07/11/2025

Des favelas et des campagnes brésiliennes à Gaza
Comment le militarisme et l’écoblanchiment façonnent les relations, la résistance et la solidarité avec la Palestine au Brésil

 Andressa Oliveira Soares, TNI, 5/11/2025

Illustrations : Fourate Chahal El Rekaby

Traduit par Tlaxcala

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Andressa Oliveira Soares est une avocate et militante des droits humains brésilienne, titulaire d'un doctorat en droit international de l'Université de São Paulo (USP). Elle est coordinatrice du Comité national BDS pour l'Amérique latine et les Caraïbes. Cet article reflète ses opinions personnelles.

Les mouvements de solidarité du Brésil soutiennent depuis longtemps la Palestine, mais les liens économiques et militaires avec Israël continuent de se renforcer. Alors que le Brésil se prépare à accueillir la COP30, les campagnes de base révèlent les connexions entre le militarisme israélien et les inégalités internes, l’agrobusiness et la violence d’État. Ce moment représente une occasion clé pour renforcer les efforts de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).


Introduction

La société civile et les mouvements sociaux brésiliens portent la solidarité avec la Palestine à leur agenda depuis plusieurs décennies, mais les dix dernières années ont vu une montée considérable des revendications en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions (BDS), en réponse à l’appel lancé en 2005 par la société civile palestinienne.

De 2003 à 2016, le Brésil a été gouverné par le Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores, PT), un parti de gauche. Après la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016, Michel Temer a occupé la fonction de président jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019. Sous le gouvernement du PT, le Brésil a officiellement reconnu l’État de Palestine en 2010 et a fréquemment condamné les actions militaires israéliennes. Néanmoins, au cours des deux dernières décennies, la politique brésilienne sur cette question est devenue de plus en plus instable, oscillant entre des affirmations de principe de solidarité avec la Palestine et l’approfondissement de liens politiques et économiques avec le régime israélien.
Même sous le PT — et plus encore sous Bolsonaro — le Brésil a augmenté ses achats d’armes à Israël, continué à exporter du pétrole vers l’État d’apartheid, et renforcé le commerce agro-industriel avec ce pays — autant d’activités qui ont contribué à soutenir l’infrastructure de l’occupation israélienne (Nakamura, 2024).

Depuis des décennies, le complexe militaro-industriel brésilien, l’agrobusiness, les politiciens de droite et les lobbys évangéliques-sionistes se sont alignés pour promouvoir un approfondissement des relations entre le Brésil et Israël. Ensemble, ils ont normalisé le commerce avec Israël sous couvert de partenariats technologiques et d’agriculture respectueuse du climat, blanchissant ainsi les crimes du régime israélien.

Cette contradiction apparente — entre une solidarité affichée envers la Palestine et le renforcement des liens économiques avec Israël — n’est pas propre au Brésil. En réalité, très peu de pays dans le monde se sont engagés à couper, ou même à réduire, leurs liens commerciaux avec Israël. Cela demeure vrai même après la reconnaissance internationale généralisée de son régime d’apartheid¹ et les décisions contraignantes de la Cour internationale de Justice (CIJ) en 2004, 2024 et 2025 — la décision de 2024 ayant été soutenue par la grande majorité des pays, y compris le Brésil, dans une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2024².

Les mouvements de solidarité au Brésil — dont beaucoup sont ancrés dans les favelas, dans les mouvements urbains pour le logement, les mouvements ruraux sans terre, les luttes pour la justice climatique et les communautés affectées par les agissements des entreprises, ainsi que dans les syndicats étudiants et de travailleurs — ont mené d’importantes campagnes reliant le militarisme israélien à la violence d’État, au pillage environnemental et à l’extractivisme agraire au Brésil.
Depuis le début du génocide diffusé en direct à Gaza et l’expansion des colonies israéliennes et des crimes en Cisjordanie, le besoin urgent de révéler ces liens de complicité et d’exposer comment les relations israélo-brésiliennes affectent les groupes marginalisés au Brésil s’est renforcé. Cette question a désormais atteint une visibilité sans précédent dans les médias grand public.

En novembre 2025, le Brésil accueillera la COP30 à Belém do Pará, aux côtés du Sommet des Peuples⁴.
Cet événement crée une fenêtre stratégique pour confronter les connexions de “greenwashing” [verdissement, écoblanchiment] entre les entreprises israéliennes de technologie agricole et hydrique et les agendas extractivistes en Amérique latine. Il s’agit d’un moment clé pour construire une solidarité concrète avec la Palestine, relier les luttes multiples et renforcer les résistances locales.

Cet article analyse les principaux liens entre le Brésil et Israël, et comment ils se connectent aux luttes sur le terrain au Brésil. Il présente également certaines victoires remportées par les campagnes propalestiniennes et les obstacles freinant de nouveaux progrès, notamment les efforts pour passer des mots aux actes en solidarité avec la Palestine, y compris lors de la COP30.

Cet article est structuré comme suit. Après cette introduction, la section suivante explore les relations entre le Brésil et Israël, en fournissant un contexte historique et en présentant la coopération militaire, les accords agro-industriels, le commerce pétrolier et les positions diplomatiques des deux pays, en particulier au cours des 20 dernières années. La section suivante examine ensuite comment la résistance et la solidarité avec la Palestine, en particulier le BDS, se sont développées au Brésil au cours de la dernière décennie. L'avant-dernière section aborde les défis auxquels est actuellement confrontée la solidarité avec la Palestine et les moyens de les surmonter, notamment les objectifs prioritaires et les perspectives d'avenir prometteuses. L'article se termine par une brève conclusion. Tout au long du texte, l'article applique l'approche critique du « droit international par le bas » (Rajagopal, 2008), selon laquelle la mobilisation politique est essentielle pour faire progresser et appliquer le droit international.



Les relations militaires, économiques et diplomatiques du Brésil avec Israël

Depuis le milieu du XXe siècle, la relation du Brésil avec Israël combine un alignement symbolique et une coopération pragmatique.
En 1947, le diplomate brésilien Oswaldo Aranha, qui présidait l’Assemblée générale des Nations unies, joua un rôle politique et procédural crucial dans l’adoption du Plan de partage de la Palestine (Résolution 181 de l’ONU).
Les récits contemporains et les reconstructions ultérieures créditent Aranha d’avoir reporté le vote pour consolider une majorité des deux tiers en faveur du plan, et d’avoir fait pression activement sur plusieurs délégations.
Ces actions lui valurent d’être publiquement honoré en Israël dans les décennies suivantes (JTA, 2017).
Son rôle à l’ONU a ainsi imprimé une association précoce entre la diplomatie brésilienne et la légitimation internationale de la création d’Israël.

Au début des années 1960, sous la présidence de gauche de João Goulart, les relations bilatérales restaient cordiales mais utilitaires, motivées davantage par des calculs multilatéraux et la recherche de coopération technique que par des affinités idéologiques.
La dictature militaire (1964–1985) inaugura cependant une collaboration sécuritaire et technoscientifique ouverte.
Des documents d’archives cités par des enquêtes journalistiques révèlent des liens étroits entre Israël et la junte brésilienne, incluant des ventes d’armes, des échanges d’expertise militaire et une coopération nucléaire précoce.
Un premier accord entre les deux pays fut signé le 10 août 1964, à peine quatre mois après le coup d’État, suivi de nouveaux accords en 1966, 1967 et 1974 (Mack, 2018).
Même si ces sources ne prouvent pas une participation d’Israël au coup d’État lui-même, elles montrent une rapide convergence post-coup d’État, fondée sur des intérêts communs autour de la sécurité et du développement nucléaire — conforme à la quête de technologies stratégiques du régime militaire.
Ce rapprochement entraîna une intégration structurelle des liens militaro-scientifiques israéliens dans la modernisation autoritaire du Brésil, tout en consolidant la coopération nucléaire germano-brésilienne (1975) et un programme nucléaire parallèle poursuivi jusque dans les années 1990 (Arms Control Association, 2006 ; World Nuclear Association, 2025).

À l’ère démocratique (depuis 1985), le Brésil a oscillé entre un soutien symbolique aux droits palestiniens (reconnaissance diplomatique, déclarations publiques) et une coopération pragmatique avec Israël dans les domaines du commerce, de la sécurité et de la technologie.
Sur le long terme, on distingue donc une double trajectoire :
– un rôle fondateur du Brésil dans la légitimation internationale d’Israël en 1947 ;
– puis, après le coup d’État, une coopération sécuritaire et technologique inscrivant Israël dans le projet de modernisation militaire brésilienne.

Cependant, ces relations diplomatiques ont fluctué selon les gouvernements en place, et ce n’est que très récemment qu’elles se sont réellement été dégradées.
Durant les années 2000, l’Amérique latine dans son ensemble a redéfini son orientation diplomatique face à la question israélo-palestinienne.
Cette reconfiguration s’explique en partie par l’arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche et de centre-gauche, la montée de la « vague rose », et la réaction contre le Consensus de Washington (Lucena, 2022).
En parallèle, l’émergence des BRICS et la politique étrangère « active et assertive » du Brésil ont favorisé une volonté d’autonomie vis-à-vis des USA et la diversification des partenariats internationaux.
Dans ce contexte, le soutien à la cause palestinienne devint pour plusieurs gouvernements latino-américains un instrument stratégique de positionnement international (Baeza, 2012).

Malgré cette tendance régionale à l’appui de la Palestine, les grandes économies du continent — Brésil, Argentine, Mexique — ont maintenu une approche « équilibrée » consistant à exprimer leur solidarité avec la Palestine tout en réaffirmant le droit d’Israël à la sécurité.
Cette diplomatie double traduisait un mélange de reconnaissance symbolique et de pragmatisme (Baeza, 2012).
Par exemple, la vague de reconnaissances de l’État de Palestine entre décembre 2010 et mars 2011, bien qu’elle ait marqué une tendance régionale vers l’affirmation de la souveraineté palestinienne, s’est accompagnée d’un discours d’équilibre et de promotion de la paix, plutôt que de sanctions ou de critiques directes envers Israël (Baeza, 2012).

Sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva, ce positionnement « équilibré » a été particulièrement frappant.
Puissance émergente cherchant à exercer une influence mondiale, le Brésil de Lula (2003–2010) tenta d’assumer un rôle diplomatique de premier plan au Moyen-Orient.
Son gouvernement fit preuve d’une sensibilité sans précédent aux revendications palestiniennes, culminant avec la reconnaissance de l’État de Palestine en décembre 2010.
Cependant, alors que le Venezuela et la Bolivie avaient choisi la rupture diplomatique avec Israël en 2009, le Brésil préféra reconnaître la Palestine tout en préservant ses liens bilatéraux avec Israël (Baeza, 2012).

Cette politique fut interrompue sous la présidence de Jair Bolsonaro, lorsque le Brésil s’aligna ouvertement sur Israël : ouverture d’un bureau commercial à Jérusalem en 2019, projet de transfert de l’ambassade (finalement non réalisé), et adhésion au Israel Allies Caucus⁵.
Cette posture renforça l’alliance idéologique avec les évangéliques conservateurs et les élites économiques (Huberman, 2024).

Avec le retour de Lula pour un troisième mandat en 2023, le Brésil a repris une politique plus traditionnelle : lors de l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU, Lula rappela l’importance de résoudre « la question palestinienne » et de reconnaître « un État palestinien viable et indépendant ».
Cependant, le Brésil continua à entretenir des relations diplomatiques avec Israël, tout en refusant de reconnaître officiellement Israël comme un régime d’apartheid.
Après le début du génocide en octobre 2023, le gouvernement Lula renforça ses critiques contre les opérations militaires israéliennes.
En février 2024, lors du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, Lula compara la conduite israélienne à Gaza au génocide nazi.
Israël réagit en déclarant Lula persona non grata, et le Brésil rappela son ambassadeur, refusant depuis d’accréditer celui d’Israël à Brasília (MercoPress, 2023).
Les déclarations officielles depuis octobre 2023 réaffirment le soutien du Brésil à l’État palestinien et au droit international, tout en dénonçant le gouvernement Netanyahou, mais sans rompre les liens commerciaux et militaires.

Un nouveau “bateau de la mort” israélien accoste en Espagne, en dépit de l’interdiction décrétée par Madrid

Un navire-citerne appartenant à l’armateur néerlandais Chemship BV, battant pavillon de complaisance maltais et affrété par ICL, entreprise israélienne accusée d’extraire des minéraux de territoires occupés et de complicité avec le génocide et l’occupation, déchargera le 7 novembre 1 500 tonnes d’acide phosphorique dans le port de Carthagène.

Martín Cúneo, El Salto, 5/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Les mesures approuvées par le gouvernement en septembre et ratifiées le 8 octobre par le Congrès ne remplissent pas leur objectif : stopper le flux de biens et services qui rendent possible le génocide et l’occupation de territoires palestiniens. Selon le mouvement Boycott, Sanctions et Désinvestissement (BDS) de Murcie, un nouveau navire affrété par l’entreprise israélienne ICL, en provenance d’Ashdod (Israël), déchargera dans le port de Carthagène le vendredi 7 novembre. Le navire fait une escale préalable à Barcelone le 5 novembre.

Cette entreprise est depuis longtemps dénoncée par le mouvement BDS pour l’extraction de minéraux dans le bassin de la mer Morte situé en Cisjordanie occupée, pour son soutien public au génocide à travers le programme « Parrainer un soldat », et pour la vente et le transport d’armes utilisées contre la population palestinienne.

Ce nouveau navire d’ICL s’appelle Chemical Master, bat pavillon maltais et prévoit de décharger 1 500 tonnes d’acide phosphorique au quai E0003 “Príncipe Felipe” du port d’Escombreras, à Carthagène. Ce composant chimique est utilisé dans l’industrie des engrais et de l’alimentation — raison invoquée par le gouvernement espagnol pour autoriser l’accostage et le déchargement du navire Trans Tind [armateur norvégien Seatrans, pavillon des Bahamas] de la même compagnie, en septembre dernier. [voir article de septembre, ci-dessous]

Avec le Chemical Master, ce sont déjà onze navires affrétés par cette entreprise qui, depuis le début de l’année, ont accosté dans des ports espagnols avec des cargaisons de milliers de tonnes de nitrate de potasse, de chlorure potassique et d’acide phosphorique.


La société israélienne ICL est l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde. Elle est contrôlée par Israel Corporation, l’un des plus grands conglomérats du pays, qui contrôle également la compagnie maritime ZIM, transportant des armes des USA vers Israël. La filiale usaméricaine d’ICL, rappelle BDS Murcie, fournit du phosphore blanc à l’armée israélienne, utilisé pour fabriquer des bombes larguées sur la population de Gaza, selon Amnesty International.

Depuis des années, la campagne Boicot ICL dénonce les activités de cette entreprise dont la filiale Dead Sea Works Ltd. (DSW), détenue à 100 % par le groupe ICL, extrait des minéraux de la mer Morte, y compris dans le bassin nord situé en Cisjordanie occupée. Selon le centre de recherche Who Profits, l’entreprise détient une concession pour exploiter les ressources de la mer Morte jusqu’en 2030, y compris le sel, la potasse et le bromure, avec des stations de pompage et un canal d’alimentation situés en Cisjordanie occupée.

En juin 2019, ce centre a documenté des produits fabriqués par la filiale ICL Haifa dans plusieurs colonies agricoles de la vallée du Jourdain, notamment Naama, Mehola et Na’aran.

Le décret-loi royal (RDL) d’embargo du gouvernement espagnol prévoit d’interdire l’importation de produits fabriqués dans des colonies illégales, bien qu'il n'ait pas encore commencé à être appliqué : pour ce faire, le ministère des Finances doit d'abord définir les codes postaux des colonies israéliennes interdites, ce qu'il n'a toujours pas fait deux mois plus tard. Le décret ne précise pas non plus ce qu'il advient de l'importation de matières premières provenant des territoires occupés, comme c'est le cas pour ICL, mais qui n'appartiennent pas à une colonie spécifique.

“Aucun port pour le génocide” : Appel à rassemblements dans les ports pour demander l’embargo intégral sur les armes et les carburants

Un nouveau navire d’ICL, entreprise israélienne qui extrait des minéraux de territoires occupés, accoste à Carthagène

Martín Cúneo, El Salto, 12/9/2025

Malgré les annonces du gouvernement espagnol, les affaires de la société israélienne ICL, qui extrait des minéraux des territoires palestiniens occupés, contribue au génocide et vend des engrais en Espagne, se poursuivent.


Installations d’ICL sur la mer Morte, d’où elle extrait la majeure partie des minéraux qu’elle exporte. Cette société israélienne opère également dans le bassin nord, en Cisjordanie occupée.

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement le 9 septembre figure l’interdiction d’importer des produits provenant des territoires occupés. Quelques jours plus tard, cette disposition connaît déjà sa première épreuve, alors que son application reste floue. Selon le mouvement BDS Murcie, un navire de l’entreprise israélienne ICL devait décharger 2 500 tonnes d’acide phosphorique le 14 septembre dans le port de Carthagène. La plateforme Vessel Finder confirme que le navire Trans Tind vient directement d’Israël vers le port murcien.

Il s’agit du dixième navire arrivé cette année à Carthagène avec des produits d’ICL, l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde.

Selon l’Observatori de Drets Humans i Empreses a la Mediterrània (ODHE), cette société est fortement implantée en Catalogne, Murcie, Valence et Majorque sous les noms ICL-Iberia ou Iberpotash. Elle exploite notamment les mines de Súria et Sallent (comarque du Bages) depuis 1998, causant de graves impacts environnementaux. L’ODHE l’accuse d’avoir vendu pendant des années du phosphore blanc pour des projectiles aux USA, fournisseurs de l’armée israélienne, devenant ainsi « complice de l’usage de ce type de projectiles contre les zones densément peuplées de Gaza ».

Pour BDS Murcie, l’accostage du Trans Tind révèle les limites des mesures gouvernementales. « Malgré les annonces du gouvernement concernant l’arrêt du commerce avec les territoires occupés, l’arrivée de navires comme le Trans Tind montre qu’il n’existe pour l’instant aucun contrôle sur le commerce qui alimente la machine de guerre israélienne, ni sur les entreprises qui profitent de l’occupation et du génocide en cours dans la bande de Gaza », déclare le mouvement.

Le mouvement rappelle enfin que cet accostage viole non seulement les mesures annoncées, mais aussi le droit international, notamment l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2014, adopté par l’ONU avec le vote favorable de l’Espagne, appelant les États à empêcher toute relation commerciale ou d’investissement contribuant à l’occupation israélienne.

06/11/2025

Los miserables de Israel merecen su propio Mamdani

Gideon Levy, Haaretz, 6-11-2025
Traducido por Tlaxcala


El senador Bernie Sanders y el alcalde de Nueva York Zohran Mamdani en Brooklyn, Nueva York, en septiembre. Foto Eduardo Munoz / Reuters

Nunca hemos visto algo así aquí en Israel, y nunca lo veremos.
Un candidato que surge de la nada — ni general retirado, ni estrella de televisión, ni príncipe privilegiado de la élite, ni siquiera un embrollón político.
Un joven, con origen extranjero, inmigrante, desconocido hasta hace poco; sus opiniones son firmes, radicales; no teme decir lo que piensa ni pensar lo que dice.

No le importan las encuestas ni escucha los consejos para moderar sus posturas.
Ataca con su propia verdad — y gana. Derrota al establishment, al otro candidato, al heredero de una dinastía.
Nunca hemos tenido algo así aquí; nunca tendremos un Zohran Mamdani.
Mientras la política israelí siga estancada — no solo porque Benjamín Netanyahu no se va, sino porque incluso sus rivales, derrotados una y otra vez, se niegan a salir de nuestras vidas — nunca tendremos un Mamdani. Desesperación.

Para comprender la magnitud de la revolución que representa Mamdani, elegido alcalde de la ciudad más importante del mundo [no exageremos, Gideon, NdT], imaginen a un candidato árabe o eritreo migrante ganando unas elecciones aquí, en Israel. Imaginen al exdiputado de Hadash Dov Khenin elegido primer ministro.
Piensen también en un artista de hip-hop como Mr. Cardamom — uno de los seudónimos musicales de Mamdani — convertido de la noche a la mañana en líder. ¿Quizá el rapero Tamer Nafar?

En solo unos meses, Mamdani entusiasmó a la ciudad y cautivó a su juventud, incluso a quienes no se interesaban por la política.
Fue elegido en la ciudad con la comunidad judía más grande del mundo, aunque maliciosamente intentaron tacharlo de antisemita.
Fue elegido en una de las ciudades más capitalistas del mundo, con una plataforma socialista, sin vacilaciones.

USA ha demostrado una vez más que es la tierra de las oportunidades ilimitadas.
Mamdani podría hacerla grande de nuevo — mucho más que Donald Trump.


Neoyorquinos celebrando la victoria de Zohran Mamdani en las elecciones municipales del martes por la noche. Foto Gili Getz

También es posible que fracase estrepitosamente. El viejo establishment hará todo lo posible por eliminarlo, como hicieron en el Reino Unido con Jeremy Corbyn del Partido Laborista — otra gran esperanza de cambio — que fue derribado. También es posible que las promesas de Mamdani resulten imposibles de cumplir, pese al gran atractivo de instaurar justicia e igualdad en su ciudad y más allá.

Incluso es posible que no sea tan hábil para gobernar y ejecutar como lo es para prometer. Pero su sola elección ya ha generado un cambio enorme, ha insuflado esperanza de algo distinto, ha traído un espíritu nuevo y refrescante que en Israel no se ve desde hace mucho tiempo: tengan envidia de los neoyorquinos.


Las últimas horas de la campaña


El próximo año tendremos las «elecciones más decisivas», y no hay una sola persona que despierte entusiasmo, ninguna figura en la que confiar o por la que valga la pena esforzarse. Nadie en quien creer, que ofrezca un reinicio y una revolución. Solo más de lo mismo: elogios al ejército israelí, «no es el momento para un Estado palestino» y, por encima de todo, la supremacía judía perpetua.

Todo esto en un país desesperado por un reinicio — quizá más que cualquier otra nación del mundo, y más ahora que nunca en su historia. Aquí, todo es lo mismo: el líder supremo, los aspirantes golpeados al trono, los lemas vacíos, la corrupción, el vacío y la desesperanza.

Un Mamdani israelí es ahora tan necesario como un respirador para quien se ahoga. Cuando nadie se atreve a ofrecer algo distinto, un camino aún no intentado, una perspectiva no explorada, y el país y la sociedad están atascados — necesitamos un Mamdani.


 Manifestantes mamdanófobos  reunidos frente a la CBE (Congregación Beth Elohim, una sinagoga reformista histórica en Park Slope). La tensión había aumentado durante toda la semana a medida que se difundía la noticia de la visita de Mamdani. Foto Gili Getz

Quizás por eso las máquinas de incitación al odio y miedo ya han comenzado a trabajar contra él en Israel; casi todos los comentaristas de los estudios de televisión se han manifestado en su contra. Después de todo, dijo que Israel mató niños en Gaza — imagínense — e incluso cometió genocidio. Eso debe significar que es un antisemita probado. También está contra la islamofobia, lo que significa que es islamista, el Estado Islámico en Nueva York.

Si tan solo lograra cumplir algunas de sus enormes promesas. Si pudiera romper la campaña mundial contra el progreso. Si pudiera ocuparse de los miserables de Nueva York. Los miserables de Israel también merecen un Mamdani.


Les misérables d’Israël méritent leur propre Mamdani

Gideon Levy, Haaretz, 6/11/2025
Traduit par Tlaxcala


Le sénateur Bernie Sanders et le maire de New York Zohran Mamdani à Brooklyn, New York, en septembre. Photo Eduardo Munoz / Reuters

Nous n’avons jamais rien vu de tel ici en Israël, et nous ne le verrons jamais.
Un candidat sorti de nulle part — ni général à la retraite, ni vedette de la télévision, ni prince privilégié de l’élite, ni même un habile magouilleur.
Un jeune homme, d’origine étrangère, immigré, inconnu jusqu’à récemment ; ses opinions sont inébranlables, radicales ; il n’a pas peur de dire ce qu’il pense et ne craint pas de penser ce qu’il dit.

Il se moque des sondeurs et ignore les conseils qui lui suggèrent d’adoucir ses positions. Il attaque avec sa propre vérité — et il gagne. Il bat l’establishment, l’autre candidat, l’héritier d’une dynastie.

Nous n’avons jamais connu ça ici ; nous n’aurons jamais de Zohran Mamdani.
Tant que la politique israélienne continuera à piétiner — non seulement Benjamin Netanyahou ne s’en ira pas, mais même ses rivaux, battus encore et encore, refusent de disparaître de nos vies — nous n’aurons jamais de Mamdani. Désespérant.

Pour comprendre la profondeur de la révolution que représente Mamdani, élu maire de la ville la plus importante du monde [n’exagérons pas, Gideon, NdT], imaginez un candidat arabe ou érythréen migrant remportant une élection ici, en Israël. Imaginez l’ancien député de Hadash Dov Khenin élu Premier ministre. Pensez aussi à un artiste de hip-hop comme Mr. Cardamom — l’un des pseudonymes musicaux de Mamdani — devenu du jour au lendemain un dirigeant. Peut-être le rappeur Tamer Nafar ?

En quelques mois à peine, Mamdani a électrisé la ville et captivé sa jeunesse, même ceux qui se fichaient éperdument de la politique.
Il a été élu dans la ville qui abrite la plus grande communauté juive du monde, bien qu’on ait tenté de manière malveillante de l’étiqueter comme antisémite.
Il a été élu dans l’une des villes les plus capitalistes du monde, sur une plateforme socialiste, sans aucune hésitation.

L’USAmérique a de nouveau prouvé qu’elle est la terre des possibilités illimitées. Mamdani la rendra peut-être à nouveau grande — bien plus que Donald Trump.


Des New-Yorkais célèbrent la victoire de Zohran Mamdani lors des élections municipales mardi soir. Photo Gili Getz

Il est aussi possible qu’il échoue lamentablement. L’ancien establishment fera tout pour l’éliminer, comme on l’a fait au Royaume-Uni avec Jeremy Corbyn du Parti travailliste — un autre grand espoir du changement — que l’on a abattu.

Il est également possible que les promesses de Mamdani se révèlent irréalisables, malgré le grand charme de sa volonté affirmée d’ instaurer la justice et l’égalité dans sa ville et au-delà. Il est même possible qu’il soit moins doué pour diriger et mettre en œuvre que pour promettre. Mais son élection seule a déjà provoqué un immense changement, insufflé l’espoir d’autre chose, apporté un vent nouveau, rafraîchissant, qui n’existe plus en Israël depuis longtemps : soyez jaloux des New-Yorkais.


Lors des dernières heures de la campagne


L’année prochaine, nous aurons des élections « les plus décisives » — et il n’y a personne pour qui s’enthousiasmer, aucun visage qu’on espère voir gagner, personne pour qui se mobiliser. Pas une seule personne digne de confiance, capable d’offrir un renouveau, une révolution. Rien que plus de la même chose : des éloges à Tsahal, « ce n’est pas le moment pour un État palestinien », et surtout : la suprématie juive perpétuelle.

Tout cela dans un pays désespérément en quête d’un redémarrage — peut-être plus que toute autre nation au monde, et plus encore aujourd’hui qu’à tout autre moment de son histoire. Ici, tout est pareil : le dirigeant suprême, les prétendants éreintés au trône, les slogans creux, la corruption, le vide et le désespoir.

Un Mamdani israélien est aujourd’hui aussi nécessaire qu’un respirateur pour quelqu’un qui suffoque. Quand personne n’ose proposer quelque chose de différent, un chemin encore inexploré, un point de vue inédit, et que le pays et la société s’enlisent, nous avons besoin d’un Mamdani.


Des manifestants mamdanophobes rassemblés devant la CBE (Congregation Beth Elohim, une synagogue réformée historique de Park Slope). La tension avait monté toute la semaine à mesure que la nouvelle de la visite de Mamdani se répandait. Photo Gili Getz

Peut-être est-ce pour cela que les machines d’appel à la haine et d’alarmisme se sont mises en marche contre lui en Israël ; presque tous les commentateurs des studios télévisés se sont dressés contre lui. Après tout, il a dit qu’Israël avait tué des enfants à Gaza — imaginez donc — et même commis un génocide. Cela suffit à prouver qu’il est un antisémite avéré. Il est aussi contre l’islamophobie, donc c’est forcément un islamiste, en un mot Daech à New York.

Si seulement il réussissait à tenir ne serait-ce qu’une partie de ses immenses promesses. S’il parvenait à briser la campagne mondiale contre le progrès. S’il pouvait seulement s’occuper des misérables de New York. Les misérables d’Israël, eux aussi, méritent un Mamdani.

05/11/2025

Petróleo venezolano, cambio de régimen made in USA y política gangsteril de Washington

El endeble pretexto moral hoy es la lucha contra las drogas, sin embargo el objetivo real es derrocar a un gobierno soberano, y el daño colateral es el sufrimiento del pueblo venezolano. Si esto suena familiar, es porque lo es.

Jeffrey D. Sachs & Sybil Fares, Common Dreams, 4-11-2025

Traducido par Tlaxcala

USA está desempolvando su viejo manual de cambio de régimen en Venezuela. Aunque el eslogan ha pasado de «restaurar la democracia» a «combatir a los narco-terroristas», el objetivo sigue siendo el mismo: el control del petróleo venezolano. Los métodos seguidos por USA son familiares: sanciones que estrangulan la economía, amenazas de fuerza y una recompensa de 50 millones de dólares por la cabeza del presidente venezolano Nicolás Maduro, como si esto fuera el Lejano Oeste.


Carlos Latuff

USA es adicto a la guerra. Con el cambio de nombre del Department of War [ministerio de la Guerra], un presupuesto propuesto para el Pentágono de 1,01 billones de dólares, y más de 750 bases militares en alrededor de 80 países, esta no es una nación que busque la paz. Durante las últimas dos décadas, Venezuela ha sido un objetivo persistente de los intentos usamericanos de cambio de régimen. El motivo, que el presidente Donald Trump dejó claramente expuesto, son los aproximadamente 300 mil millones de barriles de reservas de petróleo bajo la franja del Orinoco, las mayores reservas petroleras del planeta.

En 2023, Trump declaró abiertamente: «Cuando me fui, Venezuela estaba lista para colapsar. La habríamos tomado, habríamos conseguido todo ese petróleo… pero ahora estamos comprando petróleo de Venezuela, así que estamos haciendo a un dictador muy rico.» Sus palabras revelan la lógica subyacente de la política exterior yanqui, que muestra un completo desprecio por la soberanía y favorece en cambio la apropiación de los recursos de otros países.

Lo que está en marcha hoy es una operación típica de cambio de régimen dirigida por USA, revestida con el lenguaje de la interdicción antidrogas. USA ha concentrado miles de tropas, buques de guerra y aeronaves en el mar Caribe y el océano Pacífico. El presidente ha autorizado con orgullo a la CIA a llevar a cabo operaciones encubiertas dentro de Venezuela.

Las llamadas del gobierno usamericano a la escalada reflejan un desprecio temerario por la soberanía de Venezuela, el derecho internacional y la vida humana.

El 26 de octubre de 2025, el senador Lindsey Graham (Republicano, Carolina del Sur) apareció en televisión nacional para defender recientes ataques militares usamericanos contra buques venezolanos y para decir que ataques terrestres dentro de Venezuela y Colombia son una «posibilidad real». El senador por Florida Rick Scott, en el mismo ciclo informativo, reflexionó que si él fuera Nicolás Maduro «se iría a Rusia o China ahora mismo». Estos senadores pretenden normalizar la idea de que Washington decide quién gobierna Venezuela y qué sucede con su petróleo. Recuerde que Graham de modo similar defiende que USA luche contra Rusia en Ucrania para asegurar los 10 billones de dólares en riquezas minerales que Graham afirma, de manera fatua, que están disponibles para que USA las tome.

Tampoco son los movimientos de Trump una historia nueva respecto a Venezuela. Durante más de 20 años, administraciones usamericanas sucesivas han intentado someter la política interna de Venezuela a la voluntad de Washington. En abril de 2002, un golpe de Estado militar de corta duración depuso brevemente al entonces presidente Hugo Chávez. La CIA conocía los detalles del golpe por adelantado, y USA reconoció inmediatamente al nuevo gobierno. Al final, Chávez retomó el poder. Sin embargo, USA no puso fin a su apoyo al cambio de régimen.

En marzo de 2015, Barack Obama codificó una notable ficción legal. Firmó la Orden Ejecutiva 13692, declarando la situación política interna de Venezuela como una «amenaza inusual y extraordinaria» para la seguridad nacional de USA para activar sanciones económicas gringas. Ese movimiento preparó el terreno para una coerción creciente por parte de USA. La Casa Blanca ha sostenido esa afirmación de una «emergencia nacional» usamericana desde entonces. Trump añadió sanciones económicas cada vez más draconianas durante su primer mandato. Asombrosamente, en enero de 2019, Trump declaró a Juan Guaidó, entonces una figura de la oposición, «presidente interino» de Venezuela, como si Trump pudiera simplemente nombrar a un nuevo presidente venezolano. Esta tragicomedia grencha acabó desmoronándose en 2023, cuando USA abandonó esta maniobra fracasada y ridícula.

USA ahora está iniciando un nuevo capítulo de apropiación de recursos. Trump ha sido durante mucho tiempo vocal acerca de «quedarse con el petróleo». En 2019, al hablar de Siria, el presidente Trump dijo: «Nos estamos quedando con el petróleo, tenemos el petróleo, el petróleo está asegurado, dejamos tropas únicamente por el petróleo.» Para los que lo dudan, las tropas usamericanas aún permanecen hoy en el noreste de Siria, ocupando los campos petroleros. Antes, en 2016, sobre el petróleo de Irak, Trump dijo: «Yo decía esto constantemente y de forma consistente a quien quisiera escuchar, decía quédense con el petróleo, quédense con el petróleo, quédense con el petróleo, no dejen que alguien más lo consiga.»

Ahora, con nuevos ataques militares a buques venezolanos y conversaciones abiertas sobre ataques terrestres, la administración invoca los narcóticos para justificar el cambio de régimen. Sin embargo, el artículo 2(4) de la Carta de las Naciones Unidas prohíbe expresamente «la amenaza o el uso de la fuerza contra la integridad territorial o la independencia política de cualquier Estado». Ninguna teoría gringa de «guerras de cárteles» justifica remotamente un cambio de régimen coercitivo.

Incluso antes de las incursiones militares, las sanciones coercitivas usamericanas han funcionado como un ariete de asedio. Obama construyó el marco de sanciones en 2015, y Trump lo convirtió en un arma aún más potente para derrocar a Maduro. La afirmación era que la «presión máxima» empoderaría a los venezolanos. En la práctica, las sanciones han causado un sufrimiento generalizado. Como encontró el economista y renombrado experto en sanciones Francisco Rodríguez en su estudio sobre las «Consecuencias humanas de las sanciones económicas», el resultado de las medidas coercitivas usamericanas ha sido una caída catastrófica del nivel de vida en Venezuela, un empeoramiento marcado de la salud y la nutrición, y un daño grave a las poblaciones vulnerables.

El endeble pretexto moral hoy es la lucha contra las drogas, sin embargo el objetivo real es derrocar a un gobierno soberano, y el daño colateral es el sufrimiento del pueblo venezolano. Si esto suena familiar, es porque USA ha emprendido repetidamente operaciones de cambio de régimen en busca de petróleo, uranio, plantaciones de banano, rutas de oleoductos y otros recursos: Irán (1953), Guatemala (1954), Congo (1960), Chile (1973), Irak (2003), Haití (2004), Siria (2011), Libia (2011) y Ucrania (2014), por nombrar solo algunos casos. Ahora Venezuela está en el escaparate.

En su brillante libro Covert Regime Change (2017), la profesora Lindsey O’Rourke detalla las maquinaciones, los reveses y los desastres de no menos de 64 operaciones encubiertas usamericanas de cambio de régimen durante los años 1947-1989. ¡Ella se centró en ese período anterior porque muchos documentos clave de esa época ya han sido desclasificados! Trágicamente, el patrón de una política exterior usamericana basada en operaciones de cambio de régimen encubiertas (y no tan encubiertas) continúa hasta el día de hoy.

Las llamadas del gobierno de Washington a la escalada reflejan un desprecio temerario por la soberanía de Venezuela, el derecho internacional y la vida humana. Una guerra contra Venezuela sería una guerra que los ciudadanos de USA no quieren, contra un país que no ha amenazado ni atacado a USA, y sobre fundamentos legales que fracasarían ante un estudiante de primer año de Derecho. Bombardear buques, puertos, refinerías o soldados no es una demostración de fuerza. Es puro y simple hampa.

NdT: El discurso pronunciado por Tulsi Gabbard en Manama el 31 de octubre, en el que anunciaba el fin de la política de «cambio de régimen» de Washington, pasó claramente desapercibido para los autores. Léase Después del armisticio económico de Seúl, el armisticio militar de Manama 

Pétrole vénézuélien, changement de régime made in USA et politique de gangster de Washington

 

Le prétexte moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants, pourtant l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les dommages collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous paraît familier, c’est parce que ça l’est.

Jeffrey D. Sachs & Sybil Fares, Common Dreams, 4/11/2025

Traduit par Tlaxcala

Les USA ressortent leur ancien manuel de changement de régime au Venezuela. Bien que le slogan ait glissé de « rétablir la démocratie » à « combattre les narco-terroristes », l’objectif reste le même : le contrôle du pétrole vénézuélien. Les méthodes employées par les USA sont bien connues : des sanctions qui étranglent l’économie, des menaces de recours à la force, et la tête du président vénézuélien Nicolás Maduro mise à prix pour 50 millions de dollars comme si l’on était au Far West.


Carlos Latuff

Les USA sont accros à la guerre. Avec le renommage du Department of War [ministère de la Guerre], un budget proposé pour le Pentagone de 1,01 billion de dollars, et plus de 750 bases militaires réparties dans quelque 80 pays, ce n’est pas une nation qui poursuit la paix. Depuis deux décennies, le Venezuela est une cible persistante des tentatives usaméricaines de changement de régime. Le motif, clairement exposé par le président Donald Trump, ce sont les quelque 300 milliards de barils de réserves pétrolières sous la ceinture de l’Orénoque, les plus grandes réserves de pétrole de la planète.

En 2023, Trump déclara ouvertement : « Quand je suis parti, le Venezuela était prêt à s’effondrer. Nous l’aurions pris, nous aurions obtenu tout ce pétrole… mais maintenant nous achetons du pétrole au Venezuela, donc nous rendons un dictateur très riche. » Ses mots révèlent la logique sous-jacente de la politique étrangère usaméricaine qui ignore complètement la souveraineté et favorise plutôt l’appropriation des ressources d’autres pays.

Ce qui se déroule aujourd’hui est une opération typique de changement de régime dirigée par les USA, déguisée sous le langage de l’interdiction des drogues. Les USA ont massé des milliers de soldats, des navires de guerre et des avions dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique. Le président a fièrement autorisé la CIA à mener des opérations clandestines à l’intérieur du Venezuela.

Les appels du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine.

Le 26 octobre 2025, le sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud) est allé à la télévision nationale pour défendre les récentes frappes militaires usaméricaines contre des navires vénézuéliens et pour dire que des frappes terrestres à l’intérieur du Venezuela et de la Colombie sont une « vraie possibilité ». Le sénateur de Floride Rick Scott, dans le même cycle d’informations, a fait la réflexion que s’il était Nicolás Maduro, il « irait en Russie ou en Chine immédiatement ». Ces sénateurs visent à normaliser l’idée que Washington décide qui gouverne le Venezuela et ce qu’il advient de son pétrole. Rappelons que Graham défend de la même manière que les USA combattent la Russie en Ukraine pour sécuriser les 10 000 milliards de dollars de richesses minérales que Graham affirme connement être disponibles pour que les USA se les approprient.

Les mouvements de Trump ne constituent pas non plus une nouveauté en ce qui concerne le Venezuela. Depuis plus de 20 ans, des administrations usaméricaines successives ont tenté de soumettre la politique intérieure du Venezuela à la volonté de Washington. En avril 2002, un coup d’État militaire de courte durée défit brièvement le président de l’époque, Hugo Chávez. La CIA connaissait les détails du coup d’avance, et les USA ont immédiatement reconnu le nouveau gouvernement. Finalement, Chávez reprit le pouvoir. Pourtant, les USA n’ont pas mis fin à leur soutien à un changement de régime.

En mars 2015, Barack Obama a codifié une remarquable fiction juridique. Il a signé l’Ordre Exécutif 13692, déclarant que la situation politique interne du Venezuela constituait une « menace inhabituelle et extraordinaire » pour la sécurité nationale des USA afin de déclencher des sanctions économiques usaméricaines. Cette décision a préparé le terrain à une coercition usaméricaine croissante. La Maison-Blanche a maintenu cette affirmation d’« urgence nationale » usaméricaine depuis lors. Trump a ajouté des sanctions économiques de plus en plus draconiennes pendant son premier mandat. De façon stupéfiante, en janvier 2019, Trump déclara Juan Guaidó, alors figure de l’opposition, « président par intérim » du Venezuela, comme si Trump pouvait simplement nommer un nouveau président vénézuélien. Cette tragicomédie yankee s’est finalement effondrée en 2023, lorsque les USA ont abandonné ce stratagème foireux et grotesque.

Les USA entament désormais un nouveau chapitre d’appropriation des ressources. Trump a longtemps été clair sur le fait de « garder le pétrole ». En 2019, en parlant de la Syrie, le président Trump déclara : « Nous gardons le pétrole, nous avons le pétrole, le pétrole est sécurisé, nous avons laissé des troupes uniquement pour le pétrole. » Pour ceux qui en doutent, des troupes usaméricaines sont encore aujourd’hui dans le nord-est de la Syrie, occupant les champs pétrolifères. Plus tôt, en 2016, au sujet du pétrole irakien, Trump a dit : « Je disais cela constamment et de façon cohérente à quiconque voulait bien écouter, je disais : gardez le pétrole, gardez le pétrole, gardez le pétrole, ne laissez pas quelqu’un d’autre l’avoir. »

Aujourd’hui, avec de nouvelles frappes militaires contre des navires vénézuéliens et des propos ouverts sur des attaques terrestres, l’administration invoque les stups pour justifier un changement de régime. Pourtant l’article 2(4) de la Charte des Nations unies interdit expressément « la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ». Aucune théorie usaméricaine de « guerres de cartels » ne justifie à distance un changement de régime coercitif.

Même avant les frappes militaires, les sanctions coercitives usaméricaines ont fonctionné comme un engin de siège. Obama a construit le cadre des sanctions en 2015, et Trump l’a encore plus instrumentalisé pour renverser Maduro. La prétention était que la « pression maximale » habiliterait les Vénézuéliens. En pratique, les sanctions ont provoqué des souffrances généralisées. Comme l’a constaté l’économiste et spécialiste renommé des sanctions Francisco Rodríguez dans son étude sur les « Conséquences humaines des sanctions économiques », le résultat des mesures coercitives usaméricaines a été un déclin catastrophique du niveau de vie au Venezuela, une détérioration nette de la santé et de la nutrition, et des dommages graves pour les populations vulnérables.

Le prétexte moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants, pourtant l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les dommages collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous paraît familier, c’est parce que ça l’est. Les USA ont à plusieurs reprises entrepris des opérations de changement de régime à la recherche de pétrole, d’uranium, de plantations de bananes, de tracés de pipelines et d’autres ressources : Iran (1953), Guatemala (1954), Congo (1960), Chili (1973), Irak (2003), Haïti (2004), Syrie (2011), Libye (2011) et Ukraine (2014), pour ne citer que quelques-unes de ces affaires. Maintenant, c’est le Venezuela qui est sur la sellette.

Dans son excellent livre Covert Regime Change (2017), la professeure Lindsey O’Rourke détaille les manigances, les retombées et les catastrophes d’au moins 64 opérations usaméricaines clandestines de changement de régime durant les années 1947-1989 ! Elle s’est concentrée sur cette période antérieure parce que de nombreux documents clés de cette époque ont aujourd’hui été déclassifiés. Tragiquement, le schéma d’une politique étrangère usaméricaine fondée sur des opérations de changement de régime secrètes (et pas si secrètes) perdure jusqu’à aujourd’hui.

Les appels du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine. Une guerre contre le Venezuela serait une guerre que les citoyens usaméricains ne veulent pas, contre un pays qui n’a ni menacé ni attaqué les USA, et sur des bases juridiques qui échoueraient à convaincre un étudiant en première année de droit. Bombarder des navires, des ports, des raffineries ou des soldats n’est pas une démonstration de force. C’est du gangstérisme pur et simple.

NdT
Le discours de Manama de Tulsi Gabbard du 31 octobre, annonçant la fin de la politique de “changement de régime” de Washington (lire ici), a manifestement échappé à l’attention des auteurs.

Le plan quinquennal d’une Belle Chine

Biljana Vankovska, Substack, 31/10/2025

Traduit par Tlaxcala

Versión española

Biljana Vankovska (1959) est professeure de science politique et de relations internationales à l’Université Saints-Cyrille-et-Méthode de Skopje, membre de la Fondation transnationale pour la paix et la recherche sur l’avenir (TFF) à Lund, en Suède, et considérée comme l’intellectuelle publique la plus influente de Macédoine. Elle est également membre du collectif No Cold War. Elle a été candidate indépendante, soutenue par le parti Levica (La Gauche) à l’élection présidentielle de 2024.

Quelques jours avant le second tour des élections locales en Macédoine, tout le monde ici semble obsédé par une seule question : qui contrôlera les municipalités — et, à travers elles, qui nous contrôlera ? Le pouvoir dans ce pays s’écoule comme une pyramide : de Vodno (le bureau de la présidente) à Ilindenska (le siège du gouvernement), jusqu’à chaque conseil local.

Mes lecteurs locaux me pardonneront, mais il n’y a rien de nouveau — ni d’inspirant — à dire sur ce pays aux divisions profondes, où la politique tourne autour des appels d’offres, des égos, de la corruption et du contrôle. La Macédoine a depuis longtemps perdu toute vision ; la stratégie est devenue un mot oublié ou galvaudé. Depuis la fin du socialisme, nous sommes gouvernés par les lois sauvages du marché, par la cupidité, la dépendance, et bien sûr, par nos nouveaux patrons coloniaux.

Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, la Macédoine survit — miraculeusement — grâce à un régime de prêts et de dettes qui nous maintient à flot sans jamais nous faire avancer. Malgré cette lassitude, je ne veux pas oublier cette petite étincelle : le succès inattendu d’un jeune militant d’extrême gauche [AMAR MECINOVIKJ] qui s’est hissé au second tour [et a obtenu 36,69% des voix, NdT]. Peut-être, juste peut-être, est-ce le début de quelque chose de vraiment nouveau.

Vous pourriez vous attendre à ce que j’écrive sur l’Europe à la place. Ah, pitié — épargnez-moi cette illusion. L’Europe que nous admirions autrefois est devenue un continent de désindustrialisation, de peur et de rhétorique guerrière. Autrefois Vénus, elle est désormais Mars, vivant selon la logique du complexe militaro-industriel. Et pourtant, notre « Belle au bois dormant » présidentielle [Siljanovska Davkova] continue de se laisser charmer par le palais étincelant de Macron, bien qu’il brille moins qu’avant.

Alors pourquoi la Chine ? Pourquoi, au milieu d’une telle décadence locale et européenne, tourner mon regard vers Pékin et son nouveau plan quinquennal ? Parce que, franchement, quand tout autour de moi ressemble au chaos, j’ai besoin d’une oasis de développement, d’ordre, d’harmonie et de vision. J’ai besoin de me rappeler qu’un autre monde est possible — qu’il existe encore un lieu où l’on pense au-delà de la prochaine élection, au-delà de l’horizon de la peur et du populisme.

Peu de Macédoniens ont remarqué que la quatrième session plénière du 20 Comité central du Parti communiste chinois s’était récemment tenue. Et pourtant, son importance est immense : elle a jeté les bases du 15 plan quinquennal de la Chine, qui sera finalisé en mars 2026. Pour la plupart des Macédoniens, lexpression « plan quinquennal » évoque un terme poussiéreux tiré dun manuel dhistoire. Mais pour ceux dentre nous qui se souviennent du socialisme, elle résonne encore avec une certaine nostalgie. À l’époque, l’État — et surtout, les travailleurs eux-mêmes — planifiaient leur avenir commun à travers l’autogestion socialiste. C’était un exercice collectif d’imagination et de responsabilité. Oui, des erreurs grossières ont été commises, certaines fatales. Mais au moins, il y avait une direction.

Aujourd’hui, les campagnes électorales ont remplacé la planification. La politique est devenue un carnaval de promesses creuses — des listes de vœux bon marché déguisées en visions (éphémères).

En Chine, c’est l’inverse. Contrairement aux stéréotypes, ces plénums ne sont pas des rituels bureaucratiques ennuyeux. Ce sont des moments d’intensité créative. Une nation de 1,4 milliard d’habitants concentre son esprit pour tracer une voie à travers un monde incertain. Le plan quinquennal chinois n’est pas une relique de la planification centrale — c’est un instrument vivant de vision nationale, sans cesse adapté aux réalités changeantes.


Cette fois, le mot d’ordre est développement de haute qualité. Fini l’obsession de la croissance à tout prix. Le nouvel objectif est un progrès autonome, durable et technologiquement souverain. Dans un monde de sanctions, de guerres commerciales et de chaînes d’approvisionnement brisées, la Chine a appris que la dépendance est une vulnérabilité. Elle investit donc massivement dans l’intelligence artificielle, la biotechnologie, les technologies vertes et l’innovation domestique. Elle construit une résilience face à un système mondial conçu pour la maintenir dépendante.

Le concept directeur est l’autosuffisance et la résilience. La logique est simple : plus jamais personne ne doit pouvoir « nous couper l’électricité ».

Un autre pilier central est la prospérité commune. Le terme peut sembler démodé, mais son sens est profond : la stabilité sociale dépend de la justice. La richesse ne doit pas s’accumuler entre les mains de quelques-uns ; la Chine rurale et la Chine urbaine ne doivent pas vivre dans des siècles différents. La réduction de la pauvreté ne suffit pas — ce qui compte, c’est la juste répartition, la dignité et la foi en un ordre moral.

Et voici ma partie préférée — l’idée de « belle Chine» (Beautiful China). Non, ce n’est pas un slogan touristique. C’est une philosophie. Elle affirme que le développement ne doit pas détruire la terre qui le soutient. Elle imagine une civilisation verte où le progrès humain et la nature évoluent ensemble. C’est la même intuition que celle du concept de Gaia — la reconnaissance que l’humanité et la planète forment un seul organisme vivant.

« Belle Chine» signifie un air plus pur, une alimentation plus sûre, une meilleure santé, moins de pollution, plus d’harmonie. Cela signifie une civilisation qui mesure son succès non seulement par le PIB, mais aussi par la qualité de vie et l’équilibre entre le monde humain et le monde naturel.

Regardez-nous maintenant, dans les Balkans. « Développement de haute qualité » ? « Autosuffisance technologique » ? « Prospérité commune » ? Ces mots sonnent comme des fantasmes utopiques venus d’une autre planète. Ici, dans notre capitalisme sauvage de vol et de privilège, le bien commun n’apparaît même pas sur les bulletins de vote. Chaque promesse s’arrête là où commence l’intérêt personnel de quelqu’un.

Comparez les trois capitales : Pékin, Bruxelles et Skopje. La Chine planifie — avec discipline, continuité, prudence et prévoyance. L’Europe débat — surtout de sanctions et de militarisation. La Macédoine improvise — dérivant d’une crise à l’autre, toujours surprise par ce qu’elle aurait dû prévoir.

Nos soi-disant « stratégies nationales » sont écrites pour les donateurs, non pour le peuple. Ce sont des documents sans âme, sans vision. Nous avons oublié que planifier n’est pas contrôler — c’est espérer, structurer dans le temps. Sans plan, chaque désastre semble être un destin, chaque problème un accident.

Skopje, fin octobre 2025

Pendant ce temps, notre capitale Skopje s’enfonce dans les ordures, les rats et la décadence morale. Et nous attendons encore que le prochain maire [Orce Gjorgjievski] règle ça en 72 heures — après les élections, bien sûr.

La Chine, malgré tous ses problèmes, regarde vers 2030 et dit : nous aimerions ressembler à ceci et cela. La Chine n’est pas parfaite, elle ne réussira pas tout, mais elle ose penser en siècles. Rien que ça est déjà une forme de beauté.

Car « Belle Chine» ne parle pas seulement de la terre — elle parle de la croyance que l’avenir peut être conçu, et pas simplement subi.