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17/11/2022

Yair Lapid à propos de l'enquête US sur le meurtre de Shireen Abu Akleh : “Les soldats de Tsahal ne seront pas interrogés par le FBI”

Jack Khoury, Chen Maanit, Jonathan Lis, Ben Samuels, Haaretz, 15/11/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Premier ministre sortant a déclaré lors de son discours d'inauguration de la prochaine Knesset qu'Israël « n'abandonnera pas ses soldats aux enquêtes étrangères ».

Shireen Abu Akleh devant la vieille ville de Jérusalem/Al Qods. Photo : Al Jazeera Media Network / AP

Le Premier ministre israélien sortant, Yair Lapid, a déclaré mardi que « les soldats israéliens ne feront pas l'objet d'une enquête du FBI, ni d'aucune autre autorité ou pays étranger, aussi amicaux soient-ils ».

Le Premier ministre sortant a fait ces commentaires en référence à l'enquête usaméricaine imminente sur le meurtre de la journaliste d'Al Jazeera Shireen Abu Akleh en mai dernier lors d'un raid israélien dans le camp de réfugiés de Jénine.

Lapid a profité de son discours d'inauguration de la prochaine Knesset pour aborder la question de l'enquête usaméricaine, déclarant qu'Israël « n'abandonnera pas ses soldats aux enquêtes étrangères », ajoutant qu'Israël avait « transmis ses vives protestations aux Américains par les canaux appropriés ».

« Tsahal est une armée morale et éthique (...) engagée dans les valeurs et les lois de la démocratie », a déclaré Lapid, ajoutant que tout «  incident inhabituel » fait l'objet d'une « enquête approfondie ».

En réponse aux questions de Haaretz, le porte-parole adjoint du département d'État usaméricain, Vedant Patel, a déclaré qu'il fallait adresser les demandes de renseignements au département de la justice. Cependant, il a ajouté : « Nous continuons à souligner l'importance de la reddition de comptes dans cette affaire, et nous continuons à appeler et à faire pression sur nos partenaires israéliens pour qu'ils revoient de près leurs politiques et pratiques sur les règles d'engagement et envisagent des mesures supplémentaires pour atténuer le risque de dommages aux civils, pour protéger les journalistes et pour finalement empêcher que des tragédies similaires ne se produisent à l'avenir ».

L'Autorité palestinienne, quant à elle, a salué la décision des USA d'enquêter sur le meurtre d'Abu Akleh. Le porte-parole du président palestinien, Nabil Abu Rudeineh, a déclaré que la décision d'ouvrir une enquête par le FBI est « la preuve du manque de fiabilité des autorités d'occupation israéliennes en ce qui concerne le meurtre de Palestiniens », et que l'enquête « doit conduire les responsables devant la justice ».

Dans une déclaration faisant suite à la nouvelle de l'enquête, la famille Abu Akleh a déclaré qu'elle était « encouragée par les nouvelles selon lesquelles les USA ont ouvert une enquête criminelle... Notre famille demande une enquête usaméricaine depuis le début, et c'est ce que les USA devraient faire lorsqu'un citoyen usaméricain est tué à l'étranger, surtout lorsqu'il a été tué, comme Shireen, par une armée étrangère ».

« Nous espérons que les USA utiliseront tous les outils d'enquête à leur disposition pour obtenir des réponses sur le meurtre de Shireen et faire en sorte que les responsables de cette atrocité rendent des comptes... Il s'agit d'un pas important vers la responsabilisation et rapproche notre famille de la justice pour Shireen », indique le communiqué.

En mai, 57 parlementaires usaméricains ont adressé une lettre au directeur du FBI, Christopher Wray, et au secrétaire d'État, Antony Blinken, pour demander une enquête sur la mort d'Abu Akleh.

Même si les dirigeants usaméricains et israéliens ont déjà fait des déclarations controversées sur le meurtre d'Abu Akleh par le passé, les responsables israéliens pensent que l'enquête usaméricaine est une déclaration symbolique, ont dit des sources israéliennes à Haaretz, affirmant qu'il est peu probable qu'une enquête soit menée sans l'approbation du département d'État US et le consentement d'Israël.

 

DOMINIQUE ZIEGLER
Crépuscule de la Françafrique

Dominique Ziegler (Genève, 1970) est auteur, metteur en scène et scénariste BD. Bio

On se souvient du discours frontal de Thomas Sankara adressé à François Mitterrand lors de la visite d’État de ce dernier au Burkina Faso en 1986. Sans prendre de gants, Sankara balança ses quatre vérités au président français, par ailleurs ancien ministre de la France d’outre-mer sous la Quatrième République et artisan méticuleux de la politique postcoloniale de la France. Sankara reprocha entre autres à Mitterrand d’avoir accueilli avec les honneurs «le tueur Pieter Botha», dirigeant de l’Afrique du Sud de l’apartheid, et d’être tâché du sang de ses victimes. Le «socialiste» français l’avait très mal pris. Il est possible qu’au moment où se fomentait l’élimination de Sankara, l’affront ait pesé dans la balance.

Depuis les pseudo-indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, rares sont les dirigeants africains à s’être confrontés à l’ancienne puissance coloniale. Ceux qui l’ont fait l’ont payé de leur vie. L’ostracisme ou le meurtre a été le lot de nombres d’opposant·es à la tutelle française et a incité beaucoup de militant·es ou politicien·nes africain·es à une certaine prudence verbale (et physique) dans la sphère publique. C’est donc avec un plaisir non dissimulé qu’on a pu apprécier des éléments du discours du premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, à la tribune de l’ONU, en septembre dernier. Le premier ministre traite les autorités françaises de «junte au service de l’obscurantisme» et les accuse de «pratiques néocoloniales, condescendantes, paternalistes et revanchardes». Stupéfaction chez les Blancs!

On éprouve le même plaisir en regardant les vidéos de la pasionaria suisso-camerounaise Nathalie Yamb, une des figures emblématiques du renouveau de la fierté africaine. Florilège: «La France n’est grande que quand elle grimpe sur les épaules de l’Afrique»; «C’est contre notre engagement pour l’émancipation et le respect des Africaines et des Africains qu’Emmanuel Macron a décidé d’aller en guerre et de réaffirmer que nous, populations d’Afrique, nous sommes des sous-hommes, des animaux, incapables de penser, de décider et de parler pour eux-mêmes!» Nathalie Yamb dénonce sans fioritures le «racisme, le racialisme condescendent de Macron et de la classe politique française et européenne à l’égard des Africains».

Ce type de propos, souvent cantonnés aux sphères d’extrême gauche (ce que n’est pas Nathalie Yamb, plutôt libérale), semble se répandre dans toutes les couches de la société africaine. Selon Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture malienne: «Toute l’Afrique de l’Ouest est en mouvement.» On ne peut que s’en réjouir.

La violence de l’État français a l’égard des peuples africain·es a toujours bénéficié de l’impunité la plus absolue, n’a jamais fait l’objet de la moindre poursuite devant une cour pénale. Le Nuremberg de la Françafrique se fait toujours attendre. Il y a pourtant matière. En attendant ce jour, qui devrait arriver tôt ou tard, une nouvelle génération d’Africain·es semble bien décider à en finir une bonne fois avec le colon historique. Au risque parfois, suivant les gouvernements ou personnes, d’une tolérance malaisante envers l’ennemi de l’ennemi, à savoir d’autres régimes impérialistes comme la Russie ou la Chine. Mais on conviendra que la marge de manœuvre est étroite pour sortir de la nasse.

Au Burkina Faso, le cas de figure est à peu près identique. Une nouvelle génération de militaires semble bien décidée à se dégager de la tutelle de l’État français, qui installa au pouvoir l’assassin de Sankara, Blaise Compaoré, dont la dictature, longue de vingt-sept années, a maintenu le pays dans la misère, sur laquelle prospère aujourd’hui le jihadisme. Difficile de savoir à ce stade où ces nouveaux dirigeants conduisent le pays, et la mesure de leurs possibilités, mais ils bénéficient en tout cas du soutien populaire.

L’édifice de la Françafrique paraît enfin se lézarder. Signe de la panique puérile qui s’est emparée de la classe dirigeante française: Nathalie Yamb vient de recevoir l’interdiction officielle de la part du gouvernement Macron de pénétrer sur le territoire français. Nathalie Yamb a pourtant seulement rappelé des réalités historiques et politiques évidentes. C’en est trop pour Macron et son gouvernement qui, au prétexte de propos «antifrançais», ont réservé ce traitement inédit à une femme dont la seule force de frappe est internet.

Signe des temps, Alpha Blondy, grande star ivoirienne du reggae, pourtant plutôt condescendant à l’époque avec son président Houphouët-Boigny, homme clé du dispositif françafricain, vole au secours de Nathalie Yamb avec des accents à la Malcolm X. Et ressuscite au passage le souvenir du FLN algérien de la guerre d’indépendance dans une diatribe virulente à l’égard de l’État français! Les choses bougent, indéniablement.