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20/11/2023

MAYA LECKER
Le 7 octobre, le sexisme dans l’armée israélienne a été mortel

 Maya Lecker, Haaretz, 20/11/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT
La lecture de cet article hallucinant  a achevé de me convaincre que ce qu’on appelle Israël est le plus grand asile psychiatrique du monde connu. J’aimerais bien savoir ce qu’en pensent les féministes du reste du monde.

Il n’est pas nécessaire d’inventer une conspiration pour expliquer les échecs catastrophiques du 7 octobre. Les doses criminelles de chauvinisme et d’arrogance restent toujours impunies.

Des guetteuses de l’armée israélienne au travail à Nahal Oz. Photo de l'armée

Quinze femmes soldats non armées ont été tuées à la base de surveillance de Nahal Oz des FDI le 7 octobre, lors de ce que l’on appelle généralement l’attaque “surprise” du Hamas contre les communautés [israéliennes juives] frontalières de Gaza. Sept autres ont été prises en otage et l’une d’entre elles a été tuée par ses ravisseurs à Gaza.

Maya et Yael, deux guetteuses (ou observatrices de terrain) survivantes, ont vécu l’enfer. Leurs amies ont été exécutées sous leurs yeux et elles ont dû faire semblant d’être mortes pendant des heures, entourées de cadavres, avant d’être secourues sous les tirs. Comme elles l’ont dit depuis au journaliste d’investigation israélien Roni Singer sur la chaîne publique Kan, elles ne font pas seulement face à la perte de leurs amies, au traumatisme de cette journée et aux blessures physiques, mais à quelque chose de bien plus grave.

Pour Maya et Yael, ainsi que pour des dizaines d’autres femmes de Tsahal positionnées à la frontière de Gaza et chargées de surveiller la bande de Gaza en permanence, de recueillir des renseignements et des informations sur les activités terroristes, l’attaque du 7 octobre n’a pas été une surprise. Elles avaient une très bonne idée de son déroulement dès la seconde où elle a commencé. En effet, pendant des mois, elles ont vu des militants du Hamas s’entraîner pour ce scénario : ils s’entraînaient à conduire les véhicules à travers la frontière, à assassiner des civils israéliens dans les kibboutzim, à s’emparer des bases de l’armée, à démonter les caméras de la clôture frontalière et même à retourner dans  Gaza avec des otages.

Les jeunes soldates ne prennent pas cette découverte à la légère. À plusieurs reprises, elles ont raconté à leurs commandants ce dont elles avaient été témoins. Des officiers de tous grades leur ont dit que leurs rapports n’avaient aucun sens. Certains ont dit aux observatrices qu’elles ne comprenaient pas ce qu’elles voyaient, même lorsqu’il s’agissait de très hauts responsables du Hamas qui donnaient des instructions à des hommes armés à quelques mètres de la clôture. Un officier israélien de haut rang qui a visité la base de Nahal Oz cette année a été explicite : « Je ne veux plus entendre parler de ces absurdités », a-t-il déclaré. "Si vous m’enquiquinez encore avec ça, vous passerez en justice ».

Talia (nom fictif), une observatrice interrogée par Yaniv Kubovich de Haaretz, a déclaré que cette attitude avait toujours prévalu vis-à-vis des femmes soldats de sa base. « Personne ne fait vraiment attention à nous », lui a-t-elle dit. Pour eux, c’est « restez devant votre écran » et c’est tout. Ils disaient : « Vous êtes nos yeux, pas la tête qui doit prendre des décisions sur les informations ».

Les histoires sur la façon dont ces soldates ont été ignorées de façon méprisante et constante par des hommes plus âgés et plus expérimentés sont si stupéfiantes qu’elles sont déjà à la base de certaines théories conspirationnistes entourant les événements du 7 octobre. Car pourquoi une armée de pointe, une superpuissance du renseignement, construirait-elle des systèmes de défense sophistiqués, y consacrerait-elle des milliards, puis formerait-elle des centaines ou des milliers de jeunes femmes à leur utilisation - pour ensuite ne rien faire des informations qu’elles ont recueillies ? C’est à n’y rien comprendre.

Sauf, bien sûr, si vous avez déjà été une femme dans l’armée, sur un lieu de travail ou dans le monde. Vous savez alors qu’il n’est pas nécessaire d’inventer une conspiration pour expliquer les échecs catastrophiques du 7 octobre. Les doses criminelles de chauvinisme et d’arrogance restent toujours impunies.

 

 

ANNE BOYER
Ma démission
Une poétesse ulcérée par la propagande pro-israélienne claque la porte du New York Times

Anne Boyer, Mirabilary, 16/11/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Anne Boyer (Topeka, Kansas, 1973) est une poétesse, essayiste et professeure usaméricaine qui a reçu le Prix Pulitzer de l’essai en 2020. Jusqu’au 16 novembre, elle était responsable de la rubrique Poésie du New York Times Magazine, le supplément dominical du quotidien, qui publie un poème chaque semaine. Voici son annonce de démission.

Je viens de donner ma démission de mon poste de rédactrice en chef de la rubrique Poésie du New York Times Magazine. 

La guerre de l’État d’Israël contre la population de Gaza, soutenue par les USA, n’est une guerre pour personne. Elle n’offre aucune sécurité, ni pour Israël, ni pour les USA, ni pour l’Europe, et surtout pas pour les nombreuses personnes juives dénigrées par ceux qui prétendent abusivement se battre en leur nom. Les seuls à en tirer un profit mortel sont les intérêts pétroliers et les fabricants d’armes.

Le monde, l’avenir, nos cœurs, tout devient plus petit et plus difficile à cause de cette guerre. Il ne s’agit pas seulement d’une guerre de missiles et d’invasions terrestres. Il s’agit d’une guerre permanente contre le peuple de Palestine, un peuple qui résiste depuis des décennies à l’occupation, aux déplacements forcés, aux privations, à la surveillance, au siège, à l’emprisonnement et à la torture.

Vu que notre statu quo est une expression personnelle, le mode de protestation le plus efficace pour les artistes est parfois de refuser.

Je ne peux pas écrire sur la poésie au milieu des tons “raisonnables” de ceux qui cherchent à nous acclimater à cette souffrance déraisonnable. Finis les euphémismes macabres. Finis les paysages d’enfer verbalement aseptisés par du blabla. Finis les mensonges va-t-en-guerre.

Si cette démission laisse dans les news un trou de la taille d’une poésie, alors c’est là la vraie forme du présent. 

Manifestation pour la Palestine  devant le siège du New York Times le 9 novembre 2023