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08/09/2024

GIDEON LEVY
La société israélienne a vraiment sombré dans la cruauté, la violence et l’apathie : il suffit de nous regarder

Gideon Levy, Haaretz, 8/9/2024
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala 

Vendredi 6 septembre, 11 enterrements ont eu lieu dans le camp de réfugiés de Jénine. Huit des personnes décédées étaient des résidents du camp qui ont été tués par l’armée israélienne ; trois sont morts de causes naturelles. Aucun d’entre eux n’a pu être enterré au cours des dix jours précédents, en raison de l’opération brutale des Forces de défense israéliennes dans le camp. Les corps de cinq autres personnes ont été saisis par l’armée pour ses besoins.



Photos Nasser Nasser/AP

Vendredi matin, les FDI ont quitté le camp, après avoir mené à bien la mission qui a reçu le nom sadique d’Opération Camp d’été, et les habitants ont commencé à retourner dans ce qui restait de leurs maisons après le camping de l’armée. Ils étaient en état de choc.

Un homme a déclaré samedi que les images étaient encore pires que les scènes de destruction après l ‘opération Bouclier défensif de 2002 et que le comportement des soldats pendant ces dix jours terribles avait été plus violent et vicieux que jamais. L’esprit de la guerre à Gaza est devenu le zeitgeist de l’armée.

Mon interlocuteur, Jamal Zubeidi - qui avait déjà perdu neuf membres de sa famille dans la lutte palestinienne, dont deux de ses fils, et qui a perdu la semaine dernière Hamudi, le fils de son neveu Zakaria Zabeidi - est retourné une fois de plus dans une maison en ruine, comme en 2002. Pendant les dix jours de l’opération, il s’est caché dans la maison de sa fille, dans la montagne. Environ deux tiers des quelque 12 000 résidents du camp ont été évacués, conduits en colonnes de réfugiés sous la supervision des soldats, comme à Gaza.

 Alors que les habitants de Jénine enterraient leurs morts, les soldats ont tiré sur une jeune fille de 13 ans et l’ont tuée. Banya Laboum est morte dans sa maison du village de Qaryout, dont les habitants ont tenté de se défendre après que des colons ont mis le feu à leurs champs. Les colons font une émeute, l’armée arrive - et tue curieusement des Palestiniens. Les médias appellent ces incidents des « confrontations ». La victime d’un viol affronte son violeur, la victime d’un vol son voleur. Dans la folie de l’occupation, l’agresseur est la victime et la victime est l’agresseur.


À peu près au même moment, non loin de Qaryout, dans le village de Beita, des soldats ont tué une manifestante - une militante usaméricain des droits humains qui était également citoyenne turque.  Ayşenur Ezgi Eygi a reçu une balle dans la tête lors d’une manifestation contre la colonie sauvage d’Evyatar, construite sur les terres du village et qui a déjà coûté la vie à au moins sept Palestiniens.

La Maison Blanche s’est déclarée « profondément troublée par cette mort tragique ». Mais il ne s’agit pas d’une « mort tragique ». Jonathan Pollak, un journaliste de Haaretz, a déclaré avoir vu les soldats sur un toit : « J’ai vu les soldats tirer. J’ai vu les soldats tirer... Je les ai vus viser », ajoutant qu’à ce moment-là, il n’y avait pas d’affrontements actifs. Quant à la « profonde perturbation » à la Maison Blanche, elle passera rapidement.

Le président Joe Biden n’a pas appelé la famille de la femme, comme il a appelé la famille Goldberg-Polin ; Ezgi Eygi n’a pas non plus été déclaré héroïne usaméricaine, comme l’a été Hersh Goldberg-Polin, qui avait été enlevé et exécuté.


Samedi, Josh Breiner a publié une vidéo filmée dans la prison de Megiddo le matin des meurtres criminels, dans laquelle des dizaines de Palestiniens sont allongés sur le sol - prostrés, à moitié nus, les poignets liés dans le dos - tandis que des gardes israéliens passent devant eux ; l’un d’eux tient un chien policier qui passe à quelques centimètres des visages des détenus, aboyant vicieusement.

Le drapeau israélien flotte au-dessus de ce spectacle honteux - un cadeau à Itamar Ben-Gvir. L’administration pénitentiaire israélienne a rassuré la poignée d’observateurs indignés : « C’est un exercice de routine ». C’est de la routine. Un divertissement ordinaire de l’administration pénitentiaire, une cérémonie de Shabbat pour les gardiens sadiques.

Tout cela s’est passé un vendredi, un jour ordinaire. Israël a baillé. Il a été beaucoup plus bouleversé par l’ arrestation (exaspérante) d’une jeune femme juive qui avait jeté une poignée de sable sur Ben-Gvir en goguette familiale sur la plage de Tel Aviv que par la fusillade mortelle d’une femme non juive qui était motivée par des principes au même titre que la jeune femme de Tel-Aviv.

Dans les ruines du camp de réfugiés de Jénine, Jamal Zubeidi tente de mesurer l’étendue des dégâts subis par sa maison, dont les soldats ont jeté le contenu dans la rue. Il n’y avait plus d’électricité dans le camp et l’obscurité s’est abattue sur lui. Au cours de nos longues années d’amitié, je n’avais jamais entendu Zubeidi parler avec autant de désespoir. « Ils reviendront et nous reviendrons. Une nouvelle génération arrivera. Cela ne s’arrêtera pas là », a-t-il déclaré avec lassitude.

Regardez ce qui s’est passé vendredi dans le camp de réfugiés de Jénine, à Qaryout, à Beita et dans la prison de Megiddo - et peut-être nous verrez-vous, enfin.


 

 

NOUR ALHAKK
Les Juifs ont-ils fait fleurir des déserts ?
Contes et légendes sionistes sur le vol des terres palestiniennes

 Nour Alhakk, 6/9/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Nour Alhakk est un testeur logiciel d’origine palestinienne vivant au Canada.

Chaque fois que j’entends un premier ministre israélien, je me souviens de l’observation incisive de Norman Finkelstein:

« S’il existait un Oscar pour la meilleure performance théâtrale d’un pays, Israël le remporterait chaque année. C’est une nation construite sur le théâtre - un État lunatique, complètement zinzin ».

 Une femme palestinienne récoltant des oranges à Jaffa, en Palestine, années 1930. (Source : Yaffa48)

Lorsque le Polonais David Grün alias Ben Gourion a proclamé la création de son État colonial, il a déclaré :

« Poussés par cet attachement historique et traditionnel, les Juifs se sont efforcés, à chaque génération successive, de se rétablir dans leur ancienne patrie. Au cours des dernières décennies, ils sont revenus en masse. Pionniers, ma’pilim (terme hébreu désignant les immigrants défiant la législation restrictive britannique) et défenseurs, ils ont fait fleurir les déserts, fait revivre la langue hébraïque, construit des villages et des villes... ».

On peut s’interroger : Quel était l’état mental de Ben Gourion lorsqu’il a fait cette déclaration ? Était-il sous l’influence de l’alcool ? Depuis quand la Palestine était-elle un désert ?

Pendant plus de 200 ans, les musulmans et les croisés se sont disputé férocement la Palestine, qui n’était pas une terre stérile.  [avant eux, Alexandre le Grand, en route de l’Égypte vers Canaan, a fait le siège de Gaza pendant 3 ans, NdT]. En 1799, le général Napoléon Bonaparte a envahi Gaza et Jaffa, avant d’essuyer une défaite décisive en tentant de s’emparer d’Acre. Napoléon essayait-il de conquérir un désert ?

La description de la Palestine par Ben Gourion comme une terre désolée n’est pas seulement inexacte, c’est aussi une déformation flagrante de l’histoire.


Yosef Weitz, 1945 Source Wikipedia

L’incohérence de l’affirmation de Ben Gourion sur le désert : le journal de Yosef Weitz de 1941 et la vérité sur la terre palestinienne

À quoi ressemblait réellement la Palestine avant la création de l’État d’Israël ?

Pour répondre à cette question, je me tournerai non pas vers un Palestinien, un Arabe ou un musulman, mais vers un proche allié de David Ben Gourion.

Yosef Weitz, un Polonais juif arrivé en Palestine en 1908 - douze ans avant Grün - était une figure clé du département de colonisation du Fonds national juif. Le journal de Weitz, qui s’étend sur cinq volumes et qui est conservé aux Archives sionistes de Jérusalem, commence en 1932 et se poursuit jusqu’à sa mort en 1970. Ce journal est rempli de notes urgentes visant à saisir les opportunités offertes par la guerre de 1948 et contient des preuves incriminantes de crimes de guerre, de pillages et d’atrocités commis par les forces de l’« État juif » nouvellement établi.

Au cours de l’été 1941, Weitz a parcouru le centre de la Palestine et a consigné ses observations dans son journal :

« De grands villages [arabes palestiniens] peuplés et entourés de terres cultivées où poussent des olives, des raisins, des figues, du sésame et des champs de maïs...

Serions-nous en mesure de maintenir des colonies dispersées parmi ces villages [arabes palestiniens] existants qui seront toujours plus grands que les nôtres ?

Et y a-t-il une possibilité d’acheter leurs [terres] ?...

Et une fois de plus, j’entends cette voix intérieure qui m’appelle : évacuez ce pays ». (Expulsion des Palestiniens, 133)

Ce récit contredit directement toute affirmation selon laquelle la Palestine était une terre stérile avant la création d’Israël.


Photographie de 1914 : Les orangeraies de Jaffa, Palestine. Source : Palestine Remembered

En outre, lorsque l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le plan de partage de la Palestine en 1947, Weitz a noté que la majeure partie des terres cultivables de l’« État juif » proposé appartenait à des Palestiniens. Il a écrit :

« [La plupart des terres sont] cultivées par des Palestiniens :

« [La plupart des terres] n’appartiennent pas à des Juifs ni même à la catégorie du domaine de l’État dont la propriété pourrait être automatiquement assumée par un gouvernement successeur. Ainsi, sur les 13 500 000 dunums (dont 6 000 000 de désert et 7 500 000 dunums de terres cultivables) de l’État juif selon le plan de partage, SEULEMENT 1 500 000 dunums appartenaient à des Juifs ». (Expulsion des Palestiniens, p. 183)

Ces documents de Weitz révèlent un paysage riche en terres cultivées et soulignent l’écart important entre la réalité de la propriété palestinienne et les affirmations faites sur le statut de la terre.

Photographie de 1940 : La rue Nuzha : l’une des rues les plus célèbres de Jaffa, Palestine (Source : Palestine Remembered)

Le vol des terres

Les intentions de Weitz à l’égard de la population palestinienne sont tout aussi révélatrices. Lors d’une réunion avec le Comité des transferts, le 15 novembre 1937, il déclare :

« ...le transfert de la population arabe [palestinienne] de la zone de l’État juif n’a pas qu’un seul but : diminuer la population arabe.

Il sert également un second objectif, non moins important, qui est de plaider pour les terres actuellement détenues et cultivées par les Arabes [palestiniens] et de les libérer ainsi pour les habitants juifs ». (Expulsion des Palestiniens, p. 94-95)

Cette déclaration souligne que le « transfert » des Palestiniens n’était pas seulement une stratégie démographique, mais aussi un effort calculé pour les déposséder de leurs terres, facilitant ainsi leur appropriation par les colons juifs. La combinaison des observations et des intentions de Weitz donne une image plus claire de l’approche systématique du déplacement des Palestiniens et de l’appropriation de leurs terres.

Sources :

1.      Masalha, Nur. Expulsion of the Palestinians : The Concept of « Transfer » in Zionist Political Thought, 1882-1948. Washington, DC : Institut d’études palestiniennes, 1992. 

2. Jaffa avant l’occupation israélienne : Jaffa - يافا (יפו) - Palestine Remembered

NdT

« Nous avons fait refleurir le désert » est un des mantras principaux des contes et légendes sionistes tout de suite après celui proclamant que la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». On peut lire un exemple de cette propagande dans Faire fleurir le désert est un exploit qu’Israël est le seul à le [sic] faire au Moyen – Orient !, par Souhail Ftouh, un Tunisien se disant avocat, qui a « choisi l’exil » (vers la France) en 2012 pour mieux défendre la « cause juive » sur des sites ouèbe sionistes et fascistes.

Le site de Battir, situé à quelques kilomètres au sud-ouest de Jérusalem, dans les hautes terres entre Naplouse et Hébron a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 2014. Le paysage de collines de Battir comprend une série de vallées agricoles, widian, caractérisées par des terrasses de pierre, certaines irriguées pour la production maraîchère, d’autres sèches et plantées de vignes et d’oliviers. Le développement de ces terrasses cultivées, dans un environnement très montagneux, s’est appuyé sur un réseau de canaux d’irrigation alimenté par des sources souterraines. L’eau collectée grâce à ce réseau est attribuée selon un système traditionnel de répartition équitable entre les familles du village de Battir, situé à proximité de ce paysage culturel. Drôle de « désert »