Gideon Levy, Haaretz, 8/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le
vice-ministre de l'Économie Yair Golan, du parti Meretz, a suscité une tempête
d’indignation en Israël après avoir qualifié les colons de l'avant-poste de
Homesh, en Cisjordanie, de « sous-hommes », le jeudi 6 janvier, en
réponse aux profanations de pierres tombales par des colons juifs dans le cimetière
du village palestinien voisin de Burqa.
Golan a
déclaré dans une interview à la chaîne de télévision de la Knesset : « Nous,
membres du peuple juif, qui a subi des pogroms tout au long de l'histoire,
venons perpétrer un pogrom sur d'autres. Ce ne sont pas des personnes. Ce sont
des sous-hommes ».
Le député
du Meretz a également demandé que les colons soient évacués du site par la
force, et que « la loi et l'ordre » soient rétablis dans la région. « Ce
comportement sauvage, extrémiste et nationaliste, va nous apporter une
catastrophe » a-t-il déclaré, qualifiant les colons de « dysfonctionnement
du peuple juif ». Ci-dessous le commentaire de Gideon Levy.-NdT
Ils sont la
lie de la terre. Quiconque enlève un adolescent palestinien, le maltraite
pendant des heures, le bat et lui donne des coups de pied, l'attache sous le
capot d’une voiture pour finalement le pendre à un arbre et lui brûler la
plante des pieds avec un briquet est un sous-homme. Comment est-il possible de
dire ça autrement ?
Celui qui
expulse les propriétaires légaux des terres qu'il a volées en les menaçant de
les abattre, détruit leurs pierres tombales, réduit leurs récoltes en
poussière, vandalise leurs voitures et brûle leurs champs est un sous-homme. Quoi
d’autre ?
Colons juifs et manifestants
palestiniens s'affrontant dans le village d'Asira al-Qibliya, en Cisjordanie,
en septembre. Photo : Majdi Mohammed/AP
Quiconque
attaque des bergers âgés avec des bâtons et des pierres est un sous-homme. Quiconque
coupe des milliers d'oliviers chaque année est un sous-homme. Les nazis
utilisaient ce terme ? Eh bien, ils appelaient aussi les tomates « tomates »,
et pourtant nous avons toujours le droit d'utiliser ce mot.
« Sous-homme »
est un mot dur, mais il n'est pas rare. Il y a tout juste sept ans, le
chroniqueur du Haaretz Yossi Verter l'a utilisé pour décrire les
partisans de Benjamin Netanyahou, alors Premier ministre. À leur sujet,
d'ailleurs, il est permis de tout dire.
Mais le
tollé provoqué chez les colons et leurs complices par l'utilisation de ce terme
par Yair Golan a également un sous-texte délibéré qui ne doit pas être négligé.
Si « sous-homme » est une expression nazie utilisée contre les Juifs
pendant l'Holocauste, alors lorsque quelqu'un l'utilise contre les colons, ils
deviennent instantanément les victimes involontaires d'un autre Holocauste. Et
s'ils sont des victimes, alors bien sûr ils sont autorisés à faire n'importe
quoi - abuser, voler et brûler.
Le vice-ministre Yair Golan
lors d'une manifestation devant la Knesset, la semaine dernière. Photo : Ohad
Zwigenberg
Une fois de
plus, les agresseurs sont devenus les victimes, cette fois parce qu'un
vice-ministre a dit quelque chose de méchant à leur sujet. C'est un nouveau pas
en avant dans l'amélioration de leur image. D'abord, ils étaient des pionniers
; maintenant, ils sont aussi des victimes. C'est déchirant de voir à quel point
ils sont sensibles à ce que les autres disent d'eux.