Bahman Kalbasi, BBC Persian, 17/9/2025
Traduit
par Tlaxcala
Bahman Kalbasi est le correspondant de la BBC en langue persane aux Nations Unies à New York
Shahid Qureshi travaillait au Bureau des affaires publiques du Département d’État usaméricain et a récemment été licencié. Lors d’une émission spéciale, Qureshi a confié à Bahman Kalbasi : « Les condoléances aux familles des journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne à Gaza et l’opposition des USA au nettoyage ethnique à Gaza étaient des positions que j’avais l’intention d’inclure dans les déclarations du Département d’État, conformément à la procédure habituelle, et c’est pourquoi j’ai été licencié ». Dans sa première interview accordée à un média en persan après son limogeage du Département d’État, Qureshi revient sur les événements et son expérience au sein de différentes administrations usaméricaines.
Bahman Kalbasi: Dans les mois qui ont suivi le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la pression s’est accrue sur un certain nombre d’activistes et d’étudiants opposés à la guerre d’Israël à Gaza ; allant des tentatives de l’administration d’expulser certaines personnes qui n’étaient pas citoyennes américaines au licenciement d’autres personnes de leur emploi. Shahid Qureshi travaillait au service des relations publiques du département d’État américain et a été récemment licencié. Il avait tenté d’inclure, sur la base de la procédure habituelle, des condoléances aux familles de journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne et son opposition au nettoyage ethnique à Gaza dans les déclarations du département d’État. Il affirme que c’est précisément la raison de son licenciement. C’est sa première interview avec un média persanophone depuis son renvoi du département d’État américain, dans laquelle il parle de son expérience au sein des administrations précédente et actuelle, ainsi que des événements. Je suis Bahman Kalbasi, et je m’entretiens avec cet ancien employé du département d’État américain dans un Dialogue Spécial.
Shahid Qureshi, merci pour l’opportunité
que vous offrez à BBC Persian. Avant d’entrer dans le vif du sujet,
pourriez-vous nous parler un peu de vous ? Où êtes-vous né ? Où avez-vous
grandi ?
Shahid Qureshi : Oui, je suis né
à Seattle en 1991. À l’université, j’ai étudié les Relations Internationales à
l’Université de Washington. Mes parents sont de la ville de Saveh en Iran et
sont venus en Amérique autour de la période de la révolution. Après avoir
obtenu ma licence, je suis allé à Washington D.C. pour obtenir mon master dans
la même discipline, les Relations Internationales.
Bahman Kalbasi: Comment avez-vous
atterri au département d’État américain ?
Shahid Qureshi : Dès mon plus
jeune âge, et après l’invasion de l’Irak par les, je suis devenu sensible aux
guerres sans fin dans lesquelles les USA s’étaient engagés. J’avais le
sentiment que l’image de l’Irak formée dans l’opinion publique américaine avant
l’invasion avait contribué à justifier cette opération. Lorsque nous voyagions
en Iran pour rendre visite à la famille et que nous revenions en Amérique, voir
une image négative similaire se former sur l’Iran m’inquiétait sur le fait que
ce qui s’était passé en Irak puisse se répéter pour l’Iran. C’est pourquoi je
me suis beaucoup impliqué dans des organisations de la société civile qui
travaillaient à mettre fin aux guerres en Irak et en Afghanistan et à empêcher
leur répétition en Iran. En même temps, travailler au département d’État m’attirait
en tant que diplomate, à la fois pour comprendre les forces qui mènent un pays
à la guerre et pour aider à trouver des voies diplomatiques pour résoudre les
différends plutôt que par la guerre. Je suis très heureux d’avoir pu y
travailler pendant un moment.
Bahman Kalbasi: Lorsque vous avez
rejoint le département d’État américain, que faisiez-vous exactement dans votre
rôle au sein des relations publiques ? Quelles étaient vos fonctions ?
Shahid Qureshi : En septembre dernier, j’ai rejoint l’équipe des relations publiques du département d’État en tant que chargé de liaison médiatique pour les événements au Liban et en Jordanie. Un chargé de liaison médiatique a deux tâches principales. La première est de tenir continuellement le porte-parole du département d’État informé des derniers développements, des actualités et des questions que les médias pourraient poser avant qu’il ne monte au pupitre pour s’adresser aux journalistes. Pour mon secteur de couverture, la Jordanie et le Liban, il s’agissait de le préparer à expliquer les positions de l’administration dans ses réponses.
La deuxième tâche du chargé de liaison est de répondre aux questions des médias, par exemple sur la position du gouvernement américain concernant un événement au Liban. Après quelques mois à ce poste, des responsables du département d’État ont décidé de me faire confiance pour la tâche plus importante de chargé de liaison médiatique pour les développements en Israël et en Palestine, ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, au milieu de cette guerre, était une responsabilité bien plus lourde. Chaque jour, divers réseaux d’information me demandaient la position ou la réaction des USA concernant un événement de la guerre d’Israël à Gaza.
Mon devoir, dans les administrations Biden et Trump,
était d’écrire ma compréhension de la position du gouvernement américain et,
avant de l’envoyer au journaliste ayant posé la question, de la montrer aux
hauts fonctionnaires du département d’État dans les différents services
concernés. Ils examinaient ce que j’avais écrit ligne par ligne et, s’ils le
jugeaient nécessaire, supprimaient ou ajoutaient un mot ou quelques lignes.
Lorsque le texte final était prêt, je l’envoyais au septième étage du bâtiment
du département d’État, où se trouvent les conseillers principaux et les
adjoints du secrétaire d’État, pour approbation. Ensuite, je le remettais au
journaliste comme position officielle du gouvernement américain ou je le
fournissais au porte-parole avant un point presse pour qu’il le place dans le
dossier classé par pays, afin qu’il soit préparé à répondre si la même question
était soulevée. Lorsque vous lisez dans un article de presse qu’« un
porte-parole du département d’État nous a dit... », cette personne est soit
moi, soit un autre chargé de liaison médiatique. Comme je l’ai dit, il y a un
ou plusieurs chargés de liaison pour chaque région ou continent.
Bahman Kalbasi: Venons-en à la
semaine qui a conduit à votre licenciement. Que s’est-il exactement passé cette
semaine-là, et qu’essayiez-vous d’inclure dans les déclarations du département
d’État ou vos réponses aux journalistes qui a mis en colère les hauts
responsables du département d’État ?