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11/07/2025

Les sanctions obscènes et illégales de Washington contre Francesca Albanese : un aveu de culpabilité

« On dirait que j’ai touché un point sensible » : tel a été le commentaire de Francesca Albanese aux sanctions annoncées par Marco Rubio pour la punir d’avoir « déclaré la guerre » aux entreprises usaméricaines accusées par son dernier rapport de complicité active dans le génocide en cours en Palestine. Ces sanctions qu’elle a qualifiées d’obscènes, mais aussi d’aveu de culpabilité, sont tout simplement illégales et suscitent une vague de protestations, à commencer par celles de responsables passés et présents de l’ONU. Ci-dessous quelques-unes des réactions, traduites par Fausto GiudiceTlaxcala

 Les sanctions imposées par Trump à la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese sont illégales et constituent une nouvelle complicité des USA dans le génocide

Les sanctions prises par l'administration Trump à l'encontre de la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese montrent jusqu'où USA sont prêts à aller pour garantir l'impunité d'Israël alors qu'il commet un génocide.

Craig  Mokhiber, Mondoweiss, 10/7/2025

Craig Gerard Mokhiber (* 1960) est un ancien fonctionnaire usaméricain des Nations Unies  spécialisé dans les droits humains. Le 28 octobre 2023, il a démissionné de son poste de directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), quatre jours avant la date prévue de son départ à la retraite. Dans sa dernière lettre au Haut-Commissaire Volker Türk, il a sévèrement critiqué la réponse de l'organisation à la guerre à Gaza, qualifiant l'intervention militaire d'Israël de « cas d’école de génocide » et accusant l'ONU de ne pas avoir agi.

Tout juste sorti des  réunions face-à-face à Washington, avec le fugitif Benjamin Netanyahou, inculpé par la CPI pour crimes contre l'humanité, le secrétaire d'État usaméricain Marco Rubio a pris la décision extraordinaire de déclarer des sanctions contre la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, Francesca Albanese.

L'annonce a été accompagnée d'une vague de fausses informations et de déclarations diffamatoires de Rubio attaquant Albanese, démontrant une fois de plus jusqu'où l'administration Trump (et les mandataires d'Israël qui y ont toute latitude) est prête à aller pour soutenir l'impunité du régime israélien.

L'action illégale de Rubio a été condamnée et rejetée par des organisations internationales, experts et défenseurs des droits humains à travers le monde comme un scandale moral.

En effet, en dehors de Washington (et des groupes de pression pro-israéliens qui y exercent une influence dangereuse), les calomnies de Rubio et son imposition illégale de sanctions ne feront que susciter la condamnation de Rubio et de l'administration Trump. La rapporteure spéciale Francesca Albanese est une experte et défenseure des droits humains très respectée, connue dans le monde entier pour avoir consacré sa vie à lutter contre toutes les formes de sectarisme et d'oppression et à promouvoir la cause des droits humains universels.

Elle a été largement saluée pour avoir mené à bien son mandat des Nations Unies avec honneur et avec le plus haut degré de compétence et d'intégrité, en particulier pendant les vingt mois de génocide perpétré par le régime israélien en Palestine.

Mais cette action du gouvernement usaméricain n'est pas seulement un scandale moral. Elle est également totalement illégale.

La décision de sanctions et les déclarations qui l'accompagnent constituent une violation directe de la Charte des Nations Unies, de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies et de l'Accord relatif au siège des Nations Unies (Accord avec le pays hôte).

Ils constituent une obstruction délibérée à la mission des Nations Unies en matière de droits humains. Et étant donné que cette mesure vise à soustraire Israël et d'autres auteurs (y compris les entreprises citées dans le dernier rapport de la Rapporteure spéciale) à toute responsabilité pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, elle constitue également une violation des obligations qui incombent aux USA en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide (en vertu de laquelle Israël est actuellement jugé devant la Cour internationale de justice), et en vertu de l’Article commun 1 des Conventions de Genève de 1949 (obligeant les USA à veiller à ce qu'Israël et les autres parties respectent les Conventions).

En outre, comme cet acte du gouvernement des USA a été explicitement lié par le secrétaire d'État à ses sanctions (également illégales) contre la Cour pénale internationale, il constitue également une atteinte à l'administration de la justice telle que codifiée à l'article 70, paragraphe 1, point c), du Statut de Rome, pour lequel la compétence territoriale peut être établie par le lieu où siège la Cour (les Pays-Bas, État partie au Statut de Rome), et par lesquels la Rapporteure spéciale Albanese peut prétendre à des réparations en tant que victime d'un comportement illicite.

En outre, la rapporteure spéciale Albanese pourrait avoir droit à une indemnisation pour préjudice civil (délit civil) pour préjudice économique et atteinte à la réputation, compte tenu du caractère diffamatoire des déclarations du secrétaire Rubio et de leur fondement manifeste dans une « intention malveillante » et un « mépris flagrant de la vérité », reconnus par les tribunaux usaméricains comme exceptions à l'immunité souveraine.

Bien sûr, comme l'ont démontré ces dernières années, les USA se soucient peu de la légalité internationale (voire nationale). Mais la pression et l'action extérieures sont inévitables.

En dehors des USA, des démarches sont en cours pour exiger que les USA lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale Albanese pour tous les préjudices économiques, réputationnels ou émotionnels causés à elle-même ou à sa famille, et indemnisent les Nations Unies pour tout préjudice causé à son mandat essentiel.

Les Nations Unies et tous les États membres de l'ONU ainsi que les organisations régionales (telles que l'UE) peuvent et doivent rejeter publiquement les sanctions, utiliser tous les mécanismes à leur disposition (qui sont nombreux – juridiques, financiers, politiques et diplomatiques) pour protéger la Rapporteure spéciale de leurs effets, prendre clairement sa défense et utiliser les voies diplomatiques pour faire pression sur les USA afin qu'ils lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale.

Si l'on en croit les nombreuses déclarations déjà faites par des membres influents de la communauté internationale, le gouvernement usaméricain, qui agit en toute impunité, pourrait bientôt se rendre compte qu'en s'en prenant ainsi à Francesca Albanese, il est allé trop loin dans sa campagne visant à garantir l'impunité d'Israël.

Et indépendamment des dommages à court terme causés par cet acte honteux de l'administration Trump, nous pouvons être certains que les USA ne parviendront pas à atteindre leurs objectifs ultimes, qui sont de réduire au silence Albanese et l'ensemble de l'ONU, d'intimider d'autres défenseurs des droits humains et de garantir l'impunité du régime israélien pour ses crimes de guerre, ses crimes contre l'humanité, son apartheid et son génocide. Au contraire, ces actes flagrants de non-respect des lois et de complicité dans le génocide ne feront qu'attiser la flamme de la résistance contre ces crimes historiques et contre leurs coauteurs à Washington et à Tel-Aviv.

Le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine prend de l'ampleur. Et, comme le montre clairement le dernier acte éhonté de Rubio, ce mouvement soutient sans réserve Francesca Albanese. Tout comme moi.

 

L’ONU appelle à l’annulation des sanctions usaméricaines contre la rapporteure spéciale Francesca Albanese


Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967.  Photo ONU/Mark Garten

UN News, 10/7/2025

De hauts responsables des droits humains de l’ONU ont exprimé leur vive inquiétude face à l’imposition de sanctions par les USA contre Francesca Albanese, experte indépendante nommée par l’ONU sur le territoire palestinien occupé.

Ils demandent que cette décision soit annulée, avertissant qu’elle pourrait porter atteinte au système international des droits humains dans son ensemble.

Les sanctions ont été annoncées mercredi par le secrétaire d’État usaméricain Marco Rubio dans le cadre d’un décret présidentiel.

M. Rubio a allégué que Mme Albanese avait « directement collaboré avec la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre d’efforts visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de ces deux pays », ce qu’il a qualifié de « violation flagrante » de la souveraineté nationale.

Les USA et Israël ne sont pas parties au Statut de Rome, le traité international qui a établi la CPI.

Un précédent dangereux et inacceptable

Réagissant à cette annonce, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré que l’imposition de sanctions aux rapporteurs spéciaux constituait un « précédent dangereux ».

« L’utilisation de sanctions unilatérales contre les rapporteurs spéciaux ou tout autre expert ou fonctionnaire de l’ONU est inacceptable », a-t-il déclaré aux journalistes jeudi lors de son point de presse habituel à New York.

Il a également souligné le mandat et le rôle indépendants des rapporteurs spéciaux, notant que les États membres « ont parfaitement le droit d’avoir leur point de vue et de ne pas être d’accord » avec les rapports des experts.

« Mais nous les encourageons à s’engager dans l’architecture des droits humains de l’ONU », a-t-il ajouté.

Appel à l’annulation

Dans une déclaration publiée jeudi, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé à « l’annulation rapide » des sanctions contre la Rapporteure spéciale nommée par le Conseil des droits de l’homme « en réponse au travail qu’elle a entrepris dans le cadre du mandat » dont elle est chargée.

« Même face à de profonds désaccords, les États membres de l’ONU devraient s’engager de manière substantielle et constructive, plutôt que de recourir à des mesures punitives », a-t-il déclaré.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU a également appelé à la fin des attaques et des menaces contre les titulaires de mandat nommés par le Conseil, ainsi que contre des institutions clés comme la CPI.

« La solution n’est pas moins, mais plus de débat et de dialogue sur les préoccupations très réelles en matière de droits humains auxquelles ils s’attaquent », a insisté M. Türk.

Coopération, pas représailles

Jürg Lauber, président du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a également exprimé ses regrets face à la mesure punitive des USA.

Dans une déclaration , il a souligné que les rapporteurs spéciaux « sont un instrument essentiel » pour remplir le mandat du Conseil et a exhorté toutes les nations à « coopérer pleinement » avec eux.

« J’appelle tous les États membres de l’ONU… à s’abstenir de tout acte d’intimidation ou de représailles à leur encontre », a-t-il déclaré.

Rapporteurs spéciaux indépendants

Les rapporteurs spéciaux sont nommés dans le cadre de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

Il s’agit d’experts indépendants nommés pour surveiller et rendre compte des questions relatives aux droits humains dans le monde. Ces experts siègent à titre personnel, ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne perçoivent aucune rémunération pour leur travail.

Ils rendent régulièrement compte au Conseil basé à Genève ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Outre le mandat sur le territoire palestinien occupé, des mandats existent pour surveiller la situation des droits humains dans des pays comme l’Iran, la République populaire démocratique de Corée et l’Afghanistan. Au total, il existe 46 mandats thématiques et 14 mandats par pays .



GIDEON LEVY
Les raids à domicile et les violences s’intensifient : à Al Khalil/Hébron, le transfert “volontaire ” des Palestiniens bat son plein

Alors que la guerre fait rage, les invasions des maisons palestiniennes dans la vieille ville d’Hébron/Al Khalil par les colons et les soldats israéliens deviennent de plus en plus fréquentes et violentes.

Gideon Levy  & Alex Levac (photos), Haaretz , 11/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Naramin al-Hadad avec ses petits-enfants. Il y a quelques semaines, des soldats sont venus chez elle, lui ont montré une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis l’ont emmené avec eux. Ils l’ont relâché une demi-heure plus tard, terrifié.

La place du marché est déserte, comme le dit la chanson emblématique d’une autre vieille ville, celle de Jérusalem [Jerusalem of Gold - Yerushalayim shel Zahav, Naomi Shemer, 1967]. Le principal marché de Hébron est presque entièrement désert depuis des années. Pour comprendre pourquoi, il suffit de lever les yeux : suspendus aux grilles métalliques installées par les Palestiniens au-dessus des étals pour les protéger des colons, des sacs poubelles remplis d’ordures et d’excréments que ces derniers jettent sur les visiteurs.

Les maisons des colons du quartier juif d’Hébron surplombent le marché désert et jouxtent celui-ci. De l’autre côté du poste de contrôle, dans ce quartier, il ne reste plus un seul magasin ou étal palestinien. Plus loin, la partie encore ouverte du marché était également à moitié déserte cette semaine. Les produits sont abondants et les étals colorés sont ouverts, mais il y a peu de clients.

Les Palestiniens n’ont pas d’argent, dans une ville qui était autrefois le centre économique de la Cisjordanie jusqu’à ce que la guerre éclate dans la bande de Gaza. Vous voulez savoir pourquoi ? Regardez sa porte d’entrée principale. Elle a été cadenassée cette semaine. Une ville de 250 000 habitants est fermée. Quelqu’un peut-il trouver quelque chose de comparable sur la planète ?

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Des soldats israéliens surveillent l’entrée principale d’Hébron. Parfois, ils ouvrent le portail, parfois non. On ne sait jamais quand il sera déverrouillé. Lundi dernier, lorsque nous nous y sommes rendus, ils ne l’ont pas ouvert. Il existe des itinéraires alternatifs, certains sinueux et vallonnés, mais il est impossible de vivre ainsi. C’est précisément pour cette raison que le portail est fermé : parce qu’il est impossible de vivre ainsi. Il n’y a aucune autre raison que la volonté des Forces de défense israéliennes de maltraiter les habitants, ce qu’elles font de manière encore plus violente depuis le 7 octobre, afin de les pousser au désespoir – et peut-être même à la fuite. Définitivement.

En effet, peut-être qu’un petit nombre choisira finalement de partir, réalisant ainsi le rêve de certains de leurs voisins juifs. Pour sa part, l’armée israélienne coopère activement à ces plans diaboliques, travaillant main dans la main avec les colons pour parvenir au transfert de population tant souhaité. Sous le couvert de la guerre dans la bande de Gaza, les exactions se sont également multipliées et sont désormais presque totalement incontrôlées.

Cela n’est nulle part plus évident que dans la zone H2, qui est sous contrôle israélien et comprend la colonie juive de la ville, ainsi que les quartiers anciens qui l’entourent. Ici, le transfert n’est pas progressif, il est galopant. Les seuls Palestiniens encore visibles ici sont ceux qui n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, sous la terreur des colons et de l’armée, dans l’un des centres de l’apartheid en Cisjordanie. On trouve ici d’anciens bâtiments en pierre, ornés d’arcades, dans un quartier qui pourrait être un trésor culturel, un site patrimonial, mais qui est abandonné, à moitié en ruine, jonché des ordures des colons et de leurs graffitis ultranationalistes haineux.



Les maisons des colons dans la vieille ville d’Hébron surplombent le marché

Après nous être garés – il y a désormais beaucoup de place dans ce marché désert – nous entrons dans une cage d’escalier étroite et sombre. À travers les fenêtres grillagées, on aperçoit des tas d’ordures ; derrière, les institutions des colons : Beit Hadassah, le centre d’études religieuses Yona Menachem Rennart et le bâtiment du Fonds Joseph Safra. Les maisons des colons sont à portée de main. Il suffit de tendre le bras.

Nous sommes dans la rue Shalalah, qui est en partie sous contrôle palestinien. Le vieux bâtiment en pierre dans lequel nous sommes entrés a été rénové ces dernières années par le Comité palestinien pour la réhabilitation d’Al Khalil, et il est impossible de ne pas admirer sa beauté, malgré les conditions déprimantes qui l’entourent. Situé à quelques dizaines de mètres du poste de contrôle menant au quartier juif, il s’agit d’une structure étroite de trois étages qui abrite cinq familles. La famille élargie Abou Haya – parents, enfants et petits-enfants, dont 15 jeunes et tout-petits – reste ici en raison du loyer modique.

Après avoir croisé une foule d’enfants, nous montons au troisième étage, dans l’appartement de Mahmoud Abou Haya et de sa femme, Naramin al-Hadad. Mahmoud a 46 ans, Naramin 42, et ils ont cinq enfants, dont certains ont déjà fondé leur propre famille. Naramin avait 15 ans lorsqu’elle s’est mariée, raconte-t-elle avec le sourire.

Le père de famille, qui travaillait autrefois dans le bâtiment à Ashkelon, est au chômage depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023. Naramin cuisine à la maison et vend ses plats aux habitants du quartier. C’est actuellement la seule source de revenus de la famille. Avant la guerre, elle était également bénévole au sein de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem. Avec une caméra fournie par l’ONG dans le cadre de son projet « Camera Project », elle documentait ce qui se passait dans la région. Mais Naramin n’ose plus participer au projet. Il est beaucoup trop dangereux d’avoir une caméra ici. La dernière fois qu’elle l’a utilisée, la seule fois depuis le début de la guerre, c’était il y a environ cinq mois, lorsqu’elle a filmé un incendie allumé par des colons sur le toit du marché. Il y a environ un mois et demi, des soldats sont venus à l’appartement, ont montré à Naramin une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis sont repartis avec lui. Ils l’ont relâché, terrifié, environ une demi-heure plus tard.

Les raids nocturnes contre les habitations palestiniennes se sont multipliés au cours des 21 derniers mois. D’une fréquence moyenne d’une fois par mois, l’armée fait désormais irruption dans leurs maisons au moins une fois par semaine, selon Naramin, presque toujours au cœur de la nuit.

Aucun Israélien ne connaît une réalité dans laquelle, pendant des années, à tout moment, il ou elle se réveille en sursaut à la vue et au bruit de dizaines de soldats armés et masqués qui envahissent son domicile, parfois accompagnés de chiens, puis poussent tous les occupants hébétés, y compris les enfants terrifiés, dans une seule pièce. Dans certains cas, les envahisseurs procèdent à des passages à tabac et à des fouilles violentes des lieux, laissant derrière eux une traînée de destruction ; dans tous les cas, ils profèrent des insultes et des humiliations.

Dans le passé, ces incursions semblaient avoir un objectif précis : l’arrestation d’un suspect, la recherche de matériel de combat. Mais depuis le début de la guerre, on a l’impression que ces raids ont pour seul but de semer la peur et la panique, et d’empoisonner la vie des Palestiniens. Ils ne semblent avoir aucune autre raison d’être.



Maher Abou Haya sur la terrasse de sa maison, avec Beit Hadassah en arrière-plan, cette semaine. Des caméras de sécurité l’ont filmé se tenant dans la rue, lorsque soudainement des soldats sont apparus et ont fait irruption dans la maison.

Le dernier incident impliquant la famille Abou Haya s’est produit il y a une semaine. Jeudi dernier, aux premières heures du jour, Maher, le fils de Naramin, âgé de 24 ans, marié à Aisha, 18 ans, et père de deux jeunes enfants, a quitté le domicile familial, mais est revenu après avoir vu des soldats s’approcher de la porte d’entrée.

Les caméras de sécurité installées par la famille à l’entrée montrent Maher debout innocemment dans la rue et les soldats apparaissant soudainement. Ils lui ont ordonné de les faire entrer et de les guider à travers le bâtiment. Maher les a conduits à l’autre entrée, qui mène à l’appartement de son frère, Maharan, 23 ans, marié et père d’un bébé de 6 semaines, afin de ne pas réveiller tous les autres enfants du bâtiment, qui sont nombreux.

Mais Maher a reçu l’ordre de réveiller tout le monde et de rassembler tous les occupants de chaque étage dans une seule pièce. Les soldats n’ont donné aucune explication sur les raisons de cette opération. Maharan venait juste d’essayer d’endormir sa petite fille lorsque les soldats ont fait irruption. Maher a frappé à la porte de l’appartement de ses parents et les a réveillés. Son oncle, Hamed, 35 ans, a été tiré hors du lit ; bien qu’on ait expliqué aux soldats qu’il se remettait d’une opération du dos, il a été saisi à la gorge et traîné hors de son appartement.

Les trois familles du troisième étage étaient regroupées dans le petit salon où nous avons été reçus cette semaine. Naramin se souvient qu’elle s’inquiétait de ce qui se passait aux étages inférieurs. Ils entendaient Maher crier, comme s’il était en train d’être battu.



La maison de la famille après le départ des soldats. Photo de la famille.

Un soldat a déchiré le rideau à l’entrée du salon de Naramin, puis ses camarades ont brisé les objets en verre dans le buffet. Sans raison. Les enfants se sont mis à pleurer. Naramin a voulu ouvrir une fenêtre, car on étouffait à l’intérieur, mais un soldat, plus jeune que la plupart de ses fils, l’en a empêchée.

Le lendemain, Manal al-Ja’bri, chercheuse de terrain pour B’Tselem, a recueilli le témoignage de la femme de Maharan. Elle a raconté que son bébé pleurait et qu’elle voulait l’allaiter, mais que les soldats l’en empêchaient. Les demandes d’eau ont également été refusées.

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Au bout d’environ une heure, les soldats ont ordonné à Naramin et aux autres membres de sa famille de se rendre dans un autre appartement du même immeuble. Le sol était jonché d’éclats de verre et elle avait peur pour ses enfants qui étaient pieds nus. Elle a ensuite entendu des bruits de vaisselle qu’on brisait dans son appartement. Les soldats ont également jeté le ventilateur par terre et l’ont cassé.

Ja’bri affirme avoir déjà recensé une dizaine de cas similaires de destruction gratuite dans la même zone, peuplée de Palestiniens défavorisés sur le plan économique.

Quel était l’objectif du raid de la semaine dernière ? Voici la réponse donnée cette semaine par le porte-parole de l’armée israélienne : « Le 2 juillet 2025, l’armée israélienne a mené une opération dans la ville de Hébron, qui est [sous la supervision de] la brigade de Judée, à la suite d’informations fournies par les services de renseignement. L’opération s’est déroulée sans incident particulier et nous n’avons pas connaissance d’allégations de destruction de biens. »



Le marché fermé d’Hébron. Les Palestiniens qui y restent n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, dans l’un des centres de l’apartheid de Cisjordanie.

Vers 2 heures du matin, le silence s’est abattu sur l’immeuble. Naramin a osé jeter un œil dehors pour voir si les soldats étaient partis ; ils étaient partis sans prévenir les occupants. Qui s’en souciait ? Les Palestiniens pouvaient rester où ils étaient jusqu’au matin. Maher était couvert de bleus, mais il n’a pas voulu dire à sa mère ce que les soldats lui avaient fait. Les trois voitures de la famille avaient été forcées ; les clés ont été retrouvées dans la benne à ordures.

Alors qu’on nous servait le café, la famille a découvert que le verre qui recouvrait la table était également fissuré. Ont-ils l’intention de partir ? Naramrin bondit comme si elle avait été mordue par un serpent et répond par un « Non » court et définitif.

La semaine dernière, quatre familles ont quitté le quartier voisin de Tel Rumeida. Elles n’en pouvaient plus. Au total, Ja’bri, la chercheuse, estime qu’au moins dix familles ont quitté le quartier depuis le début de la guerre. La semaine dernière, selon les habitants, il n’y avait apparemment aucun problème de sécurité sur lequel enquêter, et à Tel Rumeida – où les Palestiniens ne sont autorisés à entrer avec aucun type de véhicule, pas même une ambulance – un véhicule commercial a été autorisé à entrer afin d’évacuer les biens des familles qui sont parties. Certaines fins justifient apparemment tous les moyens.

Nous sommes ensuite montés sur la terrasse pour admirer la vue. Des bâtiments anciens en pierre étaient construits à flanc de colline. Mais la terrasse était étouffée de toutes parts par les constructions des colons.