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02/05/2023

GIANFRANCO LACCONE
La poste italienne, l’écoblanchiment et les consommateurs

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 2/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».


Aujourd’hui, en Italie, une action au bénéfice des citoyens, pour la transparence et l’information correcte, que nous définissons comme historique, commence : l’ACU (Associazione Consumatori Utenti, Association Consommateurs Usagers) et le réseau Climateaid Network ont signalé à l’Autorité Garante de la Concurrence et du Marché (AGCM) la publicité de Poste Italiane [privatisée à 40% en 2015, Ndlr] pour les produits de l’entreprise. Les résultats de l’enquête que le Garant va lancer seront un élément clé pour l’avenir de l’information environnementale dans notre pays, et l’ensemble de l’action menée par les deux associations marquera le sens de la nouvelle relation qui devra exister dans les rapports sociaux pour réaliser la transition écologique. Si nous voulons une véritable durabilité sociale, les comportements de chacun devront changer : plus de transparence, plus de collaboration, une décentralisation des décisions et une opérabilité constante. Des choses qui sont aujourd’hui beaucoup dans les rêves et peu dans la réalité. La Poste italienne est sur le point de passer des contrats de vente d’énergie (pour des tiers, elle n’en produit pas encore...), affichant un visage rassurant et “green”. L’ACU entend aborder le problème non seulement en termes juridiques et contractuels, mais aussi en termes techniques, et cherche à lancer des actions avec les forces professionnelles et sociales nécessaires. Jusqu’à présent, les actions en faveur de l’environnement étaient du ressort des associations environnementales, tout comme la vente d’énergie était du ressort des grandes entreprises énergétiques. Si une entreprise de services essentiels comme la Poste vend de l’énergie, les associations de consommateurs doivent s’y connaître en énergie et agir dans ce domaine.

 

La révolution durable dans le monde ressemble beaucoup à celle qui a eu lieu pendant la Renaissance, lorsque les compétences se sont répandues et que de grandes figures “mixtes”, comme Léonard de Vinci, ont excellé dans de nombreux domaines. Comme à l’époque, la collaboration entre les entreprises et les personnes, qu’il s’agisse de travailleurs ou de consommateurs, est fondamentale et les relations entre elles doivent changer. En fin de compte, la contrepartie de cette intervention est, malgré elle, appelée à prendre un engagement original, et avec elle le Garant qui devra baliser le chemin sur lequel la confrontation doit se poursuivre.

 

La durabilité passe par de nouveaux rapports entre les sujets qui la pratiquent (y compris les animaux et les plantes) et le système social et entrepreneurial ne peut pas ne pas les intégrer dans les comportements à venir, à commencer par le simple fait de dire la vérité sur ce que l’on fait, surtout si ces déclarations concernent des aspects scientifiques peu connus et des technologies dont nous sommes tous peu experts. La manière de traiter de manière simplifiée des problèmes complexes et difficiles s’explique par le monde fordiste que nous laissons progressivement derrière nous, dans lequel ce qui est simple est plus vendable et plus facilement reproductible. L’utilisation de termes génériques est l’outil principal de cette façon de concevoir les relations. Il est donc nécessaire de bien définir les questions avant de commencer à en discuter.

 

Pour comprendre de quoi on parle quand on dit “durable” ou - comme on le fait maintenant – “green” [verde, en italien], il faut partir de la définition donnée plus haut, publiée en 1987 dans le rapport final de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, “Notre avenir commun”, présidée par Gro Harlem Brundtland, qui contient deux concepts fondamentaux : l’environnement en tant qu’élément essentiel du développement économique et la responsabilité intergénérationnelle pour l’utilisation des ressources naturelles qui le composent. Cette notion a depuis été reprise dans les traités environnementaux (Convention sur le changement climatique de 1994 et Convention sur la diversité biologique de 1993) avec quelques précisions importantes : par exemple, l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique contient la notion de durabilité, définie comme l’utilisation des ressources biologiques d’une manière et à un rythme qui n’entraînent pas leur diminution à long terme et qui préservent la capacité de répondre aux besoins des générations présentes et futures. Jusqu’à la conférence de Johannesburg en 2002, qui a confirmé que le développement durable était le moteur de l’avenir de l’humanité, fondé sur trois facteurs interdépendants : la protection de l’environnement, la croissance économique et le développement social. Regardons maintenant autour de nous et voyons ce qui a changé depuis 1987 dans les gestes que nous posons, les services que nous utilisons, les objets qui nous entourent : d’une méfiance initiale à l’égard du terme durabilité (ceux qui, comme nous à l’ACU, parlaient de la nécessaire durabilité du système économique et social à la fin des années 80 étaient considérés comme des “critiques pessimistes”), nous sommes passés à l’utilisation du terme comme signe distinctif et qualificatif des initiatives menées ou des produits, à l’utilisation rampante du mot “durable”, présent dans tous les livrets d’instructions des appareils ménagers, dans les promotions des produits, dans les stratégies des entreprises, des banques et des gouvernements.

 

L’utilisation du mot “durable” s’est tellement répandue que dans les publicités, pour se démarquer parmi tant de messages “durables”, il a fallu utiliser un autre mot : “green”", rendu efficace non seulement par le halo de mystère qui entoure chaque mot dans une autre langue, mais surtout par l’image que le mot évoque, après des décennies de batailles écologistes menées sur toute la planète, jusqu’à l’initiative de Greta Thunberg : Fridays For Future, l’initiative verte et jeune par excellence des temps modernes.

 

Les gouvernements ont tenté de s’adapter à l’évidence de la réalité (les ressources s’épuisent plus vite que prévu et le monde devient de plus en plus invivable, plus vite que nous ne le pensions) en essayant de servir de médiateur entre les groupes d’intérêt. Dans de nombreux cas, ils l’ont fait obtorto collo (à contrecœur, en français) ou tardivement, comme c’est souvent le cas pour l’UE. Dans l’Union européenne, plusieurs stratégies de durabilité ont été lancées ou sont sur le point de l’être (Farm to Fork [De la ferme à la table], Ecodesign, pour n’en citer que deux), face auxquelles les gouvernements des différents pays réagissent souvent par l’inertie ou en s’y opposant, en justifiant leur comportement par des raisons techniques (temps d’adaptation, insuffisance de l’information et de la formation, etc. ), comme c’est le cas de l’actuel gouvernement italien. Mais la durabilité est inéluctable et trace la voie de l’avenir de toute activité humaine. Les entreprises en sont conscientes et s’équipent, tout d’abord en changeant leur structure interne et leur image. L’utilisation des deux termes (durable ou vert), éventuellement associés à un pourcentage complet (100 %), rend les messages plus rassurants et nous convainc que nous n’avons pas besoin d’explications supplémentaires. Les explications sont compliquées, les experts les donnent, il y a des entreprises faites par des experts qui les connaissent, et puis il suffit de citer leur nom (encore mieux si c’est en anglais) pour rassurer. Les données sont ennuyeuses et donnent mal à la tête, le monde pour avancer rapidement dans le futur ne doit pas se perdre dans tant de détails. Alors tout le monde se met au vert et les philosophies d’écologisation des entreprises se transforment en écoblanchiment, un terme qui désigne la teinte verte superficielle avec laquelle les entreprises tentent de couvrir leurs produits et leurs politiques, évitant ainsi la coûteuse et difficile reconversion écologiste tout en montrant un visage rassurant à la société.

 

Nous avons appris le sens de cette philosophie de l’existence qui nous hante depuis les années de grande consommation, aujourd’hui grossièrement énoncée, dans les livres de Herbert Marcuse (L’homme unidimensionnel) ou de Vance Packard (La persuasion clandestine), dans les chansons et les films qui critiquent le consumérisme, philosophie de vie de la période de développement économique (je me souviens d’un morceau de Nino Rota “Drink More Milk” [Buvez plus de lait, Le lait fait du bien, Le lait convient à tous les âges], tiré de Bocaccio 70, un film de critique douce-amère de la société de l’époque). Et nous avons appris à réagir, en exigeant la transparence et la vérité dans les déclarations de chacun.


 

Tout devient green et renouvelable, mais est-ce vraiment le cas ? Car l’idée que tout est reconvertible provient de l’illusion d’une consommation facile dérivée d’une énergie fossile obtenue à bas prix (pour obtenir du gaz et du pétrole, il suffit de faire un trou dans la terre et ils sortent tout seuls) et des produits aux mille usages qui en découlent. Aujourd’hui, nous savons que l’énergie fossile n’est pas bon marché, mais qu’elle a un coût caché, car son rejet dans l’atmosphère a un coût très élevé en vies détruites et en changements irréversibles de moins en moins adaptables à la vie du système terrestre. Car en fin de compte, on cherche toujours à se rassurer et à trouver la clé qui nous permettra d’être tranquilles à l’avenir : il y a eu la recherche du Saint Graal, puis celle de la pierre philosophale qui, en transformant tout en or, permettait la richesse éternelle, remplacée aujourd’hui par la recherche d’une énergie propre, un rêve qui va de la fusion nucléaire à froid à l’éternelle énergie renouvelable.

 

La science nous dit autre chose : nous savons peu de choses sur les processus fondamentaux de la nature et ce peu de choses déforme notre façon de voir les choses, comme tentent de nous le dire Stefano Mancuso et Carlo Rovelli dans leurs écrits. Mais les nouvelles connaissances nous permettront de mieux vivre et d’avoir un avenir si elles sont rapidement appliquées dans les actions, les services et les produits.

 

“Une offre à 100% durable” : il s'avère que l'energie vendue ne provient de sources renouvelables qu'à 45%

 

Pourquoi Poste Italiane SpA s’intéresse-t-elle à l’énergie ? Ce que nous avons dit précédemment est clair : la production d’énergie à faible coût et à faible impact sur l’environnement est l’outil qui permettra aux entreprises de survivre et de collecter des flux de trésorerie de plus en plus importants. Les processus de fusion et de transformation des entreprises, qui ont commencé dans les secteurs de l’automobile et de la chimie, s’étendent désormais à d’autres secteurs. Par exemple, dans le secteur de l’énergie, les grandes compagnies pétrolières sont devenues des holdings dans lesquelles la dimension financière dépasse largement la dimension productive. Il en va de même dans tous les autres secteurs. Si nous voulons avoir notre mot à dire dans un tel monde, nous devons agir en conséquence, en nous intéressant, en tant qu’ACU, à l’écoblanchiment.

 

Nous devons aller au-delà de l’aspect spécifique et protéger non seulement la consommation, mais aussi la production, en particulier si les citoyens deviennent des producteurs de quelque chose, par exemple d’énergie (mais aussi de flux d’images et d’informations, par exemple en étant connectés pendant des heures à n’importe quel média social tel que Facebook).

 

Autrefois, nous aurions pu penser qu’un producteur ou un travailleur ne deviendrait un consommateur qu’à certains moments et pour certains aspects de sa vie. Aujourd’hui, ils sont à la fois producteurs et consommateurs et agissent sur les deux tableaux en même temps, ce qui nous demande d’intervenir avec des compétences accrues et un professionnalisme différent, filtrés par l’expérience de la consommation. Si nous nous contentions d’être des consommateurs, des producteurs, des écologistes ou des travailleurs, nous ne pourrions pas soutenir la confrontation et nous nous sentirions seulement comme des spectateurs d’une vie et d’un avenir qui passent devant nous, comme c’est le cas avec les grands partis ou les syndicats. L’ACU est encore petite par rapport aux besoins du “moment historique”, mais nous avons des idées et nous grandirons, et avec nous les entreprises qui s’engageront dans cette voie grandiront également.

 

Aujourd’hui, peut-être, elles le feront obtorto collo, mais elles seront des pionnières du pacte social de l’avenir.

 

 Le spot de lancement de l’offre de Poste Energia, la nouvelle filiale des postes italiennes, avec comme star Mara Venier, alias Tata Mara ou encore la Dame du Dimanche, animatrice de télé depuis 30 ans, prototype de la voisine d’à côté de la ménagère de 50 à 100 ans.

LESLIE CAMHI
La carrière oubliée et frustrée de Hedy Lamarr comme inventrice en temps de guerre

Leslie Camhi, The New Yorker, 3/12/2017
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La Dre Leslie Camhi est une essayiste et journaliste culturelle new-yorkaise qui écrit pour le New York Times, Vogue et d'autres publications. Elle contribue fréquemment à des monographies d'artistes et à des catalogues de musées. Elle a traduit en anglais le roman de Violaine Huisman, Fugitive parce que reine, sous le titre The Book of Mother, en lice pour l'International Booker Prize 2022. @CamhiLeslie

Hedy Lamarr, légende de l'écran hollywoodien, était née Hedwig Kiesler, fille unique de parents juifs riches et assimilés à Vienne, le 9 novembre 1914. Elle grandit en s'imprégnant de la vie culturelle brillante et de la sophistication décadente de la ville. À dix-huit ans, elle devient célèbre pour avoir crevé l'écran nue et simulant un orgasme - une première au cinéma!- dans le film Extase, de 1933, qui a été condamné par le pape et interdit par Hitler (bien que pour des raisons différentes). Quatre ans plus tard, elle se réfugie à Londres, fuyant à la fois la montée de l'antisémitisme et le premier de ses six mariages, avec un magnat autrichien des munitions allié aux nazis. Là, un agent de cinéma l’emmène dans un hôtel pour rencontrer “un petit homme”, comme elle l'a dit plus tard, Louis B. Mayer, le patron de la Metro Goldwyn Mayer. Peu de temps après, elle débarque d'un paquebot à New York sous les flashs des photographes, avec un nouveau nom et un contrat de studio de cinq cents dollars par semaine. Mais le tournant le plus surprenant de sa vie déjà mouvementée - sa carrière d'inventrice - n'a pas encore commencé.

Dans le documentaire "Bombshell", la réalisatrice Alexandra Dean dresse le portrait d'une femme brillante qui a souffert de la fixation du monde sur son célèbre visage. Photo Bombshell : The Hedy Lamarr Story

Le passe-temps favori de Lamarr consiste à démonter des objets, à bricoler et, une fois la Seconde Guerre mondiale commencée, à imaginer des idées pour aider la cause des Alliés. Travaillant dans son laboratoire à domicile ou dans sa caravane sur le plateau de tournage, elle crée de nouveaux modèles pour rationaliser les avions de son petit ami Howard Hughes. Son invention la plus importante, pour laquelle elle a obtenu un brevet, bien qu'elle n'en ait jamais tiré profit, a été créée en collaboration avec le compositeur d'avant-garde George Antheil, avec qui elle a mis au point une forme codée de communication radio pour guider en toute sécurité les torpilles alliées jusqu'à leur cible. Le “saut de fréquence”, comme elle l'a appelé, est aujourd'hui largement utilisé dans les technologies de communication sans fil, du GPS au Bluetooth et à la Wi-Fi.

La marine usaméricaine n'a pas utilisé l'invention de guerre de Hedy Lamarr pendant la Seconde Guerre mondiale. Le système de communication secret était destiné à empêcher le brouillage du signal entre un navire et une torpille. Photos originales avec l'aimable autorisation de hedylamarr.com et YouTube. Montage de Matt Fratus/Coffee or Die Magazine.


Dans Bombshell : The Hedy Lamarr Story [fr. Hedy Lamarr, star et inventeuse de génie], un nouveau documentaire d'Alexandra Dean, des spécialistes du cinéma et des historiens de la technologie, ainsi que la famille, les amis et les biographes de Hedy Lamarr, dressent le portrait d'une femme brillante anéantie par la fixation du monde sur son célèbre visage. Ce portrait est rendu encore plus net et plus poignant par l'inclusion, par Alexandra Dean, d'enregistrements audio récemment découverts de Hedy Lamarr lorsqu’elle était une septuagénaire recluse, tour à tour accro et charmante. « Je pense qu'Hedy a eu son plus grand pouvoir lorsqu'elle était adolescente - je ne pense pas que l'on puisse battre le pouvoir d'entrer dans une pièce et de voir les gens perdre leur souffle à votre vue », a déclaré Dean lors d'une projection spéciale de “Bombshell” réservée aux femmes, parrainée par le New York Hall of Science et organisée dans les bureaux de Two Sigma, un fonds spéculatif de haute technologie, à Manhattan. « Mais elle ne savait pas quoi faire de ce pouvoir. Et lorsque, enfin, elle a réussi à faire quelque chose d'incroyable pour essayer de changer le monde, elle n'a reçu que peu ou pas de reconnaissance pour cel »". C'est cette frustration, a dit Mme Dean, qui semble trouver le plus d'écho auprès des femmes qu'elle a rencontrées lors des projections dans tout le pays. « Et si notre arc de pouvoir, en tant que femmes, était différent de ce que nous pensons qu'il est ? a-t-elle demandé. Nous devons en parler, pleurer, crier un peu pour changer les choses ».

Lors d'une “réception de réseautage” organisée après la projection, Jeanne M. Sullivan, qui se décrit comme une “capital-risqueuse de longue date”, discutait avec Anna Ewing, l'ancienne directrice de l'information du Nasdaq. Mme Sullivan m'a dit qu'elle s'identifiait à la tendance de Mme Lamarr à disséquer les choses. « Vous savez, ces tests qui disent aux gens comment vous êtes, et vous devez choisir entre démonter une horloge et escalader une montagne ? », m'a-t-elle demandé. « J'ai toujours été du genre à démonter une horloge. Après ce film, j'ai envie de rentrer chez moi ce soir et d'inventer quelque chose ». Daria Shifrina, une élève de terminale de la Stuyvesant High School qui travaille comme “explicatrice” au Hall of Science, et Satbir Multani, une ancienne explicatrice qui dirige aujourd'hui le laboratoire de conception du musée, ont toutes deux déclaré que la lutte de Mme Lamarr pour la reconnaissance leur rappelait leurs propres familles immigrées. Marcia Bueno, née en Équateur et qui supervise aujourd'hui le programme Career Ladder [Échelle de carrière] du musée, est du même avis. Les hauts gradés de l'armée ont ignoré l'invention de Lamarr et ont dit à la star, qui n'était pas encore citoyenne usaméricaine, qu'elle ferait mieux de vendre des obligations de guerre, ce qu'elle a fait. Mais, à un moment de la guerre, le gouvernement usaméricain a saisi son brevet en tant que propriété d'un “étranger ennemi”. « J'ai bien aimé quand elle a dit : j'étais assez américaine pour vendre des obligations de guerre, mais que j'étais une étrangère quand il s'agissait de mon invention ! », constate Bueno.

Plus tard dans la soirée, Dean me parlait d'un nouveau film sur lequel elle travaille et qui retrace l'histoire de six femmes inventrices, dont deux scientifiques qui ont mis au point la technologie révolutionnaire d'édition de gènes CRISPR, lorsqu'une femme plus âgée s'est approchée de nous. Une femme plus âgée s'est approchée de nous : « C'était très douloureux de faire ce film ? » La réalisatrice a répondu par la négative avant de s’éloigner, mais la femme, Bernice Grafstein, âgée de quatre-vingt-huit ans et titulaire de la chaire Vincent et Brooke Astor en neurosciences à la faculté de médecine de Weill Cornell, est restée pour me parler. Sa spécialité, à l'époque où elle menait des recherches révolutionnaires, était la régénération des nerfs. « Lorsque j'ai été la première femme présidente de la Société des neurosciences, dans les années 1980, environ 30 % des membres étaient des femmes », se souvient-elle. « Malheureusement, les chiffres les plus importants se trouvent toujours dans les premiers stades, les post-docs, ils s'amenuisent au fur et à mesure que l'on gravit les échelons ».

Ce que Grafstein a trouvé le plus émouvant dans le film, c'est une situation que tout·e scientifique - et même toute personne créative - rencontre un jour ou l'autre. « Elle avait cette chose, ce brevet, et elle s'est heurtée à un mur », dit Grafstein. « Elle n'arrivait pas à franchir ce mur. Je ne pense pas que ce soit parce qu'elle était une femme. Je pense que c'est parce qu'elle n'avait pas le contexte pour le développer ». Bien qu'on lui demande parfois d'être la mentore de jeunes femmes qui espèrent faire carrière dans les sciences, Mme Grafstein admet qu'elle ne se sent pas tout à fait compétente pour le faire. « Ma carrière a été tellement différente de tout ce qu'elles sont susceptibles de vivre que je ne sais pas quoi leur dire », dit-elle. « J'avais une chose qu’elles n'ont pas, à savoir une grande visibilité. Lorsque j'entrais dans une réunion, j'étais la fille. The Girl. Tout le monde savait qui j'étais, instantanément ». Elle rit. « C'était donc un bon début ».


 
 

 
 

 


Tombe d'honneur au Cimetière central de Vienne (ses cendres ont été dispersées dans les bois de la capitale autrichienne). Un parc Hedy Lamarr avec un musée/café interactif sur le toit d'un grand magasin KaDeWe en construction ouvrira sur la Mariahhilfer-Strasse en novembre 2024