Pourquoi les soldats ont-ils tué
cet homme ? Et pourquoi Israël refuse-t-il de rendre son corps ?
Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 6/8/2021
Traduit par Fausto Giudice
La conférence de presse, si on peut
l'appeler ainsi, était pathétique. Triste. Sans espoir. Deux dizaines d'hommes
âgés - des fonctionnaires de l'Autorité palestinienne et des notables locaux,
ainsi que le père et le fils en deuil - se tenaient à l'entrée de leur village
sous le soleil brûlant de midi, tenant de grandes affiches. Les microphones des
chaînes de télévision locales sont passés de main en main, les discours ont été
prononcés, les belles paroles ont été prononcées - et tout le monde savait que
leurs paroles n'étaient que du vent.
Leith Shurafi tenant une affiche de deuil
pour son père Shadi, qui a été tué la semaine dernière.
Le cadre,
lui aussi, était pathétique. Les manifestants se tenaient entre le marché de
gros du village et son usine de taille de pierre, au milieu de piles putrides
de fruits pourris, principalement des mangues, et des déchets de l'usine.
Derrière eux était garé un camion portant l'inscription, en hébreu, comme une
invitation, « Des millions de personnes ne peuvent pas se tromper »,
le slogan de la société St. Moritz, qui fabrique des produits de nettoyage et
d'extermination des parasites.
Que des
millions de personnes aient raison ou tort, ce village, Beita, qui se trouve
entre Tapuah Junction et Naplouse en Cisjordanie, a déclaré le début d'une
campagne pour le retour du corps de l'un de ses meilleurs fils, le plombier du
village, Shadi Shurafi. Il a été tué la semaine dernière, mardi soir, par des
soldats des Forces de défense israéliennes de la brigade Kfir, alors qu'il se
tenait près de ce qui semble être les principales vannes d'eau du village, en
bas de la route de l'entrée, tenant une clé à molette.
Les
dirigeants du village et les responsables de l'Autorité palestinienne ont
menacé de lancer une opération région morte tant que la famille du plombier
décédé n'aura pas reçu son corps pour l'inhumer. Selon les responsables, Israël
détient - de manière effroyable - les dépouilles d'environ 300 Palestiniens,
dans le cadre de l'opération d’exploitation de cadavres en cours, qui est
censée avoir pour but la restitution par le Hamas des dépouilles de deux
soldats de Tsahal tués dans la bande de Gaza en 2014, le lieutenant Hadar
Goldin et le sergent-chef Oron Shaul.
Tout le
monde sait que les corps des soldats, ainsi que les deux civils israéliens
captifs détenus à Gaza, ne seront rendus qu'en échange de prisonniers
palestiniens vivants purgeant leur peine dans les prisons israéliennes. Mais
pourquoi ne pas accumuler les corps et accentuer la douleur des familles des
morts palestiniens ?
Saad
Shurafi, sur le site où son frère Shadi a été tué. Une guerre s'est ensuivie
pour le retour du corps du plombier