08/10/2021

GIANFRANCO LACCONE
Le marché de l'immunité

Gianfranco Laccone, Comune-Info, 5/10/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


Gianfranco Laccone est un agronome italien, membre de la présidence de l'ACU - Associazione Consumatori Utenti (Association Consommateurs Usagers) . @GianfrancoLacc1

 

Tout vaccin, comme tout médicament et tout produit en vente, est soumis aux règles du marché : règles nationales (car la vaccination - c'est-à-dire la chaîne de vaccination - est lancée selon les règles que chaque pays se fixe) et règles internationales. En effet, la disponibilité des vaccins dépend de l'offre des fabricants, de leurs politiques et des contrats qu'ils ont signés avec chaque pays, ainsi que du système de stockage et d'auto-approvisionnèrent que chaque pays a mis en place ; comme on peut le constater, ces conditions dépendent du marché international.

Ainsi, le vaccin et son utilisation sont le résultat de l'intersection entre les stratégies de protection de la santé mises en œuvre par chaque pays, et en leur sein par les individus, et les stratégies de marché qui, à leur tour, impliquent de multiples facteurs dépendant des producteurs, des détenteurs de brevets, de la chaîne d'approvisionnement et, finalement, des "consommateurs" du vaccin. Tous les acteurs de cette affaire semblent avoir des rôles clairement définis : l'offre est assurée par les multinationales, la demande est constituée par les citoyens, avec la médiation des États. Mais à y regarder de plus près, ces rôles sont moins bien définis qu'il n'y paraît : pour tenter de "choisir" le vaccin ou de faire des choix contre son utilisation, le rôle des citoyens, mais surtout celui des États, peut se situer non pas du côté de la demande, mais plutôt du côté de l'offre (comme dans le cas des USA ou de l'Inde) ou pencher vers un ou plusieurs producteurs (comme au Royaume-Uni), et le comportement de tous les acteurs peut changer.

 


Vaccinationalisme, par Rodrigo de Matos, Portugal

La question du comportement, qui est aujourd'hui centrée de manière presque obsessionnelle sur le vaccin dans les pays les plus riches, concerne en réalité surtout la masse des habitants de la planète (plusieurs milliards d'individus) qui se trouvent en dehors de cette zone, qui ne disposeront pas de vaccins, qui échappent au système de contrôle efficace des États (et je ne parle pas ici des citoyens de l'UE ou des grands pays industrialisés), qui continueront à vivre en utilisant des stratégies de survie alternatives en présence d'une épidémie dont les taux réels de propagation ne seront même pas connus dans ces cas.

Nous sommes encore loin d'appréhender cet aspect, mais la propagation de la pandémie a été et sera de nature à remettre en cause les structures du marché mondial, notamment telles qu'elles ont été construites au cours des trente dernières années. L'exemple de l'Inde est frappant : grand producteur de vaccins anti-Covid-19 (qu'elle exporte dans le monde entier), elle a subi une résurgence de la pandémie, avec un nombre de victimes particulièrement élevé. La stratégie de développement économique théorisée par l'OMC, qui veut que la clé de l'amélioration économique et sociale d'un pays soit l'augmentation des transactions commerciales (c'est-à-dire la suppression de tous les obstacles qui peuvent les ralentir), se heurte à la nécessité pour chaque pays de protéger avant tout sa population, en l'occurrence en limitant les transactions commerciales, même si elles sont très favorables d'un point de vue économique.

Sans parler des conséquences sociales des stratégies de défense choisies. Si la stratégie est celle du vaccin, sera -t-il possible de vacciner, par exemple, la majorité de la population de l'Inde ? Et quand ? Et surtout, que feront les "naufragés de la planète" dans ces conditions ? (1) Je me réfère aux personnes, dont le nombre ne cesse d'augmenter, qui vivent depuis des décennies en marge du système de marché mondial, en ayant été progressivement et constamment expulsées, mais qui représentent la base presque impalpable de ces marchés, une sorte de "plancton" qui alimente sa vie en recyclant et en métabolisant les déchets. Aujourd'hui, cette multitude d'individus vit en grande concentration dans les métropoles, les camps de réfugiés et les centres miniers. Nous savons peu de choses sur le virus, mais nous avons certainement noté la corrélation entre les conditions dans lesquelles le covid-19 se développe, la quantité de carbone libérée dans l'air, et la fragilité accrue de tout être vivant (végétal ou animal) lorsqu'il vit en grande concentration. Il ne semble pas que la pandémie ait ralenti cette tendance qui pousse les humains à créer, vivre et laisser vivre dans de grandes concentrations. Cela continuera-t-il à être le cas à l'avenir ?

La stratégie de vaccination s'avère déjà coûteuse et, pour la plupart des vaccins, ne peut être mise en œuvre qu'au travers d'une distribution efficace liée à une chaîne du froid tout aussi efficace ; sans compter la méfiance plus ou moins justifiée qui l'accompagne et rend sa mise en œuvre encore plus coûteuse. Comme il est impossible de la mettre en œuvre dans de vastes zones de la planète, on pense qu'elle doit s'accompagner d'une guérison rapide à l'aide d'antiviraux spécifiques : on tombe malade, puis la guérison est lancée, mais même dans ce cas, il est nécessaire de disposer d'installations médicales et de distribution efficaces, sans parler des moyens de diagnostic nécessaires.

Nous devons tenir compte des effets du marché sur les systèmes de santé et sur le vaccin, même lorsque nous lisons des communiqués ou des alertes sanitaires : si nous analysons le communiqué publié en avril par l'Agence européenne des médicaments - EMA - (2), concernant les effets possibles du vaccin anglo-suédois AstraZeneca, nous remarquerons un passage dans lequel il est souligné que son utilisation, recommandée en augmentant les spécifications de l'étiquette sur les effets secondaires possibles, était conditionnée par deux facteurs que chaque pays de l'UE devait évaluer : la situation du développement de la pandémie et celle de l'approvisionnement en vaccins. En pratique, sans le recommander, les pays de l'UE ont été mis en position de se procurer d'autres vaccins et d'utiliser d'autres stratégies si la situation épidémique changeait. Le brevet anglo-suédois a été touché par l'effet Brexit, et ce n'est pas un hasard si la question de la dangerosité du vaccin a été soulevée dans un pays de l'UE avant les autres.

L'action protectrice activée par le recours au principe de précaution dans le traité de l'UE pourrait également être considérée comme une sorte de réponse au comportement de l'OMS (3), exprimé dans un communiqué publié il y un peu plus d'un an, dont les recommandations sont aujourd'hui tragiquement paradoxales. L'OMS a agi selon le principe de la preuve scientifique, qui prévoit la poursuite du système de marché mondial régulier en l'absence de certitude. Ainsi, le 11 janvier 2020, elle a recommandé "d'éviter toute restriction sur les voyages et le commerce avec la Chine", où l'épidémie était en cours depuis au moins décembre 2019 (mais cela a été découvert plus tard).

Comme l'ont montré d'autres épidémies dans le passé, le concept de preuve scientifique est influencé non seulement par les connaissances scientifiques disponibles mais aussi par des influences socio-économiques et culturelles. Si l'on observe les événements entourant la propagation des maladies et l'utilisation des médicaments, on trouve un grand nombre de cas où la concurrence et ses règles, y compris celle du plus fort, se sont imposées au détriment de la santé et du traitement des personnes. Pour ne citer qu'un exemple, pendant l'épidémie de VIH, nous avons assisté à des événements similaires à ceux que nous observons actuellement avec le Covid-19 : de la lutte entre virologues (qui a donné lieu à des dénonciations - par exemple, entre Gallo et Montagner - et à la découverte d'opérations louches) aux traitements brevetés coûteux, sélectifs parce que mis à la disposition des pays riches et, à l'intérieur de ceux-ci, seulement aux riches, à la prolifération des brevets et à la lutte conséquente entre multinationales avec la demande de libéralisation de la production de médicaments faite alors, comme aujourd'hui, par des pays comme l'Afrique du Sud et l'Inde (qui ont de grandes capacités de production).

Le marché libre des capitaux, utilisé pour activer les services de santé ou les produits pharmaceutiques, entraîne dans le flux du marché toutes les scories de nos sociétés : non seulement les scories financières, avec les mouvements de capitaux à la bourse et les taux d'intérêt qui se révèlent souvent être des cordes autour du cou des pays pauvres, mais aussi les scories matérielles, polluantes et contaminantes, et les scories culturelles, comme les préjugés et les conditionnements idéologiques. Dans le cas du VIH, ces derniers ont été très importants, retardant la bonne direction de la recherche pendant des années : le VIH, qui est une maladie du sang transmissible par contact avec des fluides organiques, a été classé comme une maladie "culturelle", liée à l'homosexualité, de sorte que les préjugés ont accentué sa propagation (tout en stigmatisant et en discriminant les victimes). En ce qui concerne le Covid-19, l'"ethnicisation de la pandémie", qui était à l'origine appelée "virus chinois", a entraîné une perte de temps dans la recherche du "patient 1" dans les communautés chinoises les plus diverses du monde. Et il a servi à construire, malheureusement avec un certain succès, le soi-disant "ennemi extérieur", qui est fonctionnel pour résoudre les difficultés des différents gouvernements, mais totalement inutile pour élaborer une stratégie de défense efficace contre le virus.

L'identification d'un ennemi extérieur, chaque fois identifié en fonction des variantes du virus (chinoise, anglaise, brésilienne, sud-africaine...) a été la solution étrange et irrationnelle qui a discriminé les personnes et les États, après que les règles du libre marché eurent largement permis non seulement la création de conditions environnementales propices au développement du virus, mais aussi sa propagation (pensons au rôle décisif joué par l'élevage industriel par rapport à ce que l'on appelle le saut d'espèce).

Était-ce prévisible ? Oui, parce que cela s'était déjà produit dans le secteur de la santé (comme nous l'avons vu avec le VIH) et dans le secteur agroalimentaire, qui a été le dernier secteur à s'aligner sur le système du marché mondial dans les années 1990 et le premier à subir les conséquences de la fin de la protection des produits nationaux au nom de la libre concurrence. La diffusion de monocultures et/ou de variétés monoclonales (grâce à la protection et à la diffusion de semences et de plantes brevetées par des multinationales), la concentration de l'élevage industriel, la vie insalubre dans les grandes métropoles et même celle des campagnes produisant pour le marché, couverte de pesticides, tout cela a créé les conditions de la faiblesse des organismes vivants qui subissent le "saut d'espèce" effectué par de nombreux micro-organismes.

Dans l'agriculture, le passage prévisible des parasitoses entre différentes espèces était déjà une "normalité" dans les années 1970 : les traités d'entomologie et de phytopathologie du début du 20e siècle mentionnaient, bien que de façon marginale, de nombreux parasites spécifiques aux cultures. Soixante-dix ans plus tard, ils se seraient répandus sur la planète et, en présence de grands investissements en monoculture, auraient modifié certaines de leurs caractéristiques alimentaires, s'adaptant aux nouvelles espèces présentes. En outre, le saut d'espèces et la destruction simultanée (ou l'absence) des antagonistes des ravageurs ont laissé la place à un autre type d'"agression étrangère", les attaques virales (ou similaires). Au cours des années 1980, en passant par les animaux supérieurs, le mécanisme s'est dangereusement rapproché de l'homme. La propagation de la "maladie de la vache folle" (ESB), qui s'est développée en raison d'un choix délibéré des fabricants d'aliments pour animaux, est un exemple classique de "saut d'espèce" résultant de choix de marché. Afin de réduire le prix de leurs produits et de les rendre plus largement disponibles en tant que substitut de fourrage, ils ont d'abord généralisé l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des ruminants herbivores, puis modifié le cycle de production des aliments pour animaux afin d'en réduire le coût.

Comme l'a bien décrit un travail effectué par des scientifiques et des chercheurs pour le compte du gouvernement britannique à la fin des années 1980 (époque de Thatcher), l'abaissement à moins de 100° de la température de stérilisation des farines animales (qui pouvaient contenir des tissus animaux malades) aurait exposé les animaux nourris avec ces farines au risque d'une maladie déjà identifiée chez les moutons (l'ESB) et aurait favorisé sa propagation aux autres espèces qui les auraient consommées. Le gouvernement conservateur, poussé par les fabricants d'aliments pour animaux, a accepté le risque (supposé minime) en échange d'une réduction significative des coûts de production, ce qui a entraîné une augmentation colossale des profits au fur et à mesure de l'expansion du marché des aliments pour animaux. Nous savons tous comment cela s'est terminé... L'aspect le plus déroutant de tout cela est que les conclusions du comité scientifique étaient disponibles pour tout le monde pour le prix modique de 2 £ ; j'en ai moi-même lu une copie au début des années 1990, avant que l'épidémie ne se développe en Europe continentale, mais je n'ai pas saisi l'ampleur du problème.

Le préjugé de la supériorité de l'espèce se manifeste parfois de manière involontaire. Comme l'a bien souligné l'anthropologue Monder Kilani, dans un excellent livre d'il y a vingt ans (5), conçu et édité par l'anthropologue Annamaria Rivera - co-autrice du volume -, la définition même de la maladie, appelée "vache folle", transfère la responsabilité de la maladie causée par les humains, sur les non-humains qui, en réalité, sont les victimes (la même chose a été faite maintenant par ceux qui, "pour faire court", ont appelé le Covid la "maladie chinoise", où les pauvres Chinois n'étaient évidemment que les premières victimes). Mais, outre le développement de nouvelles épidémies et pandémies plus agressives, l'intensification du système d'échanges (y compris financiers), sans tenir compte des différentes positions sur le marché agro-alimentaire et sans garanties adéquates pour les parties les plus faibles, a produit des phénomènes d'appauvrissement massif qui, avant même de se manifester dans la dimension économique, ont montré leur effet dans l'émergence de pénuries alimentaires, qui diffèrent entre les pays riches et les pays pauvres et entre les couches sociales de chaque pays : tout cela est lié au fait d'avoir soumis le marché alimentaire à des règles financières. C'est comme si l'on rétablissait la prison pour dettes qui existait dans l'Angleterre du XIXe siècle et qui était en fait une peine "pour pauvreté", en la remplaçant par la peine des maladies de malnutrition pour les personnes pauvres ou insolvables d'aujourd'hui. Je parle de la nourriture, mais essayez de substituer des médicaments, des thérapies ou des vaccins à la nourriture. Ne trouvez-vous pas une curieuse similitude entre les situations décrites actuellement pour le secteur agroalimentaire et celles qui se produisent dans le monde entier en matière de soins et de fournitures médicales ?

Dans les années 1990, face à la réalité des échanges alimentaires non protégés, on a étudié le phénomène du "food power", qui consiste à utiliser le flux de nourriture à destination ou en provenance d'un pays pour faire pression sur celui-ci (qu'il soit partenaire ou adversaire) et modifier ses positions politiques. La fourniture d'aide alimentaire a perdu sa connotation humanitaire pour montrer son vrai visage d'instrument au service de la géopolitique. Parallèlement, la signification politique du système de qualité des produits et des marques a également émergé, dont la dimension de garantie de la sécurité sanitaire s'est combinée à celle du contrôle des flux commerciaux : ce qu'il était impossible d'arrêter grâce aux accords de libéralisation des échanges était autorisé si l'on trouvait un point d'ancrage dans le contrôle sanitaire. À côté des motifs réels, il y avait des raisons plus futiles, souvent masquées par le coûteux mécanisme de contrôle. C'est ainsi que sont apparus de longs conflits, également justifiés par des contrôles sanitaires, qui ont révélé d'importants aspects sociopolitiques. Il est apparu que la malnutrition dans de nombreuses régions du monde était la conséquence de choix politiques, et une image beaucoup moins noble s'est imposée, celle d'embargos ou de boycotts contre tel ou tel régime, souvent menés au nom du respect des droits de l'homme, mais ayant pour seul effet d'aggraver les conditions de vie des populations.

 

Les privilégiés, par Moro, Cuba

 

Nous avons découvert dans les années 1990 le pouvoir du "pouvoir alimentaire", nous découvrons maintenant le pouvoir du "pouvoir sanitaire" avec l'utilisation politique des vaccins. Aux similitudes entre le Covid-19 et l'ESB pour ce que nous appelons le "saut d'espèce", à celles entre le marché agro-alimentaire et le marché de la santé pour la diffusion et l'organisation de la distribution, on peut en ajouter une autre dans le couple vaccins anti-Covid et OGM en agriculture (et dans la définition de ces OGM j'inclus aussi les très nouveaux mais pas trop nombreux NBT [(New breeding techniques, Nouvelles techniques de sélection, OGM masqués, NdT]). Quel est le lien entre les vaccins et les OGM ? Certes, les règles du marché qui s'appliquent à la fois à la vente et la distribution des produits, mais aussi les règles de propriété des brevets, pour des raisons bien différentes de la motivation de la "protection de la propriété intellectuelle", qui est l'objectif annoncé. Presque toujours, ces brevets sont fortement financés par certains États, qui répercutent ainsi les coûts sur les citoyens, mais laissent les bénéfices aux actionnaires des sociétés détentrices des brevets. Il s'agit souvent d'innovations pas vraiment fondamentales, aidées par une propagande et une publicité qui les placent au même niveau qu'un détergent ou un fromage. Nous ne devrions pas être surpris si la confiance dans l'efficacité des vaccins est aussi élevée que celle dans les détergents...

Le nœud du problème est que ces innovations ne résolvent pas toujours le problème et que d'autres mesures, comme l'élimination des causes du développement du virus dans le cas des vaccins, doivent être prises en parallèle. Par exemple, le fait que les OGM ne constituent pas une grande innovation capable de résoudre les problèmes alimentaires du monde est démontré par le fait que, bien qu'ils existent depuis le milieu des années 80, leur utilisation dans l'agriculture a été erratique et peu rapide, n'atteignant une utilisation stable que grâce aux investissements massifs de soutien réalisés (économique, politique, image). Les problèmes sont restés les mêmes qu'auparavant : les quantités produites ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes alimentaires ; les plantes OGM peuvent avoir des effets sur l'homme et nécessitent un soutien sous forme de pesticides et d'engrais, ce qui augmente la libération de CO2 dans l'air, la pollution, etc. ; les systèmes commerciaux nécessitent des contrôles et des coûts supplémentaires ; sans parler des problèmes sociaux, éthiques et biologiques créés. Bref, ce n'était pas une idée de génie que de les introduire, dont la véritable motivation est le marché et dont l'effet a été la dépendance accrue du secteur agricole vis-à-vis de l'industrie.

 Malheureusement, aujourd'hui, même les innovations dans le domaine de la santé sont liées au marché, alors que dans le passé, l'introduction des vaccins et leur diffusion étaient liées à des mécanismes de recherche financés par les gouvernements et les institutions publiques, combinés à ceux de la promotion sociale, gérés par les gouvernements et les communautés, les entreprises et les associations. Je rappelle l'exemple classique de l'élimination du fléau de la polio grâce à l'utilisation du vaccin Sabin, après que son découvreur eut renoncé à ses droits de propriété, ce qui a permis de le produire à faible coût et de le diffuser précisément dans les zones les plus pauvres, où les épidémies étaient endémiques. Il devrait être évident que les règles du marché ne favorisent pas, voire n'interfèrent pas avec les systèmes de prévention. Pourtant, tout continue à fonctionner comme si, grâce au marché, nos vies s'étaient améliorées. Lorsque la protection de la santé passe par le marché et les règles de la concurrence, nous voyons de grandes entreprises se battre entre elles, avec des alliances et une concurrence, sur la base d'autres facteurs que la santé.

 Tous les vaccins anti-Covid que nous utilisons ont été obtenus par des procédures simplifiées et par la méthode du génie génétique ; ils présentent donc tous des aspects problématiques, ne serait-ce qu'en raison de la quasi-absence de tests à moyen terme. Selon cette logique, tous les vaccins peuvent n'avoir des effets évidents qu'après une phase initiale, mais certains effets commerciaux et économiques sont déjà évidents, et les différents acteurs - qu'il s'agisse d'industries détentrices de brevets ou d'États - tenteront de contrecarrer les effets défavorables et de tirer parti des "opportunités de marché". Il n'est pas étonnant que le vaccin d'AstraZeneca, un brevet qui rapporte de l'argent (beaucoup) et du travail (un peu) au Royaume-Uni et en Suède, ne soit pas très apprécié après le Brexit dans l'Union européenne, dont les États membres ont déjà trouvé tous les points faibles possibles pour entraver sa diffusion.

En réalité, il ne faut pas tout miser sur le vaccin pour échapper à la pandémie : sans prévention, sans surmonter les conditions environnementales favorables au développement du virus et au "saut d'espèce", il sera difficile de se défendre efficacement. Cette possibilité supplémentaire s'appelle la prévention et s'obtient en changeant progressivement les modes de vie et en établissant avec d'autres êtres vivants des relations radicalement différentes de celles qui existent actuellement. La première étape consiste à appliquer le principe de précaution à chaque médicament ou vaccin. Mais si la logique du marché domine la distribution des vaccins, cela en favorisera certainement certains au détriment d'autres, et cela produira un effet d'entraînement dans le secteur économique et commercial. Ce que la domination du marché produit également dans le secteur de la santé, c'est un affrontement extrêmement dur entre pays et multinationales, avec des jeux d'alliances qui n'ont pas grand-chose à voir avec la lutte contre la pandémie et qui laissent présager une "chronicisation" du problème (ce n'est pas un hasard si les "pilules du lendemain" anti-Covid se profilent à l'horizon). Ce n'est pas par hasard que j'ai mentionné les OGM, car leur présence sur les marchés de la production agricole a bloqué la possibilité d'autosuffisance des agriculteurs et des pays dans la production et la gestion des ressources primaires, liant pieds et poings les producteurs au brevet et au sort et aux choix des multinationales. Pour éviter que la même chose ne se produise avec les vaccins Covid-19, la seule stratégie consiste à retirer la propriété aux Big Pharma et à la rendre commune, afin que les investissements puissent être répartis et, avec eux, les risques d'échec de la stratégie de défense. Les pro-vax peuvent ne pas être d'accord et penser que cette voie n'est pas attrayante. Mais tout comme le marché a désormais envahi nos vies, le vaccin a désormais atteint la masse de la population dans les pays occidentaux. Si l'on veut s'éloigner des stratégies de Big Pharma, il faut penser à retirer du marché les outils de la connaissance, d'où la recherche et les brevets sur les vaccins.

Au moment où j'écris ces lignes, une pétition citoyenne de l'UE (ICE est son acronyme) est en cours, qui aspire à recueillir un million de signatures de citoyens européens en faveur d'une réglementation européenne visant à bloquer les brevets et à soustraire les vaccins Covid-19 à la spéculation et au marché. Elle s'intitule "PAS DE PROFIT SUR LA PANDEMIE", et il sera possible de la signer jusqu'en mai 2022. Je l'ai déjà fait et j'espère que mes raisons ont été claires.

Notes

1-      C'est ainsi que Serge Latouche définit les individus marginalisés par le processus de mondialisation du système économique actuel. Il a consacré à ce thème son essai "La planète des naufragés", Bollati Boringhieri, 1993.

2-     "Le comité de sécurité de l'Agence européenne des médicaments (EMA) a conclu aujourd'hui que les caillots sanguins inhabituels associés à un faible taux de plaquettes devraient figurer sur la liste des effets secondaires très rares de Vaxzevria (anciennement COVID-19 Vaccin AstraZeneca)."......... "COVID-19 est associé à un risque d'hospitalisation et de décès. La combinaison caractérisée par un thrombus et un faible taux de plaquettes qui a été signalée est très rare et les avantages globaux du vaccin dans la prévention de la maladie COVID-19 l'emportent sur les risques d'effets secondaires. L'évaluation scientifique de l'EMA soutient l'utilisation sûre et efficace des vaccins COVID-19. ........ "L'utilisation du vaccin lors des campagnes de vaccination au niveau national tiendra également compte de la situation pandémique et de la disponibilité des vaccins dans chaque État membre", indique le communiqué de presse du ministère italien de la santé du 08/04/2021.

3-     " L'OMS ne recommande aucune mesure spécifique pour les voyageurs (à destination et en provenance de la Chine - ndlr). En cas de symptômes évoquant une maladie respiratoire, pendant ou après le voyage, les voyageurs doivent consulter un médecin et informer le personnel de santé de leur voyage. Les directives à l'intention des voyageurs ont été mises à jour. L'OMS recommande d'éviter toute restriction sur les voyages et le commerce avec la Chine sur la base des informations actuellement disponibles sur cet événement " Communiqué de l'OMS, 11 janvier 2020.

4-     L. Battaglia, M. Kilani, R. Marchesini, A. Rivera, Homo sapiens e mucca pazza. Anthropologia del rapporto con il mondo animale édité par A. Rivera, Dedalo, Bari 2000.

 Profits, par Emad Hajjaj, Jordanie

 

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