L’une des premières victimes dans un conflit est la pensée
On aurait envie de se taire, de rester muet face à cette guerre menée, racontée, discutée surtout par le mensonge. Nous sommes passés de l'attaque par la contagion virale de la pandémie à l'inondation par une extension virale de mensonges que nous pensions impensables.
La guerre s'est étendue bien au-delà des frontières russo-ukrainiennes, elle est présente et attestée parmi nous comme un affrontement, une barbarie qui rend impossible toute écoute et toute confrontation, comme un antagonisme théologico-politique qui ne voit le Mal que d'un côté et le Bien que de l'autre. Lorsqu'une guerre éclate - n'importe quelle guerre, comme nous le savons bien - la première victime qu'elle cherche à atteindre n'est pas la vérité, mais la pensée : la pensée, l'intelligence, ne doivent pas être exercées, car la guerre est étrangère à la raison. Lorsque la guerre survient parce qu'une nation veut diriger le monde et est convaincue que c'est son destin ou sa vocation historique, alors se répète le résultat désastreux de la Tour de Babel, le projet de pouvoir totalitaire et universel qui génère violence et confusion entre des langues incapables de communiquer entre elles.
La guerre est déjà une catastrophe en soi, mais elle génère aussi la guerre entre les parties non belligérantes qui n'ont aucune conscience de l'avenir qu'elles préparent. Il ne s'agira pas seulement de reconstruire ce qui a été inutilement dévasté, mais d'un chemin beaucoup plus long de réconciliation, car la mémoire porte toujours des cicatrices difficiles à guérir.
Tout le monde le dit maintenant : qui a à gagner d'une telle guerre ? Pas ceux qui la mènent, mais les fabricants d'armes, y compris, de manière significative, ceux qui mènent cette guerre par procuration, non pas directement, mais par le biais des armes fournies aux belligérants et par l'envoi de mercenaires et de contractors [sous-traitants]. Ceux qui ne croient pas au destin belliqueux se rebellent, résistent et ne font pas confiance à une unité européenne qui ne se trouve que dans la décision d'augmenter les dépenses d'armement.
Cette lecture que je fais n'est pas une lecture d'équidistance, parce que l'agresseur reste un agresseur, mais il n'est pas possible que dans un pays comme le nôtre, qui se targue d'être une démocratie mature, il y ait autant d'intolérance et malheureusement aussi de mépris envers ceux qui ne se sentent pas en conscience de se conformer à la pensée dominante des pouvoirs occidentaux, une pensée non partagée par la majorité des gens ordinaires qui ont peur de la guerre et la condamnent.
Au moment où notre gouvernement décidait d'augmenter les dépenses d'armement, le pape François a eu l'audace de dire : « J'ai honte lorsqu'un groupe d'États s'engage à dépenser 2 % du PIB pour l'achat d'armes en réponse à ce qui se passe. C'est de la folie ! » Ces paroles du Pape sont censurées ou tolérées avec condescendance, mais si elles sont prononcées par d'autres personnes en accord avec lui, elles sont jugées naïves ou font l'objet d'une « lapidation » verbale, comme cela s'est produit avec certaines interventions pacifiques d'hommes et de femmes de culture.
De fait, il semble inutile de parler, car toute voix qui déclare que la guerre est « étrangère à la raison », une voix subtile et douce, est méprisée, et toute analyse du conflit qui tente de s'interroger sur les causes et les responsabilités est étouffée par une rhétorique belliqueuse.
La barbarie règne donc parmi nous ici, dans notre vivre-ensemble, et elle ne dessine certainement pas un horizon de paix pour l'avenir.
-Où sont les "pacifistes" ?
-Sous les bombes, comme toujours
Mauro Biani
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