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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

28/08/2024

Israël et USA collaborent étroitement dans la chasse à l’insaisissable fantôme de Gaza, Yahya Sinwar

La capacité de Yahya Sinwar à échapper à la capture ou à la mort a empêché Israël de remporter un succès militaire dans une guerre qui a commencé après qu’il eut planifié l’opération du 7 octobre.

Mark Mazzetti, Ronen Bergman, Julian E. Barnes et Adam Goldman, avec Adam Rasgon, The New York Times, 25/8/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

En janvier, les autorités israéliennes et usaméricaines pensaient avoir fait une percée dans la chasse à l’un des hommes les plus recherchés au monde.

Le 31 janvier, des commandos israéliens ont perquisitionné un complexe de tunnels perfectionné dans le sud de la bande de Gaza, sur la base de renseignements indiquant que Yahya Sinwar, le chef du Hamas, s’y cachait, selon des responsables usaméricains et israéliens.


Avant la guerre d’ Israël contre Gaza, Yahya Sinwar était une présence imposante à Gaza. Photo Mohammed Abed/Agence France-Presse - Getty Images

Il s’est avéré que c’était le cas. Mais Sinwar avait quitté le bunker situé sous la ville de Khan Younès quelques jours auparavant, laissant derrière lui des documents et des piles de shekels israéliens d’une valeur totale d’environ un million de dollars. La traque s’est poursuivie, sans que l’on dispose de preuves tangibles sur l’endroit où il se trouvait.

Depuis les attaques du 7 octobre en Israël, qu’il a planifiées et dirigées, Sinwar est une sorte de fantôme : il n’apparaît jamais en public, diffuse rarement des messages à l’intention de ses partisans et ne donne que peu d’indices sur l’endroit où il pourrait se trouver.

Il est de loin la figure la plus importante du Hamas, et le fait qu’il ait réussi à échapper à la capture ou à la mort a empêché Israël d’affirmer qu’il avait gagné la guerre et éradiqué le Hamas dans un conflit qui a décimé les rangs du groupe, mais aussi détruit la bande de Gaza et tué des dizaines de milliers de civils.

Des responsables usaméricains et israéliens ont déclaré que Sinwar avait abandonné les communications électroniques depuis longtemps et qu’il avait jusqu’à présent échappé à une traque sophistiquée des services de renseignement. On pense qu’il reste en contact avec l’organisation qu’il dirige grâce à un réseau de messagers humains. Le fonctionnement de ce système reste un mystère.

Il s’agit d’une méthode utilisée par les dirigeants du Hamas dans le passé et par d’autres chefs terroristes tels qu’Oussama ben Laden. Pourtant, la situation de Sinwar est plus complexe et encore plus frustrante pour les responsables usaméricains et israéliens.

Contrairement à Ben Laden dans ses dernières années, Sinwar gère activement une campagne militaire. Les diplomates impliqués dans les négociations sur le cessez-le-feu à Doha, au Qatar, affirment que les représentants du Hamas insistent sur le fait qu’ils ont besoin de l’avis de Sinwar avant de prendre des décisions importantes dans le cadre des pourparlers. En tant que chef du Hamas le plus respecté, il est le seul à pouvoir garantir que les décisions prises à Doha seront appliquées à Gaza.

Des entretiens avec plus de deux douzaines de fonctionnaires en Israël et aux USA révèlent que les deux pays ont consacré d’énormes ressources à la recherche de Sinwar.

Des fonctionnaires ont mis en place une unité spéciale au sein du siège du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien, et les agences d’espionnage usaméricaines ont été chargées d’intercepter les communications de Sinwar. Les USA ont également fourni à Israël des radars géologiques pour l’aider dans sa traque et celle d’autres commandants du Hamas.

L’assassinat ou la capture de Sinwar aurait sans aucun doute un impact considérable sur la guerre. Les responsables usaméricains pensent que cela permettrait au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de revendiquer une victoire militaire significative et pourrait le rendre plus enclin à mettre fin aux opérations militaires dans la bande de Gaza.

En revanche, l’effet de la mort de Sinwar sur les négociations en vue de la libération des otages saisis le 7 octobre est moins évident. S’il est éliminé, ses successeurs pourraient être beaucoup moins enclins à conclure un accord avec Israël.


Une affiche de Sinwar placardée dans une fenêtre de Beyrouth. Il gère activement une campagne militaire dans la clandestinité. Photo Chris Mcgrath/Getty Images

La communication avec Sinwar est devenue plus difficile, selon des responsables israéliens, qataris, égyptiens et usaméricains. Il avait l’habitude de répondre aux messages en quelques jours, mais les responsables ont déclaré qu’il fallait beaucoup plus de temps pour obtenir une réponse de sa part au cours des derniers mois, et que certains de ses adjoints ont parfois été ses mandataires dans ces discussions.

Sinwar, âgé de 61 ans, a été déclaré chef politique du groupe au début du mois d’août, quelques jours après qu’Ismail Haniyeh, le chef politique précédent, a été tué dans un attentat israélien à Téhéran.

En réalité, Sinwar a longtemps été considéré comme le chef de facto du Hamas, même si les agents politiques du groupe basés à Doha détenaient les titres officiels de direction.

La pression exercée sur le chef du Hamas a rendu beaucoup plus difficile la communication avec les commandants militaires et la direction des opérations quotidiennes, bien que les responsables usaméricains aient déclaré qu’il avait toujours la capacité de dicter la stratégie générale du groupe.

C’est plusieurs semaines après les attaques du 7 octobre, qui ont fait au moins 1 200 morts, qu’un comité spécial composé de hauts responsables des services de renseignement et de l’armée israélienne a approuvé une liste de commandants et de responsables politiques du Hamas à abattre. De nombreux hommes figurant sur cette liste, dont Haniyeh, ont été tués au cours des mois qui ont suivi.

À chaque assassinat, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a mis un « X » sur un nom figurant sur le diagramme des dirigeants du Hamas qu’il conserve sur son mur.

Mais Sinwar, le plus important de tous, est toujours en liberté.

Une vie dans la clandestinité

Avant la guerre, Sinwar était une présence imposante à Gaza.

Il donnait des interviews, présidait des exercices militaires et a même fait une apparition télévisée pour remettre un prix à un spectacle décrivant une attaque du Hamas contre Israël - un étrange précurseur du 7 octobre.

Au cours des premières semaines de la guerre, les services de renseignement et les responsables militaires israéliens pensent que Sinwar vivait dans un réseau de tunnels sous la ville de Gaza, la plus grande ville de la bande de Gaza et l’une des premières visées par les forces militaires israéliennes.

Lors d’un des premiers raids sur un tunnel de la ville de Gaza, les soldats israéliens ont trouvé une vidéo - filmée quelques jours plus tôt - de Sinwar en train de déplacer sa famille vers une autre cachette sous la ville. Les services de renseignement israéliens pensent que Sinwar a gardé sa famille avec lui pendant au moins les six premiers mois de la guerre.


L’armée israélienne a publié une vidéo, filmée en octobre, qui montre Sinwar marchant dans un tunnel souterrain à Gaza. Photo Tsahal, via Agence France-Presse - Getty Images

À l’époque, Sinwar utilisait encore des téléphones cellulaires et satellitaires - grâce aux réseaux cellulaires dans les tunnels - et parlait de temps en temps avec des responsables du Hamas à Doha. Les agences d’espionnage usaméricaines et israéliennes ont pu surveiller certains de ces appels, mais n’ont pas été en mesure de le localiser.

Alors que Gaza manquait de carburant, MGallant a fait pression pour que de nouvelles livraisons soient effectuées à Gaza afin d’alimenter les générateurs nécessaires au fonctionnement des réseaux cellulaires pour que les écoutes israéliennes puissent se poursuivre - malgré les objections des membres de l’ultra-droite du gouvernement israélien qui voulaient que les livraisons de carburant soient interrompues afin de punir les habitants de Gaza.

Pendant cette période, les agences d’espionnage ont eu un aperçu de sa vie clandestine, notamment de sa consommation vorace des médias israéliens et de son insistance à regarder le journal télévisé de 20 heures à la télévision israélienne.

En novembre, un otage israélien libéré a décrit comment Sinwar s’était adressé à un grand nombre de captifs israéliens peu de temps après l’opération du 7 octobre. S’exprimant en hébreu, langue qu’il a apprise au cours de ses années passées dans une prison israélienne, Sinwar leur a dit qu’ils étaient en sécurité là où ils se trouvaient et qu’aucun mal ne leur serait fait, selon le récit de l’otage.

Les responsables israéliens ont déclaré que tous les membres du Hamas cachés sous terre, même Sinwar, devaient occasionnellement sortir des tunnels pour des raisons de santé. Mais le réseau de tunnels est si vaste et si complexe - et les combattants du Hamas ont de si bons renseignements sur les allées et venues des troupes israéliennes - que Sinwar peut parfois sortir de terre sans être découvert.

Selon des responsables israéliens et usaméricains, M. Sinwar a fini par s’installer au sud, à Khan Younès, la ville où il est né, et s’est probablement rendu occasionnellement de là à la ville de Rafah en empruntant un tronçon de tunnel.

Soldats israéliens ouvrant un tunnel que le Hamas aurait construit dans la ville de Gaza l’année dernière. Photo Ronen Zvulun/Reuters

Lorsque le bunker de Khan Younès a été perquisitionné le 31 janvier, Sinwar s’était enfui, selon des responsables israéliens.

Il avait toujours une longueur d’avance sur ses poursuivants, qui se vantaient parfois d’être sur le point de le retrouver. Fin décembre, alors que les unités militaires israéliennes commençaient à fouiller des tunnels dans un quartier de la ville, Gallant s’est vanté auprès de journalistes que Sinwar « entendait les bulldozers des FDI au-dessus de lui, et qu’il rencontrerait bientôt les canons de nos fusils ».

Il semble que Sinwar ait fui le bunker de Khan Younès en toute hâte, laissant derrière lui les nombreuses piles de shekels israéliens.

Intérêts communs

Presque immédiatement après les attaques du 7 octobre, les services de renseignements militaires israéliens et le Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, ont créé une cellule au sein du quartier général du Shin Bet avec pour seule mission de retrouver Sinwar.

La C.I.A. a également mis en place un groupe de travail et le Pentagone a envoyé des éléments de forces d’opérations spéciales en Israël pour conseiller les forces de défense israéliennes sur la guerre imminente à Gaza.

Les USA, qui considèrent le Hamas comme une organisation terroriste, et Israël ont mis en place des canaux pour échanger des informations sur la localisation de Sinwar et d’autres hauts responsables du Hamas, ainsi que sur les otages.

« Nous avons consacré des efforts et alloué des ressources considérables aux Israéliens pour la recherche des hauts responsables, en particulier de Sinwar », a déclaré Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche. « Nous avons des gens en Israël qui travaillent avec les Israéliens sur cet ensemble de problèmes. Et il est évident que nous avons une grande expérience de la chasse aux cibles de grande valeur ».

Les USAméricains ont notamment déployé des radars à pénétration de sol pour cartographier les centaines de kilomètres de tunnels qui, selon eux, se trouvent sous la bande de Gaza. Les nouvelles images ont été combinées aux renseignements israéliens recueillis auprès de combattants du Hamas capturés et à des tonnes de documents afin de dresser un tableau plus complet du réseau de tunnels.

Un haut fonctionnaire israélien a déclaré que le soutien des services de renseignement usaméricains avait été « inestimable ».

Les Israéliens et les USAméricains ont un intérêt commun à localiser les commandants du Hamas et les dizaines d’otages, dont des USAméricains, qui se trouvent toujours à Gaza.


Des familles et des supporters des captifs israéliens détenus par le Hamas se sont rassemblés à Tel Aviv le mois dernier. Photo Leo Correa/Associated Press

Mais une personne connaissant bien l’accord de partage de renseignements, qui en a parlé sous le couvert de l’anonymat, le décrit comme étant souvent « très déséquilibré », les USAméricains partageant plus que les Israéliens ne donnent en retour. Parfois, les USAméricains fournissent des informations sur les dirigeants du Hamas dans l’espoir que les Israéliens consacrent une partie de leurs propres ressources à la recherche des otages usaméricains.

L’ascension au sommet

Dans les années 1980, après avoir été recruté par le fondateur du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, l’influence de Sinwar au sein du groupe n’a cessé de croître.

Il a pris la tête de l’unité de sécurité interne du Hamas, un groupe chargé de trouver et de punir les Palestiniens soupçonnés de collaborer avec les autorités israéliennes, ainsi que toute personne ayant commis un blasphème.

Il a passé des années dans une prison israélienne, mais a été libéré en octobre 2011 avec plus de 1 000 autres prisonniers dans le cadre d’un échange contre Gilad Shalit, un soldat israélien capturé par le Hamas.


Des Palestiniens accueillent d’anciens prisonniers libérés dans le cadre d’un échange contre le soldat israélien Gilad Shalit au poste frontière de Rafah en 2011. Photo Lynsey Addario pour le New York Times

En 2017, Sinwar a été nommé chef du Hamas à Gaza.

Bien qu’il ait eu un impact considérable sur la prise de décision au sein du Hamas, Sinwar a façonné ses positions en étroite coordination avec un groupe de dirigeants politiques et militaires du Hamas à Gaza, selon les analystes qui ont étudié le Hamas.

Le cercle de confidents comprenait Marwan Issa, un commandant militaire du Hamas tué en mars, Rawhi Mushtaha, un membre du bureau politique du Hamas à Gaza, Izzeldin al-Haddad, un haut commandant de l’aile militaire, Mohammed Sinwar, le frère de Yahya Sinwar et haut responsable de l’aile militaire, et Muhammad Deif, le chef de l’aile militaire, selon Ibrahim al-Madhoun, un expert basé à Istanbul qui entretient des relations étroites avec le Hamas.

Mais le réseau de conseillers de Sinwar n’a cessé de se réduire : certains hauts commandants du Hamas ont été tués, d’autres capturés, et d’autres encore se trouvaient hors de Gaza au début de la guerre et n’ont pas été en mesure d’y retourner depuis.

Deif était le plus haut conseiller de Sinwar, mais il était moins discipliné que son patron. Il sortait de terre beaucoup plus régulièrement, ce qui permettait aux services de renseignement occidentaux de le localiser.

C’est à l’une de ces occasions, selon les responsables israéliens, qu’il a été tué lors d’une frappe aérienne.

Une version de cet article a été publiée le 25 août 2024, section A, page 1 de l’édition de New York du NYT sous le titre : Inside Israel’s Pursuit of the Phantom Who Guides Hamas’s War.

 

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