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20/10/2024

ENRICO CAMPOFREDA
Les dents de Yahya Sinwar et le châtiment du Dieu Israël

 Enrico Campofreda, 17/10/2024
L’auteur est un journaliste et écrivain italien
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


Le puzzle d’horreur
avec lequel les forces de défense israéliennes d’abord, et en cascade à leur suite divers sites ouèbe et par conséquent les médias en ligne, ont examiné les dents et les oreilles d’un cadavre excellent (qui n’est pas différent des milliers qu’Israël a semés le long des 42 kilomètres de la bande de Gaza en une année de massacres) et découvert qu’il pouvait s’agir du chef militaire du Hamas Yahya Sinwar, offre à Netanyahou une dose supplémentaire de lymphe vitale. Elle corrobore son goût macabre pour la tuerie, investi qu’il est du rôle de grand vengeur, et peu importe si pour frapper un ennemi juré, on entasse des cadavres plus ou moins mutilés, plus ou moins identifiables.


Dans le journal Maariv, le Dr Itai Gal (docteur en quoi ?) explique la procédure pour identifier l’homme tué à Gaza comme Sinwar. Chapeau de l’article : « Le corps du meurtrier de masse et leader du Hamas Yahya Sinwar a été retrouvé dans les ruines d'un immeuble à Gaza, et il suffisait de regarder la structure de ses dents pour savoir qu'il s'agissait d'un terroriste cruel. Mais pour en être sûr, il était nécessaire de réaliser un test ADN de son corps ». No comment [NdT]

Peu importe au gouvernement actuel, mais aussi à une bonne partie des concitoyens qui cautionnent une guerre d’extermination comme celle en cours. Peu importe au grand vieillard d’outre-Atlantique qui termine son mandat et n’a rien fait pour arrêter les mises à mort aveugles, non pas celle du monstre Sinwar, mais celles de civils sans défense Cela n’a aucune importance pour la ligne de politique étrangère des USA au Moyen-Orient, qui restera inchangée après les élections de novembre, avec Harris ou Trump dans le bureau ovale. Car Washington a décidé de remodeler la région selon la volonté israélienne, avec Tel Aviv comme pilier de l’alliance interarabe qui passe par Ryad, Le Caire, Abou Dhabi jusqu’aux frontières jordaniennes et après avoir détruit un Liban déjà en ruine.

Tout cela en préparation de l’assaut contre l’Iran, qui est depuis des semaines dans le collimateur d’une punition « éducative », même si elle est de taille moyenne, comme l’a souhaité la Maison Blanche. Mais à côté de la macro-géopolitique régionale, absolument mouvante, avec des inconnues et des évolutions à vérifier, prévaut le goût avec lequel Israël prend plaisir à semer la mort. Une mort généralisée, même lorsqu’il prétend punir ses ennemis par des assassinats ciblés, sachant qu’il y aura des « dommages collatéraux » de deux et cinq ans - tout à fait négligeables, alors que lorsque ces années appartiennent à ses enfants, l’horreur et la réprobation sont totales. Il n’en va pas de même pour les misérables Palestiniens, qui méritent tous les châtiments.

 En tuant Sinwar, Israël pourrait s’estimer heureux et « victorieux », surtout après avoir éliminé Haniyeh et des dizaines de personnalités du Mouvement de la résistance islamique Ce ne sera pas le cas, puisque son choix stratégique est d’anéantir non pas un État palestinien inexistant, mais son peuple, en le rendant esclave de sa volonté politique, des plans d’anéantissement méthodique de la guerre, de la persécution de la communauté et de l’individu. L’abaisser à une communauté démantelée et humiliée, réduite à vivre au milieu de décombres amoncelées, de fuites aliénantes, de peurs constantes, de déprédations périodiques... C’est la volonté de la « seule démocratie du Moyen-Orient » -louée soit-elle - qu’une partie du monde devrait accepter et ne peut pas accepter Tout comme ce qui reste du Hamas et les Palestiniens avec lesquels ce groupe est lié par choix mutuel ne l’acceptent pas.

Ayyash, Shehadeh, Yassine, Rantissi, Abu Selmeya, Jamila Al-Shanti, Al-Arouri, la mémoire de ceux que les habitants de Gaza, et pas seulement les miliciens vêtus de vert, appellent des martyrs est vivante, comme en témoignent, décennie après décennie, tous les chroniqueurs qui sont passés par ces lieux. Après Haniyeh et Sinwar, il s’en trouvera d’autres pour stimuler le désir de punition de la part du Dieu Israël. Assassins et victimes se condamnent réciproquement.

➤  Lire l'interview du général de brigade (ER) Yuval Bitton, le meilleur connaisseur (des dents) de Yahya Sinwar, dont il s'est occupé comme dentiste pénitentiaire...

DOHA CHAMS
L’“écosystème de la résistance” libanaise : environnement nourricier contre environnement nourricier ?

 Doha Chams, Al Araby Al Jadid, 18/10/2023

Original: بيئة حاضنة مقابل بيئة حاضنة؟

Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

Le terme « écosystème de la résistance » a longtemps été brandi pour désigner les Libanais qui soutiennent la résistance à l’ennemi israélien.
Je n’ai jamais aimé ce terme. Il implique que la résistance à l’ennemi est d’abord un choix d’une communauté confessionnelle particulière de Libanais*, et deuxièmement, indépendamment des lois libanaises qui déclarent explicitement qu’Israël est un ennemi, c’est une position libre garantie par la démocratie et la liberté d’expression !


Bienvenus en enfer, par José Alberto Rodríguez Avila, Cuba

Indépendamment de mon interprétation, quelle est la définition d’un écosystème ?
Comme tous les termes au Liban, chacun a un codage idéologique/sectaire. Ceux qui utilisent ce terme à l’intérieur du pays, ainsi bien chez l’ennemi, veulent se référer exclusivement à la communauté chiite, alors que les partisans de la résistance libanaise, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, ne se limitaient jamais à telle ou telle communauté.
 Les Libanais se souviennent encore que certains des principaux agents de l’occupation israélienne du sud avant la libération de l`an 2000 étaient musulmans chiites et chrétiens maronites. La trahison n’a pas de religion, comme l’ont prouvé les soi-disant « l’armée du Liban-Sud » d’Antoine Lahad,  alliée à Israël à l’époque, et les arrestations répétées d’agents [d’Israël] par la suite.
Cependant, depuis le début de l’agression israélienne, Israël utilise une définition plus large de l’“environnement nourricier” [du “terrorisme”, autrement dit la résistance]. Ainsi, il a considéré que toute personne hébergeant des Libanais déplacés des zones bombardées par l’ennemi, que ce soit dans la Bekaa, le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth, en particulier dans les zones mixtes multiconfessionnelles, était accusée de collaborer avec l’écosystème de la résistance, et donc avec la résistance elle-même. Leur punition, malgré leur statut de civil, est tout simplement le bombardement par des missiles lourds de dizaines de tonnes d`explosifs, comme le phosphore, interdits à l’échelle internationale, dont les sources se promènent entre notre mer et notre ciel violés, matin et soir, avec des armes données à Israël par le partenaire usaméricain.
Ce même partenaire qui a empêché, et empêche toujours, l’armée libanaise de posséder des armes, même défensives, qui lui permettraient de résister à la domination aérienne israélienne, et de protéger ainsi les civils et le territoire libanais. D’ailleurs c’est ce qui a justifié historiquement la résistance populaire libanaise sous toutes ses formes.
Cependant, à l’exception de quelques cacophonies ici et là, amplifiées par les médias anti-résistance, et malgré le bombardement de diverses zones résidentielles accueillant des personnes déplacées, faisant des centaines des morts et blessés, Israël a échoué. Il n’a pas réussi à déclencher le conflit confessionnel sur lequel il misait. Depuis le début des déplacements forcés, les Libanais ont accueilli chaleureusement leurs frères déplacés, quelle que soit la confession à laquelle ils appartenaient, en particulier dans les zones connues pour leur tendance à la « pureté sectaire ».
C’était rafraîchissant à entendre et à voir. Les différents dialectes régionaux ont commencé à se mélanger sur toute la carte du pays, à l’image de ce à quoi une nation devrait ressembler. Je l’ai remarqué un jour à Tripoli et un autre jour dans mon village, où l’on pouvait entendre un mélange de dialectes régionaux que l’on n’avait jamais l’habitude d`entendre.
À Achrafieh, un quartier christianisé depuis la guerre civile, où je suis allée aider dans une cuisine ouverte par un ami pour nourrir les personnes déplacées, un peu perdue, j’ai arrêté un passant et lui ai demandé l’adresse que j’avais sur moi. L’homme a souri et m’a répondu, à ma grande surprise, avec un « pur » accent du sud, qui m’est tombé dans les oreilles comme une note juste dans une symphonie de cacophonie sectaire, à laquelle, malheureusement, nous étions trop « habitués » pour nous attendre à entendre cet accent dans cet endroit.
Achrafieh, Tariq El Jdideh, le Chouf, Zghorta, Akkar, Jbeil [Byblos], Batroun, Deir al-Ahmar... Tous ces lieux sont en train de devenir un environnement incubateur, selon la définition israélienne.
Une définition insidieuse et dangereuse, que la récente déclaration de la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock, qui a justifié les bombardements de civils, a rendu encore plus dangereuse si elle est adoptée comme précédent dans les guerres futures.
Et je me suis interrogée : que penserait cette ministre “intelligente” [ouais, enfin…,NdlT], dont le gouvernement a utilisé hier une frégate de la FINUL pour intercepter un drone libanais lancé par la résistance vers l’ennemi avec lequel elle est engagée dans une bataille féroce ? Et si nous utilisions la définition israélienne élargie d’un écosystème, mais dans le sens inverse, et avec une petite réflexion sur la performance collective de l’Occident depuis un an jusqu’à aujourd’hui, que ce soit au Liban ou en Palestine ? Quelles seront les conséquences ?
Intuitivement, les États-Unis d’Amérique, avec leur composante sioniste, et la majorité des pays européens complices de la guerre d’Israël, deviendront aussi, dans ce sens, un environnement nourricier ! Avec une différence morale majeure, ils sont une couveuse pour les criminels de guerre, qu’ils soutiennent par la parole, les actes, les armes et la diplomatie.
Aujourd’hui, Israël ressemble plus que jamais à une base militaire avancée pour l’Occident collectif. Le poids d’une entité qui n’a aucune morale, aucun respect pour le droit international ou les considérations humanitaires. Son « écosystème » l’encourage à poursuivre sa brutalité en s’abstenant, en plus de le soutenir en armes et en expertise, de le punir, même au prix de la vie de ses citoyens, comme c’est le cas pour la FINUL.
D’autre part, l’adhésion aux lois internationales pendant les guerres, qui étaient destinées à préserver notre humanité, est presque une faiblesse dans la performance de la résistance contre un ennemi psychologiquement perturbé et brutal.
Dans un monde qui observe depuis plus d’un an le génocide à Gaza, en Cisjordanie et en Palestine en général, en plus de ce qu’il a commencé à faire au Liban, surtout depuis les assassinats que le monde « libre » a traités comme s’il s’agissait d’un comportement légitime, suivi du massacre des bipeurs, le bombardement de civils sous le prétexte qu’ils sont l’environnement incubateur de la résistance, pour ensuite les déplacer et les prendre pour cible. Tout cela fait que l’idée de viser l’environnement de soutien de l’ennemi, qui est au moins les colons armés et au plus les soutiens internationaux, est un objectif que les personnes endeuillées peuvent considérer comme plus que légitime, et c’est très dangereux.
Depuis le début de l’agression contre le Liban, des amis européens et usaméricains, notamment de pays qui soutiennent farouchement Israël, nous appellent pour prendre de nos nouvelles. Ils nous disent qu’ils sont de tout cœur avec nous et nous demandent s’ils peuvent nous aider d’une manière ou d’une autre.
Il est vrai que nous avons besoin de toute l’aide possible, et nous en sommes reconnaissants, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est qu’ils influencent positivement les politiques de leurs gouvernements afin d’empêcher leurs dirigeants fascistes de faire d’eux et de leur pays une simple couveuse pour le monstre.
Si cette définition d’incubateur échappe à tout contrôle, elle pourrait conduire à des représailles aveugles dans une réaction qui exprime le désespoir face à une justice internationale défaillante. Une justice qui, aujourd’hui plus que jamais, semble brisée et impuissante.
Le simple fait d’y penser m’effraie. Mon Dieu, que l’avenir de cette planète est sombre !

NdlT

*Le Liban compte 18 communautés confessionnelles : quatre musulmanes, douze chrétiennes, une druze et une juive. Depuis 1943, le système politique en vigueur est confessionnaliste, ce qui a eu des conséquences tragiques (notamment la guerre civile de 1975-1990)