07/02/2023

YAEL DAREL
“Ils veulent ramener les femmes 500 ans en arrière” : les tribunaux rabbiniques israéliens s’apprêtent à jouir d’un pouvoir “horrifiant”

Yael Darel, Haaretz, 6/2/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

L’accord de coalition que le Premier ministre Netanyahou a signé avec le parti ultra-orthodoxe Shas promet d’élargir le champ d’action des tribunaux rabbiniques d’Israël bien au-delà du droit de la famille - et de leur accorder un statut égal à celui des tribunaux civils.

 

Photo : Ohad Zwigenberg. Photoshop : Shani Daniel

 En 2008, le mari d’une femme qui a accepté d’être identifiée par l’initiale G. a été reconnu coupable de l’avoir violemment agressée et condamné à deux ans de prison. Mais pendant des années, ni cette agression, que G. a décrite comme une tentative de meurtre, ni les innombrables menaces et tentatives d’agression - dont certaines l’ont conduite dans un foyer pour femmes - n’ont convaincu les juges d’un tribunal rabbinique de lui permettre de recevoir un get, un certificat juif de divorce.

 

« Mon ex-mari a réussi à convaincre quelques rabbins qu’il changeait, alors ils n’ont cessé de me demander de lui donner une autre chance, de suivre une thérapie de couple avec lui », raconte-t-elle. « À un moment donné, j’ai compris que l’establishment rabbinique était déterminé à ne pas me laisser divorcer. J’étais une jeune mère. J’avais peur que les enfants me soient enlevés, et je n’ai pas pu résister à la pression. Mais même lorsque j’acceptais de suivre une thérapie de couple, une minute avant que nous entrions dans la clinique, il me disait à voix basse : “Fais attention à dire la vérité” ».

 

De nombreux juristes ont mis en garde contre les conséquences dévastatrices qui se feront sentir dans tous les domaines de la vie si ces changements sont mis en œuvre.

 

L’histoire des tentatives de divorce s’est poursuivie pendant plus de dix ans. Seule l’intervention d’une organisation de défense des femmes privées de get a permis à G. d’obtenir un acte de divorce religieux et de mettre fin à son mariage violent et abusif. « Nous aidons beaucoup de cas de ce genre, car en Israël, chaque couple qui veut divorcer doit passer par les tribunaux rabbiniques. Il s’agit d’un système totalement masculin, dans lequel seuls les hommes peuvent travailler ou témoigner, alors que les femmes ne le peuvent pas. C’est là que le problème commence », explique Orit Lahav, directrice exécutive de l’ONG Mavoi Satum [Impasse].

 

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou, cette semaine. Photo : Olivier Fitoussi

« Les juges sont des hommes haredi [ultra-orthodoxes], dont la plupart n’ont pas d’interaction quotidienne avec les femmes, à l’exception peut-être des membres de leur propre famille, et le système juridique qu’ils administrent fonctionne selon des lois religieuses qui cherchent à faire reculer le statut des femmes de 500 ans », explique Lahav.

 

« S’il est vrai que l’on peut trouver ici et là des juges équitables qui font preuve de sensibilité, il s’agit en général d’un système qui discrimine automatiquement les femmes, qui les maltraite et qui les broie. Les tribunaux rabbiniques sont actuellement dans une collision frontale quotidienne avec le monde moderne, et il est clair que s’ils reçoivent de l’autorité dans des domaines supplémentaires, cette collision s’intensifiera et ce sont les femmes qui en souffriront ».

 

La collision frontale massive que Lahav anticipe n’est pas seulement théorique. La protestation publique actuelle contre le nouveau gouvernement se concentre sur les mesures proposées par le ministre de la Justice Yariv Levin [Likoud] pour affaiblir le système judiciaire, notamment les modifications apportées au comité de nomination des juges, la limitation des pouvoirs de la Cour suprême et le changement de statut des conseillers juridiques des ministères.

 


Orit Lahav. Photo : Mavoi Satum

 

Mais un projet visant à accorder aux tribunaux rabbiniques un statut égal à celui des tribunaux civils et à créer un système juridique distinct et parallèle fonctionnant selon les lois religieuses juives passe inaperçu. Ce projet concentrerait également un pouvoir important et sans précédent entre les mains des tribunaux rabbiniques dans toutes les affaires civiles qui ne sont actuellement traitées que par le système judiciaire civil.

 

Les accords de coalition que le parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahuo a signés avec le parti ultra-orthodoxe Shas stipulent ces changements. De nombreux juristes ont mis en garde contre les conséquences dévastatrices qui se feront sentir dans tous les domaines de la vie si ces changements sont mis en œuvre.

 

Un système masculin

 

« Ce n’est pas la première fois que les ultra-orthodoxes tentent d’étendre les pouvoirs des tribunaux rabbiniques », dit l’avocate Batya Kahana-Dror, spécialisée dans le droit de la famille et les tribunaux rabbiniques et qui siège au comité du droit de la famille du barreau de Jérusalem. « De telles tentatives ont été faites depuis 2006 à travers une longue liste de projets de loi qui ont été torpillés. Je crains que cette fois-ci, elle ne réussisse, car elle a été intégrée aux accords de coalition.

Un panneau dans le tribunal rabbinique de Jérusalem. Photo : Ohad Zwigenberg

 

« Si cela se produit, cela signifie que les gens pourront se poursuivre les uns les autres dans les tribunaux rabbiniques comme s’il s’agissait de tribunaux à tous égards, y compris sur des questions telles que les délits, le droit du travail, les contrats et l’immobilier, et ils pourront donc appliquer la loi religieuse à chaque partie de la vie en Israël », dit Kahana-Dror. « Il y aura ici un État dans l’État ».

 

Les tribunaux rabbiniques (dont les jugements, comme on l’a noté, sont fondés sur la loi religieuse) font déjà partie du système juridique israélien et détiennent l’autorité exclusive sur le mariage et le divorce entre Juifs. Structurellement, le système comporte deux niveaux - les tribunaux rabbiniques de district et la Haute Cour rabbinique, une cour d’appel dirigée par l’un des grands rabbins.

 

Sur le plan administratif, les 12 tribunaux de district relèvent de l’administration des tribunaux rabbiniques, qui est subordonnée au ministère des Services religieux. Cela signifie que les employés des tribunaux sont choisis par le comité de nomination des juges rabbiniques, mais sont officiellement nommés par la Commission de la fonction publique.

 

Le chef du parti ultra-orthodoxe Shas, Arye Dery. Photo : Ohad Zwigenberg

Bien qu’il soit subordonné à l’État, il s’agit d’un système dans lequel la moitié du public n’est pas représentée et qui a un préjugé intégré contre les membres de la communauté LGBTQ. Par conséquent, ces personnes ont peu de chances de recevoir un traitement égal. En fait, tous les aspects sont contrôlés par des hommes ultra-orthodoxes.

 

Le comité de nomination des juges rabbiniques, par exemple, compte 11 membres - les deux grands rabbins, deux juges de la Haute Cour rabbinique, deux ministres, deux membres de la Knesset, deux avocats et une femme “plaideuse rabbinique”. L’influence du membre féminin sur le système est négligeable. Dans les salles d’audience proprement dites, les femmes jouent également un rôle secondaire, voire inexistant, car elles ne peuvent pas être juges rabbiniques ni même témoigner.

 

Actuellement, les pouvoirs des tribunaux rabbiniques sont relativement limités, car selon la loi de 1953 sur la compétence des tribunaux rabbiniques, ils n’ont autorité que sur le mariage et le divorce. Ils sont également autorisés à connaître des affaires de garde d’enfants et d’autres questions accessoires au divorce, mais uniquement si aucune des parties n’a intenté de procès devant un tribunal (civil) de la famille.

 

L’accord de coalition stipule que les deux parties doivent accepter la compétence des tribunaux rabbiniques pour toute question de ce type. Mais les personnes connaissant le fonctionnement du système disent que cela est trompeur.

Orly Erez-Likhovski. Photo : Le mouvement réformateur

« La question du consentement est trompeuse, car il ne s’agit que d’une façade de consentement », dit l’avocate Orly Erez-Likhovski, directrice du Centre d’action religieuse d’Israël. « Dans la communauté religieuse, les gens n’ont généralement pas d’autre choix que de consentir, mais même les personnes laïques n’auront souvent pas le choix.

« Par exemple, quelqu’un achète un appartement ou tout autre produit, et le contrat contient une clause disant que tout procès futur sera entendu par le tribunal rabbinique », dit-elle. « La plupart des gens signent des baux qui donnent d’avance un consentement total.

 

« Et que se passe-t-il dans les cas de relations entre employeurs et employés ? », demande-t-elle. « Il s’agit d’une situation inégalitaire. L’employeur est le côté fort, et l’employé a peu de moyens de s’opposer à une telle clause, surtout parmi les groupes de population les plus faibles. Si ça passe, c’est une révolution dramatique et dangereuse ».

 

La professeure Ruth Halperin-Kaddari est une spécialiste du droit de la famille, du droit religieux juif et de la critique féministe du droit à la faculté de droit de l’université Bar-Ilan. Elle dirige également le Centre Ruth et Emanuel Rackman pour la promotion du statut de la femme à l’université. Et elle prévient que les premières victimes de ce changement seront les femmes religieuses.

 

« Le système des tribunaux rabbiniques donne automatiquement plus de pouvoir aux hommes, et les premières victimes seront les femmes religieuses, dont on attendra toujours qu’elles se tournent vers cette instance », dit-elle. « Par exemple, les employées des écoles ultra-orthodoxes, qui sont de toute façon plus faibles [en termes de statut], auront du mal à négocier contre une demande de règlement d’un conflit devant le tribunal rabbinique.

 

« Je pense que cela aura également un effet plus large sur les organisations féministes dans la communauté religieuse », dit Halperin-Kaddari. « Jusqu’à présent, par exemple, nous avons vu des femmes ultra-orthodoxes qui sont contre les études séparées par sexe, mais cette situation va les déresponsabiliser ».

Une plaque dans le tribunal rabbinique de Jérusalem. Photo : Ohad Zwigenberg

Au-delà de la question des attentes sociales, Kahana-Dror explique que, dans la communauté ultra-orthodoxe, le refus de consentir entraînerait des pressions et des menaces.

 

« Chez les ultra-orthodoxes, il y a une culture des journaux et des affiches », dit-elle, et cela inclut les affiches de dénonciation. « Au fil des ans, j’ai eu un certain nombre de clientes qui n’ont pas accepté d’être jugées par un tribunal rabbinique et qui ont dû faire face à une campagne de dénigrement, comme si le fait de s’adresser à un tribunal civil israélien revenait à s’adresser à un tribunal non juif.

 

« Alors c’est vrai qu’Israël interdit aux tribunaux rabbiniques de délivrer des seruv, c’est-à-dire des documents obligeant les gens à obéir à leurs convocations », dit-elle. « Mais le bureau du procureur de l’État ne l’applique pas, et la réalité est catastrophique. Il y a des gens qui sont confrontés à de graves menaces et à la terreur en raison de leur refus.

 

« Aujourd’hui, il existe des tribunaux rabbiniques dans presque toutes les villes ultra-orthodoxes d’Israël - Betar Ilit, Elad, Beit Shemesh - et les ultra-orthodoxes ont donc de nombreuses options. Il n’y a donc aucune justification pratique pour les étendre».

 

“Donnez-lui de l’argent”

 

Halperin-Kaddari met également en garde contre les moyens officieux de rendre la vie difficile aux femmes dans certaines situations - des tactiques qui ne sont souvent pas signalées officiellement. « Par exemple, l’extorsion de femmes, dans tous les segments de la société », dit-elle. « Cela se produit déjà aujourd’hui, car il est considéré comme légitime d’extorquer les femmes lors des divorces. Par conséquent, donner aux tribunaux rabbiniques des pouvoirs supplémentaires permettra des pressions et des extorsions plus importantes dans tous les domaines de la vie ».

 

L’histoire d’une femme qui a accepté d’être identifiée comme étant R. illustre l’extorsion discrète dont les femmes sont victimes dans le système judiciaire rabbinique. Comme G., R. a traversé une procédure de divorce épuisante et n’a pu s’extraire de son mariage qu’avec l’aide du Mavoi Satum.

 

« Mon mari a insisté auprès des rabbins pour dire qu’il voulait le shalom bayit {“paix domestique”, bonne entente, réconciliation conjugale, NdT], et même si je ne voulais qu’un divorce, les juges rabbiniques ont fait pression pour que nous allions suivre une thérapie de couple », dit-elle. « Nous y sommes allés, et nous avons également apporté un avis du psychologue en faveur du divorce, mais cela n’a pas aidé. Lors de l’une des audiences, le juge a demandé à mon mari de quitter la salle d’audience. Il s’est alors tourné vers moi et m’a dit : “D’accord, je vous comprends, mais donnez-lui peut-être quelque chose pour qu’il vous donne une chance ? Donne-lui de l’argent, ou plus de temps avec les enfants”.

 

Batya Kahana-Dror. Photo : Emil Salman

 « Je n’étais pas d’accord avec ça », dit-elle. « Vu la situation entre nous, je ne voulais pas qu’il ait plus de temps avec les enfants, et je n’avais pas d’argent. Alors ça a continué, et j’ai été obligée de faire une nouvelle tentative de thérapie de couple. Mais il s’en est servi pour gagner du temps. Il a annulé des réunions, s’est dérobé et a menacé faire durer notre mariage pour toujours. Un juge a laissé entendre que si j’étais si pressée de divorcer, c’était que je devais avoir une nouvelle relation ».

 

Les conclusions d’une étude publiée par l’Institut israélien pour la démocratie en 2021 exacerbent toutes ces préoccupations. Cette étude, rédigée par Ariel Finkelstein du programme religion et État de l’institut, a fourni la première analyse détaillée et systématique du niveau de service fourni par les tribunaux rabbiniques et de leur conformité aux normes judiciaires.

 

Elle a trouvé des failles importantes dans le travail des tribunaux rabbiniques par rapport aux tribunaux civils. Par exemple, près de 33 % des plaintes déposées contre des juges rabbiniques entre 2008 et 2019 ont été jugées justifiées, contre seulement 17 % des plaintes déposées contre des juges de tribunaux d’instance, 16 % des plaintes déposées contre des juges des affaires familiales, 14 % des plaintes déposées contre des juges de tribunaux de district et 8 % des plaintes déposées contre des juges de la Cour suprême.

 

La plupart des plaintes justifiées contre les juges rabbiniques impliquaient des normes judiciaires, selon l’étude. Dans 30 % des plaintes justifiées, il a été constaté que les juges rabbiniques avaient violé les valeurs de la justice naturelle - une catégorie qui comprend les conflits d’intérêts, l’apparence de partialité, l’atteinte au droit de présenter des arguments ou au droit de représentation, et l’atteinte à l’égalité entre les parties. Seuls 10 % des plaintes justifiées contre des juges civils concernaient de tels problèmes.

 

« L’impression générale laissée par les rapports du médiateur judiciaire est qu’à bien des égards, les tribunaux rabbiniques fonctionnent davantage comme un forum de shtetl que comme un tribunal légal », écrit Finkelstein. De plus, écrit-il, « [i]l y a des signes que, en raison des liens étroits entre les partis politiques et les [juges rabbiniques] de haut rang, les décisions administratives relatives aux tribunaux rabbiniques ... sont influencées par des considérations partisanes ».

Une salle d’audience du tribunal rabbinique de Jérusalem. Photo : : Ohad Zwigenberg

Dans sa conclusion, il recommande de transférer l’administration des tribunaux rabbiniques du ministère des Services religieux au ministère de la Justice, afin que les tribunaux soient séparés du grand rabbinat.

 

Kahana-Dror, quant à elle, affirme que le fait de mettre les tribunaux rabbiniques sur un pied d’égalité avec les tribunaux civils entraînerait des allocations budgétaires massives pour les premiers. « Si cela se produit, ils exigeront la création d’un tribunal rabbinique dans chaque ville, à l’instar des tribunaux de première instance », dit-elle.

 

« Il n’y a aucune raison pour que le public finance un système judiciaire dans lequel il n’y a aucun moyen de savoir à quels principes il est subordonné, et qui fonctionne sans représentation pour 50 % du public », dit-elle. « La Halakha [loi juive] est un énorme corpus juridique qui s’est développé sur de nombreuses années, mais ses décisions peuvent prendre de nombreuses directions différentes. Doit-on se conformer à Maïmonide ? Ou le Shulchan Aruch [code de la loi juive] ? Qui décide ?"

 

Les juges rabbiniques « sont également des arbitres halakhiques. En d’autres termes, il n’y a pas de séparation des pouvoirs », dit Kahana-Dror. « Et il n’y a aucune raison pour qu’en 2023, nous fonctionnions selon des lois religieuses qui disent, par exemple, qu’il n’y a pas d’obligation de compensation dans le cas d’un meurtre accidentel. C’est un système qui n’a pas été mis à jour à travers tous les développements du droit moderne. Dans le monde du travail, par exemple. Le paiement des congés de maladie, les pensions, les avantages, la protection des droits des travailleurs - la loi de la Torah n’aborde pas tout cela.

 

Prof. Ruth Halperin-Kaddari. Photo : Rami Zarnegar

 « De plus, il y a ici un problème d’équilibre des pouvoirs », conclut-elle. « Les hommes ont actuellement plus de pouvoir, plus d’argent, plus de biens, plus de postes de direction. Dans une situation d’autorité élargie [pour les tribunaux rabbiniques], ce que nous obtiendrons, c’est la discrimination ».

 

Selon Mme Halperin-Kaddari, même si l’initiative actuelle n’est jamais mise en œuvre, le fait même qu’elle figurait dans les accords de coalition reflète la situation des femmes sous le gouvernement de Netanyahou.

 

« Vous ne pouvez pas dissocier cette situation de la bataille menée pour qu’Israël adhère à la Convention d’Istanbul, par exemple », dit-elle, en référence à la convention sur la prévention de la violence à l’égard des femmes que des dizaines de pays ont signée. "Cette convention est l’outil juridique international le plus important et le plus avancé pour tout pays engagé dans la lutte contre la violence envers les femmes.

 

« Il s’agit d’un traité qui aborde de manière claire et étendue toutes les formes de violence, y compris la violence psychologique, économique et domestique, ainsi que les situations de comportement de contrôle extrême », explique Mme Halperin-Kaddari. « Les pays qui l’ont signé sont tenus d’élaborer un plan global de prévention de la violence, comprenant l’enseignement de points de vue égalitaires dès le plus jeune âge et des programmes destinés aux hommes violents.

« Pendant six ans, nous avons mené un processus qui a abouti au “gouvernement du changement” [Gantz-Lapid], et Israël a finalement soumis une demande d’invitation formelle à adhérer », poursuit-elle. « Mais à ce moment-là, les organisations de la droite conservatrice ont lancé une campagne agressive et mensongère qui a fait un usage démagogique et manipulateur d’affirmations sur l’atteinte aux valeurs familiales. Ce sont des euphémisme,s et c’est un schéma qui se répète dans tous les pays où il y a un recul des valeurs démocratiques.

 « Ironiquement », dit-elle, « le seul pays qui s’est retiré de la Convention d’Istanbul est la Turquie. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne menacent également de se retirer. On peut donc dire qu’il existe un lien étroit entre la force de la démocratie et l’engagement des pays envers la Convention d’Istanbul. La personne qui a finalement cédé à la pression des forces conservatrices était la ministre de l’Intérieur de l’époque, Ayelet Shaked, qui avait bloqué la possibilité d’adhérer. L’invitation à adhérer est toujours ouverte, mais malheureusement, nous voyons comment les accords de coalition sont rédigés.

« Je n’ai jamais vu une telle formulation », dit Halperin-Kaddari. « Au lieu de s’engager dans des actions et des processus qui construiraient quelque chose, les accords avec le sionisme religieux, par exemple, commencent par le fait qu’il est hors de question de rejoindre la Convention d’Istanbul. C’est horrifiant ».


 Le tribunal rabbinique (beyz-din) de Varsovie, qui avait à juger des affaires de divorce, offrant au début du siècle dernier des scènes hautes en couleur qui faisaient les choux gras de la presse yiddish. Les empoignades, échanges de gifles et de coups de poing n’étaient pas rares. Le comité rabbinique décida donc d’interdire l’’accès à la presse, ce qui provoque les protestations des rabbins. Les 3 rabbins qui siégeaient au tribunal refusèrent de se conformer à l’ordonnance ; dans une interview au quotidien yiddish Moment, l’un d’’eux fit remarquer que « dans les conditions sociétales progressistes actuelles, il n’’est tout simplement pas possible de fermer la porte d’une institution telle que le rabbinat au public juif ». Ce dessin, intitulé “A makhe” (Une agression) est paru dans le journal Der Blofer (Le Bluffeur) en octobre 1929  présente le stéréotype du couple juif du petit peuple (appelé amkho, la racaille) : une virago imposante et un époux chétif. C’était bien avant l’ère du politiquement correct.[NdT]

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