المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

27/07/2022

SUPRIYO CHATTERJEE
Après BoJo, Rishi contre Liz : des clowns minables ruinent le cirque politique britannique

 , 27/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Supriyo Chatterjee, diplômé en sciences politiques de l'université de Kolkata (Calcutta), a travaillé comme journaliste pour un grand journal anglophone en Inde avant de venir au Royaume-Uni. Il est aujourd'hui écrivain indépendant et traduit de et vers l'espagnol. Il a été publié sur divers sites Internet. Auteur du livre Blowback: Chavez, Oil and Revolution in Venezuela (The Glocal Workshop, 2022)

Tout d'abord, l'été indien a été torride, la température ayant dépassé les 40° C en Angleterre. Et dans la brume estivale est apparu un Indien ethnique très riche qui veut être le prochain Premier ministre. Quoi qu'il en soit, il sera probablement battu par un clone de Margaret Thatcher bien de chez nous, aussi terne et morne que l’ordinaire ciel anglais. Dans la perfide Albion, le rosbif pourrait encore battre le poulet tikka.

Boris (le clown malveillant) Johnson a survécu au scandale de la violation des règles du Covid qu'il avait imposées à d'autres, pour être démoli par l'escapade sexuelle de l'un de ses plus proches exécutants politiques. Comme l'a observé Jose Steinsleger, la fin des gouvernements conservateurs au Royaume-Uni est généralement annoncée par la comète d'un scandale sexuel. Tous les ministres qui ont abandonné Boris à la toute fin, lorsqu'il était clair qu'il était devenu un handicap pour le parti, savaient depuis le début que leur patron, comme eux, n'était jamais gêné par l'éthique ou la morale personnelle. Néanmoins, ils ont joué la surprise et l’indignation de manière répétitive lors d'apparitions à la télévision et d'interviews dans les journaux. Le rituel de la moralité, dont chacun sait qu'il est aussi faux qu'une pantomime de Noël, sert de cape d'invisibilité pour conclure des accords lors d'un changement de garde.

Rishi Sunak, dont les parents indiens sont arrivés d'Afrique en Grande- Bretagne, affronte Liz Truss dans la course à la direction du Parti conservateur. Tous deux ont fait leurs études à Oxford, ont commencé leur vie professionnelle dans le monde de l'entreprise, sont tous deux millionnaires, et tous deux sont des Thatchériens qui croient aux impôts bas, à un petit État, à la privatisation des biens publics, aux aventures militaires à l'étranger et à un minimum de droits humains et de libertés politiques chez eux. Dans le cas de Sunak, sa femme indienne, fille de milliardaire et fabuleusement riche, ne paie même pas d'impôts en Grande-Bretagne. Le couple figure sur la Liste des Riches du Sunday Times. Liz Truss, qui s'est enrichie chaque année depuis qu'elle fait de la politique, pense qu'il existe une jalousie inacceptable envers les riches en Grande- Bretagne. Le ciment du parti conservateur au pouvoir n'est plus tant le privilège des Blancs que le culte de l'argent.

SUPRIYO CHATTERJEE
Mediocre clowns ruin British political circus

, 27/7/2022

Supriyo Chatterjee, a post-graduate in Political Science from the University of Kolkata (Calcutta), worked as a journalist with a leading English-language newspaper in India before coming to the U.K. He is now a freelance writer who translates from and to Spanish. He has been published in various websites. Author of the book Blowback: Chavez, Oil and Revolution in Venezuela (The Glocal Workshop, 2022)

First came the scorching Indian summer as the temperature breached 40oC in England. And in the summer haze appeared a seriously rich ethnic Indian who wants to be the next Prime Minister. Be as it may, he will probably be defeated by a home-grown Margaret Thatcher clone as dull and dreary as the regular English sky. In perfidious Albion, roast beef could still trump chicken tikka.

Boris (the malevolent clown) Johnson survived the scandal of breaking Covid rules he had imposed on others only to be taken down by the sexual escapade of one of his closest political enforcers. As Jose Steinsleger has observed, the end of Conservative governments in the United Kingdom is usually heralded  by the comet of a sex scandal. All the ministers who abandoned Boris at the very end, when it was clear that he had become a liability for the party, knew from the beginning that their boss, like them, was never hindered by ethics or personal morals. Nevertheless, they acted out their rehearsed surprise and outrage in television appearances and newspaper interviews. The ritual morality play, which everyone knows is as false as a Christmas pantomime, serves as an invisibility cloak for striking deals during a change of guard.

Rishi Sunak, whose Indian parents came to Britain from Africa, faces Liz Truss in the Conservative Party leadership race. Both are Oxford educated, both started their working life in the corporate world, both are millionaires, and both are Thatcherite believers in low taxes, a small state, privatisation of public assets, foreign military adventures and as little human rights and political freedoms at home as possible. In Sunak's case, his Indian wife, a billionaire's daughter and fabulously wealthy in her own right, does not even pay taxes in Britain. The couple are on the Sunday Times Rich List. Liz Truss, who has grown richer every year she has been in politics, thinks there is unacceptable envy of wealth in Britain. The glue that holds the ruling Conservative Party together is no longer so much white privilege as the worship of big money.

As with the economy, the two candidates appear equally blindfolded on Britain's place in the world. If Lizzie snorts that she will bring Russia and Putin to heel on Ukraine, Rishi exhales fire against China and the CPC, threatening to show them their place. All this with an army at their command that fits into a football stadium. Liz Truss has a particular talent for words: she will not rest till she makes British apple the top of the tree; with the Chinese she will wag her fingers and talk big on pig. She delivers these lines with a fierce scowl, pauses for the briefest of moments which still feels far too long, and then a thin crooked smile breaks out as she glances anxiously at the audience for applause which never comes. Sunak is smarter, but the voters are 160,000 or so Tory members, mostly old, almost all white, all Little Englanders whatever the colour of their skin and all comfortably off. Will Liz Truss actually get their vote because she is white and properly English, even if the Establishment is furiously telling them to vote Sunak because he's less dumb? We'll never know and who will ever admit to it?

OLEG YASINSKY
Volodymyr Chemerys, le mouton noir de la politique ukrainienne, arrêté à Kiev

Oleg Yasinsky, Pressenza, 21/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


Oleg Yasinsky (Kiev, 1967) est un journaliste indépendant vivant actuellement à Moscou. Il a longtemps vécu au Chili. https://t.me/olegyasynsky

 

 

ACTUALISATION DU 28 JUILLET 

L'interrogatoire du 26 juillet s'est "bien passé". Chemerys a été convoqué pour un nouvel interrogatoire le 30 août en qualité de "témoin". Chemerys a fait valoir qu'il a eu une côte cassée lors de son interpellation et qu'il va porter plainte à ce sujet. L'ironie de l'affaire est que les articles de la constitution invoqués pour le poursuive ont été rédigés par lui. Chemerys est libre mais est en danger : il a reçu de nombreuses menaces de groupes paramilitaires.-FG

Ces mots sont pour un ami et un collègue dont la vie est en danger. Dans le paysage politique ukrainien, de plus en plus pauvre, décadent et prévisible entre tant de marionnettes et tant de fanatiques, il reste peu de personnes politiques. Les flammes qui s'élèvent aujourd'hui sur le pays éclairent, plus clairement que jamais, la terre noire brûlée, sans idées, sans pensée, sans regard, un territoire qui, bien avant cette guerre, était dépouillé de toute possibilité d'avenir, généreusement ensemencé des seules graines empoisonnées de la haine nationaliste.

Au milieu de ce paysage désolé, malgré et contre toutes les lois de la logique et de la nature, de grandes personnes survivent et leur grandeur n'est que celle de cette époque foireuse. Les moutons noirs qui sont en fait les éléphants ou les baleines qui font vivre le monde. Le nom de l'un d'entre eux est Volodymyr (en ukrainien) ou Vladimir (en russe, selon votre préférence) Chemerys. En pensant à lui, je me souviens toujours de cette chanson de Silvio Rodriguez sur le mouton noir :

« ...C'est le même mouton sombre qui, la nuit, ne se voit pas
sous les rayons de la lune.
C'est le même qui est coincé dans les ravins.
C'est le même que le prêtre a maudit avant-hier… »

La première fois que je l'ai vu sur un écran de télévision à Kiev, en octobre 1990, il était l'un des principaux leaders étudiants, protagonistes de la « révolution sur le sol de granit », un vaste mouvement d'étudiants ukrainiens qui, parmi leurs diverses revendications, demandaient de nouvelles élections parlementaires, le service militaire des Ukrainiens uniquement sur le territoire de l'Ukraine, une nouvelle constitution, le report de la ratification de l'adhésion de l'Ukraine à l'URSS jusqu'à ce qu'elle devienne « un État constitutionnel indépendant, politiquement et économiquement stable », et la démission du Premier ministre.

La chute du premier ministre et l'acceptation par le gouvernement de la plupart de leurs exigences ont été un événement décisif pour la proclamation de l'indépendance de l'Ukraine en moins d'un an.

Volodymyr était mince, il faisait partie de la centaine d'étudiants qui ont mené une grève de la faim de 15 jours dans des tentes sur la place centrale de Kiev, alors que le mot « Maidan » n'était pas encore connu du monde. Je me souviens d'une organisation exemplaire de la sécurité lors de la manifestation. Parmi les manifestants, il y avait des personnes chargées de prévenir toute expression violente, elles étaient très disciplinées et gardaient un contact informel permanent avec la police qui ne voulait pas non plus réprimer.

Pendant les trois semaines de marches quotidiennes, avec des centaines de milliers de participants, il n'y a pas eu un seul acte de violence. Comme une grande partie de notre génération à l'époque, il a été déçu par le deux poids-deux mesures du socialisme bureaucratique, il a cru aux valeurs de la démocratie libérale, il a partagé son grand idéalisme avec l'énorme naïveté si typique de notre société sans tradition de débat politique.

Il s'agissait d'un vaste mouvement démocratique nationaliste (encore assez démocratique et pas très nationaliste), très inclusif et qui croyait beaucoup aux niaiseries populaires de l'époque, à savoir qu'il pouvait y avoir une convergence entre le meilleur du socialisme et du capitalisme pour progresser en tant que société. Malgré notre ignorance totale du monde réel, au milieu de ces mouvements, nous avons eu des discussions assez intéressantes et profondes. La politique ne nous semblait pas encore être quelque chose de sale, encore moins un business, nous pensions que c'était une affaire d'idéalistes et de révolutionnaires. Nous n'avions aucune idée de quoi que ce soit.

Je l'ai retrouvé pour la deuxième fois une quinzaine d'années plus tard. Je vivais déjà au Chili et lorsque, très occasionnellement, je me rendais en Ukraine, mes amis gauchistes m'invitaient à parler de l'Amérique latine, car il y avait toujours beaucoup d'intérêt et peu d'informations directes.

Je me souviens que nous l'avons fait une fois au siège de l'Institut Respublica, fondé et dirigé par lui. C'était un étrange projet de construction d'une pensée civique ouverte à tous (quand c'était encore possible). Des communistes, des anarchistes, des trotskistes et des nationalistes ukrainiens ont participé à notre conversation sur l'Amérique latine. Nous avons discuté de divers sujets pendant des heures. Il était encore possible de se parler et, malgré les désaccords très nets, presque sur tout, et les moqueries politiques entre nous tous, nous nous serrions encore la main et pouvions aller boire un verre ensemble pour continuer la discussion. On m'a beaucoup interrogé sur les zapatistes. Lorsque nous sommes restés seuls un moment avec Volodymyr, il m'a parlé de son admiration de toujours pour la révolution cubaine, les sandinistes et Allende. C'était la gauche en laquelle il croyait. L'Ukraine était encore un endroit très paisible et les guerres semblaient concerner d'autres mondes exotiques et lointains.