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16/07/2024

MEGAN K. STACK
En Israël, “les ténèbres sont partout”

 Megan K. Stack, The New York Times, 16/5/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Megan K. Stack est chroniqueuse d'opinion au New York Times et écrivaine. Depuis 2001, elle a réalisé des reportages sur la guerre, le terrorisme et l'islam politique dans vingt-deux pays. Elle a été chef du bureau de Moscou pour le Los Angeles Times.
Auteure de Every Man in This Village is a Liar et Women's Work: A Reckoning with Work and Home. @Megankstack

Ce sont les photos de Palestiniens nageant et prenant le soleil sur une plage de Gaza qui ont déplu à Yehuda Shlezinger, un journaliste israélien. Portant des lunettes rondes rouges et une légère barbe, Shlezinger a exprimé son dégoût face à ces images “dérangeantes” lors de son passage sur la Chaîne 12 israélienne.


« Ces gens méritent la mort, une mort dure, une mort atroce, et au lieu de cela, nous les voyons profiter de la plage et s'amuser » s'est plaint Shlezinger, correspondant pour les affaires religieuses du journal de droite Israel Hayom, largement diffusé. « Nous aurions dû voir beaucoup plus de vengeance », a ajouté Shlezinger sans complexe. « Beaucoup plus de rivières de sang gazaoui ».


Le mur de l’apartheid qui serpente le long de la Cisjordanie. Photo : William Keo pour le New York Times

 Il serait agréable de penser que Shlezinger est une figure marginale ou que les Israéliens seraient choqués par ses fantasmes sanglants. Mais ce n'est pas le cas, et beaucoup ne le seraient pas.

Israël s'est endurci, et les signes en sont visibles. Un langage déshumanisant et des promesses d'anéantissement de la part des dirigeants militaires et politiques. Des sondages qui ont révélé un large soutien aux politiques qui ont semé la dévastation et la famine à Gaza. Des selfies de soldats israéliens se pavanant fièrement dans des quartiers palestiniens écrasés par les bombes. Une répression de toute forme de dissidence, même légère, parmi les Israéliens.

La gauche israélienne - les factions qui critiquent l'occupation des terres palestiniennes et favorisent les négociations et la paix - n'est plus qu'un moignon flétri d'un mouvement autrefois vigoureux. Ces dernières années, l'attitude de nombreux Israéliens à l'égard du “problème palestinien” est allée de la lassitude détachée à la conviction profonde que l'œuvre de Dieu est de chasser les Palestiniens de leurs terres et de les soumettre.

 Soldates israéliennes se prenant en selfie sur fond de crimes de guerre à Gaza. Photo : Tsafrir Abayov/Associated Press

Ce paysage idéologique sombre a émergé lentement puis, le 7 octobre, d'un seul coup.

Le massacre et les enlèvements de ce jour-là ont, comme on pouvait s'y attendre, suscité une soif de vengeance dans l'opinion publique. Mais en réalité, au moment où les tueurs du Hamas se sont déchaînés dans les kibboutzim - qui abritaient certains des derniers pacifistes -, de nombreux Israéliens en étaient arrivés depuis longtemps à considérer les Palestiniens comme une menace qu'il valait mieux éliminer. La mythologie romantique et les vœux pieux de l'USAmérique à l'égard d'Israël encouragent la tendance à considérer le Premier ministre Benjamin Netanyahou comme la principale cause de l'impitoyabilité à Gaza, où Israël a tué plus de 35 000 personnes. Le premier ministre impopulaire et criblé de scandales fait un ogre convaincant dans une histoire simplifiée à l'extrême.

Mais le massacre d'Israël à Gaza, la famine rampante, la destruction massive de quartiers - voilà, selon les sondages, la guerre que voulait le public israélien. Selon une enquête réalisée en janvier, 94 % des Israéliens juifs estiment que la force utilisée contre Gaza est appropriée, voire insuffisante. En février, un sondage a révélé que la plupart des Israéliens juifs s'opposaient à l'entrée de nourriture et de médicaments dans la bande de Gaza. Ce n'est pas seulement Netanyahou, mais aussi les membres de son cabinet de guerre (dont Benny Gantz, souvent présenté comme l'alternative modérée à Netanyahou) qui ont rejeté à l'unanimité un accord avec le Hamas visant à libérer les otages israéliens et qui, au lieu de cela, ont lancé un assaut sur la ville de Rafah, débordant de civils déplacés.

PHILIP WEISS
Israël est en train de se désagréger, et les dirigeants usaméricains sont dans le déni


Philip Weiss, Mondoweiss, 15/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Philip Weiss (USA, 1955) est un journaliste et écrivain usaméricain juif et antisioniste, fondateur, avec Adam Horowitz, du site ouèbe Mondoweiss en 2007.
Biographie

L’incapacité d’Israël à résoudre la question palestinienne autrement que par l’apartheid et les massacres a favorisé l’émergence d’une culture politique fasciste et raciste dans le pays. Mais cette vérité doit être cachée aux USAméricains.

Plusieurs voix de gauche ont récemment déclaré qu’Israël était en train de se désagréger. La société est déchirée par la guerre, le gouvernement est dominé par des racistes brutaux et la seule réponse du pays à la question fondamentale - la moitié de la population est palestinienne -, c’est l’apartheid et les massacres à répétition.


« Des soldats israéliens ont mis le feu à la bibliothèque de l’université Al Aqsa dans la ville de Gaza et se sont photographiés devant les flammes », a rapporté le journaliste Younis Tirawi sur X le 23 mai. Tirawi a montré que la photo avait été partagée sur les médias sociaux par le soldat israélien Tair Glisko. 424e  bataillon, brigade Givati, qui a ensuite rendu son compte privé.

La culture politique israélienne a des relents de fascisme. Les derniers massacres de civils à Gaza sont immédiatement approuvés par les politiciens centristes, tandis que les ministres de droite lancent des appels à l’exécution des prisonniers palestiniens. L’ensemble de la société dénonce la libération d’un médecin innocent enlevé par les forces israéliennes à Gaza et se lance dans (ce que Gideon Levy appelle) « une campagne hystérique de panique, d’incrimination, de haine, de déshumanisation, de soif de vengeance, de soif de sang ».

On a l’impression qu’Israël n’a pas d’issue. Il n’est pas étonnant que des centaines de milliers d’Israéliens aient fui le pays depuis octobre dernier.

Comment les USA font-ils face à ces réalités ? La réponse à ces 20 dernières années de haine anti-palestinienne a été le déni. La réponse à ce cycle politique est également un déni total.

L’establishment usaméricain insiste sur le fait qu’Israël est une démocratie saine et qu’il est capable d’évoluer vers une solution à deux États dans laquelle les Palestiniens vivraient côte à côte avec les Israéliens.

Aucun expert de la situation ne le croit, mais ces fictions soutiennent notre classe politique, comme Paul Begala qui a déclaré la semaine dernière sur CNN que Biden avait fait preuve d’un grand leadership sur Gaza. Si nos experts regardaient la vérité en face - Israël est un État juif suprémaciste qui ne cherche qu’à obtenir plus de terres avec moins de Palestiniens, et qui tue de jeunes Palestiniens sans aucune hésitation - , les USA devraient prendre des mesures, avec le reste du monde, pour isoler Israël.

C’est la leçon que l’on peut tirer de la défaite de Jamaal Bowman : ce membre du Congrès a vu l’occupation de près en 2021 lors d’un voyage de J Street en Israël et en Palestine et, selon l’excellent rapport de Calder McHugh dans Politico, il n’a pas pu mentir sur l’impasse dans laquelle se trouve Israël et sur les crimes de guerre.

« [La solution à deux États] était la chose que vous disiez pour que tout le monde vous laisse tranquille... pour qu’au moins vous puissiez satisfaire les deux parties, la liberté palestinienne et l’État juif », explique [Bowman]. Mais ce qu’il a retenu de ces cinq jours de réunions et d’entretiens, de déjeuners en boîte et de dîners chics, c’est qu’il n’y avait aucune volonté politique au sommet du gouvernement israélien de poursuivre une solution à deux États ou de s’engager dans un quelconque processus de paix durable - et que la volonté des USA d’envoyer une aide importante à Israël sans aucune condition n’était donc pas judicieuse.

Et après que Bowman a qualifié ce qui se passait à Gaza de génocide et a déclaré que le boycott était légitime, J Street lui a retiré son soutien.