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13/10/2025

Madagascar : et une révolution, une !

Fausto Giudice, 13/10/2025

Pour ceux qui comme moi ont l’âge de se souvenir des années 1960 et 1970 qu’ils ont vécu, le mouvement de révolte de la jeunesse malgache de ces dernières semaines ne pouvait qu’évoquer une autre révolte, celle de mai 1972, qui vit la chute du président hémiplégique Philibert Tsiranana, un pur produit de la Françafrique foccartienne : il avait commencé sa carrière politique, tout comme l’Ivoirien Houphouët-Boigny, sous la houlette du Parti communiste français avant de glisser, Mitterrand et Deferre puis Foccart aidant, vers une variante indocéanienne de la « social-démocratie » coloniale [très peu sociale et pas du tout démocratique]. 






Tsiranana avait hérité d’une grande île où tous les éléments nuisibles pour la Françafrique avaient été éradiqués par les massacres de 1947. Il allait tenir au pouvoir 12 ans, avant de se faire balayer par le soulèvement d'avril-mai 1972. Celui-ci était une insurrection contre la « coopération », terme élégant pour qualifier l’incroyable joug colonial français maintenu après l’indépendance dans tous les domaines, à commencer par l’enseignement à tous les niveaux, de la maternelle à l’Université. C’était en premier lieu ce contre quoi les lycéens et étudiants se révoltaient. Tout était décidé depuis Paris, jusqu’aux menus des restaurants universitaires. Formés en France ou par des Français, les fonctionnaires, militaires, gendarmes et policiers n’étaient que des photocopies des originaux de Madame la France. Ici, les CRS s’appelaient les FRS.

En apprenant que le président Rajoelina -un putschiste ensuite sanctifié par des élections -venait d’être exfiltré du pays par un avion militaire français -vers La Réunion, Dubaï, ou autre site de ses comptes bancaires -, je me suis demandé ce qui avait vraiment changé en 50 ans, si les prépondérants n’avaient pas tout simplement maintenu leur mainmise sur l’Île Rouge.

La jeunesse malgache de 2025, ce sont les petits-enfants de la jeunesse de 1972-1975. Les grands-parents étaient étudiants, lycéens, fonctionnaires, infirmières et précaires/chômeurs. Dans Antananarivo, 30 000 des 250 000 habitants étaient des « chômeurs » et ce fut leur aile marchante organisée, les ZOAM, qui assura la protection des manifestants et les ripostes musclées à la répression.

Les ZOAM, c’est tout un roman. Tsiranana s’était mis définitivement la jeunesse à dos en les traitant dans un discours de fumeurs de marie-jeanne.

Au départ, ils s’appelaient les ZWAM et on les reconnaissait à leur chapeau de cow-boy. ZWAM = Zatovo Western Andevo Malagasy, Amicale malgache des amateurs de western. Aficionados de westerns spaghetti, leur idole était Clint Eastwood dans les films de Sergio Leone. Jeunes précaires-chômeurs des bidonvilles et des quartiers pouilleux de la capitale, ils apportèrent tout leur savoir-faire de guerriers urbains se revendiquant comme descendants d’esclaves aux jeunes des classes moyennes ayant initié la révolte, peu rompus à la castagne. En mai 1972, ils changeront de nom pour devenir les ZOAM + Zatovo Orin'Asa Malagasy, Jeunes chômeurs malgaches.

Leurs descendants ne sont plus nourris par les westerns et les BD, mais par les anime japonais et tout ce qui circule sur les médias en ligne. Leur situation est tout aussi précaire, ils ont le choix entre être livreur de pizza, employé·e de call center, esclave dans une usine textile chinoise ou esclave numérique pour Google & Co.. Et leur génération est absolument majoritaire : plus de 50% des 32 millions de Malgaches ont moins de 20 ans. Un véritable dépôt de barils de poudre.

Je vous propose ci-dessous une note synthétique rédigée par nos services d'analyse, comparant le mouvement de 1972 et celui de 2025.

Madagascar — Révoltes de 1972 et 2025 : fiche comparative

Résumé 

·    Dans les deux cas, une mobilisation de jeunesse urbaine déclenche une crise de régime. Rôle déterminant de l'armée.

·    1972 bascule rapidement vers une transition militaire (Ramanantsoa). En 2025, la crise est plus longue et segmentée, désormais marquée par l'exfiltration du président Rajoelina par un avion militaire français.

·    Probable trajectoire à 6 mois : transition civile supervisée par des garants (UA/SADC), avec garanties sécuritaires et calendrier électoral court.

Chronologie éclair 2025

·    25–29 sept. : marches étudiantes/jeunesse sur fond d'eau/électricité & vie chère ; heurts et victimes ; dissolution du gouvernement.

·    Début oct. : segments militaires (dont CAPSAT) se désolidarisent ; l'exécutif parle de « tentative de coup ».

·    12–13 oct. : exfiltration de Rajoelina hors du territoire par avion militaire français ; vacance de facto et recomposition des loyautés.

Comparatif 1972 / 2025 (synthèse)

Axe

1972 (rotaka)

2025 (au 13 oct.)

Déclencheur

Universités, anti-colonialisme, contenu éducatif

Eau/électricité, coût de la vie, gouvernance

Protagonistes sociaux

Étudiants/lycéens d'Antananarivo

Jeunesse/étudiants (« Gen Z »), quartiers urbains

Pouvoir en place

Prés. Philibert Tsiranana (PSD)

Prés. Andry Rajoelina (réélu 2023)

Rôle de l'armée

Arbitre : transition sous gén. Ramanantsoa

Factions : CAPSAT & gendarmerie se désolidarisent

Moment-clé

13 mai : répression, bascule politique

12–13 oct. : exfiltration du président hors du pays

Issue/état

Transition militaire actée

Crise ouverte ; vacance de facto, issue en débat

Scénarios possibles (4ème trimestre 2025 1er trimestre 2026)

Scénario

Mécanique

Probabilité (estimation)

Transition civile supervisée

Intérim institutionnel + garanties UA/SADC + calendrier court

En hausse

Transition militaire « arbitre »

Officiers/CAPSAT imposent l'intérim élections

Moyenne–haute

Présidence en exil

Rajoelina dirige de l'étranger ; dualité de légitimités

Moyenne

Durcissement répressif

État d'urgence renforcé par loyalistes restants

Moyenne-faible

Fragmentation locale

Pouvoirs concurrents, économie de crise

Faible-moyenne

Signaux précoces à surveiller

·    Annonce d'un intérim crédible (Sénat/Conseil constitutionnel ou figure consensuelle).

·    Position officielle des segments militaires (CAPSAT, gendarmerie, état-major).

·    Médiations UA (Union Africaine)/CDAA (Communauté de développement d'Afrique australe)/FFKM (Conseil chrétien des Églises à Madagascar) et modalités d'un calendrier électoral.

·    Mesures d'urgence sur eau/électricité (plan de délestage, financement d'appoint).

·    Posture de la France et des partenaires (reconnaissance, facilitation, neutralité).

 

04/08/2025

TIGRILLO L. ANUDO
Notre pire ennemi en Colombie : la stupidité

 Tigrillo L. Anudo, 4/8/2025
Original
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


« La stupidité n’est pas une fatalité,
mais la surmonter nécessite une prise de conscience
et une action critique»
Dietrich Bonhoeffer

 

Ton héritage est si sordide – Innommable que tu es –, tant de mépris et d’infamie ont été laissés par ton ombre maléfique, que notre héritage sera d’effacer tout ton héritage.

C’est ainsi que raisonnent les jeunes Colombiens qui ont subi la répression brutale lors de l’explosion sociale de 2021, ordonnée par Iván Duque, alors président, inspiré par les pièges tendus aux jeunes pauvres apparus avec des bottes en caoutchouc sous les deux gouvernements du seigneur des écuries.

Effacer tout un héritage fondé sur la stupidité des masses est un engagement non seulement des jeunes, mais aussi de tous les démocrates qui ressentent le besoin de réparer des blessures si profondes qui continuent de bénéficier de l’impunité. La première condamnation du grand propriétaire foncier [Álvaro Uribe] ouvre une porte vers une oasis de pudeur. 

Mais la cour est encore tellement infestée qu’il faut beaucoup de ferveur. Pour effacer l’héritage exécrable du louchebem, plusieurs tâches doivent être entreprises :

1. Traduire à nouveau en justice le promoteur de la tronçonneuse, pour les massacres d’El Aro et de La Granja, pour avoir transformé les Convivir en blocs paramilitaires, pour les plus de 6 402 personnes tombées lors d’exécutions extrajudiciaires, pour l’assassinat de Tito Díaz, maire d’El Roble (Sucre), pour « l’accident » de Pedro Juan Moreno, son secrétaire au gouvernement d’Antioquia, pour ses méfaits à l’Aerocivil, pour le vol continu d’essence dans la ferme Las Guacharacas, pour d’autres larcins.

2. Démanteler les récits mensongers des médias et des personnalités de la sphère politico-patronale. Diffuser le récit de la vérité. La vérité dans les conversations, la vérité sur les lieux de travail, la vérité dans les rues, la vérité dans les salles de classe. La vérité, la vérité et rien que la vérité. C’est ce qu’ils craignent le plus. Ils la dissimulent à travers leurs entreprises de communication propagandistes.

3. Dénoncer et poursuivre sans relâche tous les politichiens et fonctionnaires corrompus. Ainsi que toutes les personnes qui, sur les réseaux sociaux, menacent la vie de ceux qui sont du côté de la vérité.

Ils ne veulent pas que justice soit faite. Ils veulent que l’impunité continue. L’extrême droite est en train de monter des coups judiciaires et de discréditer la juge Sandra Liliana Heredia, la procureure Marlene Orjuela, le sénateur Iván Cepeda et l’avocat Miguel Ángel del Río. Ils sont en train de faire passer l’idée que le procès d’Uribe n’était pas judiciaire mais politique. Ils la diffusent dans le monde entier, la reprennent dans les médias business yankees.

Ils se font passer pour des avocats renommés afin de demander l’ouverture d’une enquête contre Cepeda et del Río, les liant au trafic de drogue. L’un des fils du sinistre sycophante serait derrière tout ça, afin de se venger de Cepeda, le sénateur qui a fait condamner son père. Ils bénéficient du soutien de membres républicains du Congrès et de hauts fonctionnaires du gouvernement usaméricain, ainsi que de membres de la DEA et du FBI.

« Effacer tout ton héritage sera notre héritage »: ce slogan chilien est devenu colombien, Uribe remplaçant Pinochet. Image d’Agustina Scliar

La Colombie vit un moment d’accouchement culturel. La condamnation du génocidaire psychopathe a révélé qu’il n’y a plus d’intouchables sur le territoire colombien. L’opinion publique comprend que le Ténébreux de Salgar [lieu de naissance d’Uribe] n’a pas travaillé main dans la main avec la société civile pour trouver des solutions pertinentes aux problèmes sociaux, mais qu’il a collaboré avec les groupes paramilitaires et les éléments pourris de l’armée et de la police.

C’est le moment historique pour commencer à mettre de l’ordre dans la maison commune. Proclamer des règles générales pour le respect efficace de l’éthique et de la responsabilité. Revenir au discernement et à la compréhension. Pour sortir de la stupidité qui a légitimé un régime de terreur et d’ignominie. Une grande partie de la société s’est rendue complice d’actes fréquents contre la dignité humaine, la moralité et la démocratie. La stupidité est dangereuse car elle combine l’incapacité de raisonner de manière critique avec une tendance pernicieuse à accepter sans les remettre en question les dogmes, les ordres ou les croyances. L’émotivité a pris le dessus lors de la prise de décisions importantes. La solidarité de corps a transformé la société en meurtrière d’une autre partie de la société, désignée et transformée en « ennemi commun à vaincre ».

La stupidité s’est emparée de la Colombie au cours des 25 premières années de ce siècle. Elle est toujours là, vivante, ardente, avide de plus de sang. Elle prépare déjà une marche nationale pour défendre « l’innocence du Grand Cafard ». La stupidité a été plus puissante que la méchanceté elle-même. Et le monstre des écuries s’en est servi. Il a mis à genoux tout un peuple émotif, religieux, grégaire, obéissant, désorienté. Avec ce soutien stupide, il a réussi ce que Pablo Escobar n’avait pas pu faire. La stupidité ne répond ni à la logique, ni aux arguments, ni aux preuves. Une personne stupide agit sans comprendre les conséquences de ses actes, convaincue de sa droiture.

 

Mural à l’effigie de Dietrich Bonhoeffer sur le mur du lycée portant son nom à Wertheim en Allemagne

Dietrich Bonhoeffer, martyr de la résistance allemande contre le nazisme, dit que la stupidité fleurit sous les structures du pouvoir autoritaire. Lorsqu’un groupe ou un individu se soumet au pouvoir, il a tendance à renoncer à son autonomie critique, non pas parce qu’il est incapable de penser, mais parce qu’il cesse de l’utiliser. Ce processus se produit tant chez les individus que dans des sociétés entières, où le pouvoir utilise la propagande, l’intimidation ou la manipulation émotionnelle pour instaurer un conformisme acritique. C’est ce qui s’est passé dans notre société. Une masse qui ne s’intéressait pas à l’actualité réelle est tombée dans le piège des « récits messianiques » d’un maboul devenu « le papa des poussins », le père d’une société avide de faits grandiloquents qui promettaient la rédemption.

La stupidité, selon Bonhoeffer, n’est pas principalement un phénomène individuel, mais collectif. Une personne isolée peut faire preuve d’une plus grande capacité critique, mais en groupe, les dynamiques sociales et les pressions de l’environnement ont tendance à réduire cette capacité. Ce phénomène peut être observé dans les mouvements de masse, où le comportement des individus s’homogénéise et où les décisions sont prises davantage par imitation que par réflexion. La peur est un élément central dans la perpétuation de la stupidité. Une société soumise à la terreur – physique ou psychologique – a tendance à chercher refuge dans des simplifications, des clichés et des figures d’autorité qui promettent la sécurité, même si ces promesses sont illusoires ou destructrices. Comme ils ont applaudi le seigneur des ténèbres lorsqu’il semait la douleur et la mort dans les campagnes colombiennes. Tuer, tuer, tuer, telle était sa formule clichée pour résoudre les problèmes structurels qui exigeaient analyse, réflexion critique, impartialité, philosophie, discernement, compréhension.

La stupidité ne se corrige pas avec des arguments logiques ou des preuves. Les personnes stupides ne s’intéressent pas à la vérité ; elles sont prisonnières d’une bulle idéologique qui ne contredit pas leur vision du monde. La stupidité conduit à une dangereuse délégation de responsabilité. Ceux qui y succombent justifient leurs actions ou leur inaction en disant qu’ils ne font qu’obéir aux ordres ou qu’ils ne pouvaient rien faire. Ce sont ces justifications que nous avons entendues à la JEP [Juridiction Spéciale pour la Paix]de la part des militaires qui ont participé aux « faux positifs ». Pour Bonhoeffer, cette irresponsabilité a des conséquences éthiques dévastatrices. La stupidité réduit la complexité du monde à des formules simplistes. Tout se résume à « nous contre eux », « le bien contre le mal » ou « la vérité contre le mensonge », sans place pour les nuances ou les doutes.

Le régime nazi est l’exemple le plus évident de la stupidité en action. Des millions de personnes ont aveuglément adopté une idéologie fondée sur la violence, le racisme et la suprématie, ignorant délibérément les crimes qui étaient commis. Il en a été de même et il en est toujours ainsi en Colombie : une majorité de la population a approuvé ces anti-valeurs en votant deux fois aux élections présidentielles pour le roi du mensonge. La manipulation des masses par la propagande est un autre exemple de stupidité. Ceux qui méprisent toute information révélant la vérité deviennent des instruments du pouvoir, sans réfléchir aux implications de leurs actes. C’est le cas de millions de Colombiens qui ont voté pour Rodolfo Hernández lors de l’ élection présidentielle de 2022, simplement parce que c’était celui que le propriétaire de l’hacienda avait désigné. La passivité face aux injustices, sous prétexte de « ne pas vouloir s’impliquer », est une autre forme de stupidité collective. Ici, l’ignorance n’est pas innocente, elle est complice.

Heureusement, dit Bonhoeffer, la stupidité n’est pas une fatalité, mais la surmonter nécessite un travail éthique et éducatif en profondeur. La clé réside dans le développement de l’esprit critique et du courage moral. Une véritable éducation encourage la pensée critique et la responsabilité éthique. Les individus doivent apprendre à remettre en question les normes, les idéologies et les figures d’autorité lorsque c’est nécessaire. La stupidité ne peut être combattue directement, mais elle peut être minimisée en résistant aux structures de pouvoir qui la favorisent. Cela nécessite une citoyenneté active, engagée en faveur de la vérité et de la justice. Face à la stupidité collective, Bonhoeffer prône des communautés fondées sur des valeurs éthiques solides, où la vérité et la responsabilité sont centrales. Comment distinguer la stupidité de l’ignorance ? L’ignorance peut être corrigée par l’éducation, tandis que la stupidité implique un refus actif de la réflexion critique. Quel rôle joue la technologie moderne dans la perpétuation de la stupidité ? Bien que Bonhoeffer ait écrit à une autre époque, la propagation de la désinformation et la polarisation sur les réseaux sociaux pourraient être considérées comme de nouvelles formes de stupidité collective. Nous vivons dans un état universel de désinformation, les médias d’entreprise mentent tout le temps, imposant des récits qui altèrent les réalités et favorisent la progression du fascisme. Comment pouvons-nous briser le cycle de la stupidité dans les sociétés contemporaines ? La réponse semble résider dans l’éducation et le renforcement des institutions démocratiques qui promeuvent la responsabilité éthique.

La tâche est donc ardue et demande un engagement à plein temps. Pour mettre fin à cette horrible nuit, il n’y a pas d’autre alternative que de soustraire des gens à la stupidité en passant à l’offensive pour diffuser la vérité, pour obtenir de nouveaux procès contre les criminels en col blanc qui continuent à sévir. Il faut également neutraliser les personnages qui constituent un danger pour la coexistence pacifique et la sécurité de ceux qui sont du côté de la vérité. Des personnages grossiers qui incitent à la violence politique, à des formes stupides de faire de la politique, comme Andrés Julián Rendón, Fico Gutiérrez, les conseillers municipaux de Medellín Gury Rodríguez et Sebastián López, le conseiller municipal de Cali Andrés « El pistolero » Escobar, les sénatrices María Fernanda Cabal, Paloma Valencia, Paola Holguín et autres.




Fünf Fragen an den algerischen Dichter Kadda Benkhira

Milena Rampoldi und Fausto Giudice, 3. August 2025

ProMosaik Poetry hat in Zusammenarbeit mit der Glokalen Werkstatt die zweisprachige Sammlung (in französischer und deutscher Sprache) des algerischen Dichters Kadda Benkhira mit dem Titel “Humeurs/Stimmungen” veröffentlicht. In diesem Gespräch beantwortet der Dichter unsere Fragen.

 Wie bist du Dichter geworden?

Ich glaube, dass meine Vorliebe für Poesie in der Grundschule begann. Um uns mit der französischen Sprache vertraut zu machen, gab uns der Lehrer oft ein Gedicht, das wir auswendig lernen und am nächsten Tag im Unterricht vortragen sollten. Aber es ging nicht nur um das Vortragen von Poesie. Ich hatte mich auch daran gewöhnt, jedes Wochenende einen großen Souk zu besuchen, wo nicht nur Lebensmittel zum Verkauf angeboten wurden, sondern auch Flötenspieler, die Schlangen zum Tanzen brachten, und Sänger da waren. Was mich an diesem sehr lebendigen Ort interessierte, waren vor allem diese Leute, die eine ganze besondere Fähigkeit besaßen, Geschichten über verschiedene Themen zu erzählen und sie sehr attraktiv zu gestalten. Sie besaßen auch die Kunst, Gedichte in einer sehr klaren Sprache für das Volk vorzutragen.. Später begann ich, klassische arabische Poesie zu hören und auf Französisch alle Gedichtbände zu lesen, die ich in die Finger bekam... So wurde ich Dichter.

Schränkt die Tatsache, dass du in französischer Sprache schreibst - laut Kateb Yacine gilt diese ja als „Kriegsbeute“ - nicht die Reichweite deiner Gedichte in Algerien ein?

Ja, das stimmt. Die Reichweite meiner Gedichte in Algerien ist aufgrund dessen eingeschränkt. Aber ich möchte hinzufügen, dass „diese Kriegsbeute“, unabhängig von ihrer Bedeutung, irgendwann verschwinden wird. Denn es vergeht kein Tag, an dem die Sprache meiner Vorfahren nicht Schritt für Schritt das Land zurückerobert, dessen sie beraubt wurde. In aller Ruhe wird die Sprache unserer Vorfahren ihren ganz natürlichen Stellenwert auf der Welt wieder einnehmen. Und was gibt es Schöneres, Edleres und Natürlicheres für ein Volk, als seine Sprache wiederzufinden!...

In der algerischen Verfassung ist die arabische Sprache seit der Unabhängigkeit der Landes als National- und Amtssprache verankert. Französisch gilt als Fremdsprache.

Man darf ja nicht außer Acht lassen, dass die Barbarei des französischen Kolonialismus in Algerien 132 Jahre dauerte. Wir können diese Sprache nicht aus unserer Heimat verbannen, wie wir beispielsweise einen alten Nagel aus einem Brett entfernen. Denn dafür braucht es Zeit und viel Geduld...

Heute bevorzugen die meisten jungen Algerierinnen und Algerier bei weitem Englisch gegenüber Französisch.

Übrigens hat die Regierung im nächsten Schuljahr beschlossen, ab der Grundschule mit dem Englischunterricht zu beginnen... „Wenn Französisch, sagte der Präsident, Kriegsbeute ist, ist Englisch eine internationale Sprache.“ Das ist absolut klar...

Ich habe auch bemerkt, dass junge Menschen anfangen, sich ernsthaft für andere Sprachen wie Spanisch, Italienisch und Türkisch zu interessieren...

Persönlich werde ich auch in Zukunft in französischer Sprache schreiben, da sie für mich (wie alle anderen Sprachen) ein Kommunikationsmittel ist. Und ich bin sicher, dass meine Gedichte ins Arabische übersetzt werden. So werde ich die LeserInnen wiederfinden, die mir durch die „Kriegsbeute“ abhandengekommen sind ...

Aber auch ein Schriftsteller (oder ein Dichter), dessen Land nie kolonisiert wurde, kann seine Sprache nur in seinem Land bekannt machen. Wenn er seine Grenzen überschreiten will, wenn er berühmt werden will, muss er sich unbedingt an diese sehr ehrenwerte Dame wenden, und zwar an die ÜBERSETZUNG...

Gibt es heute in Algerien eine „poetische Szene“ und Austausch und Begegnungen zwischen Dichtern und rund um die Poesie?

Ja! Der Poesie werden immer mehr Bereiche gewidmet. Und ich muss sagen, dass die arabische Poesie den Löwenanteil hat. Das finde ich absolut normal. In allen Ländern der Welt ist es die Sprache des Volkes, die am meisten gefragt ist...

132 Jahre barbarischer Kolonialismus haben es nicht geschafft, diese Sprache auszurotten. Wahrscheinlich, weil sie ihre Kraft aus dem Koran bezieht...

Ja! Die Poesie in arabischer Sprache bleibt das Genre der Mehrheit der algerischen Schriftsteller. Dies bezeugen zahlreiche Veröffentlichungen (Gedichtbände, Zeitungen und Zeitschriften...).

Dies wird auch von den Experten bestätigt.

Welchen allgemeinen Stellenwert nimmt die Poesie im zeitgenössischen Algerien ein?

Sie hat einen sehr ehrenwerten Stellenwert. Ich meine damit die gesamte Poesie in arabischer, berberischer und französischer Sprache ...

Welche Rolle kann und soll der Dichter in der Gesellschaft spielen?

Die Rolle des Dichters muss weltweit von Großmut und Menschlichkeit gekennzeichnet sein. Die Poesie muss auch immer bereit sein, schnell alles anzuprangern, was auf dieser Welt nicht rund läuft! Sie muss an allem Kritik ausüben, was der Menschheit schadet! Und nicht nur! Sie muss auch die Tier- und Pflanzenwelt verteidigen! ...

Es ist bedauerlich, dass nicht alle Dichter Großmut und Menschlichkeit besitzen.

Einige haben ihre Zungen so sehr für raue und ungesunde Dinge abgenutzt, dass sie sie nicht mehr im Mund halten können.

 

 

01/08/2025

OFER ADERET
Impensable aujourd’hui : en 1988, les plus grands chanteurs israéliens s’unissaient contre l’occupation

Ofer Aderet et Alex Levac (photos), Haaretz, 31/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Trois mois après le début de la première intifada, des dizaines d’artistes israéliens se sont réunis à Tel-Aviv pour tenter de « réveiller la conscience humaine », comme l’a déclaré un rockeur. Près de quatre décennies plus tard, l’histoire n’a pas pris le chemin de la paix.

Corinne Allal, à gauche, Shlomo Artzi, Yehudit Ravitz et Hana Laslo lors de l’événement en mars 1988

 C’était il y a 37 ans, en mars 1988, mais aujourd’hui, le titre d’alors de Haaretz semble inconcevable : « Peut-être que quelque chose a enfin commencé à bouger ici. »

 L’article décrivait comment plus de 30 artistes, dont beaucoup étaient auteurs-compositeurs-interprètes, se sont tenus sur une scène dans la place centrale de Tel Aviv, aujourd’hui connue sous le nom de place Rabin. « Ils ont chanté « Nous voulons la paix » lors de la manifestation intitulée « Ligne rouge : Juifs et Arabes contre l’occupation ».

Des milliers de personnes y ont participé. C’était pendant la première intifada, alors que le Hamas en était à ses débuts et que le chef de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, était en exil. L’événement a été ouvert par les chanteurs Riki Gal et Nurit Galron et deux auteurs-compositeurs-interprètes légendaires, Yehudit Ravitz et Corinne Allal.

Riki Gal, à gauche, Yehuditz Ravitz, Rita et Chava Alberstein montant sur scène


Parmi les plus de 30 artistes qui se sont produits, figuraient les géants du rock israélien Yehuda Poliker, Matti Caspi et Gidi Gov.

Shlomi Artzi, légende du folk-rock, a déclaré : « Dans le passé, les artistes israéliens s’abstenaient d’exprimer leurs opinions, mais aujourd’hui, ils veulent le faire, compte tenu de la nécessité de trouver un compromis avec nos voisins arabes. »

Titre du journal Hadashot : « Les artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ». De gauche à droite : Nurit Galron, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Rita. Photo : archives Haaretz


Au premier plan, Nurit Galron, à gauche, Chava Alberstein et la pianiste Astrith Baltsan, avec l’acteur et réalisateur palestinien de 1948 Mohammad Bakri à l’arrière.

 

Rita, à gauche, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Corinne Allal sur scène.

 

Des personnes dans la foule brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Pour la paix israélo-palestinienne » en hébreu.

Alex Levac a pris ces photos pour le quotidien Hadashot, qui a cessé de paraître cinq ans plus tard, lorsque Levac a rejoint Haaretz, où il travaille toujours aujourd’hui. Titre de Hadashot : « Des artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ».

« Il est très important d’être ici aujourd’hui pour éveiller la conscience humaine et l’opinion publique ; peut-être que cela aboutira à quelque chose », a déclaré Poliker, selon Hadashot.

 

Matti Caspi jouant de la guitare. 

Les musiciens israéliens Si Heyman, à gauche, et Shlomo Gronich dans un café avant le concert.

 Matti Caspi, que Haaretz a un jour qualifié de « réponse israélienne à Bach et Gershwin », a ajouté : « Il est temps de commencer à parler, quelle que soit la situation. L’essentiel est de parler. »

La chanteuse folk Chava Alberstein s’est dite « assez désespérée ». Selon elle, « il est clair que beaucoup de gens nous regardent comme si nous étions des oiseaux chantant dans une cage ou sur un arbre, sans aucune utilité. Mais tant qu’il y aura des artistes, nous continuerons d’essayer ».

 

Yehuda Poliker, à gauche, et Hana Laslo

« Nous essayons d’embellir une époque qui comporte beaucoup de laideur et de souffrance, en particulier pour les jeunes qui doivent participer à des événements désagréables. Nous essayons d’apporter une note nouvelle et de rappeler à tous qu’il y a de l’espoir. »

Au cours de la première intifada, qui a éclaté en décembre 1987, les soldats israéliens ont affronté des jeunes qui leur lançaient des pierres en Cisjordanie et à Gaza.


Corinne Allal, au centre, avec Shlomo Artzi à sa droite.

 

Gidi Gov, à gauche, et Yehuda Poliker. Sarai Tzuriel à l’arrière.


De retour sur la place de Tel Aviv, Yaffa Yarkoni, qui a lancé sa carrière de chanteuse avant la création de l’État d’Israël, a déclaré : « Les gens ne comprennent pas que l’heure du jugement dernier a sonné. Personne ne se rend compte de l’ampleur du désastre. »

La chanteuse Yardena Arazi a ajouté : « Je suis une citoyenne qui vit dans ce pays. Parfois, quand je lis les journaux, j’ai envie de crier : « Ça ne peut pas continuer comme ça. » »

Gidi Gov a conclu : « Je pense que nous devons faire quelque chose pour mettre fin à la violence entre Arabes et Juifs. Ce n’est pas une question d’opinions politiques, mais d’opposition à la violence. »

GIDEON LEVY
No es solo una guerra, es un genocidio, y se está cometiendo en nuestro nombre

Gideon Levy, Haaretz, 30-7-2025
Traducido por Fausto GiudiceTlaxcala

Dos importantes organizaciones israelíes de defensa de los derechos humanos han puesto nombre a lo que otros siguen negando: la campaña en Gaza no es solo brutal o desproporcionada, es la destrucción deliberada de un pueblo. Las pruebas son abrumadoras, la intención innegable y el silencio cómplice.


Un periodista muestra el resumen ejecutivo del informe «Nuestro genocidio», elaborado por B’Tselem, en una rueda de prensa celebrada el lunes en Jerusalén. Foto Maya Alleruzzo/AP

Ha llegado el momento. Ya no es posible andarse con rodeos y evitar dar una respuesta. Ya no podemos escondernos, evadir, balbucear, apaciguar y oscurecer. Tampoco podemos aferrarnos a sofismas legales sobre la «cuestión de la intención» o esperar el fallo de la Corte Internacional de Justicia de La Haya, que puede que solo se dicte cuando ya sea demasiado tarde.

Ya es demasiado tarde.

Por eso ha llegado el momento de llamar al horror por su nombre, y su nombre completo es genocidio, el exterminio de un pueblo. No hay otra forma de describirlo. Ante nuestros ojos horrorizados, Israel está cometiendo un genocidio en la Franja de Gaza. No ha comenzado ahora, comenzó en 1948. Ahora, sin embargo, se han acumulado pruebas suficientes para llamar por su nombre monstruoso lo que ocurre en la Franja de Gaza.

Este es un momento de desesperación, pero también liberador. Ya no necesitamos evitar la verdad. El lunes, en el sótano de un hotel de Jerusalén Este, dos importantes grupos israelíes de derechos humanos anunciaron que la suerte estaba echada. B’Tselem y Médicos por los Derechos Humanos declararon que habían llegado a la conclusión de que Israel estaba cometiendo genocidio. Lo hicieron ante decenas de periodistas de todo el mundo y una vergonzosa y escasa representación de los medios de comunicación israelíes.

Con una fiabilidad y valentía incomparables, dieron un paso histórico. Estaba claro que a sus portavoces no les resultaba fácil. La incomodidad se palpaba en la sala de conferencias.

B’Tselem tituló su informe «Nuestro genocidio», y es genocidio, y es nuestro. La dramática declaración fue recibida en Israel con un desprecio casi total. Pero esto también demuestra la gravedad de la situación. El genocidio casi siempre es negado por quienes lo cometen.

El significado es grave. Vivir en un país cuyos soldados están cometiendo un genocidio es una mancha indeleble, un rostro distorsionado que nos mira en el espejo, un desafío personal para todos los israelíes. Este término plantea profundas preguntas sobre el país y nuestra participación en el crimen. Nos recuerda de dónde venimos y plantea preguntas difíciles sobre hacia dónde vamos. Lo más fácil ahora es la carga de la prueba. La corroboración legal bien podría venir de La Haya, pero las pruebas morales se acumulan cada día.

Un niño palestino que sufre desnutrición en el campamento de Al-Shati, en Gaza, la semana pasada. Foto Jehad Alshrafi/AP

Durante meses, los pocos en Israel que ven en la Franja de Gaza la cuestión de la intención han estado sufriendo. ¿Realmente Israel tiene la intención de cometer genocidio, o tal vez ha causado los resultados sin querer? Esta pregunta se ha vuelto superflua. No es la cantidad de muertes y destrucción lo que la ha sacado de la agenda, sino la forma sistemática en que se está llevando a cabo.

Cuando destruyes 33 de 35 hospitales, la intención es transparente y el debate ha terminado. Cuando borras sistemáticamente barrios, pueblos y ciudades enteros, las dudas sobre tus intenciones han llegado a su fin. Cuando matas a decenas de personas cada día mientras esperan en fila para recibir comida, el método ha quedado demostrado más allá de toda duda. Cuando utilizas el hambre como arma, ya no hay lugar para las preguntas.

Ya no falta nada para comprender que lo que está ocurriendo en Gaza no es el daño colateral de una guerra horrible, sino el objetivo. El hambre masiva, la destrucción y la muerte son el objetivo, y desde aquí el camino hacia la conclusión es corto: el genocidio.

Israel tiene la clara intención de provocar la destrucción de la sociedad palestina en la Franja de Gaza, de convertirla en un lugar inhabitable. Pretende llevar a cabo una limpieza étnica, ya sea mediante el genocidio o el traslado de la población, preferiblemente ambas cosas.

Protesta organizada por Standing Together en Tel Aviv la semana pasada. Foto: Tomer Appelbaum

Esto no significa que la cábala vaya a tener éxito, pero se está moviendo en la dirección de esta solución absoluta. El primer ministro Benyamin Netanyahu, padre de esta cábala y su principal ejecutor, lo llama «victoria total», y esta victoria es el genocidio y el traslado de la población. Netanyahu y su gobierno no aceptarán nada menos. Mientras tanto, los partidos judíos de la oposición no tienen a nadie que se oponga realmente.

Israel ya no tiene a nadie que detenga esta marcha hacia el genocidio; solo hay quienes la ignoran. Por aterrador que pueda parecer, existe el peligro de que no se detenga en Gaza. Ya han establecido la infraestructura ideológica y operativa para ello en Cisjordania. Los ciudadanos árabes de Israel podrían muy bien ser los siguientes en la lista. No hay nadie que lo detenga, y debemos detenerlo.

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