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19/03/2023

Je suis la femme juive agressée sexuellement par un Arabe : ne vous servez pas de moi pour alimenter votre racisme

Anonyme, Haaretz, 19/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Le nom de l'auteure est connu de Haaretz.

Il y a quelques semaines, les médias ont rapporté qu'une jeune femme juive avait été agressée sexuellement par un Arabe dans des toilettes publiques à Jérusalem. Plus tard, l'acte d'accusation contre lui a été publié et, mercredi 8 mars, la chaîne de télévision Channel 13 a diffusé un reportage sur le sujet dans son principal journal télévisé.

Je suis la Juive qui a été agressée. J'ai porté plainte auprès de la police non pas parce que je crois à la guerre ou à la vengeance, mais parce que je ne connaissais pas cet homme et que je n'avais donc aucun autre moyen de m'assurer qu'il ne ferait pas de mal à d'autres femmes, et que je n'avais pas non plus accès à d'autres solutions telles que la justice réparatrice.

Je ne sais pas pourquoi il était pertinent de noter qu'il était arabe, comme si son nom ne l'indiquait pas assez clairement. Les réactions en ligne étaient, comme on pouvait s'y attendre, pleines de violence, de haine et d'appels au meurtre d'Arabes.

L'agression s'est produite il y a plusieurs semaines, mais à la lumière du récent pogrom dans la ville palestinienne de Huwara et de la violence qui touche les deux camps, elle est particulièrement choquante. Parlons donc un peu de la “femme juive pure” et de “l'attaque terroriste”.

La première fois que j'ai été agressée sexuellement, j'avais 15 ans. L'agresseur était un “pur juif” issu d'un foyer si juif que sa mère lui interdisait, pour des raisons religieuses, de toucher le sexe opposé. Ayant observé les relations entre les membres de sa famille, je ne doute pas qu'elles aient influencé sa tendance à l'agression.

FAUSTO GIUDICE
20 mars, anniversaire de l'indépendance tunisienne : Souvenirs, souvenirs

par Fausto Giudice

Cet article est paru dans Baraka Hebdo (Paris) n°2 du 20 mars 1986, sous le titre un peu idiot de "Nostalgie"

 «Le 20 mars 1956. Une date facile a retenir: le 21 était l'anniversaire de ma mère. Les Français, ceux "de souche", les juifs, puis les naturalisés commencèrent à partir. Nous les Italiens, on regardait au balcon.»

II y a trente ans la Tunisie accédait à l'indépendance. L'ambiance de l'époque, les anecdotes, et les souvenirs d'un enfant d'origine sicilienne qui a vécu cette période...


 «Taoua Iji Bourguiba» : ce sont les premiers mots arabes que j'ai entendus. L'année 55 touchait à sa fin. Les derniers cochers maltais faisaient claquer leurs fouets, assis sur leurs calèches, place de Londres. Entre les chevaux, les marchands de noix de coco lavaient les tranches blanches, qui semblaient de petites barques dans le caniveau. J'avais six ans en débarquant dans l'hiver doux de Tunis. Tout de suite, je fus confronté à deux, trois, quatre cultures. Aux extrémités, les deux Grandes Cultures : d'un côté «C'est la Mère Michel qui a perdu son chat », le livre de lecture français, de l'autre  «babon, bagraton, kouraton», l'abécédaire arabe. Et au milieu, les marécages sicilien, maltais, juif, grec, espagnol, russe blanc.

Bab El Khadra

Mes tantes descendaient le soir la «zibbola». Mot siculo-tunisien pour désigner la poubelle (toujours renversée par les chats faméliques), dérivé de l'arabe «zebla», déchet. Quand on faisait les fous, mes cousins et moi, on nous traitait de «soufri». Mot tunisois signifiant «voyou», formé à partir du français «les ouvriers»…

Dans le garage d'un de mes oncles, à la Petite Sicile, les ouvriers levaient la tête de sous les capots des 404 pour regarder les camions qui passaient dans un joyeux vacarme de klaxons, de youyous, de darboukas et de battements de mains : «Yahia El Destour, Yahia El Istiqlal». Les partisans du Combattant Suprême montaient du bled sur la capitale. Ils agitaient un drapeau que je crus d'abord reconnaître : il était rouge comme celui des ouvriers romains les premiers mai. Mais celui-ci avait un croissant et une étoile.

La Ville «européenne» avait peur, la Médina bruissait d'inquiétude et d'espoir mêlés. Bab el-Fransa, la Porte de France, était la frontière entre les deux, que nous transgressions seulement pour certaines emplettes. Avenue Jules-Ferry, un soir, un défilé de jeunes gens aux cheveux très courts fit monter la tension. Ils criaient : «Les Français par-tout !».

Des couteaux luisaient dans l'ombre. Les pères ordonnaient aux enfants de rentrer. Ça et là, des petites mains rouges apparaissaient sur les murs. Ce n'était pas es mains de Fatima, c'était le signe de reconnaissance des «vrais Français», de leur mythique organisation secrète.

Ce défilé m'avait laissé une double trace, contradictoire. Ma sympathie était allée naturellement à ceux qui, muets de rage, regardaient le défilé sur les trottoirs. Mais le rythme du slogan, inquiétant et incompréhensible, s'était gravé dans ma tête. Quelques jours plus tard, marchant rue de la Petite-Malte avec un autre oncle, menuisier celui-là, je le sifflotais. Je venais d'apprendre à siffler. Il blanchit – c'était le plus couard de la tribu – et me serra la main en chuchotant : «Tais-toi, è pericoloso».

Mars 1956

20 mars 1956 : une nation naissait, sans trop de souffrances. Elles vinrent plus tard. Une date facile à retenir: le 21 était l'anniversaire de ma mère. Les Français, ceux "de souche", les juifs, puis les naturalisés commencèrent à partir. Nous les Italiens, on regardait au balcon. En face, à un balcon du 2ème étage, une tante de Claudia Cardinale, qui était folle, hurlait et tempêtait en chemise de nuit.

À l'école franco-arabe de la rue Hoche, le mélange se faisait assez bien. Ce n'était ni idyllique ni infernal. De quoi presque donner raison au monument à Jules Ferry, montrant un enfant français, le bras  «fraternellement» passé autour des épaules d'un enfant arabe, tous deux lisant dans le même livre. Sortis de l'école, nous nous séparions. Juifs, Arabes et Siciliens faisaient, à quelques rares exceptions près, bande à part. Nous les Siciliens, on tenait le terrain vague à côté de la voie ferrée, le Terrain Rouge. Luigi, déjà gominé à 14 ans, était notre chef. On faisait griller des sauterelles, on chassait des lézards, dont la queue nous restait entre les doigts, on jouait aux noyaux d'abricots, on élevait fébrilement des vers à soie. Quand on s'insultait, c'était en arabe.

Bientôt, l'écho de la guerre dans le pays voisin et un peu mystérieux, l'Algérie, arriva jusqu'à nos oreilles enfantines, par la radio. Les mâles voix de  «Saout El Arab», du Caire, provoquaient l'enthousiasme des jeunes Arabes, l'inquiétude des familles juives et…ma curiosité.

Dans ce monde colonial qui s'effilochait, le développement séparé des communautés –une apartheid bon enfant mais bien réelle – interdisait les amitiés, les amours, les fusions inter-ghettos. Cette fusion-là, rêve confus de nos enfances, combien sommes-nous, ici, à encore et toujours la rechercher ?