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10/02/2023

Ada Colau annonce que la mairie de Barcelone suspend ses relations avec Israël

La mairesse précise que cela inclut la suspension de l’accord de jumelage avec Tel-Aviv signé en 1998.

 

Maria Ortega et Elena Freixa , ARA, 9/2/2023

 Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Barcelone - Cinq ans après avoir signé son accord de jumelage avec la ville israélienne de Tel-Aviv, la mairie de Barcelone a décidé qu’il était temps d’arrêter. La mairesse Ada Colau a annoncé cette décision, ainsi que la suspension temporaire de toutes les relations entre la ville et l’État d’Israël. Elle a déjà envoyé une lettre au premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dans laquelle elle l’informe de cette mesure en répudiation de la politique de “persécution” et d’“apartheid” envers le peuple palestinien. Quelques heures plus tard, le ministère israélien des Affaires étrangères a réagi : le porte-parole du ministère, Lior Haiat, a déclaré que la décision de Colau « est un renforcement pour les extrémistes, les groupes terroristes et les antisémites ».

"Suite à l'appel de 100 organisations et de plus de 4 000 citoyens de Barcelone exigeant la défense des droits humains des Palestiniens et en ma qualité de maire, j'ai informé par courrier le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, de ma décision de suspendre toute relation institutionnelle entre Barcelone et Tel-Aviv." (Ada Colau, 8/2/2023)

Cette mesure, temporaire, selon la mairesse, relève le gant de l’initiative citoyenne qui, depuis des mois, se mobilise pour demander l’annulation de l’accord d’amitié et de coopération que le maire Joan Clos avait signé en 1998 avec Tel-Aviv et Gaza. Il a été scellé dans le cadre des accords d’Oslo, le processus de paix qui avait débuté quelques années plus tôt. Et le mouvement citoyen, qui a rassemblé 108 organisations et a reçu l’aval du syndic de Barcelone, David Bondia, considère que le contexte actuel n’est plus le même qu’à l’époque de la poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, et qu’il est devenu évident que le processus de paix n’a pas fonctionné. Pour cette raison, la mairie demande la révocation de cet accord et la rupture des relations institutionnelles avec l’État d’Israël. Finalement, la demande ne passera pas par une séance plénière, comme ces organisations s’y attendaient, mais la maire elle-même a choisi de suspendre l’accord.

 

« Il s’agit d’une mesure contre la politique d’un gouvernement, pas contre une communauté, un peuple ou une religion », a insisté Colau lors d’une apparition avec l’adjointe chargée de la justice globale, Laura Pérez, et les organisations à l’origine de l’initiative, qui ont recueilli les 3 750 signatures nécessaires pour que cette question soit inscrite à l’ordre du jour de la session plénière de février. Une étape qui ne sera plus nécessaire. Il n’y aura plus de débat. Si Clos a décidé en tant que maire de le signer sans que la question soit soumise à la plénière, Colau choisira de le suspendre, comme le syndic de la ville lui a recommandé de le faire. Et comme ses partenaires gouvernementaux, le PSC [Parti des socialistes de Catalogne, branche régionale du PSOE], l’ont déjà sévèrement critiquée, ils se sont empressés de faire savoir qu’ils y sont totalement opposés et qu’ils présenteront une initiative en séance plénière pour demander le rétablissement des relations aujourd’hui rompues.


Selon la mairesse-adjointe Laia Bonet (PSC), ce que Colau a fait est une « erreur très grave » et elle l’accuse d’avoir agi "unilatéralement" après avoir été “certaine” que la proposition de rompre le jumelage aurait été rejetée en séance plénière. En fait, seuls les votes des Comuns [membres de Barcelona en Comú, le parti de Colau] étaient garantis. Le reste des forces avait soit fait savoir qu’elles étaient contre, soit n’avaient pas encore pris position. « En tant que capitale de la Méditerranée, nous nous asseyons pour parler avec toutes les villes et l’Union pour la Méditerranée inclut à la fois Israël et la Palestine », a déclaré Mme Bonet. Le candidat de Junts [parti de Carles Puigdemont], Xavier Trias, a lui aussi sévèrement critiqué la décision : « C’est une grave erreur », a-t-il déclaré, et il a appelé à une Barcelone qui fonctionne « sans sectarisme » et « engagée dans le dialogue et la compréhension ».

Un accord “caduque”

Ce que les organisations promouvant l’initiative Barcelona con el apartheid no n’ont pas demandé au gouvernement municipal, c’est de renforcer la coopération avec les organisations palestiniennes et internationales, y compris israéliennes, qui travaillent pour mettre fin à la violation des droits humains de la population palestinienne, et d’entamer le processus de suspension des relations institutionnelles avec l’État d’Israël. La première étape, soulignent-ils, est de rompre un accord de jumelage qu’ils considèrent comme “caduque” et qui, selon eux, contredit les avertissements d’organisations telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) concernant les “crimes d’apartheid” commis par l’État d’Israël. Ils affirment qu’Israël a imposé un « système de discrimination et de fragmentation de la terre et de la population palestiniennes » et que la mairie de Barcelone elle-même admet qu’il n’a pas été possible de mener à bien la collaboration entre les territoires qui avait été convenue en 1998.

 

L’initiative a été promue par des organisations telles que La Fede [cartel de 125 ONG], la Comunitat Palestina de Catalunya, l’Associació Catalana de Jueus i Palestins Junts [Juifs et Palestiniens Unis] et la coalition Prou Complicitat amb Israel [Assez de complicité avec Israël], et bénéficie du soutien de syndicats tels que l’UGT et les Commissions Ouvrières et de mouvements tels que le Sindicat de Llogateres [locataires]  et Aigua és Vida [L’eau c’est la vie], entre autres. Au niveau politique, le mouvement a reçu le soutien de Barcelona en Comú et de la CUP [Candidature d’Unité Populaire, indépendantistes] (qui n’est désormais plus représentée au conseil municipal). Si elle avait été discutée en plénière, elle aurait été la première initiative de ce type à répondre aux exigences du nouveau règlement sur la participation municipale. Et il aurait fallu qu’elle soit approuvée par un groupe politique autre que Barcelona en Comú.

GIDEON LEVY
La vague de protestation en Israël ne concerne pas la démocratie : c’est une guerre de classe

Gideon Levy, Haaretz, 9/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

En fin de compte, c’est une guerre de classe. La lutte pour la démocratie sert de toile de fond, de manteau respectable en termes de principe et d’idéologie. Mais la véritable bataille est interclasses et interculturelle. La guerre tourne supposément autour de la nature du régime en Israël, entre deux camps qui prétendent être les vrais démocrates. Aucun d’eux ne l’est. Les partisans du coup d’État constitutionnel prétendent qu’il mènera à la démocratie, qui à leurs yeux est la tyrannie de la majorité (qui n’est pas la démocratie).

Manifestants à Tel Aviv samedi dernier contre les projets du nouveau gouvernement visant à affaiblir le système judiciaire. Photo : Corinna Kern/Reuters

Ses opposants affirment avec la même passion que ce plan détruira la démocratie, même si celle-ci ne peut absolument pas exister dans un État d’apartheid. Aucun des deux camps ne compte de véritables démocrates. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est certainement aussi motivé par sa colère contre le système judiciaire et sa tentative d’échapper à son procès, le ministre de la Justice Yariv Levin et Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, des lois et de la justice de la Knesset, ne sont pas des démocrates, ce sont des ennemis de la démocratie.

Mais les organisateurs de la manifestation de protestation ironique du Shabbat à Efrat ne sont pas non plus des démocrates. Le changement de régime proposé est un désastre, il annonce le fascisme, mais la guerre contre ce dernier ne concerne pas la démocratie, vu que la plupart de ceux qui la mènent ne sont pas des démocrates. Un démocrate se battrait pour la démocratie pour tous dans son pays. La plupart des héros de l’opposition actuelle ne se sont jamais intéressés à l’état de la démocratie à une heure de route de chez eux, c’est pourquoi il est difficile de les considérer comme des démocrates.

Ceux qui sont en train de provoquer le coup d’État ne sont certainement pas intéressés par la démocratie. Pour eux, ce n’est qu’un moyen de combattre l’ordre ancien, de punir et de se venger des classes et de la culture qui ont déterminé la conduite d’Israël depuis sa création. La guerre actuelle est donc menée pour quelque chose de plus profond que le régime : l’ordre social.

Les opposants au coup d’État du régime sont l’ancienne élite, même si cela ne sonne pas bien. Les enseignants, les architectes, les psychiatres, les généraux, les écologistes, les gens de la haute technologie, les économistes, les juristes et, bien sûr, Aharon Barak [ancien président de la Cour suprême de 1995 à 2006, NdT] et Ehud Barak. Ils sont tous issus d’une classe très spécifique de la société israélienne. En face d’eux se dresse la nouvelle élite, qui tente de se frayer brutalement un chemin vers le centre de la scène, après de longues années au sein d’un gouvernement qui n’y est pas parvenu.

C’est pour cela qu’ils se battent, pour faire reconnaître qu’ils sont une élite. Ils veulent une clause de dérogation judiciaire et une composition différente pour le comité de nomination des juges afin que ce soit eux qui décident qui seront les juges, afin que les juges soient comme eux, à leur image. Au passage, ils veulent éliminer tout contrôle juridique du gouvernement - un coup mortel pour la démocratie, mais cela est également dû à ce qu’ils considèrent comme la composition déformée de la Cour.

Si l’avocat Zion Amir était le président de la Cour suprême, il est douteux qu’ils s’attaquent au contrôle constitutionnel ou qu’ils modifient la composition du comité de nomination des juges. Les opposants ne veulent pas changer la composition du comité pour la même raison : Ils veulent que les juges continuent à être à leur image.

Peu de gens savent si la présidente de la Cour suprême Esther Hayut est une juriste importante et si elle est vraiment meilleure qu’un candidat que les politiciens de droite parachuteraient. Mais elle est l’une des nôtres. Peu importe que la Cour ait trahi son rôle pendant des années et n’ait pas surveillé les autorités qui ont commis des crimes de guerre. D’autre part, personne n’a menacé de déclencher une guerre civile, ni d’utiliser des armes à feu.

La guerre de classe est menée par des personnes qui sont également issues de l’ancienne élite. Netanyahou, Levin et Rothman n’ont pas grandi à Hatzor Haglilit [ville de Haute-Galilée habitée par des mizrahim, NdT], mais ils ont réussi à être considérés comme la voix fidèle et authentique des classes inférieures. Vous ne les convaincrez pas qu’ils ont tort. Leur amour pour Netanyahou n’est pas quelque chose qui peut être facilement changé. Il est beaucoup plus facile de lutter contre le coup d’État légal si nous acceptons les courants profonds qui le motivent.

La moitié d’Israël se sent exclue. Quelqu’un a réussi à les convaincre que la réforme est l’espoir d’un changement de son statut, que la nouvelle Knesset d’Israël, assemblage assez embarrassant de dignitaires, est sa représentante, et qu’il faut lui donner tous les pouvoirs : que c’est ça la démocratie. Il n’y a pas de mensonge plus dangereux, mais pour pouvoir le neutraliser, il faut commencer par comprendre ses motivations.