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04/06/2023

ANTONIO MAZZEO
Le marché de l’armement italien est toujours florissant : la holding Leonardo réalise des affaires juteuses avec l’Algérie

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 1/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Alger est l’un des principaux partenaires commerciaux et militaires de la Russie sur le continent africain, mais l’Italie ne cesse de faire des affaires de millions de dollars avec elle. Après les accords stratégiques signés dans le secteur de l’énergie par ENI avec l’entreprise publique SONATRACH, c’est le complexe militaro-industriel qui frappe aux portes du gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire pour développer la production et les commandes dans le secteur de l’industrie de guerre.

 
Le secrétaire de la Défense, Luciano Portolano, et les représentants de Leonardo à Alger

Le 25 mai s’est achevée la visite institutionnelle en Algérie du secrétaire général de la Défense et directeur national de l’armement, le général Luciano Portolano, et d’une délégation de hauts responsables de Leonardo SpA, conduite par Pasquale Di Bartolomeo (directeur commercial du groupe).


Portolano et Benchiba

Dans la capitale maghrébine, la délégation italienne a rencontré le secrétaire du ministère de la Défense, le général de division Mohamed Salah Benbicha. Avant de quitter Alger, le général Portolano et le Dr Di Bartolomeo ont visité le site industriel d’Aïn Arnat, dans la province de Sétif (nord-est de l’Algérie), siège de la coentreprise créée en mars 2019 par Leonardo et EPIC/EDIA (Établissement public de caractère industriel/Établissement de développement des industries aéronautiques), une entreprise publique qui opère dans le domaine industriel militaro-aéronautique.

« Le secrétaire général de la défense et directeur national de l’armement a souligné que, dans ce cas également, la synergie entre le ministère de la défense et l’industrie italienne est un exemple de l’efficacité du système de défense du pays », rapporte l’état-major de la défense. « L’occasion a permis de donner une impulsion supplémentaire afin que toutes les conditions nécessaires pour rendre concrètement opérationnelle la joint-venture industrielle italo-algérienne et passer à la phase industrielle de l’assemblage des hélicoptères soient finalisées ».


L’hélicoptère AW 139

« En particulier, des contingences ont été créées pour accélérer le calendrier de signature des accords auxiliaires et la commande des sept premiers hélicoptères AW139 sur un total de 70 (dont 53 pour le marché algérien) », ajoute la Défense. « L’homologue algérien a confirmé l’avancement des négociations et le fait que le ministère algérien de la Défense lui-même a déjà alloué les ressources financières nécessaires pour garantir la durabilité industrielle dans les années à venir ».

Luciano Portolano a rencontré son homologue algérien, Mohamed Salah Benbicha, à l’occasion du 12ème Comité bilatéral Italie-Algérie, qui s’est tenu à Alger le 2 mars. L’objectif central du sommet était de renforcer le partenariat et les relations bilatérales industrialo-militaires, en commençant bien sûr par la relance de l’accord Leonardo-EPIC/EDIA pour la production d’hélicoptères de guerre, après le “ralentissement” dû à la pandémie de Covid 19.


2016

L’usine d’Aïn Arnat est détenue à 51 % par le ministère algérien de la Défense et à 49 % par la holding italienne. Selon l’accord de 2019, Leonardo assurera l’assemblage, la vente et la prestation de services pour divers modèles d’hélicoptères AgustaWestland, principalement pour les besoins nationaux algériens (avions de transport légers et moyens, évacuation médicale, surveillance et contrôle). Une partie de la production sera destinée à l’exportation vers les marchés d’Afrique et du Moyen-Orient ; la coentreprise fournira également aux clients des services après-vente tels que la réparation et la révision, la formation et le développement de capacités technologiques dans le domaine de la production de matériaux aéronautiques.

Le groupe Leonardo (anciennement Finmeccanica) a obtenu d’autres commandes importantes dans le secteur militaro-sécuritaire en Algérie. En janvier 2008, les filiales SELEX Sistemi Integrati et Elsag Datamat ont signé un contrat d’une valeur de 230 millions d’euros avec la Gendarmerie nationale pour la fourniture d’équipements et de systèmes de surveillance, de contrôle et de sécurité, soutenus par un réseau de communication pour l’intégration de différentes technologies.

Plus précisément, une structure C4I (commandement, contrôle, communication, informatique et renseignement) flexible a été fournie, avec de multiples centres opérationnels régionaux et intermédiaires, des postes de commandement mobiles, ainsi que 250 centres de contrôle locaux à déployer dans toute l’Algérie.

SELEX Sistemi Integrati, en tant que maître d’œuvre, s’est chargée de la logistique, de la formation des techniciens algériens et du service après-vente ; SELEX Communications a fourni le système de communication mobile TETRA, ainsi que les connexions radio HF, satellite et micro-ondes. Elsag Datamat, pour sa part, a fourni les applications logicielles pour l’exploitation des systèmes de surveillance.

Le 15 juillet 2010, lors d’une visite officielle en Algérie du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Franco Frattini, une commande de 30 hélicoptères AgustaWestland d’une valeur de 460 millions a été annoncée pour “renouveler” la flotte des forces armées algériennes.

En fait, selon le site spécialisé sud-africain Defenceweb, entre 2010 et 2016, le groupe italien a fourni aux forces armées, à la police et à la gendarmerie algériennes environ soixante-dix hélicoptères de différents types, pour un montant total de 1,3 milliard de dollars (8 AW101, 24 AW109, 8 AW119 Koala pour la formation des pilotes, 20 AW139 et 10 Super Lynx).

Leonardo a également livré un lot de canons OTO Melara 127/64 LW (Lightweight) pour armer les nouvelles frégates Meko A200 de la marine algérienne, qui seront construites en Allemagne à partir de 2016 par le groupe ThyssenKrupp Marine Systems.

Les frégates Meko A200 sont également équipées de torpilles anti-sous-marines MU90 fabriquées par le groupement européen Eurotorp, détenu à 50 % par WASS - Whitehead Alenia Sistemi Subacquei S.p.A., une société de la holding Leonardo basée à Livourne.

AMEER MAKHOUL
Comment les dirigeants israéliens menacent de faire la guerre à l’Iran pour résoudre la crise interne

Ameer Makhoul (bio) , middleeasteye.net, 31/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La récente “guerre des menaces” a révélé la profondeur de la crise économique et financière d’Israël résultant du coup d’État judiciaire entrepris par le gouvernement actuel

Le chef de l’état-major général de l’armée israélienne, Herzi Halevi, s’exprime lors de la conférence de Herzliya le 23 mai 2023 (Twitter)

La conférence d’Herzliya des 22 et 23 mai, qui s’est tenue à l’université israélienne Reichman, a servi de cadre à l’amplification des menaces militaires contre des cibles régionales, notamment le Liban et l’Iran. Selon le chef d’état-major des forces israéliennes, Herzl “Herzi” Halevi, des attaques "aériennes, maritimes et terrestres" sont envisageables.

 S’exprimant lors de la conférence, Halevi a évoqué la possibilité d’une attaque préventive israélienne : « Des développements négatifs pourraient nécessiter une action contre l’Iran. Le moment d’une attaque [militaire] préventive contre le Hezbollah qui garantirait notre avantage devrait être examiné... [Hassan] Nasrallah ose nous affronter, mais le rétablissement après la guerre serait extrêmement difficile pour le Liban ».

 La conférence a coïncidé avec des visites de bases militaires stratégiques par le Premier ministre
Benjamin Netanyahou et le ministre de la Sécurité Itamar Ben-Gvir, qui se sont récemment fait l’écho de ces sentiments dans leurs déclarations publiques.

 Cette année, la conférence annuelle sur la sécurité avait pour thème “Visions et stratégies à l’ère de l’incertitude”, partant du principe que l’État juif serait au bord d’une guerre régionale désastreuse. Dans ce contexte, les dirigeants militaires et gouvernementaux du pays ont multiplié les menaces explicites à l’encontre de l’Iran, du Hezbollah, de la Syrie et du Liban.

 

"L'Iran est une menace pour la paix"-Sur la hache : "Colonies"
Carlos Latuff

Se préparer à la guerre

Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré lors de la conférence qu’Israël se préparait à ce qu’il a décrit comme une “guerre difficile, complexe et sur plusieurs fronts”. Il a accusé les Gardiens de la révolution iraniens de “transformer des navires commerciaux civils en bases militaires, en transporteurs de drones et en bases terroristes maritimes au Moyen-Orient”.

Il est intéressant de noter que ces menaces semblent avoir suscité plus d’intérêt de la part des médias étrangers que de la part des médias israéliens.

Gallant a ajouté : « Ces plates-formes terroristes maritimes représentent une extension du terrorisme maritime de l’Iran dans le golfe Persique et la mer d’Arabie, avec l’ambition d’étendre sa portée à l’océan Indien, à la mer Rouge et peut-être même à la mer Méditerranée ».

 Gallant propose une “solution” : « Seules la coopération internationale et la mise en place d’une coalition contre le terrorisme iranien dans le Golfe, ainsi qu’une menace militaire réelle contre chaque front, permettront d’affronter le plus efficacement possible le terrorisme iranien, que ce soit dans les airs, en mer ou sur terre ».

 Par ailleurs, le chef de la direction du renseignement militaire, le général Aharon Haliva, a lancé un avertissement : « Nasrallah est sur le point de commettre un faux pas qui pourrait plonger la région dans une guerre importante ». Il a évoqué un
incident récent impliquant un combattant du Hezbollah qui a franchi la frontière israélienne et posé un engin explosif près du carrefour de Megiddo, à l’intérieur du pays, disant qu’il n’était ni accessoire ni unique.

Haliva a souligné que l’Iran continuait d'avancer dans ses ambitions nucléaires, en progressant dans l’enrichissement de l'uranium. Il a déclaré : « Nos évaluations indiquent que l’Iran n’a pas encore pris la décision définitive d’obtenir des armes nucléaires. Israël reste vigilant et suit de près tous ces changements ».

Haliva a ajouté que
le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, ainsi que le réchauffement des relations et la visite du président Bachar Al Assad en Arabie saoudite, laissent présager une remontée du moral et de l’assurance des Syriens, ce qui pourrait renforcer le défi que représente la Syrie pour Israël.

Dans une contradiction apparente, la rhétorique exacerbée menaçant d’une guerre préemptive imminente contraste fortement avec la nature même de la guerre préemptive, qui repose traditionnellement sur des éléments de tromperie et de surprise.

La perception unilatérale selon laquelle le Hezbollah a été dissuadé depuis 2006, associée aux affirmations de la conférence d’Herzliya selon lesquelles il est désormais plus audacieux dans sa confrontation avec Israël, néglige un point essentiel, à savoir qu’Israël lui-même aurait pu être dissuadé. La dissuasion est en effet une voie à double sens. Cette notion a d’ailleurs été illustrée par la récente résolution de la crise du gaz en Méditerranée orientale, ainsi que par le barrage de missiles qu’Israël a essuyé depuis le Sud-Liban il y a quelques semaines.

Plusieurs analystes militaires soutiennent que le mandat de Netanyahou en tant que premier ministre pendant la majeure partie de la dernière décennie, en particulier ses efforts pour saper l’accord sur le nucléaire iranien jusqu’à son abandon par l’administration Trump, a peut-être posé par inadvertance un risque stratégique pour Israël.

 Cette affirmation découle de l’observation que le rythme de l’enrichissement de l’uranium et le développement de missiles à longue portée en Iran se sont tous deux accélérés, à la suite du retrait des USA
de l’accord. Ils ajoutent que tout acte d’agression contre l’Iran pourrait inciter ses dirigeants à accélérer l’achèvement de son projet nucléaire militaire, ce qui est tout à fait contraire aux intérêts stratégiques d’Israël.



Emad Hajjaj

 Motivations politiques

L’analyste politique israélien Ronel Alfer et l’analyste militaire Amir Oren affirment dans Haaretz que la position adoptée par les dirigeants militaires, les institutions de sécurité et le gouvernement actuel est principalement destinée à l’opinion publique israélienne. Selon les analystes, la menace de guerre est devenue un cliché, bien qu’elle prévienne efficacement l’insubordination militaire potentielle parmi les pilotes.

Ils estiment en outre que ce climat d’alerte accrue aide Netanyahou à atteindre son objectif, qui est d’écarter ses rivaux politiques, tels que Ben-Gvir et le parti Otzma Yehudit (Pouvoir juif), et d’intégrer le chef de l’opposition, Benny Gantz, dans un gouvernement de coalition d’urgence. Ils estiment en outre que l’intégration de Gantz dans le gouvernement pourrait obtenir l’approbation de l’administration Biden.

Alfer évoque en outre la possibilité qu’Israël mette en péril sa propre sécurité pour tenter de faire dérailler les efforts de “réforme judiciaire” et de surmonter la crise interne en cours. Selon lui, cela pourrait déboucher sur un conflit motivé par des objectifs politiques internes.

 À la suite de ses attaques contre Gaza, Netanyahou a réussi à regagner une partie de sa
popularité et de sa stature perdues, mais ce rebond est notablement limité et n’a pas modifié l’orientation dominante de la politique intérieure israélienne.

La population israélienne est actuellement plus préoccupée par l’état de l’économie, l’escalade des prix et l’appréhension d’un effondrement économique que par les questions relatives à l’Iran. La pression économique a été encore exacerbée par le spectre de la guerre, qui a entraîné une dépréciation marquée du shekel israélien par rapport aux devises étrangères, ce qui laisse présager de nouvelles hausses de prix et une inflation financière.

En outre, les événements en cours coïncident avec la ratification d’un budget d’État de deux ans pour lequel Netanyahou s’est manifestement plié aux exigences de ses partenaires de coalition, à savoir les sionistes religieux et les Haredim.

Manque de capacité

Bien qu’elle reste entourée d’incertitude et de scepticisme, une autre question clé est de savoir si Israël est préparé à une guerre bien calculée contre le Hezbollah et l’Iran. Plusieurs analystes ont conclu qu’Israël, malgré ses formidables capacités militaires et ses prouesses dans l’utilisation de l’intelligence artificielle à des fins militaires, pourrait ne pas être en mesure de dicter pleinement l’issue, la trajectoire et l’ampleur d’une telle guerre.

La capacité du front intérieur israélien à supporter une guerre d’une ampleur presque totale est tout aussi obscure.

Selon les déclarations du chef d’état-major israélien, la menace du Hezbollah a été gérée efficacement depuis 2006. Toutefois, cette même période illustre également la position similaire d’Israël en matière de dissuasion. Pendant toutes ces années, la frontière nord est restée l’une des lignes de confrontation les plus pacifiques.

En outre, l’accord définissant la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, en particulier en ce qui concerne l’exploration gazière, témoigne de cette double dissuasion politique et militaire. Les récentes déclarations de l’état-major israélien viennent compléter ce tableau complexe. À la suite de la dernière agression contre Gaza, les autorités israéliennes ont précisé que les évaluations appropriées pour évaluer les attaques contre le Jihad islamique ne s’appliquaient pas au front nord, où opère le Hezbollah.

 Cette déclaration fait suite aux travaux de la conférence d’Herzliya, où, selon les évaluations israéliennes, le Hezbollah a été qualifié de front le plus redoutable de l’Iran.

 Si l’objectif de ces menaces est de rajeunir la capacité de dissuasion d’Israël, cela correspondrait à l’affirmation de Netanyahou sur la supériorité d’Israël dans le domaine de “l’intelligence humaine et artificielle”. Cette dernière partie concerne les opérations militaires, les cybercapacités et “l’influence sur l’opinion publique et le moral de l’adversaire”.

 Toutefois, l’Iran et le Hezbollah considèrent le gouvernement de. Netanyahou comme un facteur qui a affaibli Israël sur le plan stratégique, ce qui se reflète dans la diminution de son influence régionale. Pour eux, le leadership actuel offre plus d’opportunités que de risques. Revenant apparemment sur ses menaces, un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré aux médias étrangers le 24 mai que les avertissements émis par les dirigeants politiques et militaires du pays « ne signifient pas qu’une guerre se profile à l’horizon, ni qu’Israël va frapper l’Iran de manière imminente ».



La Chine parraine l'accord entre l'Iran et l'Arabie saoudite
Emad Hajjaj

Changement d’alliances

Dans un paysage régional en mutation, des signes naissants de réconciliation interarabe et arabo-iranienne apparaissent. Dans le même temps, Israël et les USA affirment que l’Iran aide la Russie en lui fournissant des drones et des missiles dans le cadre du conflit russo-ukrainien.

En fin de compte, il est peu probable que l’escalade des menaces des dirigeants israéliens précipite une guerre à grande échelle

Cet alignement de l’Iran sur la Russie et la Chine, tel qu’il est perçu par Netanyahou, pourrait susciter l’intérêt des USA pour une éventuelle attaque contre l’Iran, mettre un terme à la détente entre l’Arabie saoudite et l’Iran et entre les pétromonarchies du Golfe et la Syrie, et limiter les efforts arabes visant à instaurer un nouvel ordre mondial fondé sur la multipolarité plutôt que sur une configuration unipolaire.

Les analyses israéliennes suggèrent qu’en menaçant d’une guerre régionale, Netanyahou pourrait accélérer les pressions usaméricaines sur l’Arabie saoudite pour qu’elle normalise ses relations diplomatiques avec Israël. Cet effort comprend actuellement des mesures limitées à court terme telles que la facilitation des vols directs entre Israël et l’Arabie Saoudite pour transporter les pèlerins du Hadj parmi les Palestiniens de 1948.

Il est de plus en plus douteux que la guerre de menaces orchestrée par Israël se transforme en une véritable guerre, une entreprise qui présente des risques dépassant de loin toute capacité à en prédire les conséquences - potentiellement dévastatrices non seulement pour le Liban, mais aussi pour Israël lui-même.

Le récent assaut israélien sur Gaza, qui visait spécifiquement le mouvement du Jihad islamique, relativement petit et de capacité limitée, a mis en évidence l’incapacité d’Israël à contrôler efficacement la progression de l’offensive ou à dicter sa conclusion. Comme l’a déclaré Halevi, la situation sur le front nord est totalement différente de celle de Gaza, et les mêmes stratégies ne peuvent être employées.

Dans ces conditions, il semble que l’influence régionale d’Israël ait diminué de manière significative et palpable. Il est également très peu probable que les dirigeants israéliens parviennent à remodeler les priorités mondiales des USA au profit de leur propre agenda politique. Par ailleurs, la “guerre des menaces”, répétée depuis 2004 et en particulier en 2013 et 2014 avant la conclusion de l’accord international sur le programme nucléaire iranien, est devenue inefficace.

Les objectifs de cette rhétorique sont axés sur des gains à court terme plutôt que sur une stratégie à long terme. La “guerre des menaces” actuelle a révélé la profondeur de la crise économique et financière d’Israël résultant du coup d’État judiciaire entrepris par le gouvernement actuel.

Alors que certaines guerres ont pu soutenir l’économie israélienne dans le passé, elles sont devenues désastreuses pour l’économie, qui retient actuellement l’attention de la société israélienne plus que toute autre question. Cela indique que la crise politique interne israélienne, le coup d’État judiciaire et ses résultats sont à l’origine de l’érosion de la dissuasion israélienne, parallèlement aux transformations régionales et mondiales mentionnées précédemment.

 En fin de compte, il est peu probable que l’escalade des menaces des dirigeants israéliens précipite une guerre à grande échelle. Et bien que les manœuvres diplomatiques usaméricaines puissent favoriser une certaine détente entre Israël et l’Arabie saoudite, la perspective de relations diplomatiques formelles reste incertaine.

 

 

GIDEON LEVY
Peu de gens ont entendu parler du bébé Mohammed. Ceux qui entendront parler de ses assassins seront encore moins nombreux

ACTUALISATION

Le petit Mohammed Tamimi est mort ce lundi 5 juin 2023

 Gideon Levy, Haaretz, 4/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À l’âge de deux ans et demi, les enfants peuvent déjà parler un peu. Ils ne sont pas encore sevrés. À deux ans et demi, ils ont encore besoin d’un coup de main pour monter les escaliers. À deux ans et demi, ils n’ont pas encore peur, c’est pourquoi vous ne pouvez pas les quitter des yeux une minute. À deux ans et demi, ils commencent à se souvenir. À deux ans et demi, ils ne peuvent pas encore utiliser de siège d’appoint. La loi stipule qu’ils doivent utiliser un siège auto pour bébé jusqu’à l’âge de trois ans.

Mohammed Tamimi n’a que deux ans et demi, et il se peut qu’il n’atteigne jamais l’âge de trois ans. Vendredi après-midi, il était allongé dans un état critique à l’unité de soins intensifs de l’hôpital pour enfants Safra du centre médical de Sheba, ses médecins attendant que son état s’améliore pour pouvoir l’opérer. Les soldats israéliens lui avaient tiré une balle dans la tête, blessant également son père.

Les deux ont quitté leur maison dans le village de Nabi Saleh jeudi soir, alors qu’ils se rendaient à une visite familiale. Ils sont montés dans leur voiture, Bilal le père a allumé les phares et les soldats ont immédiatement tiré quatre ou cinq balles dans leur direction.

L’armée a confirmé que les soldats avaient tiré sur le bébé, et elle n’en a pas honte. Le porte-parole militaire s’est contenté de dire qu’il “regrettait” l’incident - ce mot retenu, avare, à glacer le sang, forcé, gardé précisément pour de telles occasions. L’armée “regrette” toujours que des personnes “non impliquées” soient blessées. L’enfant Mohammed n’était pas impliqué. L’affaire fera l’objet d’une “enquête”.

Les photos du militant contre la réforme judiciaire Moshe Redman, légèrement blessé lors d’une manifestation à Césarée, à l’hôpital, ont davantage choqué en Israël au cours du week-end que celles du bébé Mohammed, les yeux couverts, la tête bandée, des tubes enfoncés dans la bouche et dans le corps.

Sur une autre photo, prise quelques minutes après qu’il avait été touché, on voit un nourrisson aux cheveux clairs et bouclés, avec un visage de bébé et une profonde blessure par balle à la tempe droite, le sang coulant sur le trottoir. Son père se trouvait toujours à l’hôpital al-Istishari de Ramallah vendredi, avec une blessure par balle à la poitrine et des éclats de projectile dans le cou. Sa mère et son oncle étaient à côté du bébé. L’armée a exprimé ses “regrets”.

Juste après que le bébé et son père ont été abattus, le village de Nabi Saleh, vétéran de la protestation, était naturellement en ébullition. Et qu’a fait l’armée ? Elle a décidé que la seule chose logique à faire était de prendre le village par la force pour lui donner une leçon, blesser d’autres villageois et peut-être en tuer quelques-uns. Deux villageois ont été blessés sur le toit de leur maison.


Mohammed et son père Bilal

La dernière fois que j’ai visité Nabi Saleh, c’était juste après l’assassinat de Qusay Tamimi, 19 ans. Dans la maison d’un autre Mohammed portant le même nom que l’enfant blessé, un apiculteur de 83 ans, j’ai appris que les soldats avaient tué Qusay parce qu’il avait mis le feu à un pneu.

Le vieux Mohammed Tamimi et le nourrisson éponyme vivent dans des maisons proches de la tour de guet. Nabi Saleh est un village emprisonné, dont l’entrée est gardée par une tour fortifiée. De temps en temps, des jeunes se rebellent et lancent des pierres ou tirent sur la tour humiliante et exaspérante qui assiège leur village depuis 15 ans. Les soldats de la tour ouvrent alors le feu, blessant et tuant des gens. C’est la routine sous l’occupation, qui fêtera son 56e  anniversaire mardi.

Il est peu probable que Mohammed soit la dernière victime d’ici là. De longues heures nous attendent, et il n’y a que peu de jours sans victimes sous cette occupation. Il est peu probable qu’il se remette de sa grave blessure : les balles des soldats ont atteint sa petite tête.

Mohammed n’est pas Shalhevet Pass, le bébé tué par balle à Hébron en 2001, et peu de gens ont entendu parler de lui. Et encore moins de gens entendront parler de ses assassins. Les Palestiniens qui ont tué Pass ont été décrits comme des terroristes cruels, assoiffés de sang, des animaux humains, des tueurs de bébés. Le soldat qui a tiré une balle dans la tête du petit Mohammed est un soldat d’une armée morale, la plus morale du monde, une armée dont le seul but est de défendre son faible pays qui est attaqué.

Le soldat n’avait pas l’intention de tuer le nourrisson, mais seulement de tirer à l’aveuglette sur la voiture de son père qui était garée devant leur maison. Après ça, que serà serà. L’IDF a exprimé ses “regrets” comme aucune autre armée ne le fait. Salut au soldat qui a tiré une balle dans la tête de Mohammed Tamimi. C’est un héros israélien.

 

ADI COHEN
Bye bye Israël, olá Portugal ! Des dizaines de milliers d'Israéliens ont élu domicile dans ce pays

Adi Cohen, Haaretz, 24/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Nous aimons vraiment Israël, mais trop c'est trop » : 56 000 Israéliens ont reçu la nationalité portugaise ces dernières années, et 15 000 vivent déjà dans ce pays européen, dans l'espoir d'y trouver une vie meilleure.

La Praça do Comércio de Lisbonne. Photo : Bengt Nyman

Au milieu des paysages verdoyants d'une petite ville endormie, à huit kilomètres de Porto, au Portugal, un nouveau cimetière juif a été inauguré au début du mois, plus de 500 ans après sa destruction par l'Inquisition. L'événement s'est déroulé le jour même où Israël commémorait ses soldats tombés au combat ; des dizaines de membres de la communauté juive de Porto ont assisté à la cérémonie, ainsi que des rabbins venus de tout le pays baigné de soleil.

Ils étaient tous là pour marquer la renaissance d'une communauté qui avait été expulsée du Portugal et qui se développe et prospère aujourd'hui, en grande partie grâce aux 150 000 Israéliens qui ont demandé la nationalité portugaise au cours des dernières années. Au moins 56 000 de ces demandes ont déjà été approuvées, et des dizaines de milliers de demandes supplémentaires attendent encore l'approbation des fonctionnaires du ministère portugais de la Justice.

Certains des participants à cet événement symbolique, de manière surprenante ou non, étaient destinés à se retrouver quelques heures plus tard lors de l'une des diverses célébrations de la Journée de l'indépendance israélienne organisées ce soir-là, que ce soit à Porto, à Coimbra ou lors de l'événement principal à Lisbonne, où ils ont dansé sur la musique de la chanteuse israélienne Einat Sarouf.


Des Israéliens célèbrent le “Jour de l'Indépendance” d'Israël à l'ambassade d'Israël à Lisbonne, en 2023. Photo / ambassade d'Israël au Portugal


Des milliers de jeunes Israéliens, célibataires, couples et familles, qui se sont installés au Portugal ces dernières années, ont également été invités à ces événements. Cela reflète une tendance qui s'est accélérée au cours des derniers mois, en particulier à la lumière des bouleversements politiques en Israël, qui ne semblent pas près de s'atténuer.

« Lorsque je suis arrivé ici en 2007, j'étais comme un pionnier, l'un des premiers Israéliens à Porto. Je tournais la tête si j'entendais de l'hébreu dans la rue », raconte Eliran Graedge, agent immobilier et propriétaire d'un restaurant rapide méditerranéen de poisson, qu'il a ouvert près du quartier historique de Porto le même week-end de la fête de l'indépendance. « Aujourd'hui, c'est un monde complètement différent ».

Ces dernières années, le Portugal est devenu un pôle d'attraction pour les Israéliens. Au début, c'était parce qu'il était facile d'en obtenir la citoyenneté : En 2015, le Portugal a déclaré que tous les descendants des Juifs portugais qui ont été expulsés du pays il y a plusieurs siècles étaient éligibles. Ensuite, ou même en parallèle, l'intérêt croissant des investisseurs israéliens pour le marché immobilier portugais. Plus récemment, le nombre croissant d'Israéliens à la recherche d'une alternative aux troubles politiques locaux et au coût élevé de la vie les a également attirés dans le pays.


La Praça Luis de Camoes à Lisbonne.
Photo : Maria Eklind

Un marché en hausse

« Nous aimons beaucoup Israël, mais la situation nous a amenés à dire “trop c'est trop” », dit Johnny Oscar, qui s'est installé au Portugal avec sa femme et l'une de leurs deux filles adultes il y a environ cinq mois. Il y a environ trois ans, le couple a créé une entreprise pour aider les familles qui s'installaient au Portugal - une étape qu'ils ont finalement décidé de franchir eux-mêmes. « Depuis quelques mois, nous recevons 30 à 40 appels par jour de personnes intéressées par un déménagement. La majorité d'entre elles sont des familles qui souhaitent déménager en raison du coût élevé de la vie en Israël et de la situation politique et sécuritaire, et certaines sont des retraités dont la pension n'est pas suffisante pour vivre dignement en Israël. Il s'agit presque toujours d'un acte de désespoir, et c'est triste à voir », déclare-t-il.

Oscar et sa femme ont acheté un petit appartement en cours de construction pour investir dans le quartier recherché de Vila Nova de Gaia, ou plus simplement Gaia, une banlieue de Porto située près de la mer. Ils ont payé environ 170 000 euros pour ce futur appartement d'une chambre. En attendant, ils vivent dans un duplex de 135 mètres carrés à Gaia et paient un loyer mensuel de 1 700 euros.

Si la migration israélienne au Portugal est notable, elle n'est qu'une goutte d'eau par rapport à la population du pays, qui compte environ 10,1 millions d'habitants. « Pendant des années, jusqu'en 2015, la communauté juive du Portugal comptait environ 1 000 personnes.

Aujourd'hui, bien qu'il n'y ait pas de chiffre précis, on estime qu'il y a plus de 15 000 Juifs, principalement des Israéliens, dans le pays", explique l'avocat Itay Mor, promoteur immobilier et consultant israélien basé au Portugal, et président de la section locale du mouvement sioniste Over the Rainbow. « Le nombre n'est peut-être pas élevé, mais la communauté croît de façon exponentielle ».

M. Mor établit un lien entre la croissance de la communauté et le nombre croissant d'entreprises et d'initiatives israéliennes qui s'ouvrent au Portugal, notamment des maisons Chabad, des troupes de scouts et des cadres éducatifs alternatifs. Toutefois, par rapport au nombre total d'investisseurs étrangers au Portugal, les Israéliens sont considérés comme du menu fretin.

Selon un rapport de la société immobilière mondiale JLL, la part des investisseurs étrangers dans les transactions immobilières au Portugal s'élève à environ 11 %, les investisseurs français, brésiliens et britanniques étant les plus grands acteurs. Depuis le Brexit, de nombreux investisseurs britanniques en sont venus à considérer le Portugal comme une porte dérobée vers l'Union européenne. Les années précédentes, les acteurs dominants de ce marché étaient les USAméricains, qui représentaient près d'un quart des transactions immobilières dans le pays.

C'est dans le domaine de l'immobilier que l'on peut vraiment voir les signes de l'exode croissant des Israéliens vers le Portugal. « C'est un phénomène dont on ne parle pas. Les gens l'appellent un filet de sécurité, une alternative, une option pour leurs enfants. Il y a toutes sortes de noms. Mais les gens veulent avoir un loeu de repli », explique Asaf Eyzenkot, propriétaire et cofondateur de Burtucala, une société de conseil en matière d'acquisition immobilière au Portugal.

Amir Talmi, PDG de Youropa Real Estate. Photo Mor Nachum

« Il y a un an, j'aurais dit que 97 % des transactions immobilières israéliennes au Portugal étaient réalisées à des fins d'investissement. Mais la situation a récemment changé », ajoute Amir Talmi, PDG de Youropa Real Estate. « Les investisseurs effectuent toujours la plupart des achats, mais les exigences sont différentes. Il s'agit d'investissements avec une option d'utilisation personnelle à l'avenir, ou d'achats en vue d'un déménagement.

Cela se reflète également dans la taille des biens immobiliers recherchés. Dans le passé, la plupart des achats concernaient des studios relativement petits, mais aujourd'hui, la majorité des appartements achetés par les Israéliens au Portugal sont des appartements de 2 à 3 pièces ». M. Talmi indique que la demande a été forte ces derniers mois, « contrairement au ralentissement du marché immobilier israélien au cours de la même période ». Talmi ajoute qu'il y a eu une augmentation de 50 à 60 % des transactions conclues.

Les investissements israéliens dans l'immobilier au Portugal ont commencé à augmenter vers 2016-2017, principalement dans la région de Lisbonne. Les Israéliens ont été attirés par les prix relativement abordables de l'immobilier et par l'espoir que l'économie locale - qui commençait tout juste à se remettre de la crise économique qui a suivi la crise financière de 2008 - se renforcerait. Les conditions de financement étaient également favorables et permettaient de verser des acomptes peu élevés. Toutefois, ces conditions n'ont pas duré plus de deux ou trois ans ; très rapidement, la capitale portugaise est devenue trop chère et pas assez attrayante pour les acheteurs israéliens.

« Un appartement de deux chambres à coucher à Lisbonne coûte actuellement entre 300 000 et 320 000 euros, et avec une chambre supplémentaire, il peut atteindre 400 000 euros », explique M. Eyzenkot. Le rendement annuel est également considéré comme relativement faible pour ce type de biens - environ 4 à 5 % pour les locations à long terme, un chiffre fortement influencé par la hausse des taux d'intérêt au Portugal, qui s'élèvent actuellement à 4,5 %. « Cela signifie que dans le centre de Lisbonne, les rendements sont aujourd'hui de 1 %, voire négatifs. Pour les personnes qui achètent à Lisbonne et qui financent leur achat par l'intermédiaire des banques, et qui souhaitent obtenir des rendements continus sur la propriété plutôt qu'une simple appréciation de la valeur, l'investissement à Lisbonne n'est pas rentable », dit-il.

Néanmoins, selon les professionnels du secteur, Lisbonne et ses environs attirent toujours une part importante des transactions israéliennes par rapport au reste du pays. Cependant, les acheteurs sont principalement ceux qui disposent de fonds propres importants et qui rêvent d'une plus-value, ou les familles qui cherchent à s'installer dans la région. Ces dernières achètent principalement des propriétés dans les petites villes proches de Lisbonne, la municipalité voisine de Cascais étant la plus populaire. Les agents immobiliers décrivent ces villes comme l'équivalent portugais de Herzliya Pituah, Ra'anana et Ramat Hasharon.

Ce qui se passe à Lisbonne n'est que le reflet de la tendance générale à l'augmentation des prix sur le marché immobilier portugais ces dernières années. « Le Portugal souffre d'une grave pénurie de logements et c'est actuellement l'un des rares pays européens où les prix de l'immobilier ne diminuent pas », explique M. Mor. « L'écart entre l'offre et la demande est énorme, en particulier pour les logements modernes, et la demande ne cesse de croître. Outre les immigrants qui viennent ici pour profiter du style de vie portugais et des prix abordables, il y a aussi le pouvoir d'achat local ».

Une tendance persistante

La popularité internationale du Portugal n'est pas le fruit du hasard. Le gouvernement portugais a rendu le pays attractif grâce à une série de mesures prises à partir du milieu des années 2010 pour relancer l'économie. Ces mesures allaient d'investissements importants dans les infrastructures et le développement de l'industrie du tourisme, qui constitue l'épine dorsale de l'économie du pays, à une réglementation permettant à presque tous les professionnels d'obtenir un visa de résidence, et même à de généreux avantages fiscaux pour les immigrants sur les revenus gagnés en dehors du Portugal. Le pays offre également des avantages aux nomades numériques, ainsi que le programme temporaire Golden Visa, qui accorde la résidence portugaise en échange d'un investissement immobilier de plus de 500 000 euros dans le pays.

Après l'énorme succès de ces mesures, qui ont également entraîné une hausse des prix dans le pays, le gouvernement portugais a annoncé en février qu'il mettait fin au programme des visas dorés et qu'il réduisait les licences de location à court terme. De nombreux Israéliens qui ont acheté des propriétés au Portugal au cours des dernières années dépendent des revenus de la location à court terme.

Mais les investisseurs israéliens ne sont pas inquiets. Ils fondent leurs espoirs sur la migration positive vers le pays, son statut de destination touristique parmi les plus populaires d'Europe et une économie en croissance qui n'a pas encore maximisé tout son potentiel. Cependant, la demande suit les tendances et évolue constamment. Actuellement, les investisseurs israéliens se concentrent sur la périphérie de Lisbonne et de Porto. Les sites privilégiés sont Almada, de l'autre côté du fleuve, la municipalité de Setúbal, située à une demi-heure au sud de Lisbonne, ainsi que Matosinhos et Gaia, près de Porto.

« Nous avons deux projets pour les investisseurs dans la région de Porto », explique M. Talmi. « Nous y avons vendu des appartements sur papier [avant leur construction] à la mi-2020 pour environ 150 000 euros par appartement. Les acheteurs n'ont dû investir que 50 000 à 55 000 euros de leur propre capital. Après avoir pris possession des appartements en 2022, beaucoup les ont vendus pour environ 210 000 euros. Cela correspond à l'évolution du marché durant cette période, avec une augmentation significative de la valeur des biens. Il s'agit d'une tendance qui se poursuit ».

Selon M. Talmi, l'achat de logements sur papier au Portugal présente un avantage supplémentaire pour les investisseurs, à savoir qu'ils ne sont pas indexés, comme c'est le cas en Israël et dans de nombreux autres pays : « Cela signifie que dès le départ, vous connaissez le prix final de l'appartement et qu'avec des fonds propres relativement minimes, vous pouvez réaliser des augmentations de valeur très importantes ».

Eyzenkot, quant à lui, affirme qu'étant donné l'effet des récents changements réglementaires sur le marché, les opportunités pour les investisseurs ne résident pas nécessairement dans la construction neuve. « Il est clair que le gouvernement accorde actuellement beaucoup plus d'importance aux bâtiments qui ne sont pas utilisés et à leur remise sur le marché - environ 19 % des bâtiments existants au Portugal sont inoccupés. Comme le coût de conservation de ces bâtiments est très faible, une culture de l'entretien des propriétés vacantes s'est développée. C'est précisément là que se trouvent de nombreuses opportunités - planifier et effectuer des rénovations de ces propriétés, qui sont généralement considérées comme moins chères, et les mettre sur le marché. »

Entre le Sinaï et Sintra

Ceux qui cherchent un endroit où vivre, plutôt que d'être guidés par les rendements et l'appréciation de l'immobilier, élargissent considérablement leur champ d'action. Outre Lisbonne et Porto et leurs environs, ils envisagent des régions plus centrales, telles que Coimbra et Setúbal, ainsi que le sud du pays, notamment l'Alentejo et l'Algarve.

« Les personnes qui se rendent dans ces endroits cherchent à réduire leur coût de la vie ou à changer de mode de vie », explique Asaf Zaid de Mondego Capital Partners, une société d'investissement, de développement et de conseil dans le domaine de l'immobilier. « Nous voyons également un certain nombre de familles dans ces endroits, mais il s'agit généralement de familles qui cherchent quelque chose de différent de celles qui viennent à Cascais ». 

Oren Sarig, 34 ans, et sa compagne Tal, 32 ans, ont récemment emménagé dans leur nouvelle demeure dans la ville de Palmela.

À côté de ceux qui rêvent de réaliser une opération immobilière ou d'acheter un pied-à-terre dans la grande ville, il y a un nombre important d'Israéliens pour qui le Portugal représente l'opportunité d'un mode de vie différent qu'ils ne pourraient pas s'offrir en Israël. « Mon rêve a toujours été de vivre dans la nature, près des animaux, dans une grande maison, à un saut de puce de la grande ville.

Ici, j'ai réalisé que je pouvais réaliser ce rêve et acheter un manoir qui coûte beaucoup moins cher qu'un vieil appartement à Rishon Letzion, où j'ai grandi », explique Oren Sarig, 34 ans, qui a récemment emménagé avec sa compagne Tal, 32 ans, dans leur nouvelle demeure de la ville de Palmela, adjacente à la région de Setúbal et située à 20 ou 30 minutes de route de Lisbonne.

Ils ont réalisé leur rêve en achetant une propriété de deux acres avec une piscine et un bâtiment rustique préservé, divisé en quatre unités. Ils vivent dans l'une d'elles et louent les autres à d'autres Israéliens.

« L'objectif était d'établir une petite communauté, de créer le sentiment d'appartenance qui nous manquait et d'être unis », explique M. Sarig. Le couple a payé moins de 2 millions de shekels (500 000 €) pour ce rêve, avec des fonds propres d'environ 300 000 shekels (75 000 €).

« La plupart des gens qui s'installent ici sont des personnes dont la vie ou l'emploi est centré sur Lisbonne, mais qui recherchent le calme », explique M. Sarig. « Il y a beaucoup d'endroits ici qui ne sont pas encore devenus chers - des zones étonnantes avec beaucoup de verdure, pas de circulation, des plages à proximité, un parc national. Et tout cela à quelques encablures de la ville. Petit à petit, de plus en plus d'Israéliens arrivent ici aussi, et il y a déjà un groupe Facebook assez actif ».

Un flux accru vers les villages

Oren Sarig est actif sur le marché immobilier portugais et accompagne actuellement des acheteurs israéliens dans le pays. Tal gère à distance une start-up spécialisée dans les données. Ce modèle, dans lequel au moins une personne du couple dépend d'un revenu provenant de l'extérieur du Portugal, semble prévaloir parmi les Israéliens locaux. 

Moshe Fraiberg, 47 ans, propriétaire de l'auberge Ponte Secret Garden à Santa Ovaia, dans les bois à l'extérieur de Coimbra. Photo Moshe Fraiberg

« Beaucoup de ceux qui viennent ici essaient de garder leur emploi à distance. Le salaire au Portugal est généralement de 700 à 1 000 euros. Pour ceux qui viennent d'Israël avec un bon salaire, cela peut représenter cinq ou six mois de vie au Portugal» explique Moshe Fraiberg, 47 ans, propriétaire de l'auberge Ponte Secret Garden à Santa Ovaia, dans les bois à l'extérieur de Coimbra.

M. Fraiberg attribue cette situation principalement à la vie dans les régions rurales du Portugal plutôt qu'à Porto ou à Lisbonne. Le coût de la vie est peut-être moins élevé qu'en Israël, mais la réalité nous rattrape. « La plupart des personnes qui viennent s'installer ici préfèrent une maison privée pour avoir un peu d'espace et d'intimité. Ils peuvent trouver une telle maison avec piscine, même pour un million de shekels [250 000 €]», explique-t-il. Il cite en exemple le district de Coimbra, qui est devenu populaire auprès des Israéliens.

M. Fraiberg s'est installé au Portugal avec son épouse il y a environ un an et demi, après y avoir exercé pendant des années des activités commerciales, notamment dans le domaine de l'immobilier. « Le COVID a changé mes priorités. L'idée de jongler sans cesse entre la maison, le travail et un prêt hypothécaire est devenue obsolète pour moi », déclare-t-il.

Les dernières années qu'il a passées en Israël ont suscité des sentiments complexes, en particulier lorsqu'il résidait à Ashkelon. « La situation économique et politique en Israël pèse lourdement sur l'âme et le bonheur général, ce qui a grandement influencé ma décision de déménager », explique-t-il. 

Depuis sa création, le gîte de Fraiberg est devenu un point central pour la communauté israélienne, servant de plaque tournante pour les familles qui s'installent ou envisagent de s'installer dans le pays. Elles y reçoivent l'aide et les conseils de professionnels, notamment d'avocats et de comptables. 


 Le gîte accueille fréquemment des familles pour le shabbat et les repas de fête. Un jardin d'enfants anglophone, récemment créé par des parents israéliens dans les bois voisins, a encore renforcé son attrait.

« Au cours de l'année écoulée, près de 50 familles israéliennes ont fait le déplacement et se sont installées à moins d'une demi-heure de route », explique M. Fraiberg. « C'est vraiment remarquable. La majorité de ces familles ont des enfants en âge d'aller à l'école primaire, et nous voyons chaque semaine de nouvelles familles s'ajouter à la liste ».

« Les familles qui s'installent ici ont d'autres désirs et d'autres besoins que les investisseurs. Cela se traduit par une augmentation des flux vers les villages et, lentement, par la création d'infrastructures communautaires », explique Doron Moshe, 52 ans. Ce professionnel de la haute technologie, qui vit actuellement entre Israël et le Portugal avec sa compagne, envisage de s'installer dans ce pays.

« Il est vrai que le pays n'est pas très progressiste dans de nombreux domaines, comme la médecine, par exemple, mais il jouit d'une grande liberté, ce qui plaît aux Israéliens. Le pays offre un vaste espace pour la créativité et l'innovation, à des prix qui les rendent réalisables ».

Dans les régions du centre et du sud du Portugal, ainsi que dans les étendues de nature vierge qui les séparent, les Israéliens ont également rejoint la tendance croissante à se mettre à l’agriculture dans le pays. 


Zohar Yanko, doctorante en études culturelles à l'université catholique de Lisbonne. Photo : Alfredo Brant

« Après les crises économiques qu'a connues le Portugal, de nombreuses régions du pays ont été presque entièrement abandonnées par leurs habitants, qui ont déménagé dans les villes à la recherche de meilleures opportunités », explique Zohar Yanko, doctorante dans le programme d'études culturelles de l'Université catholique de Lisbonne. « Ces mêmes zones ont été mises sur le marché à des prix très bas et attractifs, et certaines personnes ont reconnu l'opportunité et sont venues acheter des terres et établir des fermes. La nouvelle a commencé à se répandre parmi les Israéliens également ».

Selon Mme Yanko, l'installation dans une ferme ne suit pas un processus cohérent ou organisé. Elle implique parfois des structures temporaires avec une infrastructure minimale, tandis que d'autres fois, elle est abordée de manière plus ordonnée.

« Ce qui caractérise ce phénomène, ce sont les personnes qui désirent un mode de vie alternatif et qui sont capables de le faire », explique-t-elle. « Elles naviguent dans une bureaucratie qui est loin d'être simple, travaillent la terre et dépendent parfois uniquement de l'énergie solaire. C'est une vie qui comporte de nombreux défis.

« Parmi les Israéliens, ceux qui arrivent sont des personnes qui n'ont pas pu atteindre le mode de vie souhaité en Israël - être proche de la nature et loin de la routine », explique Yanko. « Israël est un pays intense, qui offre peu de possibilités de vivre en dehors des sentiers battus et qui se caractérise par de longues heures de travail. De plus, le coût élevé de la vie et les contraintes bureaucratiques rendent difficile la poursuite de ce type de vie ».

Yanko souligne que les Israéliens ne sont pas à l'origine de cette tendance, mais qu'ils la rejoignent. Leur plus grande concentration se trouve dans l'Alentejo, une région pittoresque située au sud-est de Lisbonne.

Il existe un point commun entre les habitants des fermes, les propriétaires de villas et ceux qui vivent dans des appartements conventionnels dans les centres urbains du Portugal. Il semble que ce soit la tranquillité qui les attire et les retienne aux confins de la péninsule ibérique.

« La vie ici n'est pas aussi bon marché qu'elle l'était, et il est certain que lorsque les enfants sont scolarisés dans des écoles internationales, cela représente une dépense assez lourde pour la famille. Et pourtant, la vie ici est calme et tranquille », explique M. Graedge. Il partage des photos de longues files d'attente devant le comptoir de son restaurant, où l'on attend du houmous et du sabich dans des pitas importées spécialement d'Israël.

« La mentalité est différente, et elle a aussi ses inconvénients », dit-il. « Mais en fin de compte, on vit ici avec moins de pression, moins de stress et, contrairement à Israël, on a l'impression de pouvoir respirer ».