المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

08/02/2024

ANITA GOLDMAN
L’héritage de la guerre de Gaza perdurera pendant des générations

Anita Goldman, Dagens Nyheter, 7/2/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 
Anita Goldman (Göteborg, 1953) est une journaliste, écrivaine et animatrice d’ateliers d’écriture suédoise qui a vécu 17 ans en Israël. Livres

La bande de Gaza contient déjà des millions de tonnes de ferraille, de ciment pulvérisé, de tuyaux, de plastiques et de produits chimiques. Pendant des décennies, les humains, le sol et la Méditerranée seront empoisonnés. Mettre fin à la guerre devient de plus en plus impossible, écrit Anita Goldman.

Morad Kotkot, Palestine

Le premier champ de bataille - et de loin le plus grand - de l’ultraviolence moderne se trouve au centre de l’Europe, où plus de trois cent mille hommes sont morts et un demi-million d’autres ont été blessés ou ont subi des attaques au gaz. Avant la fin de la bataille, plus de quarante millions d’obus avaient été tirés. Ces obus, ainsi que des pièces de fusil brisées et des masses de corps humains, ont été laissés dans le sol lorsque la bataille de Verdun entre les Allemands et les Français pendant la Première Guerre mondiale a finalement pris fin.

Des deux côtés de la frontière, dans la Somme et à Ypres, en Belgique, où les destructions ont également pris des proportions apocalyptiques, de bonnes terres agricoles ont été réutilisées avec succès. Mais aujourd’hui encore, les agriculteurs locaux sont confrontés à des « récoltes de fer » - des obus et des métaux qui ont été enterrés pendant plus de cent ans et que l’on retrouve aujourd’hui.

À Verdun, le terrain était plus haché et plus escarpé, les dégâts étaient totaux – « un désert biologique », comme l’appelle l’auteur Cal Flyn. De vastes étendues de terre sont toujours interdites. Au lieu de cela, des forêts ont été plantées et elles sont toujours là, sombres et denses. Mais il y a une ouverture, une clairière, dans la forêt. Flyn la décrit dans son livre « Islands of abandonment. Life in a post-human landscape » [à paraître sous le titre “À l'abandon - comment la nature reprend ses droits” aux éditions Paulsen le 18/4/2024]. Ici, après la fin de la guerre, deux cent mille armes chimiques : gaz moutarde, gaz lacrymogène, phosgène, ont été rassemblées dans une grande fosse commune et incendiées. Le site s’appelle toujours Place à Gaz et la zone Zone Rouge. En 2017, cent ans plus tard, des scientifiques allemands ont testé le sol et ont trouvé des niveaux élevés d’arsenic et de métaux lourds.

Dans la bande de Gaza, l’une des zones les plus densément peuplées au monde, on estime que pas moins de 15 millions de tonnes de matériaux de construction pulvérisés sont aujourd’hui éparpillés. Comparé à l’attaque du World Trade Center, qui a laissé un million de tonnes de décombres à Ground Zero, l’ampleur de cette catastrophe est énorme. Près de trois mille personnes sont mortes ce jour-là, le 11 septembre 2001. Depuis lors, jusqu’à dix mille personnes ont été diagnostiquées avec un cancer et des maladies respiratoires et pulmonaires graves, conséquence directe du cocktail toxique de poussière, d’amiante et de produits chimiques répandus dans Manhattan. Le nombre de personnes décédées à la suite du 11 septembre est plus élevé que lors de l’attaque terroriste elle-même.

Comme toujours, les chiffres des dommages collatéraux sont incertains. Tant et tant de personnes et d’autres êtres vivants meurent à la guerre. Mais combien de personnes meurent de la guerre ? Des toxines résiduelles dans le sol, l’air, les corps, les esprits ? La question est de savoir combien de temps il faut continuer à compter. Quand la guerre se termine-t-elle ? Quand les personnes, le sol et la végétation se rétablissent-ils ? L’après-guerre, c’est pour quand ?

GIDEON LEVY
Israël sera atteint dans sa dignité, le Hamas sera couronné vainqueur, mais la guerre prendra fin

Gideon Levy, Haaretz, 7/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les termes de l’accord qui se dessine avec le Hamas sont présentés par Israël comme impliquant un « prix douloureux ». Cela repose sur l’hypothèse que tout ce qui est bon pour le Hamas doit être mauvais pour Israël et que tout ce qui est mauvais pour les Palestiniens est bon pour nous : un jeu à somme nulle.


Simon Regis, Tanzanie

Israël s’est convaincu qu’il ne devait pas signer un accord qui profiterait au Hamas de quelque manière que ce soit ; cet accord ne peut être que néfaste pour Israël et ne peut qu’entraîner un prix douloureux.

Nous ne devrions pas accepter ces hypothèses. Certains éléments de l’accord sont bons à la fois pour Israël et pour le Hamas. Le « prix » n’est pas toujours vraiment un prix. Il n’est pas toujours aussi douloureux qu’on veut nous le faire croire.

La libération des prisonniers de sécurité palestiniens et la cessation des combats profiteront au Hamas. Peut-être profitera-t-elle aussi à Israël. Quoi qu’il en soit, l’alternative sera bien pire pour Israël. Le Hamas ne libérera pas ses captifs sans condition, tout comme Israël ne libère pas les siens prisonniers sans obtenir quelque chose en retour, et il en a des milliers à l’heure actuelle.

Israël a appris aux Palestiniens qu’ils ne peuvent obtenir la libération rapide de leurs prisonniers détenus par Israël qu’en les échangeant contre des otages. D’ailleurs, les deux camps ont des otages : de nombreux détenus palestiniens ont été arrachés à leur lit et n’ont jamais été jugés.

Les prisons israéliennes regorgent de prisonniers de sécurité qui, contrairement à la présentation qui en est faite dans la propagande médiatique, ne sont pas tous des « terroristes avec du sang sur les mains ».

Parmi eux se trouvent de nombreux prisonniers politiques d’un régime qui interdit aux Palestiniens toute forme d’activité organisationnelle. Beaucoup d’autres ont été reconnus coupables de délits mineurs et condamnés à des peines draconiennes. S’il fallait encore prouver l’existence de l’apartheid israélien, ce serait par les systèmes judiciaires distincts pour les Juifs et les Palestiniens.

Dans les prisons israéliennes, il y a aussi d’ignobles meurtriers palestiniens. Mais nombre d’entre eux ont purgé leur peine et méritent d’être un jour libérés, tout comme leurs compagnons d’infortune juifs. La libération de vétérans âgés de la lutte armée palestinienne ne fera aucun mal à Israël.

Il y en a même dont la libération profitera à Israël, en premier lieu Marwan Barghouti, mais pas seulement lui. Si Israël est sérieusement intéressé à trouver un partenaire pour changer la réalité des guerres sans fin, il peut être trouvé derrière les barreaux israéliens. La prochaine génération de dirigeants palestiniens est détenue dans les prisons israéliennes, de Megiddo à Nafha.

Les luttes de libération à travers l’histoire, y compris celle du peuple juif, ont produit des dirigeants courageux qui sont sortis des prisons de leurs conquérants. Il y aura des familles juives endeuillées qui ont perdu leurs proches il y a des années et qui ne veulent pas voir les assassins libérés. C’est compréhensible, mais on ne peut certainement pas leur permettre de dicter ce qui est dans l’intérêt d’Israël.

“Israël tue x 000 Palestiniens : c’est la faute au Hamas”
Peter Sully, Australie

La ligne de conduite la plus sage qu’Israël aurait dû adopter il y a longtemps était de libérer volontairement les prisonniers de sécurité, en guise de geste et pas seulement de concession dans le cadre des négociations. Mais il n’y a aucune chance que cela se produise - c’est trop intelligent. Libérer 1 500 prisonniers, comme le demande le Hamas, n’est ni un désastre ni une souffrance. Cela permettra aux otages de rentrer chez eux. Le désastre et la douleur ne se produiront que s’ils ne sont pas sauvés.

Il ne serait pas non plus désastreux ou douloureux de mettre fin à cette guerre maudite, au cours de laquelle Israël a perdu son humanité sans atteindre ses objectifs grâce à des tueries et des destructions aveugles, comme on n’en voit que dans les guerres les plus brutales.

La dignité d’Israël sera en effet atteinte, le Hamas sera couronné vainqueur de la guerre - un vainqueur douteux mais un vainqueur quand même (même s’il s’était déjà couronné lui-même le 7 octobre). Même si la « victoire totale" de Benjamin Netanyahou était obtenue, ce qui n’arrivera évidemment jamais, le Hamas a gagné la guerre. Il vaut donc mieux y mettre fin.

Nous devons mettre de côté les clichés et les slogans éculés dont les Israéliens ont été abreuvés et examiner calmement les questions importantes : L’accord est-il vraiment si mauvais ? En quoi ? Existe-t-il un meilleur accord ?

Emad Hajjaj, Jordanie