (François). C’est un grand événement qui fait allusion à un monde nouveau
; il fait allusion au fait que l’illusion de diriger la mondialisation à
travers les marchés financiers a échoué et qu’une grande question sociale s’est
ouverte au niveau planétaire. Le nom de François d’Assise a cette signification ».
Ici encore, pour la énième fois, se fait sentir la nécessité d’un « monde
nouveau » vers lequel les “François” d’hier et d’aujourd’hui sont en
mesure de conduire l’humanité parce qu’ils sont les témoins actifs de valeurs “autres”,
même si le franciscanisme n’est pas un humanisme ni n’est réductible à un
humanisme “révolutionnaire” qui trouverait en lui-même justification et
légitimité, mais est l’une des plus hautes expressions de la foi dans le Dieu
trinitaire.
POST SCRIPTUM
Nous lisons
dans La Stampa du 13 avril 2014, dans le compte rendu de l’événement d’ouverture
de la campagne électorale pour les élections européennes de mai 2014 avec la
participation éminente de Matteo Renzi, en tant que secrétaire du Parti
démocrate, quelques nouveautés significatives dans le déroulement de l’événement
: « Pas de VIP (...). Les présentateurs de la kermesse étaient également inhabituels
(...). Les vidéos de Fantozzi,
Maradona et Frankenstein Junior. Les citations racoleuses de Saint François d’Assise ».
Bref, dans la culture de gauche, ou plutôt de centre-gauche, l’Assisiate risque
de se transformer, de témoin de Jésus-Christ, en testimonial.
“...Et que vous le vouliez ou non, moi, je deviendrai célèbre, et pas qu'à Assise”: Franz, une BD d'Altan sur Saint-François, de 1982
Panagiotis Grigoriou (Atene, 1966) è un etnologo e storico greco,
redattore del sitio web Greek Crisis e
del suo successore Greek City e direttore
della società di turismo alternativo Grèce
Autrement.
Si potrebbe pensare che le nostre “storielle”,
ricordate durante le riunioni di famiglia, a volte illustrino solo il lato
aneddotico degli eventi, l’insieme di fatti storici che siamo un po’ troppo
veloci a liquidare come secondari. A casa nostra, nostro zio Chrístos, che non
c’è più, amava raccontarci i suoi aneddoti degli anni ‘40, la guerra
greco-italiana, l’occupazione, la Resistenza, e poi tutta l’illogica guerra
civile greca dal 1944 al 1949, fino all’ultimo dettaglio della storia che era
sua all’inizio. È stato persino felice di raccontarci la presenza dei soldati
italiani in Grecia, la cui storia tortuosa si trova talvolta, ancora oggi, tra
memoria e oblio.
Va ricordato che il 28 ottobre 1940 l’Italia diede inizio alla guerra
greco-italiana invadendo la Grecia dall’Albania. Inizialmente Mussolini aveva
lanciato l’invasione della Grecia in modo piuttosto frettoloso, poi, vista la
preparazione militare della Grecia, non prevista dagli italiani, e la capacità
dell’esercito ellenico di operare in un terreno montuoso, l’offensiva italiana
iniziale fu contenuta e l’invasione si impantanò rapidamente.
Tuttavia, va ricordato che nell’ottobre 1940, con la benedizione di Londra,
molti leader politici e istituzionali di Atene erano disfattisti prima del
tempo, ritenendo che la regione dell’Epiro, nel nord-est della Grecia, potesse
essere abbandonata a favore dei piani di Mussolini.
L’ambasciatore britannico in Grecia dell’epoca, Sir Michael Palairet, nel
suo telegramma da Atene del 28 settembre 1940, documento reso noto diversi
decenni più tardi negli archivi del Foreign Office, informava il suo governo “che
il Capo di Stato Maggiore Generale, Generale Papágos, era pronto, se ritenuto
necessario, a cedere l’Epiro agli italiani”.
Le visage de Jafer Abou Ramouz a été brisé lorsqu’une policière des
frontières, sans raison apparente, lui a tiré à bout portant une balle
métallique à pointe éponge. Ce marchand de vêtements se tenait alors près de
son étalage. Il a fallu plus d’un mois à ses enfants pour s’habituer à son
nouveau visage.
Jafer Abou Ramouz chez
lui avec son fils d’un an, deux mois après qu’une policière des frontières lui
a tiré dessus à bout portant. Photo : Alex Levac
Trois photos. Sur l’une d’elles, un homme musclé et séduisant,
vêtu d’un tee-shirt bleu et le sourire aux lèvres, porte son fils d’un an dans
les bras. Sur la seconde, le visage du père est brisé, horriblement défiguré :
Son nez est écrasé, ses yeux sont exorbités, la chair est à vif, tout est
couvert de caillots de sang. Le visage évoque un homme mort. Cette photo a été
prise il y a deux mois. Sur la troisième image, son visage se rétablit, mais il
est encore tordu et marqué, il lui manque quelques dents et son nez est de
travers. Cette photo a été prise cette semaine.
Voici ce qui se passe lorsqu’une policière des frontières, qui
s’ennuie ou qui cherche de l’action, ou encore qui est vicieuse ou négligente
dans l’exercice de ses fonctions, tire une balle en métal à bout éponge d’une
distance illégalement proche de quelques mètres, directement sur le visage d’un
vendeur de vêtements sur le marché animé d’Hébron, alors qu’il se tient
innocemment à côté de son stand.
Les autorités d’occupation ferment le marché du quartier de
Bab Al Zawiya, avec ses centaines d’étals, chaque fois que les colons de la
ville célèbrent un jour saint juif et veulent se rendre sur la tombe du juge
biblique Othniel Ben Kenaz, qui se trouve à côté du marché. C’est ce qui s’est
passé le 27 juillet, jour de jeûne de Tisha B’Av [9ème jour du mois d’Av],
lorsque les colons d’Hébron se sont rendus en masse sur la tombe.
Jafer Abou Ramouz à l’hôpital,
après avoir été blessé par balle.
Ce matin-là, Jafer Abou Ramouz s’est rendu comme d’habitude au marché
de Bab Al Zawiya pour ouvrir son stand, dont les revenus permettent à sa
famille de vivre depuis six ans. Il est arrivé à 8 heures, comme d’habitude, a
sorti la marchandise de son stand fermé à clé et l’a exposée, comme d’habitude.
Rien ne laissait présager ce qui allait se passer quelques heures plus tard, le
neuvième jour du mois hébraïque d’Av, désigné comme jour de jeûne en mémoire
des tragédies qui ont frappé le peuple juif en ce jour.
Abou Ramouz ne vend que
des chemises pour hommes, à 20 shekels [=5 €] pièce ; les bons jours, il en
vend 20. Le marché était calme, malgré sa proximité avec un complexe de la
police des frontières et avec la colonie de Tel Rumeida. Le travail se déroule
normalement. Aucun des centaines de marchands du marché ne se doutait que c’était
Tisha B’Av, jour où tous les stands doivent être fermés et où les Palestiniens
doivent se faire discrets, afin que les colons puissent observer leur
commémoration sans entrave. Cette procédure se répète non seulement pour Tisha
B’Av, mais aussi pour d’autres fêtes juives, selon le bon plaisir des colons.
La journée s’est déroulée comme toutes les autres jusqu’à ce
que, peu après 16 heures, les forces de la police des frontières fassent
irruption sur le marché et ordonnent aux marchands de fermer immédiatement
leurs stands - c’était le jour sacré de Tisha B’Av. Les enfants qui travaillent
sur le marché ou qui y traînent ont commencé à jeter des pierres sur les
troupes israéliennes, ce qui fait également partie de la routine de l’occupation
ici.
Comme les autres, Abou Ramuz, 49 ans, qui a sept enfants et n’a
jamais eu d’ennuis avec les autorités, a commencé à remballer ses marchandises
et à fermer son stand. Il a vu quatre agents de la police des frontières
poursuivre des enfants qui lançaient des pierres en montant et en descendant
les escaliers qui mènent au marché, et leur tirer des gaz lacrymogènes. Des
images tournées par l’un des marchands montrent les magasins et les stands en
train de fermer et le marché en train de se vider. Sur la vidéo, quatre agents
de la police des frontières, dont une femme, observent les événements sans rien
faire, fusils au poing, bien sûr.
La police des frontières au marché d’Hébron, quelques minutes
avant que Jafer Abou Ramouz ne soit
abattu d’une balle au visage.
Soudain, l’un d’entre eux ouvre le feu sur une cible inconnue
sans raison apparente, un rire bref est entendu en arrière-plan et la vidéo s’arrête.
Ce n’est pas ce tir qui a décidé du sort d’Abou Ramuz. Le coup de feu de la
vidéo a été tiré quelques minutes avant celui qui l’a touché, mais on ne sait
pas exactement pourquoi, ni si quelqu’un a été blessé par ce tir. Dans le clip,
que nous avons fait écouter à Abou Ramuz, celui-ci identifie les quatre soldats
comme étant ceux qu’il a vus dans la rue avant d’être abattu, parmi lesquels se
trouve la policière qui lui a tiré dessus, comme des témoins oculaires le lui ont
dit par la suite.
Abou Ramouz et sa famille vivent au cœur de la ville très
peuplée d’Hébron, dans le quartier d’Al Hares ; se rendre chez lui a pris
beaucoup de temps cette semaine en raison de la circulation très dense - rien d’inhabituel
dans le centre de la ville. Leur logement est petit et modeste, mais de bon
goût - Jafer l’a construit lui-même et il a décoré les murs et les plafonds d’ornements.
Une photo encadrée de sa fille Jouri portant une robe de fin d’études
- en l’occurrence pour marquer la fin du jardin d’enfants - est accrochée dans
le salon. Jouri, six ans, qui est maintenant en première année, est rentrée à
la maison pendant notre visite. Vêtue de son uniforme d’écolière, les cheveux
tressés, elle a embrassé les joues des invités.
Pendant des années, Jafer a travaillé en Israël, distribuant
des boissons non alcoolisées dans les magasins de Jérusalem-Ouest. Il n’a
jamais eu d’ennuis.
Il a été abattu vers 16h30 - il ne se souvient pas de l’heure
exacte. Il se tenait devant son étalage ; la rue était calme, dit-il, il n’y
avait pas de jets de pierres. Soudain, il a senti un coup puissant au visage et
a entendu un bruit d’explosion. Il a commencé à perdre connaissance et s’est
assis par terre, tandis que du sang suintait de son visage. Il y a un an, il a eu
une crise cardiaque et prend depuis des anticoagulants, ce qui a probablement
aggravé l’hémorragie. Sa première pensée a été qu’on lui avait tiré dessus à
balles réelles et que sa vie était sur le point de s’arrêter. Il affirme que
les agents de la police des frontières se trouvaient à 4 ou 5 mètres de lui
avant de lui tirer dessus.
Face à face entre colons et Palestiniens à Hébron, en novembre
dernier. Photo : MUSSA ISSA QAWASMA/Reuters
Cette semaine, un porte-parole de la police israélienne a fait
la déclaration suivante à Haaretz : "Sans faire référence à une
affaire ou à une autre, nous noterons que les forces de sécurité étaient en
train de protéger les fidèles sur la tombe d’Othniel Ben Kenaz dans les allées
d’Hébron. Au cours de l’activité, un trouble de l’ordre a commencé, dans lequel
des pierres, des bouteilles en verre, de la peinture et des pneus ont été
lancés dans une tentative de pénétrer le cercle de sécurité. Face à la violence
des troubles et au risque de blessures pour les forces de l’ordre, des moyens
de dispersion de la foule ont été utilisés. Nous constatons que l’événement que
vous décrivez n’est pas connu [de la police]".
L’événement n’est pas connu. Sans faire référence à une
affaire ou à une autre. Enfin, la perturbation : la fermeture du marché pour la
commémoration des colons constitue un ordre, la résistance naturelle à la
fermeture est une perturbation de l’ordre.
Les personnes présentes sur le marché ont immédiatement
embarqué Abou Ramouz dans une voiture privée
et l’ont emmené à l’hôpital Alia de la ville. La photo prise à ce moment-là
montre ses vêtements ensanglantés et son visage bandé. Les témoins oculaires
ont raconté qu’après la fusillade, les agents de la police des frontières ont
poursuivi leurs activités normalement, comme si rien ne s’était passé. Ils sont
passés de l’autre côté de la rue et ont continué à veiller à la fermeture du
marché avant la grande commémoration. Quelqu’un a photographié l’étal d’Abou Ramouz après qu’il a été transporté à l’hôpital
- le sol devant l’étal est taché de sang.
Son fils Youssouf, âgé de deux ans, est maintenant blotti dans
ses bras. Lorsque le personnel d’Alia a constaté la gravité de la blessure, il
a appelé une ambulance pour l’emmener d’urgence à l’hôpital Ahli, plus avancé
et mieux équipé. Il a été immédiatement emmené au bloc opératoire - une
opération de quatre heures pour tenter de sauver son visage fracassé. Il a reçu
six transfusions sanguines et a passé sept jours en soins intensifs, jusqu’à ce
qu’il soit suffisamment rétabli pour sortir de l’hôpital.
Jafer Abou Ramouz avec
son fils à Hébron, il y a un an.
Il est rentré chez lui le visage bandé. Ses deux filles
aînées, âgées de 12 et 15 ans, devaient changer le pansement tous les jours et
voyaient - avec effroi - le visage défiguré de leur père. Seuls ses deux fils
aînés, âgés de 19 et 22 ans, lui ont rendu visite à l’hôpital ; les autres
enfants ne l’ont vu qu’à son retour à la maison. Les petits ont tressailli de
peur. Il leur a fallu plus d’un mois pour s’habituer à sa nouvelle apparence.
Le chemin vers la guérison complète est encore long. Lorsque
les plaies auront cicatrisé et que la douleur se sera estompée, il subira d’autres
opérations pour corriger son nez, ses dents et ses mâchoires. En attendant, il
ne peut manger que des aliments liquides ou mous. Les douleurs restent vives,
même deux mois après l’incident. Et deux mois après avoir été abattu, il n’est
toujours pas retourné à son étal de marché - il se dit incapable de travailler
- et la famille vit de petits prêts accordés par des personnes bienveillantes.
Elle n’a aucun revenu. Dernièrement, il a commencé à s’inquiéter que ses yeux
aient également été touchés par la balle, car les choses lui semblent de plus
en plus sombres. Il n’a cependant pas les moyens de consulter un
ophtalmologiste.
Jafer Abou Ramouz semble
un homme brisé, une personne dont le monde s’est effondré en un clin d’œil,
bien qu’il n’ait rien fait de mal.
En écoutant
les protestations sur le “pogrom” sur la place Dizengoff de Tel Aviv le jour de
Yom Kippour, la “sainteté du jour” et l'offense aux “sentiments des fidèles”,
il est impossible de ne pas se rappeler les offenses quotidiennes qu'ils
commettent contre nous, les personnes de gauche laïques. Mais en Israël, les
laïcs n'ont pas de sentiments. Seuls les religieux ont des sentiments qui ne
doivent pas être offensés.
Leurs
sentiments ont été offensés ? Sur cette place, il est soudain apparu que nous
avions nous aussi des sentiments. Leurs valeurs ont été profanées ? Les nôtres
ont été profanées il y a longtemps. En outre, une grande partie du mal qui nous
a été fait, à nous, les démocrates laïques, a été causée par les plaignants de
la place Dizengoff.
Des
fidèles et des opposants sur la place Dizengoff de Tel-Aviv, dimanche dernier
Lorsque je
vois des Israéliens en kippa tricotée et en chemise de shabbat d'un blanc
éclatant, avec leurs franges rituelles qui pendent sur les côtés et leurs armes
qui dépassent par derrière, organiser des services de prière au cœur de cette
place laïque, cela me heurte profondément. Cela me rappelle qu'eux et ceux qui
leur ressemblent sortent chaque vendredi soir (et d'autres nuits) pour se
déchaîner contre leurs voisins bergers en portant ces mêmes vêtements festifs
du shabbat, munis des mêmes armes, soutenus maintenant par des gourdins et des
barres de fer.
Même si la
plupart de ceux qui prient sur la place ne prennent pas une part active à ces
déchaînements, il est raisonnable de supposer qu'ils les soutiennent, au moins
par leur silence. Les émeutiers sont leur propre chair et leur propre sang. Ils
viennent du même village, de la même yeshiva, de la même yeshiva pour femmes ou
du même lycée. Cette prise de contrôle des espaces publics de Tel-Aviv par les
colons et leurs complices me heurte, tout comme leurs actions me font beaucoup
de mal.
Pendant des
années, Israël a été façonné à leur image. Pendant des années, Israël a été
entraîné dans leur sillage, jusqu'à ce qu'ils fassent finalement pencher la
balance par la violence, la tromperie, l'extorsion, les menaces et la fraude.
Sans eux, nous serions peut-être une démocratie. Au lieu de cela, à cause
d'eux, nous sommes un État raciste d'apartheid.
Rosh
Yehudi, l'organisation à l'origine de ce service de prière pur et innocent sur
la place, est une preuve décisive du lien étroit entre la religion et la prise
de contrôle par la force des territoires occupés. Dans la vallée de Shiloh, ils
le font par la violence ; sur la place Dizengoff, de manière édulcorée. Mais
les objectifs sont les mêmes.
Dans la vallée
de Shiloh, il n'y a plus personne pour les arrêter. Sur la place Dizengoff, il
y a soudain eu des gens pour les arrêter. Il ne faut pas pleurer sur le mal qui
leur a été fait, ils ne méritent même pas des larmes de crocodile. Le mal
qu'ils nous ont fait est bien plus grand.
Aucun acte
de “fraternité” du type de ceux qu'ils préconisent, aucun dialogue et aucune étude
commune de la Torah ne peuvent masquer le fait qu'ils sont coupables, avec le
soutien de tous les premiers ministres israéliens et des forces de défense
israéliennes, d'avoir transformé ce pays en un État d'apartheid. S'il n'y avait
pas eu de droite religieuse, nationaliste, messianique et raciste, il n'y
aurait pas eu de colons. Et s'il n'y avait pas eu de colons, il n'y aurait pas
eu d'occupation depuis longtemps. C'est aussi simple et vrai que ça.
Des
manifestants se heurtent à la police, dimanche soir à Tel Aviv
Lorsqu'ils
viennent sur la place Dizengoff, ils apportent avec eux leur idéologie arrogante
et nationaliste. Et le comble de leur audace, c'est qu'ils sont venus sur la
place au nom de la liberté, du libéralisme et de la démocratie. Les colons et
leurs complices, les membres de Rosh Yehudi et leurs partisans, sont la
communauté qui prive par la force leurs voisins palestiniens de ces valeurs. Et
maintenant, ils essaient de faire progressivement la même chose à Tel Aviv. Ils
n'ont pas le droit de bénéficier du libéralisme. Ils en sont les ennemis.
Voir des
membres du mouvement Garin
Torani - de jeunes juifs religieux qui se déplacent en groupe dans les
quartiers de la ville - au cœur de Tel-Aviv me heurte également. Quiconque a
visité ces dernières années les villes palestiniennes qui sont devenues des
villes mixtes judéo-arabes en 1948 sait ce que les membres de ce mouvement ont
l'intention de faire : judaïser, provoquer, organiser une prise de contrôle par
la force et, en fin de compte, pousser les habitants à partir.
Allez à
Ramle, à Lod ou à Acre et vous verrez. Là-bas, ils heurtent de nombreux
sentiments. Et maintenant, il est bon et nécessaire de les bloquer à Tel Aviv.
On trouve de tout dans le mouvement Garin Torani, sauf de bonnes intentions.
Oui, la
kippa tricotée est devenue un symbole qui suscite la résistance. Beaucoup de
ceux qui la portent en portent la responsabilité. C'est le symbole que portent
de plus en plus d'officiers de Tsahal et de hauts fonctionnaires de
l'administration “civile” israélienne en Cisjordanie, ainsi que de nombreux
juges, journalistes et hommes politiques - trop nombreux.
La kippa
tricotée fait de son porteur un suspect jusqu'à preuve du contraire. La kippa
tricotée a entraîné un désastre pour Israël. Et cela doit être dit.