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02/09/2022

CHIARA CRUCIATI
Nouveau record de MbS : une Saoudienne condamnée à 45 ans de prison pour un touit

Chiara Cruciati, il manifesto, 1/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice

Arabie  saoudite :  Nourah bint Said Al-Qahtani accusée d'attaquer le tissu social avec l'utilisation d'Internet. Ce n’est que le dernier cas de répression, alors que circule la vidéo d'un passage à tabac d’un groupe de femmes par la police. Dans le royaume toute réalité qui s'écarte du “citoyen parfait”, l'homme saoudien sunnite, est criminalisée

Nourah bint Said Al-Qahtani

Le record de 34 ans de prison pour des messages critiques à l'égard du régime saoudien, écopés début août par la doctorante et militante de l'Université de Leeds attivista Salma al-Shebab, a déjà été battu. Un tribunal antiterroriste du royaume des Saoud a condamné Nourah bint Said al-Qahtani à 45 ans de prison pour « utilisation d'Internet afin de détruire le tissu social » et « violation de l'ordre public en utilisant les médias sociaux ».

Un couperet s’est abattu sur les Saoudiennes, et les militantes en particulier, ces dernières années : arrestations, longues détentions émaillées de tortures et d'abus sexuels, procès-mascarade que le régime de Ryad tente de couvrir avec de petites ouvertures (droit de conduire ou de voyager sans permis du tuteur) et en recevant de visiteurs de haut niveau un blanc-seing pour continuer comme ça (dernier en  date : Joe Biden en juillet).

À propos d'al-Qahtani on en sait peu : l'Association saoudienne Dawn (Democracy for the Arab World Now, fondée par la journaliste Jamal Khashoggi, dépecé par une escouade de tueurs saoudiens au consulat d'Istanbul en octobre 2018) dit n'avoir pris connaissance de l'affaire qu'après avoir obtenu son dossier auprès de sources internes au tribunal : « Les allégations à son encontre sont très étendues. Ils utilisent la loi anti-terroriste et la loi anti-cybercriminalité qui criminalisent tout post qui critique, même de loin, le gouvernement ».

Dans le cas d'al-Qahtani, a ajouté Abdullah Alaoudh, directeur de Dawn, les autorités saoudiennes l'ont emprisonnée pour avoir simplement gazouillé ses opinions. L'ONG saoudienne Alqst a également exprimé son inquiétude : « Comme nous le craignions, nous assistons à une détérioration alarmante de la situation des droits humains en Arabie saoudite ».

Dans la ligne de mire des activistes saoudien·nes, il y a aussi l'administration Biden et le Parti démocrate, qui, dans les années de la présidence Trump, avaient exercé une pression sans précédent pour que l'aide militaire et les accords commerciaux avec un régime liberticide soient revus.

Une fois à la Maison Blanche, cependant, Uncle Joe a redonné à un prince, Mohammed ben Salmane décadent, la légitimité dont il avait besoin pour agir sans être inquiété. Lundi, le département d'État usaméricain était intervenu dans l'affaire al-Shebab en réaffirmant qu'il avait clairement fait savoir à son allié « que la liberté d'expression est un droit humain universel ». Ils n'ont pas dû comprendre.

La condamnation hénaurme d'al-Qahtani s'accompagne presque simultanément d'un autre exemple éclatant de répression de la dissidence. Une affaire qui envahit les médias sociaux saoudiens grâce à une vidéo volée rendue publique mardi : des agents de la police morale saoudienne, épaulés par des hommes en civil, matraquent et ceinturent un groupe de femmes dans l'orphelinat pour filles de Khamis Mushait, dans la province d'Asir.

Parmi eux, note Ali Al Ahmed, célèbre analyste saoudien, fondateur et directeur de l'Institut des affaires du Golfe, sur Twitter, figure Mohamed Yahia Al Binawi, chef de la police de la ville. La « faute » de ces femmes : avoir entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions de vie dans l'orphelinat.

À la vidéo et à la colère des Saoudiens et des Saoudiennes qui a explosé sur les médias sociaux, les autorités ont répondu en annonçant l'ouverture d'une enquête. Mais le problème demeure : le régime a intensifié sa répression de toute forme de dissidence, réelle ou supposée, et des réalités qui s'écartent » du modèle du « citoyen parfait" du royaume, l'homme saoudien sunnite. La spirale aspire les femmes, les migrants, les chiites et les journalistes.

GIDEON LEVY
Mustafa, 16 ans, s’est pris deux balles. Il a survécu, mais pas Momen, 15 ans
Scènes de la vie quotidienne dans Al Khalil occupée

Gideon Levy et Alex Levac, (photos), Haaretz, 2/9/2022 

Traduit par Fausto Giudice

Lors d'une manifestation près d'Hébron (Al Khalil), les troupes israéliennes ont tiré des balles en caoutchouc puis des balles réelles sur Mustafa Al Hasis, 16 ans. Blessé, il a été laissé étendu sur la route avant d'être autorisé à recevoir des soins médicaux. Peu de temps après, Momen Jaber, 15 ans, a été tué au même endroit.

Mustafa Al Hasis, chez lui à Hébron. « Disons qu'il a jeté des pierres », explique son père. « Ils tirent des caoutchoucs, puis à balles réelles et après ça, cette bousculade inhumaine par les soldats ? Où est l'humanité ? »

Mustafa Al Hasis entre lentement dans la pièce. Un jeune de 16 ans et demi, avec un déambulateur. Sa famille s'empresse de lui apporter des coussins pour qu'il soit plus à l'aise sur le canapé ; d'autres se précipitent pour apporter des ventilateurs. Grand et pâle - sa jambe gauche cicatrisée et recousue, pleine de vis et d'implants en platine - il s'allonge lentement. On lui a ordonné de ne pas se peser sur le pied pendant trois mois.

Mustafa, qui vit à Hébron, a été envoyé par sa mère un jour au début du mois dernier pour acheter du poulet et des légumes au marché local en plein air. Il est tombé sur une manifestation houleuse de Palestiniens près du poste de contrôle des Forces de défense israéliennes qui divise la ville, et y a apparemment pris une part active. On lui a tiré dessus deux fois, puis quatre soldats l'ont traîné sur quelques dizaines de mètres comme un sac, l'ont jeté au sol et l'ont laissé là pendant 40 minutes, les yeux bandés et menotté. Il dit que les soldats lui ont également donné des coups de pied sur tout le corps. Ils ont fini par le relâcher et il a ensuite été hospitalisé dans deux établissements médicaux locaux, où il a subi une intervention chirurgicale. Aujourd'hui, nous le trouvons allongé dans le salon de la maison de ses parents, dans le quartier tranquille et excentré de Wadi Al Hariya, dans la partie sud de la ville.

Pour se rendre à la maison, il faut traverser toute la longueur de l'immense ville animée d'Hébron. Le père de Mustafa, Khalil, 47 ans, vêtu d'une jellaba de couleur claire, et sa mère, Firiel, 47 ans également, vêtue de noir, nous accueillent. Mustafa a huit frères et sœurs. Le fait qu'il soit sorti de tout cela vivant et libre incite la famille, et personne d'autre que ses parents, à montrer leur joie, leur excitation et leur fierté même devant des étrangers.