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15/09/2024

YASMIN ABUSAYMA
Une lettre d'amour à Gaza : réflexions depuis l'exil

Je suis vraiment désolée de t’avoir considérée comme acquise, ma Gaza bien-aimée. Je n’ai pas ressenti un seul instant de sécurité depuis que je t’ai quittée.

Yasmin Abusayma, Mondoweiss, 14/9/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Yasmin Abusayma, est une auteure, traductrice-interprète, enseignante et mère de famille gazaouie réfugiée en Égypte. Elle est diplômée en littérature anglophone et éducation de l’Université islamique de Gaza. Meta X

Yasmin, les explosions se rapprochent. Il serait bon que tu partes maintenant. L’air est chargé de fumée et le sol tremble à chaque explosion. Fuis tant que tu le peux. Ce n’est plus une question de rêve ou d’opportunité, c’est une lutte pour la survie. Le danger est imminent et chaque instant compte. Tu dois courir pour sauver ta vie et celle de tes enfants. Cours avant qu’il ne soit trop tard.

Ces pensées ont résonné dans mon esprit lorsque j’ai décidé de quitter Gaza. Je suis mère de jumeaux et traductrice de l’anglais vers l’arabe, et je trouve du réconfort dans l’écriture. Je n’ai jamais voyagé de ma vie. J’ai fêté mon anniversaire en dehors de Gaza pour la première fois à l’âge de 30 ans.

Gaza a façonné mon existence - sa chaleur, ses contradictions, ses blessures, ses joies éphémères, ses défis, ses réussites et ses souvenirs doux-amers.


Des enfants palestiniens déplacés se rassemblent sur la plage de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, pendant la trêve entre Israël et le Hamas, le 29 novembre 2023. Photo Omar Ashtawy/APA Images

J’ai quitté la ville de Gaza une semaine après le début de la guerre, après que l’armée israélienne a émis des ordres d’évacuation, nous enjoignant de nous diriger vers le sud. Croyant que nous allions bientôt revenir, je n’ai emporté que quelques documents essentiels et quelques vêtements. Deux mois plus tard, j’ai découvert que notre quartier avait été rasé, y compris ma maison et tous mes biens. Ayant perdu tout ce qui comptait, j’ai décidé d’échapper à l’horreur de la guerre et de quitter la bande de Gaza avec ma famille pour l’Égypte. Nous avons franchi la frontière le 15 avril avec des sentiments mitigés à l’idée de quitter ce qui était autrefois une vie bien remplie. Partir vers l’inconnu alors que les vies que nous avons laissées derrière nous se sont effondrées a été plus dévastateur que je ne saurais le décrire.

J’avais toujours rêvé de quitter Gaza, estimant que le blocus et les escalades récurrentes m’avaient privé de nombreuses opportunités et de nombreux rêves. Mon père avait l’habitude de dire : « Crois-le ou non, ma chère, tu ne trouveras jamais un endroit meilleur que ta patrie ».

En tant que Gazaouie moyenne, j’aspirais à parcourir le monde, à voir un aéroport et à prendre l’avion. Je me demandais ce qu’il y avait au-delà du point de passage de Rafah et comment était la vie de l’autre côté. Enfant, je rêvais d’aller au cinéma, de construire un bonhomme de neige et de visiter un immense parc d’attractions, que je n’avais vu qu’à la télévision. En grandissant, je me suis rendue compte que j’aspirais à une vie normale que tout le monde voudrait avoir. Au fur et à mesure que le temps passait à Gaza, je voulais une vie sans la présence constante des drones. Je me suis toujours demandé ce que cela ferait d’avoir de l’électricité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Malgré ces difficultés, Gaza reste un endroit que j’ai réalisé et que j’aime profondément.

En Égypte, la vie est normale. Tout ce que je voulais autrefois est disponible et facile d’accès. Après sept longs mois de conditions insupportables, même les plus petites choses, comme une douche chaude ou un repas chaud, semblent étranges. J’ai vu les visages de mes enfants s’illuminer de joie lorsqu’ils ont goûté du lait chocolaté et des fruits frais pour la première fois depuis des mois. Mais je ne peux pas profiter pleinement du luxe d’avoir de la bonne nourriture alors que mon peuple se bat pour en avoir. La brise froide de l’air conditionné me semble perverse. Il est difficile de se détacher de la vie que j’ai vécue à Gaza et de recommencer à zéro.

Nous vivons non loin de l’aéroport du Caire. Même le bruit des avions commerciaux est effrayant et nous rappelle les bombes. Une fois, j’ai eu un appel vidéo avec mon père, qui est toujours à Gaza. J’ai été surprise par la stabilité de la connexion internet qui nous a permis d’avoir une conversation claire. Même si tout semblait parfait à ce moment-là, je n’arrivais pas à me débarrasser du sentiment qu’il manquait quelque chose. Je savais que j’avais besoin de temps pour comprendre ce sentiment de vide.

J’ai alors réalisé, tardivement, que des choses aussi simples suffisent à nous rendre heureux. Je les ai toujours considérées comme allant de soi, car il ne m’était jamais venu à l’esprit que je les perdrais à jamais. Acheter du café avec des grains fraîchement moulus dans un petit café dans les rues animées de ma ville natale, écouter mes chansons préférées le matin, ou même m’asseoir au bord de la mer en méditant sur la beauté du ciel bleu et de la plage - ce sont maintenant des choses que je ne peux vivre que comme des souvenirs.

Lorsque je sirote un café aujourd’hui, je me souviens soit de ces jours magnifiques et simples, soit des jours frénétiques que j’ai passés à fuir d’un endroit à l’autre. Je ne sais pas quels souvenirs sont les plus douloureux à revivre. J’ai pris l’habitude de ne boire que du thé trop sucré en exil, une façon de laisser à mon corps la possibilité de réagir différemment, d’éviter de se voir rappeler quelque chose de traumatisant ou de familier qui n’est plus à portée de main. Mais j’ai beau essayer, je continue à me souvenir, et le fait de savoir que le reste de ma famille est toujours à Gaza, toujours en train de se battre, continue à s’immiscer dans mes matinées.

La nourriture de Gaza me manque, en particulier les falafels, qui ne ressemblent à aucun autre avec leur mélange unique d’épices et leur extérieur croustillant et doré. Je me languis de la simplicité de la vie, de la façon dont les matins commencent avec l’agitation des rues bondées, le bruit familier des klaxons, les scènes animées des marchés. Les routes courtes et cahoteuses qui serpentent à travers la ville, bordées de petites boutiques et d’échoppes.

Le vendredi, j’ai passé un nombre incalculable d’heures avec mes enfants à construire des châteaux de sable sur la plage. J’ai regardé le coucher de soleil lorsque le ciel se teintait de nuances d’orange montrant la beauté de notre mer. L’odeur du maïs grillé sur la plage et la vue des cerfs-volants dans le ciel étaient les joies les plus simples que l’on puisse avoir, mais chaque instant en valait la peine. Nous avions l’habitude de nous réunir autour d’une petite table sur la plage et de parler de la vie. Mes enfants continuaient à ricaner autour de nous, jouant à cache-cache. C’est étrange que j’évite maintenant les couchers de soleil. Cela n’a plus d’importance.

Bien que Gaza ait souvent été synonyme de tristesse et de décadence, l’espoir qui y règne est évident partout. Les habitants nettoient les rues au milieu des décombres de leurs quartiers détruits et repeignent leurs maisons endommagées dans un effort de reconstruction. Cet esprit inébranlable de régénération et d’adaptation témoigne de la capacité de Gaza à renaître de ses cendres, tel un phénix.

Gaza est plus qu’un lieu, c’est une mémoire vivante et une profonde expression d’amour et d’appartenance. Même en exil, mon cœur reste à Gaza.

Te reverrai-je un jour, ma chère ? Pourras-tu un jour guérir ?

Je suis tellement désolée de t’avoir considérée comme acquise, ma Gaza bien-aimée. Je t’ai mal jugée. Ce n’est que maintenant que je réalise à quel point tu me manques. Je ne me suis jamais sentie en sécurité depuis que je t’ai quittée. J’appartiens à toi et seulement à toi.

MARAM HUMAID
À Gaza en guerre, des femmes déplacées réinventent la mloukhiya

 Maram Humaid, Aljazeera, 8/4/2024
Photos d’Abdelhakim Abu Riash/Al Jazeera
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 




Maram Humaid est la correspondante numérique d’Al Jazeera English à Gaza. @MaramGaza

 


Siham Abu Shaaban (avec sa mère) et sa famille ont été déplacées vers le sud de la ville de Gaza en novembre, après avoir enduré près de deux mois de bombardements ininterrompus

Az-Zawayda, Gaza - Il y a un an, Siham Abu Shaaban a préparé la mloukhiya pour la série d’Al Jazeera Fork the System, expliquant qu’elle est considérée comme un “porte-bonheur”, un plat que de nombreuses familles se doivent d’avoir sur leur table de Ramadan.

Cette année, dans des circonstances extrêmement différentes et éprouvantes, elle et sa famille sont revenues, recréant la belle soirée de l’année dernière dans un camp de déplacés à Az-Zawayda, alors que la guerre d’Israël contre Gaza détruit des vies.

Six mois après le début d’une guerre israélienne implacable contre Gaza, Al Jazeera a pris contact avec Siham pour documenter l’impact de la guerre sur elle et sa famille, et pour cuisiner à nouveau avec une famille qui ne s’attendait pas à ce que sa vie soit bouleversée en moins d’un an.


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NYLAH IQBAL MUHAMMAD
Deuil, solidarité et mloukhiya : comment les Arabes de Chicago se coltinent le génocide de Gaza

Alors que le monde est aux prises avec la violence à Gaza, de plus en plus d'USAméricains d'origine arabe se solidarisent autour de bols réchauffants de ragoût de feuilles de corète.

Nylah Iqbal Muhammad, Eater Chicago, 22/8/2024
Photos de Jack X. Li
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 



La mloukhiya  est un plat égyptien populaire qui a a apporté du réconfort à de nombreux membres de la diaspora du Machrek

Manal Farhan a perdu l'appétit. Nous sommes en novembre 2023, plus d'un mois après l'attaque du 7 octobre par le Hamas en Israël, qui a tué 1 139 civils et soldats israéliens et pris plus de 200 otages. Les violences de ce jour-là ont déclenché un siège israélien de la bande de Gaza qui avait déjà tué plus de 14 000 habitants (le bilan s'est alourdi de manière astronomique depuis), détruit des bâtiments et créé une grave crise humanitaire. Farhan, une USAméricaine d'origine palestinienne en proie à un chagrin intense, a cousu à la main un drapeau palestinien et l'a accroché à l'extérieur de sa maison de Logan Square. Elle raconte avoir reçu un appel de la société de gestion représentant le propriétaire Mark Fishman, lui demandant de l'enlever, faute de quoi elle serait expulsée. « J'ai dit :“Je suis Palestinienne et il y a un génocide”. Ils m'ont répondu que je devais rester neutre », raconte Farhan.

Entre l'angoisse de l'expulsion et l'horreur des Palestiniens massacrés et démembrés par des bombes chaque jour sur les médias sociaux, Farhan a eu du mal à manger. « Lorsque vous subissez un tel niveau de stress, votre corps ne réagit plus à la faim. La faim devient une préoccupation secondaire », explique-t-elle. Mais la faim revenait souvent lorsque sa mère Karima préparait la mloukhiya (ملوخية), un ragoût de feuilles de corète d’origine égyptienne et qui représente aujourd'hui un plat unificateur dans le monde arabe. La Mloukhiya, le plat national de l'Égypte, est très ancienne. Les racines préarabes de son nom signifient « pour les rois » ou « pour les dieux ». Les feuilles, également appelées mauves de jute, se sont répandues depuis l'Égypte à travers le monde arabe au gré des migrations et des échanges commerciaux. Elle est assaisonnée simplement avec du sel, de l'ail et du citron, bouillie dans un bouillon de poulet et souvent servie avec du poulet ou de l'agneau.


Cette humble soupe, à base de verdure et souvent de bouillon de poule, est devenue un symbole apaisant de solidarité dans le contexte de la violence à Gaza

En période de troubles, nous nous tournons vers les plats qui nous rassurent et, ces jours-ci, les habitants de Chicago - où vit l'une des communautés d'immigrants palestiniens les plus importantes et les plus anciennes du pays - sont de plus en plus nombreux à chercher du réconfort dans un bol de mloukhiya. Alors qu'un décompte estime qu'au moins 186 000 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes - selon une lettre publiée par des chercheurs dans la revue médicale britannique The Lancet -, les USAméricains d'origine arabe cherchent par tous les moyens à trouver du réconfort et de la solidarité. Dans ce climat, le plat prend une nouvelle signification politique pour de nombreux Arabes qui le découvrent pour la première fois. Presque tous les week-ends, des organisations telles que le Réseau de la communauté palestinienne des USA et les Étudiants pour la justice en Palestine organisent de grandes manifestations dans le centre-ville. Le jeudi 22 août, des groupes se sont rassemblés devant l’ United Center pour protester contre l'exclusion d'un orateur usaméricain d'origine palestinienne lors de la Convention nationale démocrate. Des groupes autonomes ont bloqué les rues de Wicker Park, protesté contre les fabricants d'armes comme Boeing dans le Loop, et ont même teint la fontaine de Buckingham en rouge sang, en taguant à la bombe « Gaza saigne ». Aujourd'hui, alors que la convention nationale du parti démocrate se déroule à Chicago, les manifestants défilent et perturbent les discours des hommes politicien
·nes
, les condamnant pour le financement l'armée israélienne. Ignorer la réalité politique des personnes qui aiment ce plat reviendrait donc à raconter une histoire incomplète de la place de la mloukhiya à Chicago.

« Je ne connais aucun Palestinien qui n'aime pas la mloukhiya », dit Farhan alors que nous mangeons et discutons de son cas au restaurant Salam, qui appartient à des Palestiniens, à Albany Park. Le même drapeau palestinien que Farhan a fabriqué en novembre est toujours accroché à l'extérieur de sa maison, alors qu'elle continue à se battre contre ce qu'elle considère comme une expulsion illégale. (Le propriétaire fait valoir qu'un contrat de bail interdit d'exposer quoi que ce soit à la fenêtre). Les Palestiniens de Chicago et leurs alliés ont protesté contre l'expulsion, boycottant le Logan Theater, dont Fishman est propriétaire. Le fait d'être expulsé ici, à Chicago, pour avoir « exprimé l'amour et la fierté » de son héritage, comme l'indique le procès fédéral qu'elle a intenté à Fishman, est une ironie pour Farhan. La maison de sa grand-mère maternelle en Palestine occupée est aujourd'hui habitée par des colons israéliens. (L'action en justice de Farhan, qui soutenait que la neutralité n'avait jamais été l'objectif - les autres locataires pouvaient accrocher des décorations de Noël et de Hanoukka à leurs fenêtres, selon l'action en justice de Farhan - a été rejetée en mars et Farhan est en attente d'un appel).

À côté de photos de cadavres et de décombres, je vois sur les réseaux sociaux des Palestiniens déplacés qui fabriquent de la mloukhiya à Gaza. « La Mloukhié est l'un des plats les plus populaires que les habitants de Gaza aiment et préparent. Habituellement, il est préparé avec du poulet ou du bouillon de poulet, mais comme aucune source de protéines n'est actuellement disponible, nous le préparons avec du bouillon de poulet transformé. Comme d'habitude, c'est fait avec amour, au milieu de la guerre », écrit Renad, un créateur de contenu de Gaza âgé de 10 ans, dans une légende. Le manque de poulet est flagrant, la viande étant pratiquement impossible à trouver ou à acheter en raison du blocus israélien sur la nourriture, les produits d'hygiène et les médicaments. De nombreuses personnes, en particulier dans le nord de Gaza, sont mortes de faim. Pourtant, le plat semble conserver sa signification festive et réconfortante, même au plus profond de l'enfer. « La nourriture palestinienne est l'un des aspects fondamentaux de la socialisation dans notre culture... indépendamment du fait que [les réfugiés] ont été déplacés et dépossédés », explique Lubnah Shomali, directrice du plaioyer à Badil, une organisation de défense des droits humains pour les réfugiés palestiniens.

Lubnah, chrétienne palestinienne, a grandi dans la banlieue de Chicago avant d'installer sa famille, y compris sa fille, mon amie Rachel, en Cisjordanie pour se rapprocher de leur culture, même si la vie était plus difficile sous l'occupation. Lubnah explique que les réfugiés s'inspirent souvent les uns des autres de différentes méthodes de fabrication de la mloukhiya, avec les mêmes débats que ceux que j'ai entendus à Chicago. « Dans les camps de réfugiés, le besoin d'accueillir, d'inviter des gens et de préparer des repas persiste », explique Lubnah.

Pour les juifs mizrahim, les juifs d'origine arabe, la mloukhiya fait également partie de leur mémoire, même si la Nakba a rompu ces liens. Hisham Khalifeh, propriétaire de la Middle East Bakery à Andersonville, se souvient d'avoir rencontré un juif mizrahi de 80 ans à Chicago. « Il avait encore sa carte d'identité palestinienne dans sa poche », raconte Khalifeh. L'homme voulait parler de la nourriture qu'il avait aimée en Palestine et de tout ce qui avait changé depuis qu'il avait été séparé de ses voisins musulmans et chrétiens par la formation d'Israël, l'apartheid et le nettoyage ethnique. Khalifeh raconte que l'homme lui a dit en arabe, leur langue ancestrale commune : « Naaoud lil tarikh ». Revenons à l'histoire.

« Les Blancs adorent les tacos [et] les enchiladas... mais je me souviens qu'enfant, je mangeais de la mloukhiya à l'école et que tout le monde disait : “Beurk, c'est un ragoût vert visqueux” », se souvient Iman, une Chicagolaise palestino-mexicaine. Iman reconnaît que le mloukhiya fait partie intégrante de Chicago, mais elle doute que d'autres le voient de cette façon - ce qui ne la dérange pas. « C'est l'une de ces choses que j'aime tant, mais qui n'a pas encore été revendiquée ou reprise par la culture blanche ».

Les premiers Palestiniens sont arrivés à Chicago dans les années 1800, bien avant la création de l'État d’Israël, selon Loren Lybarger, professeur à l'université de l'Ohio et auteur de Palestinian Chicago : Identity in Exile. Il se souvient d'avoir fréquemment mangé de la mloukhiya chez des dirigeants de la communauté palestinienne de Chicago au cours de ses recherches.

La mloukhiya, plat national égyptien, est très ancienne. Les racines pré-arabes de son nom signifient « pour les rois » ou « pour les dieux ». Un livre de cuisine syrien du XIIIe siècle répertorie quatre versions différentes, dont l'une mentionne des oignons carbonisés réduits en pâte et une autre des boulettes de viande. Ce plat a inspiré des mythes et une ferveur religieuse, puisqu'il est dit que la soupe a permis au souverain égyptien du Xe siècle, le calife fatimide al-Hakim bi-Amr Allah, de recouvrer la santé, d'où son nom. (On l'appelle aussi parfois « mauve des Juifs », en référence à l'affirmation selon laquelle les rabbins juifs auraient été les premiers à la découvrir et à la cultiver). Les Druzes, un groupe ethno-religieux du Machrek, croyaient et croient toujours que le calife était Dieu. C'est pourquoi de nombreux Druzes ne mangent pas de mloukhiya, même aujourd'hui, obéissant ainsi à son ordre. Pour la plupart des gens, cependant, la mloukhiya n'est plus réservée aux rois ou aux dieux. Mais sa préparation peut être une affaire digne de la royauté.

« Chacun la fait à sa façon, et chacun est convaincu que sa façon est meilleure »

Les feuilles de mloukhiya cuites ont une « qualité visqueuse, semblable aux nopales [raquettes de figuier de Barbarie, NdT] de la cuisine mexicaine », explique la cheffe libanaise Sabrina Beydoun. La mloukhiya est un plat réconfortant, quelque chose de plein et de juste dans les verts profonds, avec une odeur d'herbe et de terre. « Ma mère la préparait avec beaucoup de fierté », dit-elle. « En vieillissant, j'y repense avec tendresse et nostalgie ».

Et chacun aime la mloukhiya à sa façon - les variations et les débats font pratiquement partie de l'expérience. « Chacun la fait à sa façon, et chacun est convaincu que sa façon est meilleure », dit Beydoun en riant.

Mon amie Rachel, ancienne joueuse de l'équipe nationale de basket-ball de Palestine, préfère les feuilles de mloukhiya entières (Beydoun dit que c'est courant chez les Libanais), tandis que mon autre amie palestinienne, Rayean, a grandi avec des feuilles moulues. Karima, la mère de Farhan, utilise quant à elle un peu d'acide citrique comme ingrédient spécial.


La mloukhiya est préparée différemment selon le foyer et le restaurant


L'équipe père-fils d'Ahmed et Mohammed Saleh dans leur restaurant, Cairo Kebab

Au Cairo Kebab, le seul restaurant égyptien de Chicago, la mloukhiya est devenu le deuxième plat le plus demandé par les clients arabes depuis que l'établissement a commencé à le servir tous les jours en 2023 sur la célèbre Maxwell Street de Chicago, dans University Village, selon le copropriétaire Mohammed Saleh. « Les aliments locaux nous ancrent et nous font devenir ce que nous sommes », explique-t-il. La mloukhiya s'inscrit sans doute dans une évolution plus large, où les restaurants appartenant à des groupes ethniques marginalisés servent de plus en plus de plats autrefois relégués à la maison, en raison à la fois d'une plus grande sensibilisation par les médias, du désir de ces plats parmi les communautés immigrées qui aspirent à des aliments familiers, et du fait que les chefs se sentent autorisés à explorer leurs identités de manière plus approfondie.

« Beaucoup de nos clients palestiniens ou jordaniens nous demandent un filet de citron ou de ne pas cuisiner avec de l'ail », explique Mohammed.

Ahmed, propriétaire et chef cuisinier du Cairo Kebab et père de Mohammed, ajoute qu'à moins d'avoir déjà mangé la mloukhiya, « les USAméricains la mangent de la façon dont nous la servons ».

Ahmed prépare la version du restaurant avec beaucoup d'ail dans du beurre grésillant, tandis que la famille de Raeyan ne met pas trop d'ail. J'adore le poulet à la peau croustillante et rôtie, et j'alterne fréquemment entre le mloukhiya à la cuillère sur le riz et le poulet, et le riz et le poulet à la cuillère dans la mloukhiya. Certains l'aiment sans peau et bouilli. La plupart de mes amis la mangent avec du riz ; Ahmed dit que beaucoup préfèrent l'absorber avec du pain, et certains le mangent nature comme une soupe, avec une cuillère ou en buvant de légères gorgées dans le bol. Le plus souvent, elle est servie avec un filet de citron frais.

Khalifeh se souvient très bien de la mloukhiya aux cailles. Ahmed explique que dans la deuxième plus grande ville d'Égypte, la ville portuaire d'Alexandrie, la mloukhiya est souvent préparée avec des crevettes, et certains utilisent du lapin. En Tunisie, la mloukhiya est séchée et réduite en poudre, ce qui donne un ragoût soyeux, de couleur presque noire, avec de l'agneau. Les Soudanais, en raison de leur histoire commune avec l'Égypte, aiment également la mloukhiya. ça s'écrit molokhia, mlokheya, molokhia..., les différences sont infinies et vertigineuses.

« Lorsque j'étais enfant en Égypte, la mloukhiya n'était pas seulement un aliment, c'était un événement », écrit par courriel Eman Abdelhadi, écrivaine égypto-palestinienne et professeure de sociologie à l'université de Chicago. « Une journée entière était consacrée aux processus ardus de lavage, de séchage et de découpage. C'était quelque chose que nous attendions tous avec impatience ». Ahmed raconte que pendant les iftars du Ramadan, un moment de rassemblement après avoir jeûné toute la journée pendant le mois sacré musulman, de nombreux clients demandent au moins deux assiettes de mloukhiya au moment de rompre le jeûne.


Ahmed Saleh, propriétaire du Cairo Kebab, s'est installé à Chicago en 1990

Pour les habitants arabes de Chicago qui n'ont pas grandi avec la mloukhiya, Chicago est souvent l'endroit où ils l'ont goûtée pour la première fois. « Nous n'avons pas de mloukhiya au Maroc. Mais j'en ai entendu parler parce que nous avions l'habitude de regarder de vieux films [égyptiens] », explique Imane Abekhane, employée au Cairo Kebab. « Puis je suis venue à Chicago, j'ai essayé la mloukhiya égyptienne et j'ai adoré ».

Lorsque j'ai commencé à enquêter sur le mloukhiya pour cet article, beaucoup de mes amis arabes m'ont dit que le Cairo Kebab était le meilleur endroit pour le déguster à Chicago - un bol m'a permis de comprendre pourquoi. Du poulet rôti tendre, une mloukhiya vert vif équilibrée avec juste assez d'ail et de sel, des vermicelles dans le riz, et un accompagnement de sauce piquante maison à base de tomates avec des flocons de piment, du piment rouge et du poivre noir - tout cela est délicieux. À ma table, Ahmed a préparé la mloukhiya comme on le fait parfois en Égypte, avec brio et performance, une rivière verte et gluante cascadant d'une casserole à l'autre avant de s'accumuler dans mon bol. Mohammed remarque qu'il a vu plus de Palestiniens et d'Arabes venir au Cairo Kebab pour des plats maison comme la mloukhiya depuis que la dévastation a commencé en Palestine l'année dernière.

Même si tout le monde n'est pas d'accord sur la façon de la préparer, tous ceux à qui j'ai parlé s'accordent à dire que la mloukhiya est un plat égyptien. Mais en raison de la forte population de Palestiniens à Chicago, la première rencontre avec la mloukhiya - y compris la mienne - a lieu chez un ami palestinien ou dans une épicerie palestinienne comme Middle East Bakery, où Khalifeh explique que les non-arabes viennent souvent après l'avoir vue en ligne, dans le cadre d'un plaidoyer croissant en faveur de la cuisine et de la cause palestinienne - leur résistance à l'occupation israélienne. Cela confère à ce plat une certaine importance politique.

Lorsque nous avons préparé la mloukhiya, Rachel a utilisé des feuilles séchées que sa grand-mère lui avait rapportées de Palestine, une expérience que Mohammed Saleh qualifie de courante. « Lorsque nous allons en Égypte, mes parents ramènent toujours au moins une valise pleine de produits secs préemballés, dont la mloukhiya », explique-t-il.

Les feuilles congelées et séchées sont également faciles à trouver à Chicago, à Middle East Bakery, Sahar's International Market ou Feyrous Pastries and Groceries à Albany Park. Raeyan et Rachel insistent toutes deux sur le fait que les feuilles séchées - qui ont une couleur plus foncée que les feuilles congelées - sont meilleures. Ahmed affirme que le séché a ses mérites, mais que les feuilles congelées préservent mieux le mloukhiya dans son état d'origine, le processus de séchage lui donnant un goût et une couleur différents. « Le congelé est aussi proche que possible des feuilles de mloukhiya récoltées à la main en Égypte », affirme-t-il. Khalifeh, en revanche, est convaincu que le séché est toujours meilleur, car il a une saveur et une texture que le congelé ne peut jamais atteindre. L'une de ses tactiques consiste à mettre un peu de feuilles congelées dans les feuilles séchées, ce qui permet d'en améliorer la couleur et la consistance. Mais lui et Ahmed disent tous deux que tout le monde n'est pas capable de faire de la mloukhiya séchée correctement.

Et peut-être que quelque chose se perd dans la modernité de la congélation, quelque chose qui s'échange lorsque l'on renonce à tamiser les feuilles de mloukhiya. « Ma mère et mes tantes s'assoient par terre, enlevant les tiges et les restes d'autres récoltes, comme les feuilles de tabac », explique Beydoun. « C'est une pratique communautaire. C'est une chose poétique à laquelle on assiste. Dans les feuilles séchées, je vois la survie - un moyen de transporter les plantes ancestrales pour les diasporas dispersées. La mloukhiya congelée doit être conditionnée. Mais la mloukhiya séchée peut être transportée ; elle ne dépend d'aucune entreprise, seulement de ceux qui ont une relation avec la plante.

Cependant, presque tout le monde s'accorde à dire que les feuilles fraîches sont les meilleures - si vous pouvez les trouver. Sahar's propose des feuilles de mloukhiya fraîches cet été, mais « elles partent vite et nous ne savons pas toujours quand elles arriveront », m'a dit un épicier au téléphone. Hisham m'a également orienté vers Vit Hoa Plaza, où j'ai trouvé des feuilles fraîches qui, selon les épiciers, sont rarement stockées en raison de la popularité croissante de la mloukhiya dans la cuisine de l'Asie orientale. Selon la Markaz Review, les agriculteurs japonais ont commencé à cultiver la plante après que des publicités des années 80 avaient mis en avant la mloukhiya avec des slogans tels que « le secret de la longévité et le légume préféré de Cléopâtre ».

« La mloukhiya est très populaire dans les épiceries japonaises et coréennes », explique Kate Kim-Park, PDG de HIS Hospitality, qui ajoute que sa version est légèrement plus collante. « La plante est appelée 아욱 (ah-ohk) en coréen », précise-t-elle.

Le chef Sangtae Park d'Omakase Yume, dans le West Loop, a de bons souvenirs de la cuisson de la mloukhiya et de sa dégustation avec ses amis et sa famille. « Je l'ajoute à la soupe miso traditionnelle [coréenne] ou aux plats d'accompagnement [banchan] en blanchissant les feuilles et en mélangeant parfois de l'huile de sésame, du sucre et des flocons de piment rouge coréen », explique Park.


Ahmed Saleh tient une assiette de poulet et de riz, l'une des nombreuses façons dont on peut savourer la mloukhiya

Il est également possible de les cultiver soi-même. Iman a décidé de commencer à planter de la mloukhiya et d'autres plantes utilisées dans la cuisine palestinienne, comme le thym sauvage (parfois appelé za'atar, comme le mélange d'épices du même nom) en mars dernier. « J'ai eu le sentiment qu'il s'agissait d'un acte de préservation et de résistance alors que les gens essaient d'effacer les Palestiniens », explique Iman. Dans le monde entier, les cultures indigènes soulignent l'importance de la conservation des semences, et les Palestiniens ne sont pas différents. Mais planter de la mloukhiya s'est avéré difficile dans le froid de Chicago. « Le mloukhiya préfère des températures comprises entre 21 et 32 degrés Celsius et un sol limoneux bien drainé et riche en matières organiques », explique Luay Ghafari, jardinier palestinien et fondateur d’ Urban Farm and Kitchen, ajoutant que les habitants de Chicago doivent commencer à planter les graines à l'intérieur sous des lampes de culture “quatre semaines avant la date de la dernière gelée” et les transplanter dans le jardin lorsque les risques de gelée sont écartés et que le sol s'est réchauffé.

« Il faisait très chaud, puis il faisait très froid à nouveau, alors je les faisais constamment entrer et sortir de l'appartement lorsqu'ils étaient de petits semis », explique Iman. Aujourd'hui, les plants de mloukhiya sont sains et matures, rien à voir avec les rendements qu'Iman observe dans les champs palestiniens, mais elle en est fière. Ghafari explique que la mloukhiya est une plante annuelle qui peut atteindre plusieurs mètres de haut dans des conditions optimales. « Pendant la saison des récoltes, on la trouve souvent vendue en grosses balles, car il faut une grande quantité de feuilles pour obtenir des quantités suffisantes pour la consommation. Mais les plantes cultivées à Chicago, comme celles d'Iman, ne produisent pas assez de feuilles pour être consommées autrement que dans de petites marmites de ragoût. La mère mexicaine d'Iman s'occupe des plantes dans la maison familiale, près de la banlieue. « C'est ce qui nous unit », dit Iman.

Nancy Roberts, la mère de Raeyan et traductrice d'arabe, a dactylographié la recette de mloukhiya de la grand-mère de Raeyan - la recette à partir de laquelle nous avons cuisiné - qui a été transmise de génération en génération. Il s'agit là aussi d'une sorte de conservation de semences sacrées.

« J'ai l'intention de transmettre [les recettes] à mes enfants jusqu'à la libération », dit Abdelhadi. « Mahmoud Darwich a dit que les occupants avaient peur des souvenirs, et les Palestiniens ont fait de la mémoire un passe-temps national ».

Après avoir couru dans la chaleur estivale de Chicago à la recherche d'histoires sur cette plante, quels étaient mes souvenirs de la mloukhiya ? Ce n'étaient pas ceux de Rachel, de Raeyan, d'Iman ou de Laith - des souvenirs d'enfance, de famille, d'héritage. Mais j'étais sur le site en train de construire une relation avec la mloukhiya.

Une collègue a dit un jour: « La Palestine tapisse mon esprit ». Je ne l'ai jamais oubliée, car elle décrivait si bien ces dix derniers mois pour moi. Maintenant, d'une manière ou d'une autre, la mloukhiya s'était installée là aussi, devenant une partie de ma mémoire de cette période brutale, s'entremêlant avec la Palestine, avec Gaza. « C'était très dur aujourd'hui », dit Hisham à voix basse lorsque je mentionne Gaza au cours de notre entretien, en référence à la frappe aérienne israélienne qui a eu lieu ce jour-là à al-Mawassi, une “zone de sécurité” désignée, et qui a tué plus de 100 personnes en l'espace de quelques minutes, dont la plupart étaient des enfants. Dans tous les entretiens que j'ai réalisés pour cet article, le génocide est revenu sur le tapis ou la tension était palpable lorsqu'on en parlait. Dès la, comment écrire sur la mloukhiya en se limitant à l’aspect nourriture ? Comment la recherche, la consommation et la fabrication de la mloukhiya ne pourraient-elles pas faire en sorte que la Palestine occupe mon esprit et entre dans mes rêves ?

Une nuit, j'ai rêvé que Rachel, Raeyan et moi étions en train de nous affairer dans ma cuisine pour faire de la mloukhiya, moi tamisant les feuilles avec des mains tachées de henné, Raeyan remuant près de la cuisinière, Rachel hachant de l'ail. Mon ami Omar était lui aussi dans la cuisine, en train de regarder. C'était presque une réplique exacte de la façon dont nous avions regardé quand nous l'avions cuisiné.

Sauf qu'Omar ne vit pas à Chicago. Il est à Gaza.

Le jour du rêve, Omar m'a dit que les bombardements étaient intenses et qu'il ne passerait peut-être pas la nuit. « J'espère que tu survivras. Qu'Allah te protège » , lui ai-je répondu. Au lever du soleil suivant, j'ai reçu une réponse. Alhamdulillah. Dieu merci. Omar était toujours en vie. Depuis des mois, c'est la cadence de nos messages. Je ne passerai peut-être pas cette nuit. J'espère que vous vivrez. Qu'Allah vous protège. Alhamdulillah.

Il y a eu une nuit où, après avoir vu une nouvelle image horrible du corps d'un Palestinien mutilé par les attaques israéliennes et les armes usaméricaines, il a été suggéré, j'ai oublié par qui, que nous allions au lac Michigan et que nous criions. Une fois sur place, nous sommes restés silencieux pendant un long moment. Ce n'était pas par gêne, mais par crainte que Dieu ait cessé d'écouter nos cris. Quelle preuve avions-nous du contraire ? Puis, presque à l'unisson, nous avons crié, le son portant sur l'eau. Et je dois croire que nous avons été entendus.

Naaoud lil tarikh. Revenons à l'histoire. Nataqadam lil houriya. Allons de l'avant vers la liberté.

 

Nylah Iqbal Muhammad est une journaliste indépendante usaméricaine écrivant sur toutes sortes de thèmes, de l’ethnogastronomie et des styles de vie à la Palestine. Instagram, Substack, Twitter/X.

 

13/09/2024

GIDEON LEVY
Quand Tsahal dit “Mort aux instigateurs” : c’est ainsi qu’une manifestante usaméricaine est tuée

Gideon Levy, Haaretz, 12/9/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Tsahal est redevenue l’armée la plus morale du monde. Quatre jours seulement se sont écoulés depuis que ses soldats ont tué la militante usaméricain des droits humains  Ayşenur*  Ezgi Eygi, avant que l’enquête approfondie lancée par l’armée ne s’achève, aboutissant à la conclusion absolutoire que « la civile a été touchée par les tirs non ciblés et non intentionnels d’une force des FDI qui visait un instigateur clé ». Des tirs non ciblés et non intentionnels qui visaient... Vous avez compris ? J’en doute.

L’endroit où  Ayşenur  Ezgi Eygi a été tuée, en Cisjordanie, dimanche. Photo Ammar Awad/Reuters

Pendant que le porte-parole des FDI descendait le long d’une corde dans un shoiw montrant le tunnel dans lequel six otages avaient été exécutés, pour montrer au monde les terribles conditions dans lesquelles ils avaient été détenus (quand nous emmèneront-ils à la base militaire de Sde Teiman pour nous montrer les conditions choquantes de détention des Palestiniens menottés et kidnappés ?), des soldats de sa propre unité mettaient au point l’explication alambiquée pour l’homicide volontaire d’une femme innocente.

Rassemblement devant l’hôpital Rafidia pour protester contre l’assassinat d’ Ayşenur Ezgi Eygi, 26 ans, le 8 septembre 2024, à Naplouse. Photo Issam Rimawi/Anadolu Ajansi 

Il est inutile de préciser que cette enquête approfondie n’avait pour but que d’apaiser les USAméricains, dont le président s’était dit « troublé » par l’assassinat d’une citoyenne de son pays. Ne vous inquiétez pas, l’annonce contournée de l’armée suffit à apaiser les inquiétudes présidentielles. La dernière chose qui dérange la Maison Blanche, c’est l’assassinat d’une militante qui s’identifie aux Palestiniens. Ceux qui auraient dû être troublés par cette explication sont ceux qui ne s’intéressaient pas à toute l’histoire au départ : les Israéliens. Le porte-parole des FDI a déclaré : mort aux instigateurs. Des soldats ont tiré sur un instigateur pour l’exécuter, touchant par erreur une autre instigatrice. Ce sont des choses qui arrivent. En d’autres termes : un changement radical des règles d’engagement, désormais officiellement déclaré.

 

Funérailles d’ Ayşenur à Naplouse, lundi 9 septembre 2024 

 

Si, par le passé, il était nécessaire de prouver la présence d’un danger, il suffit désormais de discerner l’instigation. Et qui est au juste un instigateur ? Quelqu’un qui appelle à la libération du peuple palestinien lors d’une manifestation? Quelqu’un qui demande le démantèlement de l’avant-poste provocateur d’Evyatar ? Quelqu’un qui manifeste pour ses droits sur sa terre ? En d’autres termes : lorsque les soldats de Tsahal discerneront une instigation, ils tireront désormais pour tuer l’instigateur, sur ordre.

Comment disions-nous ? L’armée la plus morale du monde. Il est fort douteux que le porte-parole de l’armée russe oserait admettre que son armée tire pour tuer les instigateurs.

Pour les soldats de l’armée de propagande du porte-parole Daniel Hagari, l’« instigation », quoi que ça signifie, est une raison d’exécuter quelqu’un. Tout ce qui reste à prouver, c’est la mauvaise maîtrise du tir des soldats, qui visaient un incitateur (le « principal ») mais en ont touché une autre. Rien n’est plus facile que de qualifier la touriste usaméricaine d’instigatrice : elle était en faveur de la justice pour les Palestiniens. Les procédures seront affinées et les soldats seront envoyés au stand de tir pour s’entraîner davantage. Veuillez vérifier les passeports avant la prochaine exécution. Il vaut mieux ne pas frapper les USAméricains. Personne n’enquêtera sur l’assassinat d’une jeune Palestinienne de 13 ans [Banya Laboum] le même jour, dans un village voisin. Personne ne s’émeut de cette affaire. Peut-être qu’elle aussi instiguait alors qu’elle se tenait à sa fenêtre ?

Un soldat tire pendant une manifestation et un manifestant est tué. Quoi de plus normal ? Mais notre collègue Jonathan Pollak, qui se trouvait dans le village lors de la fusillade, affirme que les soldats ont tiré sur l’activiste 20 minutes après la fin des affrontements. Si c’est le cas, il s’agit d’un meurtre de sang-froid. C’était la première et dernière manifestation d’ Ayşenur.

Mais ce qui devrait vraiment nous préoccuper, c’est le sous-texte de l’annonce du porte-parole de l’IDF : L’instigation est une cause d’exécution. Mais l’instigation a plusieurs visages. Si un appel à la liberté des Palestiniens est une instigation passible de la peine de mort, on s’engage sur une pente glissante. Pourquoi la police n’est-elle pas autorisée à tuer les instigateurs des manifestations de la rue Kaplan ? Et que dire des plus grands instigateurs au sein du gouvernement et des médias, qui appellent à « raser » Gaza ou à « tondre la pelouse », estimant que les habitants de cette région méritent tous de mourir. Snipers, ouvrez le feu. Vous y êtes autorisés par Hagari.

NdT
* Ayşenur [= Aychènour] : graphie turque de l’arabe
أأيشنور, “lumière de vie”


-Je suis Américaine
-Moi aussi
Mohammed Sabaaneh

12/09/2024

“Jusqu'à notre dernier souffle” : le journaliste Anas al-Sharif raconte comment il a documenté le génocide israélien à Gaza tous les jours pendant onze mois consécutifs

Le correspondant d’Al Jazeera a refusé de quitter le nord de la bande de Gaza, alors même qu’Israël l’a menacé et a tué ses collègues.

Sharif Abdel Kouddous, Drop Site News, 11/9/2024
Abdel Qader Sabbah, journaliste au nord de Gaza, a contribué à ce rapport.
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 


Anas al-Sharif (au centre) et des personnes en deuil portant des pancartes « presse » entourent le corps du journaliste arabe d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, tué avec son caméraman Rami al-Refee lors d’une frappe israélienne le 31 juillet 2024. Photo Omar Al-Qattaa/AFP via Getty Images.

Anas al-Sharif est devenu l’un des visages les plus reconnaissables de la télévision dans le monde arabe. Au cours des onze derniers mois, le correspondant d’Al Jazeera, âgé de 27 ans, a réalisé des reportages depuis les premières lignes de l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza, qui est aujourd’hui l’endroit le plus meurtrier pour les journalistes dans l’histoire moderne. Selon certains chiffres, plus de 160 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre, soit un journaliste tué tous les deux jours depuis près d’un an. Al-Sharif a personnellement fait l’objet de menaces de mort et son domicile a été la cible d’une attaque israélienne qui a coûté la vie à son père.

Al-Sharif est l’un des rares reporters à être resté dans le nord de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, une zone d’où, quelques jours seulement après le début de la guerre, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de personnes d’évacuer et qui a été la plus lourdement bombardée par Israël. Un journaliste a déclaré à Drop Site News qu’il ne restait plus qu’une trentaine de journalistes en activité dans le nord de Gaza aujourd’hui.

Al-Sharif a été une présence presque constante à la télévision et en ligne, rapportant presque chaque jour les frappes aériennes, les bombardements, les massacres, les déplacements, la famine, la mort et le démembrement - et, chaque fois qu’il le peut, les lueurs d’espoir et la résilience des Palestiniens. Prenez le temps de parcourir les messages qu’il a postés sur X ou Instagram ces derniers jours, ou regardez ce reportage vidéo du 10 septembre, par exemple (avertissement : âmes sensibles s’abstenir).

Un post partagé par @anasjamal44

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, al-Sharif a été contraint d’endurer l’inimaginable. En novembre, il a déclaré avoir reçu plusieurs appels d’officiers de l’armée israélienne lui ordonnant de cesser sa couverture et de quitter le nord de Gaza. Il a déclaré avoir également reçu des messages et des messages vocaux sur WhatsApp révélant sa position. Dans son rapport, il termine en disant : « Je suis l’un des rares journalistes dans le nord à couvrir ce qui se passe. Malgré les menaces, je ne quitte pas le terrain et je continuerai à faire des reportages dans le nord de Gaza ».

Moins de trois semaines après les appels de l’armée israélienne, la maison de sa famille dans le camp de réfugiés de Jabalia a été bombardée, tuant son père Jamal al-Sharif, âgé de 90 ans. Anas al-Sharif, qui effectuait des reportages en continu, n’était pas rentré chez lui depuis 60 jours. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré à l’époque à propos de l’assassinat de son père : «Le CPJ est profondément alarmé par le fait que les journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, par la suite, les membres de leur famille soient tués ».

Al-Sharif a de nouveau été menacé le mois dernier après avoir diffusé le carnage d’une attaque aérienne israélienne du 10 août sur une école de la ville de Gaza où des milliers de Palestiniens déplacés cherchaient refuge, tuant plus de 100 personnes. « Je ne peux pas décrire ce qui se passe », a déclaré al-Sharif. « Nous parlons de près de 100 martyrs dans l’école de Tabaeen dans la ville de Gaza, un grand massacre ».

 

En réponse à un autre journaliste d’Al Jazeera qui a loué la couverture courageuse d’al-Sharif, l’armée israélienne a publié un communiqué ciblant son travail. « Il couvre les crimes du Hamas et du Jihad [islamique] qui s’abritent dans les écoles. Je suis convaincu qu’il connaît les noms d’un grand nombre de terroristes du Hamas parmi ceux qui ont été tués dans l’école« , a répondu Avichay Adraee, porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, sur X. « Mais il présente un mensonge dont la motivation n’a rien à voir avec les habitants de Gaza ». Ces commentaires ont incité Al Jazeera à condamner ce qu’elle a appelé « un acte flagrant d’intimidation et d’appel au meurtre » d’Israël à l’encontre d’al-Sharif, et le CPJ à publier une déclaration disant qu’il était « profondément inquiet » pour sa sécurité.

Les journalistes et les médias occidentaux sont restés relativement silencieux face au nombre record de journalistes palestiniens tués. Dans certains cas, Israël a ouvertement admis avoir tué des journalistes et les a accusés d’être membres du Hamas.

Un peu plus d’une semaine avant l’attentat contre l’école de Tabaeen, Ismail al-Ghoul, ami proche d’Al-Sharif et collègue d’Al-Jazeera, a été tué dans la ville de Gaza lors d’une attaque de drone israélien contre sa voiture, ainsi que son caméraman Rami al-Refee et un jeune homme de 17 ans qui faisait du vélo à proximité. Al-Ghoul a été décapité lors de la frappe. En signe de protestation, les journalistes de Gaza ont jeté leurs gilets pare-balles en tas sur le sol. Al-Sharif s’est adressé à la foule en brandissant le gilet pare-balles mutilé d’Al-Ghoul, déclarant : « Ce gilet de presse est le gilet dont les institutions mondiales et locales font l’apologie. Ce gilet n’a pas protégé notre collègue Ismail. Il n’a protégé aucun de mes collègues non plus. Comme vous pouvez le voir, le gilet est taché du sang et de la chair d’Ismail. Qu’a fait Ismail ? Qu’a-t-il fait ? Diffuser l’image ? Diffuser la souffrance des gens ? Désolé Ismail, nous continuerons à diffuser le message après toi ».

 

Anas al-Sharif continue à faire des reportages tous les jours depuis le nord de Gaza. Drop Site lui a demandé de réfléchir à son travail à Gaza au cours des 11 derniers mois. Il a envoyé un message vocal de 10 minutes en réponse. Dans l’enregistrement, sa voix est lasse mais ferme. Il brosse un tableau dévastateur de la vie d’un journaliste à Gaza.

Ces commentaires ont été traduits de l’arabe et légèrement modifiés pour plus de clarté.

Message d’Anas al-Sharif depuis Gaza

Anas al-Sharif : Notre couverture en tant que journalistes pendant cette guerre contre Gaza a été complètement différente. Nous avons été confrontés à des difficultés extrêmes, à des menaces, nous avons été complètement déconnectés du monde extérieur en raison de la coupure de l’Internet et des signaux téléphoniques. Nous vivons des circonstances tragiques et difficiles en tant que journalistes et nous sommes toujours confrontés à des difficultés pour envoyer des messages, des rapports et tout autre matériel en général.

Bien entendu, le journaliste palestinien vit dans des conditions pénibles et difficiles, comme le reste de son peuple, entre les déplacements, les bombardements et les destructions. Un grand nombre de nos collègues journalistes ont perdu leur famille, des membres de leur famille, des parents, des amis et des êtres chers. Cela a mis beaucoup de pression sur les journalistes pendant la guerre, surtout parce que l’occupation israélienne ne fait pas de distinction entre les journalistes, les enfants, les médecins, les infirmières - tout le monde est pris pour cible en permanence.

Dans le nord de Gaza en particulier, mes collègues et moi-même avons été totalement coupés du monde extérieur dès le début de la guerre. Cela a créé une énorme responsabilité, un énorme problème pour nous. Il était difficile d’envoyer des rapports ou tout autre contenu. Nous devions nous rendre dans des zones très dangereuses pour envoyer nos reportages, notre contenu. Pour poursuivre notre couverture et envoyer des images et des histoires, nous devions nous rendre dans de grands immeubles pour trouver un signal Internet ou un signal téléphonique grâce à des cartes SIM électroniques et envoyer ainsi les reportages, le contenu ou les scènes que nous avions documentés, avec la qualité la plus faible, afin de les diffuser au monde et de montrer au monde ce qui se passait ici dans la bande de Gaza. Ce n’est là qu’une des difficultés que nous avons rencontrées.

Nous avons également dû faire face à des menaces constantes de la part de l’armée d’occupation israélienne. Personnellement, l’armée d’occupation israélienne m’a menacé et m’a dit que je devais cesser mes reportages dans le nord de la bande de Gaza et aller dans le sud. Mais j’ai refusé leur ordre, et je n’ai pas arrêté ma couverture un seul instant malgré les menaces, malgré les bombardements, malgré le siège. Parce que je n’ai pas arrêté et que j’ai continué à couvrir l’actualité, l’occupation israélienne a pris pour cible ma maison et celle de ma famille, ce qui a conduit au martyre de mon père, que Dieu ait pitié de lui. Les circonstances étaient cruelles, difficiles et douloureuses pour moi, et douloureuses pour nous tous, mais cela n’a fait que renforcer ma détermination à poursuivre le reportage. Nous avons une cause [la cause palestinienne] avant d’avoir un message à cet égard. Après cela, c’est devenu une responsabilité qui nous a été confiée, une responsabilité qui m’a été confiée personnellement, celle de continuer à faire des reportages, malgré tous les dangers et toutes les difficultés auxquels nous sommes confrontés.

Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminerait.

Tous les journalistes de Gaza ont souffert de ces circonstances. Dans le cadre de nos reportages, nous sommes confrontés à de grandes difficultés en raison du ciblage des zones dans lesquelles nous nous trouvons, du ciblage à proximité de nous, du ciblage direct. Malgré tout cela, mes collègues et moi-même, dans le nord de la bande de Gaza, n’avons pas cessé de couvrir la situation. Bien sûr, ce n’est un secret pour personne que mes collègues et moi avons vécu des circonstances tragiques et difficiles. Nous avons dormi dans des hôpitaux, nous avons dormi dans des abris, nous avons dormi dans les rues et sur les autoroutes, nous avons dormi dans des véhicules et des voitures. Nous avons été déplacés plus de 20 fois, d’un endroit à l’autre, d’une zone à l’autre - notre situation était la même que celle du reste de notre peuple. Nous avons été confrontés à de grandes difficultés. Bien sûr, la situation dans le nord était particulièrement difficile pour les journalistes, car il n’y avait pas de matériel disponible, pas de fournitures pour la presse. Nous avons dû nous contenter de moyens limités et de nos simples téléphones pour rapporter l’histoire, envoyer l’image et rendre compte des crimes de l’occupation israélienne.

Le travail des journalistes à Gaza est un travail ardu, épuisant et très difficile que personne ne peut supporter plus d’une heure. Le travail est continu. Nous ne dormons pas pendant des jours à cause des bombardements et des tirs d’artillerie incessants. Bien sûr, il est souvent difficile de se rendre sur le site d’un incident car il n’y a pas de véhicules ou de voitures disponibles, nous devions aller en charrette ou à pied pour atteindre un endroit qui était visé.

Les circonstances que nous avons vécues sont des circonstances qui ne peuvent pas être exprimées. Je tiens à dire dans cet enregistrement que nos circonstances sont encore très cruelles et difficiles. Mes collègues et moi avons vécu dans l’atmosphère de la famine qui a frappé le nord de Gaza. Parfois, mes collègues et moi passons des jours sans trouver un seul repas. Nous nous déplaçons d’un endroit à l’autre pour essayer de trouver avec beaucoup de difficultés quelque chose qui devrait être facile. Tout est extrêmement cher dans le nord.

Ce dont je parle n’est qu’une petite partie de ce que nous pouvons enregistrer, de ce que nous pouvons dire, de ce que nous pouvons documenter. Et pourtant, la souffrance est bien plus grande, la souffrance est difficile et tragique pour nous et notre peuple. Pourtant, malgré ces souffrances, nous nous sommes engagés, nous tous les journalistes, à poursuivre sur cette voie, à continuer à rendre compte au monde, et c’est ce qui nous a poussés à continuer jusqu’à aujourd’hui. Cette guerre dure depuis plus de 330 jours et les bombardements et les massacres se poursuivent sans relâche.

Et pourtant, malgré toutes ces difficultés et toutes ces circonstances tragiques, nous tous, journalistes, continuons chaque jour et chaque heure à rendre compte de ce qui se passe. C’est ce qui nous pousse à continuer, c’est notre cause. Il est du devoir du monde de voir et d’être témoin de ce que nous documentons et de ce que nous rapportons. Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminer. C’est ce qui nous pousse à poursuivre notre travail jusqu’à notre dernier souffle.

Bien sûr, comme je l’ai mentionné, l’occupation israélienne a délibérément ciblé les journalistes de manière continue et nous parlons maintenant de près de 180 journalistes qui ont été ciblés à Gaza. Il est clair que l’occupation israélienne ne veut pas que l’image sorte, ne veut pas que le mot sorte, ne veut pas que nous documentions les crimes qu’elle commet sur notre peuple, comme ce qui est arrivé à notre cher ami et collègue, le correspondant d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, après qu’il a été assassiné par l’occupation israélienne alors qu’il documentait ce qui se passait et les crimes de l’occupation israélienne - l’occupation israélienne l’a donc ciblé de manière directe pour qu’Ismail ne puisse pas continuer sa couverture. Mais ce que l’occupation ne sait pas, c’est qu’après le martyre d’Ismail, nous, ses collègues journalistes, sommes encore plus déterminés à poursuivre la voie d’Ismail et à transmettre son message, malgré les circonstances tragiques, malgré les menaces et malgré le danger de la situation.

Nous pourrions être pris pour cible et bombardés à tout moment, mais notre situation est la même que celle de tout notre peuple, la même que celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont martyrisés à chaque instant à Gaza.