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16/10/2024

MEHDI HASAN
Israël est un État voyou : il devrait être exclu des Nations unies


Mehdi Hasan, The Guardian, 15/10/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Un État voyou ne peut pas déclarer impunément la guerre à l’ONU

Ramses, Cuba

Au cours de l’année écoulée, Israël a lancé des attaques contre de nombreux pays et territoires occupés : la bande de Gaza, la Cisjordanie, le Liban, la Syrie, le Yémen et l’Iran.

Pourtant, pays et territoires mis à part, Israël a également ciblé une organisation spécifique avec une série d’attaques rhétoriques et violentes sans précédent.

Oui, les Nations unies. Nous avons tous vu Israël déclarer la guerre à l’ONU.

Il suffit de regarder ce qui s’est passé ces dernières semaines et ces derniers mois :

  • Le Premier ministre israélien, à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies, a dénoncé cet organe comme étant « méprisable », une « maison des ténèbres » et un « marécage de bile antisémite ».

  • L’ambassadeur sortant d’Israël aux Nations unies a déchiqueté un exemplaire de la charte des Nations unies avec une déchiqueteuse miniature alors qu’il se trouvait également à la tribune de l’assemblée générale, et a déclaré plus tard que le siège des Nations unies à New York « devrait être fermé et rayé de la surface de la Terre ».

  • Le ministre israélien des Affaires étrangères a accusé à tort le secrétaire général des Nations unies de ne pas avoir condamné les attaques de l’Iran contre Israël, l’a déclaré « persona non grata en Israël » et a annoncé qu’il lui avait « interdit d’entrer dans le pays ».

  • Le gouvernement israélien a activement fait obstruction à une commission d’enquête mandatée par l’ONU qui tentait de recueillir des preuves sur les attaques du 7 octobre.

  • Le parlement israélien est en train de désigner une agence de l’ONU de longue date, l’UNRWA, comme « organisation terroriste ».

  • L’armée israélienne a bombardé des écoles, des entrepôts et des camps de réfugiés de l’ONU à Gaza pendant 12 mois consécutifs, tuant au passage un nombre record de 228 employés de l’ONU. « Il s’agit de loin du nombre le plus élevé de membres de notre personnel tués dans un seul conflit ou une seule catastrophe naturelle depuis la création des Nations unies », selon les termes du secrétaire général de l’ONU.

  • L’armée israélienne s’en prend désormais également aux soldats de la paix de l’ONU dans le sud du Liban. Selon l’ONU, « cinq Casques bleus de la FINUL au Liban ont été blessés par les forces israéliennes qui ont endommagé des positions de l’ONU proches de la “Ligne bleue” ».

En quoi tout cela est-il acceptable ? Acceptable ? Légal?

La question la plus importante est peut-être la suivante : comment Israël peut-il encore rester membre de l’ONU ? Pourquoi n’a-t-il pas encore été expulsé d’une organisation qu’il attaque et sape sans relâche et sans vergogne ? Bien sûr, d’autres auteurs de violations des droits de l’homme restent membres de l’ONU - la Syrie, la Russie et la Corée du Nord, pour n’en citer que quelques-uns - mais aucun d’entre eux n’a tué en masse des employés de l’ONU ; aucun n’a envoyé des chars pour envahir une base de l’ONU; aucun n’a « refusé de se conformer à plus de deux douzaines de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ». Cela fait plus de 60 ans qu’aucun pays au monde n ‘a osé déclarer un secrétaire général de l’ONU « persona non grata ».

Soyons clairs : ce n’est pas comme s’il n’existait pas de mécanisme permettant d’expulser un État membre de l’ONU. L’article 6 de la charte des Nations unies stipule : « Un membre des Nations unies qui a violé de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ».

D’aucuns pourraient faire remarquer qu’aucun État membre n’a jamais été expulsé de l’ONU en vertu de l’article 6. De plus, les USA, qui ont opposé leur veto à plus de 50 résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU critiquant Israël depuis le début des années 1970, ne permettraient jamais qu’une telle « recommandation du Conseil de sécurité » soit formulée.

L’objection est valable. L’histoire nous enseigne toutefois qu’il existe des solutions pour contourner les vetos du Conseil de sécurité. Comme l’a souligné Thomas Grant, professeur de droit international et ancien conseiller du département d’État usaméricain, en octobre 2022, alors qu’il plaidait pour l’expulsion de la Russie des Nations unies à la suite de l’invasion illégale de l’Ukraine par Vladimir Poutine, « les membres de l’ONU ont jugé à deux reprises par le passé qu’une délégation particulière n’était plus apte à s’asseoir à la table de l’organisation. À chaque fois, l’ONU a improvisé une solution ».

En 1971, les nations socialistes et non alignées du Sud ont voté à l’assemblée générale des Nations unies pour reconnaître la République populaire de Chine comme « le seul représentant légitime de la Chine aux Nations unies », remplaçant ainsi les représentants de la République de Chine (Taïwan), qui avait été un membre fondateur des Nations unies. La RdC était exclue, la RPC était admise - et c’est l’assemblée générale, et non le conseil de sécurité, qui en a décidé ainsi.

Trois ans plus tard, s’appuyant à nouveau non pas sur la charte des Nations unies mais sur ses propres « règles de procédure », comme l’a noté l’avocat spécialiste des droits humains et ancien fonctionnaire des Nations unies Saul Takahisi, l’assemblée générale des Nations unies « a voté le refus de reconnaître les pouvoirs de la délégation sud-africaine » et « a interdit à l’Afrique du Sud de participer à l’AG de l’ONU » jusqu’en 1994.

Et les deux principales raisons invoquées par l’assemblée générale des Nations unies pour suspendre l’adhésion de l’Afrique du Sud ? Sa pratique de l’apartheid à l’encontre de la population noire indigène et son occupation illégale de la Namibie voisine. Cela vous rappelle quelque chose ?

Comme l’a écrit Thomas Grant, « l’action contre l’Afrique du Sud n’a suivi aucune procédure précise dans la charte des Nations unies ou dans la pratique existante des Nations unies » et les Nations unies ont montré comment « une éthique d’improvisation prévaut, lorsque les États membres jugent qu’une question est suffisamment importante pour qu’ils agissent ».

Qu’est-ce qui est plus « important » pour les États membres de l’ONU en ce moment que des attaques contre l’ONU elle-même par un État membre ? Contre l’autorité, le personnel, le siège et la charte de l’ONU ? Samedi, 40 pays ont publié une déclaration commune condamnant l’attaque effrontée et continue d’Israël contre les soldats de la paix de l’ONU au Liban, mais les paroles ne valent pas grand-chose. Les États membres de l’ONU doivent agir.

Le gouvernement israélien peut vouloir prétendre que les Nations unies, et l’assemblée générale en particulier, ne sont pas pertinentes, impuissantes et remplies de préjugés antisémites, mais Israël n’existe aujourd’hui que grâce à une résolution de l’assemblée générale des Nations unies. La déclaration d’indépendance de 1948 du pays fait sept références différentes aux Nations unies, toutes très positives et toujours très reconnaissantes.

L’expulsion d’Israël des Nations unies, ou du moins la suspension de sa participation à l’assemblée générale dans un premier temps, enverrait donc un message fort, tant au peuple israélien qu’au reste du monde, pour dire que l’autorité des Nations unies a encore de l’importance ; que la vie du personnel de l’ONU et des forces de maintien de la paix compte également. Et qu’un État voyou ne peut pas déclarer la guerre à l’ONU elle-même et continuer à s’en tirer à bon compte.

Le message de Netanyahou au monde, par Kamal Sharaf

 

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