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04/08/2025

TIGRILLO L. ANUDO
Notre pire ennemi en Colombie : la stupidité

 Tigrillo L. Anudo, 4/8/2025
Original
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


« La stupidité n’est pas une fatalité,
mais la surmonter nécessite une prise de conscience
et une action critique»
Dietrich Bonhoeffer

 

Ton héritage est si sordide – Innommable que tu es –, tant de mépris et d’infamie ont été laissés par ton ombre maléfique, que notre héritage sera d’effacer tout ton héritage.

C’est ainsi que raisonnent les jeunes Colombiens qui ont subi la répression brutale lors de l’explosion sociale de 2021, ordonnée par Iván Duque, alors président, inspiré par les pièges tendus aux jeunes pauvres apparus avec des bottes en caoutchouc sous les deux gouvernements du seigneur des écuries.

Effacer tout un héritage fondé sur la stupidité des masses est un engagement non seulement des jeunes, mais aussi de tous les démocrates qui ressentent le besoin de réparer des blessures si profondes qui continuent de bénéficier de l’impunité. La première condamnation du grand propriétaire foncier [Álvaro Uribe] ouvre une porte vers une oasis de pudeur. 

Mais la cour est encore tellement infestée qu’il faut beaucoup de ferveur. Pour effacer l’héritage exécrable du louchebem, plusieurs tâches doivent être entreprises :

1. Traduire à nouveau en justice le promoteur de la tronçonneuse, pour les massacres d’El Aro et de La Granja, pour avoir transformé les Convivir en blocs paramilitaires, pour les plus de 6 402 personnes tombées lors d’exécutions extrajudiciaires, pour l’assassinat de Tito Díaz, maire d’El Roble (Sucre), pour « l’accident » de Pedro Juan Moreno, son secrétaire au gouvernement d’Antioquia, pour ses méfaits à l’Aerocivil, pour le vol continu d’essence dans la ferme Las Guacharacas, pour d’autres larcins.

2. Démanteler les récits mensongers des médias et des personnalités de la sphère politico-patronale. Diffuser le récit de la vérité. La vérité dans les conversations, la vérité sur les lieux de travail, la vérité dans les rues, la vérité dans les salles de classe. La vérité, la vérité et rien que la vérité. C’est ce qu’ils craignent le plus. Ils la dissimulent à travers leurs entreprises de communication propagandistes.

3. Dénoncer et poursuivre sans relâche tous les politichiens et fonctionnaires corrompus. Ainsi que toutes les personnes qui, sur les réseaux sociaux, menacent la vie de ceux qui sont du côté de la vérité.

Ils ne veulent pas que justice soit faite. Ils veulent que l’impunité continue. L’extrême droite est en train de monter des coups judiciaires et de discréditer la juge Sandra Liliana Heredia, la procureure Marlene Orjuela, le sénateur Iván Cepeda et l’avocat Miguel Ángel del Río. Ils sont en train de faire passer l’idée que le procès d’Uribe n’était pas judiciaire mais politique. Ils la diffusent dans le monde entier, la reprennent dans les médias business yankees.

Ils se font passer pour des avocats renommés afin de demander l’ouverture d’une enquête contre Cepeda et del Río, les liant au trafic de drogue. L’un des fils du sinistre sycophante serait derrière tout ça, afin de se venger de Cepeda, le sénateur qui a fait condamner son père. Ils bénéficient du soutien de membres républicains du Congrès et de hauts fonctionnaires du gouvernement usaméricain, ainsi que de membres de la DEA et du FBI.

« Effacer tout ton héritage sera notre héritage »: ce slogan chilien est devenu colombien, Uribe remplaçant Pinochet. Image d’Agustina Scliar

La Colombie vit un moment d’accouchement culturel. La condamnation du génocidaire psychopathe a révélé qu’il n’y a plus d’intouchables sur le territoire colombien. L’opinion publique comprend que le Ténébreux de Salgar [lieu de naissance d’Uribe] n’a pas travaillé main dans la main avec la société civile pour trouver des solutions pertinentes aux problèmes sociaux, mais qu’il a collaboré avec les groupes paramilitaires et les éléments pourris de l’armée et de la police.

C’est le moment historique pour commencer à mettre de l’ordre dans la maison commune. Proclamer des règles générales pour le respect efficace de l’éthique et de la responsabilité. Revenir au discernement et à la compréhension. Pour sortir de la stupidité qui a légitimé un régime de terreur et d’ignominie. Une grande partie de la société s’est rendue complice d’actes fréquents contre la dignité humaine, la moralité et la démocratie. La stupidité est dangereuse car elle combine l’incapacité de raisonner de manière critique avec une tendance pernicieuse à accepter sans les remettre en question les dogmes, les ordres ou les croyances. L’émotivité a pris le dessus lors de la prise de décisions importantes. La solidarité de corps a transformé la société en meurtrière d’une autre partie de la société, désignée et transformée en « ennemi commun à vaincre ».

La stupidité s’est emparée de la Colombie au cours des 25 premières années de ce siècle. Elle est toujours là, vivante, ardente, avide de plus de sang. Elle prépare déjà une marche nationale pour défendre « l’innocence du Grand Cafard ». La stupidité a été plus puissante que la méchanceté elle-même. Et le monstre des écuries s’en est servi. Il a mis à genoux tout un peuple émotif, religieux, grégaire, obéissant, désorienté. Avec ce soutien stupide, il a réussi ce que Pablo Escobar n’avait pas pu faire. La stupidité ne répond ni à la logique, ni aux arguments, ni aux preuves. Une personne stupide agit sans comprendre les conséquences de ses actes, convaincue de sa droiture.

 

Mural à l’effigie de Dietrich Bonhoeffer sur le mur du lycée portant son nom à Wertheim en Allemagne

Dietrich Bonhoeffer, martyr de la résistance allemande contre le nazisme, dit que la stupidité fleurit sous les structures du pouvoir autoritaire. Lorsqu’un groupe ou un individu se soumet au pouvoir, il a tendance à renoncer à son autonomie critique, non pas parce qu’il est incapable de penser, mais parce qu’il cesse de l’utiliser. Ce processus se produit tant chez les individus que dans des sociétés entières, où le pouvoir utilise la propagande, l’intimidation ou la manipulation émotionnelle pour instaurer un conformisme acritique. C’est ce qui s’est passé dans notre société. Une masse qui ne s’intéressait pas à l’actualité réelle est tombée dans le piège des « récits messianiques » d’un maboul devenu « le papa des poussins », le père d’une société avide de faits grandiloquents qui promettaient la rédemption.

La stupidité, selon Bonhoeffer, n’est pas principalement un phénomène individuel, mais collectif. Une personne isolée peut faire preuve d’une plus grande capacité critique, mais en groupe, les dynamiques sociales et les pressions de l’environnement ont tendance à réduire cette capacité. Ce phénomène peut être observé dans les mouvements de masse, où le comportement des individus s’homogénéise et où les décisions sont prises davantage par imitation que par réflexion. La peur est un élément central dans la perpétuation de la stupidité. Une société soumise à la terreur – physique ou psychologique – a tendance à chercher refuge dans des simplifications, des clichés et des figures d’autorité qui promettent la sécurité, même si ces promesses sont illusoires ou destructrices. Comme ils ont applaudi le seigneur des ténèbres lorsqu’il semait la douleur et la mort dans les campagnes colombiennes. Tuer, tuer, tuer, telle était sa formule clichée pour résoudre les problèmes structurels qui exigeaient analyse, réflexion critique, impartialité, philosophie, discernement, compréhension.

La stupidité ne se corrige pas avec des arguments logiques ou des preuves. Les personnes stupides ne s’intéressent pas à la vérité ; elles sont prisonnières d’une bulle idéologique qui ne contredit pas leur vision du monde. La stupidité conduit à une dangereuse délégation de responsabilité. Ceux qui y succombent justifient leurs actions ou leur inaction en disant qu’ils ne font qu’obéir aux ordres ou qu’ils ne pouvaient rien faire. Ce sont ces justifications que nous avons entendues à la JEP [Juridiction Spéciale pour la Paix]de la part des militaires qui ont participé aux « faux positifs ». Pour Bonhoeffer, cette irresponsabilité a des conséquences éthiques dévastatrices. La stupidité réduit la complexité du monde à des formules simplistes. Tout se résume à « nous contre eux », « le bien contre le mal » ou « la vérité contre le mensonge », sans place pour les nuances ou les doutes.

Le régime nazi est l’exemple le plus évident de la stupidité en action. Des millions de personnes ont aveuglément adopté une idéologie fondée sur la violence, le racisme et la suprématie, ignorant délibérément les crimes qui étaient commis. Il en a été de même et il en est toujours ainsi en Colombie : une majorité de la population a approuvé ces anti-valeurs en votant deux fois aux élections présidentielles pour le roi du mensonge. La manipulation des masses par la propagande est un autre exemple de stupidité. Ceux qui méprisent toute information révélant la vérité deviennent des instruments du pouvoir, sans réfléchir aux implications de leurs actes. C’est le cas de millions de Colombiens qui ont voté pour Rodolfo Hernández lors de l’ élection présidentielle de 2022, simplement parce que c’était celui que le propriétaire de l’hacienda avait désigné. La passivité face aux injustices, sous prétexte de « ne pas vouloir s’impliquer », est une autre forme de stupidité collective. Ici, l’ignorance n’est pas innocente, elle est complice.

Heureusement, dit Bonhoeffer, la stupidité n’est pas une fatalité, mais la surmonter nécessite un travail éthique et éducatif en profondeur. La clé réside dans le développement de l’esprit critique et du courage moral. Une véritable éducation encourage la pensée critique et la responsabilité éthique. Les individus doivent apprendre à remettre en question les normes, les idéologies et les figures d’autorité lorsque c’est nécessaire. La stupidité ne peut être combattue directement, mais elle peut être minimisée en résistant aux structures de pouvoir qui la favorisent. Cela nécessite une citoyenneté active, engagée en faveur de la vérité et de la justice. Face à la stupidité collective, Bonhoeffer prône des communautés fondées sur des valeurs éthiques solides, où la vérité et la responsabilité sont centrales. Comment distinguer la stupidité de l’ignorance ? L’ignorance peut être corrigée par l’éducation, tandis que la stupidité implique un refus actif de la réflexion critique. Quel rôle joue la technologie moderne dans la perpétuation de la stupidité ? Bien que Bonhoeffer ait écrit à une autre époque, la propagation de la désinformation et la polarisation sur les réseaux sociaux pourraient être considérées comme de nouvelles formes de stupidité collective. Nous vivons dans un état universel de désinformation, les médias d’entreprise mentent tout le temps, imposant des récits qui altèrent les réalités et favorisent la progression du fascisme. Comment pouvons-nous briser le cycle de la stupidité dans les sociétés contemporaines ? La réponse semble résider dans l’éducation et le renforcement des institutions démocratiques qui promeuvent la responsabilité éthique.

La tâche est donc ardue et demande un engagement à plein temps. Pour mettre fin à cette horrible nuit, il n’y a pas d’autre alternative que de soustraire des gens à la stupidité en passant à l’offensive pour diffuser la vérité, pour obtenir de nouveaux procès contre les criminels en col blanc qui continuent à sévir. Il faut également neutraliser les personnages qui constituent un danger pour la coexistence pacifique et la sécurité de ceux qui sont du côté de la vérité. Des personnages grossiers qui incitent à la violence politique, à des formes stupides de faire de la politique, comme Andrés Julián Rendón, Fico Gutiérrez, les conseillers municipaux de Medellín Gury Rodríguez et Sebastián López, le conseiller municipal de Cali Andrés « El pistolero » Escobar, les sénatrices María Fernanda Cabal, Paloma Valencia, Paola Holguín et autres.




Fünf Fragen an den algerischen Dichter Kadda Benkhira

Milena Rampoldi und Fausto Giudice, 3. August 2025

ProMosaik Poetry hat in Zusammenarbeit mit der Glokalen Werkstatt die zweisprachige Sammlung (in französischer und deutscher Sprache) des algerischen Dichters Kadda Benkhira mit dem Titel “Humeurs/Stimmungen” veröffentlicht. In diesem Gespräch beantwortet der Dichter unsere Fragen.

 Wie bist du Dichter geworden?

Ich glaube, dass meine Vorliebe für Poesie in der Grundschule begann. Um uns mit der französischen Sprache vertraut zu machen, gab uns der Lehrer oft ein Gedicht, das wir auswendig lernen und am nächsten Tag im Unterricht vortragen sollten. Aber es ging nicht nur um das Vortragen von Poesie. Ich hatte mich auch daran gewöhnt, jedes Wochenende einen großen Souk zu besuchen, wo nicht nur Lebensmittel zum Verkauf angeboten wurden, sondern auch Flötenspieler, die Schlangen zum Tanzen brachten, und Sänger da waren. Was mich an diesem sehr lebendigen Ort interessierte, waren vor allem diese Leute, die eine ganze besondere Fähigkeit besaßen, Geschichten über verschiedene Themen zu erzählen und sie sehr attraktiv zu gestalten. Sie besaßen auch die Kunst, Gedichte in einer sehr klaren Sprache für das Volk vorzutragen.. Später begann ich, klassische arabische Poesie zu hören und auf Französisch alle Gedichtbände zu lesen, die ich in die Finger bekam... So wurde ich Dichter.

Schränkt die Tatsache, dass du in französischer Sprache schreibst - laut Kateb Yacine gilt diese ja als „Kriegsbeute“ - nicht die Reichweite deiner Gedichte in Algerien ein?

Ja, das stimmt. Die Reichweite meiner Gedichte in Algerien ist aufgrund dessen eingeschränkt. Aber ich möchte hinzufügen, dass „diese Kriegsbeute“, unabhängig von ihrer Bedeutung, irgendwann verschwinden wird. Denn es vergeht kein Tag, an dem die Sprache meiner Vorfahren nicht Schritt für Schritt das Land zurückerobert, dessen sie beraubt wurde. In aller Ruhe wird die Sprache unserer Vorfahren ihren ganz natürlichen Stellenwert auf der Welt wieder einnehmen. Und was gibt es Schöneres, Edleres und Natürlicheres für ein Volk, als seine Sprache wiederzufinden!...

In der algerischen Verfassung ist die arabische Sprache seit der Unabhängigkeit der Landes als National- und Amtssprache verankert. Französisch gilt als Fremdsprache.

Man darf ja nicht außer Acht lassen, dass die Barbarei des französischen Kolonialismus in Algerien 132 Jahre dauerte. Wir können diese Sprache nicht aus unserer Heimat verbannen, wie wir beispielsweise einen alten Nagel aus einem Brett entfernen. Denn dafür braucht es Zeit und viel Geduld...

Heute bevorzugen die meisten jungen Algerierinnen und Algerier bei weitem Englisch gegenüber Französisch.

Übrigens hat die Regierung im nächsten Schuljahr beschlossen, ab der Grundschule mit dem Englischunterricht zu beginnen... „Wenn Französisch, sagte der Präsident, Kriegsbeute ist, ist Englisch eine internationale Sprache.“ Das ist absolut klar...

Ich habe auch bemerkt, dass junge Menschen anfangen, sich ernsthaft für andere Sprachen wie Spanisch, Italienisch und Türkisch zu interessieren...

Persönlich werde ich auch in Zukunft in französischer Sprache schreiben, da sie für mich (wie alle anderen Sprachen) ein Kommunikationsmittel ist. Und ich bin sicher, dass meine Gedichte ins Arabische übersetzt werden. So werde ich die LeserInnen wiederfinden, die mir durch die „Kriegsbeute“ abhandengekommen sind ...

Aber auch ein Schriftsteller (oder ein Dichter), dessen Land nie kolonisiert wurde, kann seine Sprache nur in seinem Land bekannt machen. Wenn er seine Grenzen überschreiten will, wenn er berühmt werden will, muss er sich unbedingt an diese sehr ehrenwerte Dame wenden, und zwar an die ÜBERSETZUNG...

Gibt es heute in Algerien eine „poetische Szene“ und Austausch und Begegnungen zwischen Dichtern und rund um die Poesie?

Ja! Der Poesie werden immer mehr Bereiche gewidmet. Und ich muss sagen, dass die arabische Poesie den Löwenanteil hat. Das finde ich absolut normal. In allen Ländern der Welt ist es die Sprache des Volkes, die am meisten gefragt ist...

132 Jahre barbarischer Kolonialismus haben es nicht geschafft, diese Sprache auszurotten. Wahrscheinlich, weil sie ihre Kraft aus dem Koran bezieht...

Ja! Die Poesie in arabischer Sprache bleibt das Genre der Mehrheit der algerischen Schriftsteller. Dies bezeugen zahlreiche Veröffentlichungen (Gedichtbände, Zeitungen und Zeitschriften...).

Dies wird auch von den Experten bestätigt.

Welchen allgemeinen Stellenwert nimmt die Poesie im zeitgenössischen Algerien ein?

Sie hat einen sehr ehrenwerten Stellenwert. Ich meine damit die gesamte Poesie in arabischer, berberischer und französischer Sprache ...

Welche Rolle kann und soll der Dichter in der Gesellschaft spielen?

Die Rolle des Dichters muss weltweit von Großmut und Menschlichkeit gekennzeichnet sein. Die Poesie muss auch immer bereit sein, schnell alles anzuprangern, was auf dieser Welt nicht rund läuft! Sie muss an allem Kritik ausüben, was der Menschheit schadet! Und nicht nur! Sie muss auch die Tier- und Pflanzenwelt verteidigen! ...

Es ist bedauerlich, dass nicht alle Dichter Großmut und Menschlichkeit besitzen.

Einige haben ihre Zungen so sehr für raue und ungesunde Dinge abgenutzt, dass sie sie nicht mehr im Mund halten können.

 

 

01/08/2025

OFER ADERET
Impensable aujourd’hui : en 1988, les plus grands chanteurs israéliens s’unissaient contre l’occupation

Ofer Aderet et Alex Levac (photos), Haaretz, 31/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Trois mois après le début de la première intifada, des dizaines d’artistes israéliens se sont réunis à Tel-Aviv pour tenter de « réveiller la conscience humaine », comme l’a déclaré un rockeur. Près de quatre décennies plus tard, l’histoire n’a pas pris le chemin de la paix.

Corinne Allal, à gauche, Shlomo Artzi, Yehudit Ravitz et Hana Laslo lors de l’événement en mars 1988

 C’était il y a 37 ans, en mars 1988, mais aujourd’hui, le titre d’alors de Haaretz semble inconcevable : « Peut-être que quelque chose a enfin commencé à bouger ici. »

 L’article décrivait comment plus de 30 artistes, dont beaucoup étaient auteurs-compositeurs-interprètes, se sont tenus sur une scène dans la place centrale de Tel Aviv, aujourd’hui connue sous le nom de place Rabin. « Ils ont chanté « Nous voulons la paix » lors de la manifestation intitulée « Ligne rouge : Juifs et Arabes contre l’occupation ».

Des milliers de personnes y ont participé. C’était pendant la première intifada, alors que le Hamas en était à ses débuts et que le chef de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, était en exil. L’événement a été ouvert par les chanteurs Riki Gal et Nurit Galron et deux auteurs-compositeurs-interprètes légendaires, Yehudit Ravitz et Corinne Allal.

Riki Gal, à gauche, Yehuditz Ravitz, Rita et Chava Alberstein montant sur scène


Parmi les plus de 30 artistes qui se sont produits, figuraient les géants du rock israélien Yehuda Poliker, Matti Caspi et Gidi Gov.

Shlomi Artzi, légende du folk-rock, a déclaré : « Dans le passé, les artistes israéliens s’abstenaient d’exprimer leurs opinions, mais aujourd’hui, ils veulent le faire, compte tenu de la nécessité de trouver un compromis avec nos voisins arabes. »

Titre du journal Hadashot : « Les artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ». De gauche à droite : Nurit Galron, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Rita. Photo : archives Haaretz


Au premier plan, Nurit Galron, à gauche, Chava Alberstein et la pianiste Astrith Baltsan, avec l’acteur et réalisateur palestinien de 1948 Mohammad Bakri à l’arrière.

 

Rita, à gauche, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Corinne Allal sur scène.

 

Des personnes dans la foule brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Pour la paix israélo-palestinienne » en hébreu.

Alex Levac a pris ces photos pour le quotidien Hadashot, qui a cessé de paraître cinq ans plus tard, lorsque Levac a rejoint Haaretz, où il travaille toujours aujourd’hui. Titre de Hadashot : « Des artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ».

« Il est très important d’être ici aujourd’hui pour éveiller la conscience humaine et l’opinion publique ; peut-être que cela aboutira à quelque chose », a déclaré Poliker, selon Hadashot.

 

Matti Caspi jouant de la guitare. 

Les musiciens israéliens Si Heyman, à gauche, et Shlomo Gronich dans un café avant le concert.

 Matti Caspi, que Haaretz a un jour qualifié de « réponse israélienne à Bach et Gershwin », a ajouté : « Il est temps de commencer à parler, quelle que soit la situation. L’essentiel est de parler. »

La chanteuse folk Chava Alberstein s’est dite « assez désespérée ». Selon elle, « il est clair que beaucoup de gens nous regardent comme si nous étions des oiseaux chantant dans une cage ou sur un arbre, sans aucune utilité. Mais tant qu’il y aura des artistes, nous continuerons d’essayer ».

 

Yehuda Poliker, à gauche, et Hana Laslo

« Nous essayons d’embellir une époque qui comporte beaucoup de laideur et de souffrance, en particulier pour les jeunes qui doivent participer à des événements désagréables. Nous essayons d’apporter une note nouvelle et de rappeler à tous qu’il y a de l’espoir. »

Au cours de la première intifada, qui a éclaté en décembre 1987, les soldats israéliens ont affronté des jeunes qui leur lançaient des pierres en Cisjordanie et à Gaza.


Corinne Allal, au centre, avec Shlomo Artzi à sa droite.

 

Gidi Gov, à gauche, et Yehuda Poliker. Sarai Tzuriel à l’arrière.


De retour sur la place de Tel Aviv, Yaffa Yarkoni, qui a lancé sa carrière de chanteuse avant la création de l’État d’Israël, a déclaré : « Les gens ne comprennent pas que l’heure du jugement dernier a sonné. Personne ne se rend compte de l’ampleur du désastre. »

La chanteuse Yardena Arazi a ajouté : « Je suis une citoyenne qui vit dans ce pays. Parfois, quand je lis les journaux, j’ai envie de crier : « Ça ne peut pas continuer comme ça. » »

Gidi Gov a conclu : « Je pense que nous devons faire quelque chose pour mettre fin à la violence entre Arabes et Juifs. Ce n’est pas une question d’opinions politiques, mais d’opposition à la violence. »

GIDEON LEVY
No es solo una guerra, es un genocidio, y se está cometiendo en nuestro nombre

Gideon Levy, Haaretz, 30-7-2025
Traducido por Fausto GiudiceTlaxcala

Dos importantes organizaciones israelíes de defensa de los derechos humanos han puesto nombre a lo que otros siguen negando: la campaña en Gaza no es solo brutal o desproporcionada, es la destrucción deliberada de un pueblo. Las pruebas son abrumadoras, la intención innegable y el silencio cómplice.


Un periodista muestra el resumen ejecutivo del informe «Nuestro genocidio», elaborado por B’Tselem, en una rueda de prensa celebrada el lunes en Jerusalén. Foto Maya Alleruzzo/AP

Ha llegado el momento. Ya no es posible andarse con rodeos y evitar dar una respuesta. Ya no podemos escondernos, evadir, balbucear, apaciguar y oscurecer. Tampoco podemos aferrarnos a sofismas legales sobre la «cuestión de la intención» o esperar el fallo de la Corte Internacional de Justicia de La Haya, que puede que solo se dicte cuando ya sea demasiado tarde.

Ya es demasiado tarde.

Por eso ha llegado el momento de llamar al horror por su nombre, y su nombre completo es genocidio, el exterminio de un pueblo. No hay otra forma de describirlo. Ante nuestros ojos horrorizados, Israel está cometiendo un genocidio en la Franja de Gaza. No ha comenzado ahora, comenzó en 1948. Ahora, sin embargo, se han acumulado pruebas suficientes para llamar por su nombre monstruoso lo que ocurre en la Franja de Gaza.

Este es un momento de desesperación, pero también liberador. Ya no necesitamos evitar la verdad. El lunes, en el sótano de un hotel de Jerusalén Este, dos importantes grupos israelíes de derechos humanos anunciaron que la suerte estaba echada. B’Tselem y Médicos por los Derechos Humanos declararon que habían llegado a la conclusión de que Israel estaba cometiendo genocidio. Lo hicieron ante decenas de periodistas de todo el mundo y una vergonzosa y escasa representación de los medios de comunicación israelíes.

Con una fiabilidad y valentía incomparables, dieron un paso histórico. Estaba claro que a sus portavoces no les resultaba fácil. La incomodidad se palpaba en la sala de conferencias.

B’Tselem tituló su informe «Nuestro genocidio», y es genocidio, y es nuestro. La dramática declaración fue recibida en Israel con un desprecio casi total. Pero esto también demuestra la gravedad de la situación. El genocidio casi siempre es negado por quienes lo cometen.

El significado es grave. Vivir en un país cuyos soldados están cometiendo un genocidio es una mancha indeleble, un rostro distorsionado que nos mira en el espejo, un desafío personal para todos los israelíes. Este término plantea profundas preguntas sobre el país y nuestra participación en el crimen. Nos recuerda de dónde venimos y plantea preguntas difíciles sobre hacia dónde vamos. Lo más fácil ahora es la carga de la prueba. La corroboración legal bien podría venir de La Haya, pero las pruebas morales se acumulan cada día.

Un niño palestino que sufre desnutrición en el campamento de Al-Shati, en Gaza, la semana pasada. Foto Jehad Alshrafi/AP

Durante meses, los pocos en Israel que ven en la Franja de Gaza la cuestión de la intención han estado sufriendo. ¿Realmente Israel tiene la intención de cometer genocidio, o tal vez ha causado los resultados sin querer? Esta pregunta se ha vuelto superflua. No es la cantidad de muertes y destrucción lo que la ha sacado de la agenda, sino la forma sistemática en que se está llevando a cabo.

Cuando destruyes 33 de 35 hospitales, la intención es transparente y el debate ha terminado. Cuando borras sistemáticamente barrios, pueblos y ciudades enteros, las dudas sobre tus intenciones han llegado a su fin. Cuando matas a decenas de personas cada día mientras esperan en fila para recibir comida, el método ha quedado demostrado más allá de toda duda. Cuando utilizas el hambre como arma, ya no hay lugar para las preguntas.

Ya no falta nada para comprender que lo que está ocurriendo en Gaza no es el daño colateral de una guerra horrible, sino el objetivo. El hambre masiva, la destrucción y la muerte son el objetivo, y desde aquí el camino hacia la conclusión es corto: el genocidio.

Israel tiene la clara intención de provocar la destrucción de la sociedad palestina en la Franja de Gaza, de convertirla en un lugar inhabitable. Pretende llevar a cabo una limpieza étnica, ya sea mediante el genocidio o el traslado de la población, preferiblemente ambas cosas.

Protesta organizada por Standing Together en Tel Aviv la semana pasada. Foto: Tomer Appelbaum

Esto no significa que la cábala vaya a tener éxito, pero se está moviendo en la dirección de esta solución absoluta. El primer ministro Benyamin Netanyahu, padre de esta cábala y su principal ejecutor, lo llama «victoria total», y esta victoria es el genocidio y el traslado de la población. Netanyahu y su gobierno no aceptarán nada menos. Mientras tanto, los partidos judíos de la oposición no tienen a nadie que se oponga realmente.

Israel ya no tiene a nadie que detenga esta marcha hacia el genocidio; solo hay quienes la ignoran. Por aterrador que pueda parecer, existe el peligro de que no se detenga en Gaza. Ya han establecido la infraestructura ideológica y operativa para ello en Cisjordania. Los ciudadanos árabes de Israel podrían muy bien ser los siguientes en la lista. No hay nadie que lo detenga, y debemos detenerlo.

➤Leer el informe de B'Tselem en español

GIDEON LEVY
Ce n’est pas juste une guerre, c’est un génocide, et il est commis en notre nom

Gideon Levy, Haaretz, 30/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Deux importantes organisations israéliennes de défense des droits humains ont nommé ce que d’autres continuent de nier : la campagne menée à Gaza n’est pas seulement brutale ou disproportionnée, elle vise délibérément à détruire un peuple. Les preuves sont accablantes, l’intention indéniable et le silence complice.


Un journaliste montre le résumé du rapport « Notre génocide » publié par B’Tselem lors d’une conférence de presse à Jérusalem, lundi. Photo Maya Alleruzzo/AP

Le moment est venu. Il n’est plus possible de tourner autour du pot et d’éviter de donner une réponse. Nous ne pouvons plus nous cacher, éluder, marmonner, apaiser et obscurcir. Nous ne pouvons pas non plus nous accrocher à des sophismes juridiques sur la « question de l’intention » ou attendre la décision de la Cour internationale de justice de La Haye, qui ne sera peut-être rendue que lorsqu’il sera trop tard.

Il est déjà trop tard. C’est pourquoi le moment est venu d’appeler l’horreur par son nom – et son nom complet est génocide, l’extermination d’un peuple. Il n’y a pas d’autre façon de le décrire. Sous nos yeux horrifiés, Israël commet un génocide dans la bande de Gaza. Cela n’a pas commencé aujourd’hui, cela a commencé en 1948. Mais aujourd’hui, les preuves sont suffisantes pour appeler par son nom monstrueux ce qui se passe dans la bande de Gaza.

C’est un moment de désespoir, mais aussi de libération. Nous n’avons plus besoin d’éviter la vérité. Lundi, dans le sous-sol d’un hôtel de Jérusalem-Est, deux importantes organisations israéliennes de défense des droits humains ont annoncé que les dés étaient jetés. B’Tselem et Physicians for Human Rights ont déclaré qu’elles étaient parvenues à la conclusion qu’Israël commettait un génocide. Elles l’ont fait devant des dizaines de journalistes du monde entier et une représentation honteusement clairsemée des médias israéliens.

D’une fiabilité et d’un courage incomparables, ils ont franchi une étape historique. Il était évident que leurs porte-parole n’avaient pas la tâche facile. Le malaise était palpable dans la salle de conférence.

B’Tselem a intitulé son rapport « Notre génocide » – et c’est bien d’un génocide qu’il s’agit, et c’est le nôtre. Cette déclaration dramatique a été accueillie en Israël avec un mépris quasi total. Mais cela aussi prouve la gravité de la situation. Le génocide est presque toujours nié par ceux qui le commettent.

La signification est grave. Vivre dans un pays dont les soldats commettent un génocide est une tache indélébile, un visage déformé qui nous regarde dans le miroir, un défi personnel pour chaque Israélien. Ce terme soulève de profondes questions sur le pays et notre part dans ce crime. Il nous rappelle d’où nous venons et soulève des questions difficiles sur notre avenir. Le plus facile maintenant, c’est la charge de la preuve. La confirmation juridique viendra peut-être de La Haye, mais les preuves morales s’accumulent chaque jour.

Un enfant palestinien souffrant de malnutrition dans le camp d’Al-Shati à Gaza, la semaine dernière. Photo Jehad Alshrafi/AP

Depuis des mois, les rares personnes en Israël qui voient dans la bande de Gaza une question d’intention souffrent. Israël a-t-il vraiment l’intention de commettre un génocide, ou a-t-il peut-être provoqué ces résultats sans le vouloir ? Cette question est désormais superflue. Ce n’est pas le nombre de morts et l’ampleur des destructions qui l’ont fait disparaître de l’ordre du jour, mais la manière systématique dont elles sont perpétrées.

Lorsque vous détruisez 33 hôpitaux sur 35, l’intention est claire et le débat clos. Lorsque vous effacez systématiquement des quartiers, des villages et des villes entiers, les doutes quant à vos intentions n’ont plus lieu d’être. Lorsque vous tuez chaque jour des dizaines de personnes qui font la queue pour obtenir de la nourriture, la méthode a été prouvée sans l’ombre d’un doute. Lorsque vous utilisez la famine comme arme, il n’y a plus aucun doute possible.

Il ne manque plus rien pour comprendre que ce qui se passe à Gaza n’est pas le dommage collatéral d’une guerre horrible, mais bien l’objectif. La famine, la destruction et la mort à grande échelle sont le but, et de là, le chemin vers la conclusion est court : le génocide.

Israël a clairement l’intention de détruire la société palestinienne dans la bande de Gaza, de la rendre invivable. Il a l’intention de la nettoyer ethniquement, que ce soit par le génocide ou le transfert de population, de préférence les deux.

Manifestation organisée par Standing Together à Tel Aviv la semaine dernière. Photo Tomer Appelbaum

Cela ne signifie pas que la cabale aboutira complètement, mais elle va dans le sens de cette solution absolue. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, père de cette cabale et son principal exécutant, l’appelle « victoire totale », et cette victoire est le génocide et le transfert de population. Netanyahu et son gouvernement ne feront aucun compromis. Pendant ce temps, les partis juifs de l’opposition n’ont personne qui s’y oppose vraiment.

Israël n’a plus personne pour arrêter cette marche vers le génocide ; il n’y a que ceux qui l’ignorent. Aussi effrayant que cela puisse paraître, le danger existe que cela ne s’arrête pas à Gaza. Ils ont déjà mis en place l’infrastructure idéologique et opérationnelle nécessaire à cet effet en Cisjordanie. Les citoyens arabes d’Israël pourraient bien être les prochains sur la liste. Il n’y a personne pour l’arrêter, et nous devons l’arrêter.

➤Lire le rapport de B'Tselem en français

31/07/2025

ARIK ASCHERMAN
Si des Israéliens et des Juifs n’agissent pas maintenant, nous sommes complices : voici comment mettre fin à la famine à Gaza

Rabbin Arik Ascherman, Haaretz, 30/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le rabbin Arik Ascherman (Erié, Pennsylvanie, USA, 1959) a dirigé l’organisation Rabbins pour les droits humains pendant 21 ans et est cofondateur et directeur exécutif de Torat Tzedek - Torah de Justice.

 

Nous, Israéliens et Juifs de l’étranger, sommes tous responsables de ce que notre gouvernement fait subir aux Palestiniens à Gaza. C’est pourquoi nous devons exiger la seule mesure efficace qui reste, celle que le gouvernement Netanyahou ne peut ignorer

« Arrêtez d’affamer Gaza » : manifestants à Tel Aviv. Photo Itai Ron

Il est difficile ces jours-ci de ne pas se demander « en faisons-nous assez alors qu’Israël affame à mort les Palestiniens à Gaza ? »

Mais que pouvons-nous faire alors que l’opinion publique a si peu d’importance pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son gouvernement ? Je me sens impuissant. Lorsque je participe à des manifestations pour obtenir la libération de nos otages détenus par le Hamas et mettre fin à la guerre à Gaza, je sais que je soutiens les familles des otages et que je plaide pour la fin des morts absurdes de soldats israéliens à Gaza, mais je ne fais pas grand-chose pour changer la politique du gouvernement. En même temps, je suis rempli d’angoisse quand je pense au nombre d’Israéliens qui se soucient légitimement de nos otages et de nos soldats, mais qui ne se soucient guère des milliers d’enfants morts à Gaza et des milliers d’autres qui meurent de faim.

Je comprends les raisons tactiques qui poussent beaucoup de gens à concentrer leurs protestations sur le sort de leurs compatriotes juifs. Mais aujourd’hui, alors que des gens meurent de faim à cause de la politique israélienne, ce n’est plus une option.

Toutes les personnes de conscience doivent dire clairement et publiquement qu’elles s’opposent à causer davantage de souffrances et de morts aux enfants de Gaza et aux autres non-combattants. La tradition juive enseigne qu’il existe une ligne rouge à ne pas franchir, même en cas de légitime défense : le traité Sanhédrin nous interdit de tuer des innocents, même si c’est pour sauver notre propre vie.

Jusqu’à présent, je me suis dit que même si les horreurs sont encore plus grandes à Gaza que là où je passe mes journées à travailler avec Torat Tzedek pour protéger les communautés de bergers palestiniens de Cisjordanie menacées par des colons violents et pour lutter pour le retour de ceux qui ont déjà été expulsés par le système judiciaire, je dois continuer à me concentrer là où mes actions ont au moins une chance limitée de réussir.

Mais je ne peux plus rationaliser notre travail ailleurs comme une excuse pour rester silencieux sur Gaza.

Je me suis toujours demandé ce qui, historiquement, avait empêché les gens de s’opposer aux actions malveillantes de leur gouvernement. Après coup, ils peuvent dire qu’ils ne connaissaient pas l’ampleur du problème ou qu’ils s’y étaient toujours opposés, même si c’était en silence. La tradition juive nous enseigne que Noé était furieux contre Dieu lorsqu’il est sorti de son arche après le déluge et a vu la mort et la destruction. Dieu l’a réprimandé en lui disant : « Pendant 60 ans, tu as construit l’arche sans prononcer un mot de protestation. Et maintenant, tu es en colère ? »

Dans les dictatures oppressives, les gens risquent leur vie pour s’opposer à la politique. En Israël, c’est rarement le cas. Et comme nous l’a enseigné le rabbin Abraham Joshua Heschel, « dans une société libre, certains sont coupables, mais tous sont responsables ».

Nous, Israéliens, sommes tous responsables de ce que fait notre gouvernement. Les Juifs vivant à l’étranger qui ont un sentiment d’appartenance à Israël et au peuple juif partagent également cette responsabilité. Que pouvons-nous faire, en tant que citoyens, face à un gouvernement qui refuse de changer sa politique alors que des milliers d’Israéliens manifestent chaque semaine dans les rues ?

Noé aurait peut-être pu empêcher le déluge s’il avait discuté avec Dieu, mais dans notre cas, les protestations se sont avérées insuffisantes.

C’est pourquoi nous devons exiger les seules mesures efficaces qui restent, celles que notre gouvernement ne peut ignorer. Nous devons appeler à une grève générale de toute l’économie israélienne, menée par l’Histadrout*. Il ne peut y avoir de retour à la normale tant que nous affamons la population de Gaza.


Un jeune Palestinien tient une boîte de pois chiches provenant d’un colis humanitaire largué depuis un avion, alors que la famine sévit à Zawayda, dans le centre de la bande de Gaza. Photo  Hatem Khaled / Reuters

L’Histadrout doit prendre l’initiative, mais il n’y a pas de temps à perdre. Tous les commerçants et tous les propriétaires de petites ou grandes entreprises doivent fermer leurs portes. Les dirigeants de cinq universités ont désormais déclaré leur opposition, et ils doivent passer à l’action en faisant grève et en fermant leurs portes. Tous les services non essentiels qui peuvent être fermés doivent l’être.

Ceux d’entre vous qui vivent à l’étranger doivent informer l’Agence juive et vos fédérations juives que vous placez vos contributions prévues dans un fonds bloqué. Que vous souhaitez soutenir Israël, mais pas tant qu’Israël continuera à laisser mourir de faim des enfants.

Je comprends ce qui motive tant d’Israéliens. Nous avons le droit de nous défendre et d’assurer notre sécurité. Mais il ne s’agit pas d’un débat entre ceux qui croient en la légitime défense et ceux qui n’y croient pas, il s’agit aussi de se soucier des non-juifs. C’est un débat entre ceux qui pensent que l’on peut justifier de laisser mourir de faim des enfants au nom de la légitime défense et ceux qui savent que rien ne peut justifier de laisser mourir des enfants de faim.

Nous voulons tous pouvoir dire à nos enfants et petits-enfants que nous avons fait quelque chose d’important lorsque notre peuple a réagi de manière immorale. Comme le dit l’interprétation rabbinique du Psaume 119:126, « Il est temps de violer ta Torah pour agir au nom de Dieu. »

Que direz-vous à vos enfants et petits-enfants lorsque nous sortirons de l’arche et verrons ce que nous avons fait ? Que direz-vous à Dieu lorsque vous arriverez devant le tribunal céleste ? Que vous direz-vous à vous-même ?

NdT

*L'Histadrout, créée en 1920, se présente comme un syndicat de travailleurs juifs. Elle s'est toujours opposée à l'adhésion de travailleurs non-juifs. Depuis sa fondation, elle a fonctionné de fait comme un bureau de travail juif et a fourni la base des partis travaillistes. Ayant connu un fort déclin, parallèlement à celui de la "gauche" sioniste, il y a peu de chances qu'elle suive les conseils de notre brave rabbin et entre en dissidence. Il n'est pas interdit de rêver.

TikTok recrute une ancienne instructrice de l’armée israélienne comme responsable de la lutte contre les “discours de haine”, suscitant de vives réactions

 MEE, 29/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Erica Mindel, ancienne contractuelle du département d’État usaméricain, dirigera la politique de TikTok en matière de discours de haine, en se concentrant sur les contenus antisémites

La nouvelle recrue de TikTok chargée de superviser les politiques de lutte contre les discours de haine sur l’application entretient des liens de longue date avec l’armée israélienne, a confirmé lundi l’entreprise à Jewish Insider.

La plateforme de médias sociaux a annoncé qu’Erica Mindel, une ancienne contractuelle du département d’État usaméricain qui a travaillé pour l’ambassadrice Deborah Lipstadt, envoyée spéciale de l’administration Biden pour surveiller et combattre l’antisémitisme, rejoindra l’équipe chargée des politiques publiques et des discours de haine de TikTok aux USA.

Selon la description officielle du poste partagée par TikTok, Mme Mindel sera chargée de « développer et de promouvoir la position de l’entreprise sur les discours de haine », d’« influencer les cadres législatifs et réglementaires » et d’« analyser les tendances en matière de discours de haine », en mettant particulièrement l’accent sur les contenus antisémites.

Elle a indiqué sur sa page que son nouveau poste chez TikTok était celui de « responsable des politiques publiques, discours de haine, chez TikTok ».

 


Avant sa carrière au département d’État, Mindel était instructrice dans le corps blindé de l’unité des porte-parole de l’armée israélienne, selon les informations qu’elle a fournies lors de son passage dans un podcast de l’American Jewish Committee.

Dans le podcast, Mindel explique qu’elle s’est portée volontaire et s’est enrôlée dans l’armée israélienne, où elle a servi pendant deux ans.

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont critiqué la décision de TikTok, suggérant que la plateforme vise à faire taire les discours propalestiniens.

Par ailleurs, il semble que ce poste ait été créé à la suite d’une « réunion de haut niveau » coordonnée l’année dernière par l’Anti-Defamation League (ADL), selon Dan Granot, directeur national de la politique vis-à-vis de ‘lantisémitisme de l’ADL.

Dans une déclaration à Jewish Insider, M. Granot a déclaré que ce rôle était apparu comme « une recommandation clé pour toutes les plateformes de réseaux sociaux » lors de cette réunion.

L’année dernière, les éditeurs de Wikipédia ont voté pour déclarer l’ADL « généralement peu fiable » sur Israël et la Palestine ainsi que sur la question de l’antisémitisme, ajoutant l’organisation à une liste de sources interdites, selon un rapport de la Jewish Telegraph Agency.

L’ADL a une longue histoire d’attaques contre les mouvements de défense des droits des Palestiniens, qu’elle qualifie d’antisémites, et a déjà collaboré avec les forces de l’ordre usaméricaines pour espionner des groupes arabo-usaméricains. Elle a également facilité et financé des voyages de formation de la police usaméricaine en Israël.

L’ADL a publié un tweet de célébration sur X, suggérant qu’elle se réjouissait de cette décision.

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont suggéré que TikTok avait « cédé à la pression » de l’ADL, laissant entendre que TikTok « se conformait à ces exigences de censure pour tenter d’éviter une interdiction » aux USA.

En 2024, un projet de loi visant à interdire l’application a été adopté à une écrasante majorité au Congrès usaméricain. Le projet de loi, qui a été adopté à la Chambre des représentants par 352 voix contre 65, exigeait que TikTok soit vendu à une entreprise usaméricaine sous peine d’être interdit aux USA.

TikTok a été brièvement interdit aux USA après l’adoption d’une loi obligeant son propriétaire chinois, ByteDance, à le vendre pour des raisons de sécurité nationale ou à faire face à une interdiction le 19 janvier.

Bien que le président Donald Trump ait temporairement annulé l’interdiction de TikTok le lendemain de son entrée en fonction, l’avenir de l’application dans le pays, ainsi que le statut de son contenu propalestinien, restent incertains.

En février, des membres du Congrès ont révélé que la principale raison derrière la volonté des USA d’interdire TikTok était l’image d’Israël sur la plateforme plutôt que la crainte d’une infiltration chinoise.

La semaine dernière, les représentants Josh Gottheimer (Démocrate-New Jersey) et Don Bacon (Républicain-Nebraska), ainsi que le PDG de l’ADL, Jonathan Greenblatt, ont annoncé la réintroduction du STOP HATE Act, un projet de loi visant à lutter contre la propagation de l’antisémitisme sur les réseaux sociaux tels que TikTok.

Plusieurs parlementaires usaméricains et personnalités éminentes ont attaqué la plateforme en raison de la prétendue prééminence de contenus propalestiniens, notamment le sénateur républicain et ancien candidat à la présidence Mitt Romney.