Doha Chams, Al Araby Al Jadid, 18/10/2023
Original: بيئة حاضنة مقابل بيئة حاضنة؟
Traduit
par Tafsut Aït Baamrane,
Tlaxcala
Le terme « écosystème de la résistance » a longtemps été brandi pour désigner les Libanais qui soutiennent la résistance à l’ennemi israélien.
Je n’ai
jamais aimé ce terme. Il implique que la résistance à l’ennemi est d’abord un
choix d’une communauté confessionnelle particulière de Libanais*, et
deuxièmement, indépendamment des lois libanaises qui déclarent explicitement qu’Israël
est un ennemi, c’est une position libre garantie par la démocratie et la
liberté d’expression !
Indépendamment
de mon interprétation, quelle est la définition d’un écosystème ?
Comme tous
les termes au Liban, chacun a un codage idéologique/sectaire. Ceux qui
utilisent ce terme à l’intérieur du Liban, et aussi chez l’ennemi, veulent se
référer exclusivement à la communauté chiite, alors que les partisans de la
résistance, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, ne se
limitent jamais à telle ou telle communauté. Cela vaut pour la trahison comme
pour le travail. Les Libanais se souviennent encore que certains des principaux
agents de l’occupation israélienne du sud avant la libération de 2000 étaient
chiites et maronites. La trahison n’a pas de religion ni de secte, comme l’ont
prouvé l’armée du Liban-Sud d’Antoine e Lahad alliée à Israël à l’époque, et
les arrestations répétées d’agents [d’Israël] par la suite.
Cependant,
depuis le début de l’agression israélienne, Israël utilise une définition plus
large de l’“environnement nourricier” [du “terrorisme”, autrement dit la
résistance]. Ainsi, il a considéré que toute personne hébergeant des
Libanais déplacés des zones bombardées par l’occupation, que ce soit dans la
Bekaa, le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth, en particulier dans les
zones mixtes multiconfessionnelles, était accusée de collaborer avec l’écosystème
de la résistance, et donc avec la résistance elle-même. Leur punition, malgré
leur statut de civil, et malgré le fait qu’ils ne soient pas de l’environnement
immédiat, est tout simplement un meurtre avec préméditation. C’est-à-dire le
ciblage avec des missiles lourds et interdits à l’échelle internationale, dont
les sources se promènent entre notre mer et notre ciel, qui sont violés, matin
et soir, avec des armes données par le partenaire usaméricain.
Ce même
partenaire a historiquement empêché l’armée légitime libanaise de posséder des
armes, même défensives, qui lui permettraient de résister à l’agression et à la
domination aérienne israéliennes, et de protéger ainsi les civils et le
territoire libanais. C’est ce qui a justifié historiquement la résistance
populaire libanaise sous toutes ses formes.
Cependant, à
l’exception de quelques cacophonies ici et là, amplifiées par les médias
anti-résistance, et malgré le bombardement de diverses zones résidentielles
accueillant des personnes déplacées, Israël a échoué. Il n’a pas réussi à
déclencher le conflit confessionnel sur lequel il misait. Depuis le début des
déplacements forcés, les Libanais ont accueilli chaleureusement leurs frères
déplacés, quelle que soit la confession à laquelle ils appartenaient, en
particulier dans les zones connues pour leur tendance à la « pureté sectaire ».
C’était
rafraîchissant à entendre et à voir. Les différents dialectes régionaux ont
commencé à se mélanger sur toute la carte du pays, à l’image de ce à quoi une
nation devrait ressembler. Je l’ai remarqué un jour à Tripoli et un autre jour
dans mon village, où l’on pouvait entendre un mélange de dialectes de régions
que l’on n’avait jamais l’habitude de visiter.
À Achrafieh,
un quartier christianisé depuis la guerre civile, où je suis allée aider dans
une cuisine ouverte par un ami pour nourrir les personnes déplacées, j’ai
arrêté un passant un peu perdu et lui ai demandé l’adresse que j’avais sur moi.
L’homme a souri et m’a répondu, à ma grande surprise, avec un « pur » accent du
sud, qui m’est tombé dans les oreilles comme une note juste dans une symphonie
de cacophonie sectaire, à laquelle, malheureusement, nous étions trop «
habitués » pour nous attendre à entendre cet accent dans cet endroit.
Achrafieh, Tariq
El Jdideh, le Chouf, Zghorta, Akkar, Jbeil [Byblos], Batroun, Deir al-Ahmar...
Tous ces lieux sont en train de devenir un environnement incubateur, selon la
définition israélienne.
Une
définition insidieuse et dangereuse, que la récente déclaration de la ministre
allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock, qui a analysé les
bombardements de civils, a rendu encore plus dangereuse si elle est adoptée
comme précédent dans les guerres futures.
Et je me
suis interrogée : que penserait cette ministre intelligente [ouais, enfin…,NdlT],
dont le gouvernement a utilisé hier une frégate de la FINUL pour intercepter un
drone libanais lancé par la résistance vers l’ennemi avec lequel elle est
engagée dans une bataille féroce ? Et si nous utilisions la définition
israélienne élargie d’un écosystème, mais dans le sens inverse, et avec une
petite réflexion sur la performance collective de l’Occident depuis un an jusqu’à
aujourd’hui, que ce soit au Liban ou en Palestine ?
Intuitivement,
les États-Unis d’Amérique, avec leur composante sioniste, et la majorité des
pays européens complices de la guerre d’Israël, deviendront aussi, dans ce
sens, un environnement nourricier ! Avec une différence morale majeure, ils
sont une couveuse pour les criminels de guerre, qu’ils soutiennent par la
parole, les actes, les armes et la diplomatie.
Aujourd’hui,
Israël ressemble plus que jamais à une base militaire avancée pour l’Occident
collectif. Le poids d’une entité qui n’a aucune morale, aucun respect pour le
droit international ou les considérations humanitaires. Son « écosystème » l’encourage
à poursuivre sa brutalité en s’abstenant, en plus de le soutenir en armes et en
expertise, de le punir, même au prix de la vie de ses citoyens, comme c’est le
cas pour la FINUL.
D’autre
part, l’adhésion aux lois internationales pendant les guerres, qui étaient
destinées à préserver notre humanité, est presque une faiblesse dans la
performance de la résistance contre un ennemi psychologiquement perturbé et
brutal.
Dans un
monde qui observe depuis plus d’un an le génocide à Gaza, en Cisjordanie et en
Palestine en général, en plus de ce qu’il a commencé à faire au Liban, surtout
depuis les assassinats que le monde « libre » a traités comme s’il s’agissait d’un
comportement légitime, suivi du massacre des bipeurs, le bombardement de civils
sous le prétexte qu’ils sont l’environnement incubateur de la résistance, pour
ensuite les déplacer et les prendre pour cible. Tout cela fait que l’idée de
viser l’environnement de soutien de l’ennemi, qui est au moins les colons armés
et au plus les soutiens internationaux, est un objectif que les personnes
endeuillées peuvent considérer comme plus que légitime, surtout depuis le début
des assassinats que le monde « libre » a traité comme un comportement légitime.
C’est très dangereux.
Depuis le
début de l’agression contre le Liban, des amis européens et usaméricains,
notamment de pays qui soutiennent farouchement Israël, nous appellent pour
prendre de nos nouvelles. Ils nous disent qu’ils sont de tout cœur avec nous et
nous demandent s’ils peuvent nous aider d’une manière ou d’une autre.
Il est vrai
que nous avons besoin de toute l’aide possible, et nous en sommes
reconnaissants, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est qu’ils
influencent positivement les politiques de leurs gouvernements afin d’empêcher
leurs dirigeants fascistes de faire d’eux et de leur pays une simple couveuse
pour le monstre.
Si cette
définition d’incubateur échappe à tout contrôle, elle pourrait conduire à des
représailles aveugles dans une réaction qui exprime le désespoir face à une
justice internationale défaillante. Une justice qui, aujourd’hui plus que
jamais, semble brisée et impuissante.
Le simple
fait d’y penser m’effraie. Mon Dieu, que l’avenir de cette planète est sombre !
NdlT
*Le Liban compte 18 communautés confessionnelles : quatre musulmanes, douze chrétiennes, une druze et une juive. Depuis 1943, le système politique en vigueur est confessionnaliste, ce qui a eu des conséquences tragiques (notamment la guerre civile de 1975-1990)
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