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21/07/2022

PIERO FASSINO
Sur la question israélo-palestinienne
Réponse à Francesca Albanese

Piero Fassino, il manifesto, 17/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une réponse du président de la Commission des Affaires étrangères du parlement italien à l’article de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies

Le 13 juillet, il manifesto intitulait l'article de Francesca Albanese « Parler de la Palestine aujourd'hui est impossible, même au Parlement ». Au Parlement, en revanche, on en parle, à tel point que l'audition de l'avocate Albanese - rapporteur du Conseil des droits de l'homme des Nations unies dans les territoires palestiniens - sera suivie d'auditions des ambassadeurs de Palestine et d'Israël et des organisations de la société civile palestinienne et israélienne. Et à la fin, la Commission examinera les résolutions présentées par les différents groupes sur le conflit israélo-palestinien. Lors de son audition, l'avocate Albanese a fait un rapport large et détaillé, qui a été suivi d'un débat au cours duquel j'ai également exprimé mes considérations dans une confrontation où il est légitime d'exprimer des opinions différentes. Si la polémique que nous avons eue a suscité un malaise chez l'avocate Albanese, je le regrette car j'ai du respect et une pleine considération pour son rôle et son dévouement. De cette diversité d'opinions a cependant émergé une représentation de mes positions que je souhaite réfuter. Je m’occupe du Moyen-Orient depuis plus de 40 ans, cultivant au fil des ans des relations amicales et positives avec tous les principaux protagonistes - d'Arafat et Abou Mazen à Shimon Peres en passant par Yossi Beilin - poursuivant toujours un objectif : une solution de paix et coexistence avec un État palestinien indépendant aux côtés d'un État sûr d'Israël reconnu par ses voisins, comme convenu à Oslo et Washington entre Rabin et Arafat.

C'est pourquoi je n'ai jamais manqué de dénoncer l'illégitimité des actes posés par les autorités israéliennes, tels que les implantations de colons en Cisjordanie, le projet d'annexion de la vallée du Jourdain, la violation des droits des citoyens palestiniens à Jérusalem-Est, la négation de la double identité de Jérusalem et les mesures restrictives imposées à la population palestinienne.

Mais précisément parce que je me bats pour une paix juste, je ne partage pas un portrait diabolisant d'Israël. C'est une chose de critiquer et de s'opposer à ceux qui, en Israël, empêchent toute solution de paix. C'est tout autre chose de combattre Israël en tant que tel. Herzog, Lapid, Gantz, Peretz ne peuvent être associés à Nethanyahou, tant ils sont sur des fronts politiques opposés. La majorité actuelle du gouvernement israélien comprend également la gauche, qui a toujours été en faveur de la solution 2 peuples/2 États. Et s'il y a un représentant d'un parti arabe dans la coalition gouvernementale actuelle, il est difficile d'accepter la définition d'Israël comme un État raciste.

Israël est une société complexe avec un melting-pot d'identités d'origine diverses. Un pays démocratique - il n'y en a pas beaucoup dans la région - qui fait l'expérience de la dialectique physiologique de la démocratie, avec une droite et une gauche, avec des fondamentalismes religieux et des secteurs laïques solides, avec des secteurs favorables à la naissance d'un État palestinien et d'autres méfiants ou opposés. Une société qui compte parmi ses intellectuels les plus prestigieux Amos Oz, Abraham Yeshoua [sic : c’est Yehoshua, NdT] et David Grossman, qui ont constamment prôné la paix et la coexistence entre Juifs et Palestiniens.

En outre, une nation qui a longtemps été niée par ses voisins et qui n'a obtenu la reconnaissance de ses adversaires qu'avec la conférence de Madrid d'abord et les accords d'Oslo ensuite. Je ne crois vraiment pas que ce soit une lecture correcte et utile de faire porter toute la responsabilité à Israël - sans aucune distinction - comme s'il n'y avait pas dans le camp palestinien ceux qui - parlerons-nous du Hamas ou du FPLP ? - manifestent un rejet idéologique du droit à l'existence d'Israël.

Lorsque je dis que les institutions internationales doivent avoir un profil d’impartialité, je ne propose ni la neutralité ni l'agnosticisme politique. Au contraire, je plaide en faveur d'une "impartialité active" qui - en utilisant les instruments du droit et de la politique - promeut et encourage le dialogue, la reconnaissance mutuelle, le partage et le respect des accords, car cela me semble être la seule voie - que je sais malaisée et difficile - pour sortir d'une impasse qui se prolonge depuis des décennies avec des souffrances et des tragédies. Et il ne peut y avoir de paix que si elle est fondée sur la reconnaissance mutuelle de deux droits qui sont tous deux légitimes : parce que l'aspiration des Palestiniens à avoir une patrie indépendante est un droit légitime, et que la demande d'Israël de vivre en sécurité et d'être reconnu par ses voisins est un droit légitime. Privilégier l'un des deux droits et nier l'autre ne permet pas la paix. Simul stabunt et simul cadent [On tiendra ensemble ou bien on tombera ensemble.] Et pour cette solution, je continuerai, avec beaucoup d'autres, à me battre.

 

 

 Piero Fassino est l'un des fondateurs de "Sinistra per Israele" (Gauche pour Israël)

GIDEON LEVY
À Jérusalem, Biden a signé l’acte de décès des Palestiniens

 Gideon Levy, Haaretz, 16/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’est à l'hôpital Augusta Victoria de Jérusalem-Est, de tous les endroits, que le président usaméricain Joe Biden a signé un certificat de décès. La solution à deux États est morte depuis longtemps, tout comme le choix stratégique des Palestiniens de s'appuyer sur l'Occident dans leur lutte pour leurs droits nationaux. Cet espoir a rendu son dernier souffle à Augusta Victoria. Dans son discours, Biden a longuement glosé sur son séjour et celui de sa famille à l’hôpital ; il se souvenait du service de soins intensifs. Une ligne plate sur le moniteur signifiait la mort, a-t-il appris là-bas. Environ une heure plus tard, à Bethléem, le moniteur s'est immobilisé. La voie empruntée par les Palestiniens il y a 50 ans est arrivée à son terme. Ils sont arrivés dans un cul-de-sac.

 

Des Palestiniens ont manifesté contre la visite du président Biden, près de l'hôpital Augusta Victoria à Jérusalem-Est. Photo Menahem Kahana/AFP — Getty Images

 Au début des années 70, une nouvelle star apparaît dans le ciel politique : le cardiologue Issam Sartaoui*, réfugié d'Acre, étudiant en Irak, exilé à Paris et artisan des détournements d'avions. Il a subi un changement complet. Il est devenu le promoteur des Palestiniens dans le cœur de l'Occident ; jusque-là, ils s'étaient appuyés sur les pays non alignés. Sartaoui a conduit les Palestiniens à Bonn, Vienne, Paris et Stockholm au lieu de Moscou, Jakarta, Delhi et Kuala Lumpur.

Cela a été présenté comme un excellent choix. Le protégé et même le chouchou des stars sociales-démocrates de l'Europe occidentale de l'époque - Willy Brandt, Bruno Kreisky, Olof Palme et François Mitterrand - a poursuivi sa route dans le cœur des Israéliens. Sartaoui a commencé par rencontrer des représentants de la gauche israélienne. Yasser Arafat s'engage avec enthousiasme sur la voie tracée par son conseiller. Cela semblait beaucoup plus prometteur que de gagner le soutien de Karachi.

Cinquante ans plus tard, cette voie est arrivée à son terme, avec les Palestiniens qui saignent sur place. Un président usaméricain ne leur accorde que quelques heures, lors d'une visite qui donne un nouveau sens aux termes « service minimum » et « paroles en l’air ». Il est donc temps de sortir du rêve que l'Europe et l'USAmérique feront un jour quoi que ce soit pour les Palestiniens qui n’ait pas l’agrément de leur inattaquable chouchou, Israël.

C'est un président qui ne prend pas la peine de prononcer correctement le nom de Shireen Abu Akleh, la journaliste tuée presque certainement par Israël, devenue un symbole national et international. Celui de Jamal Khashoggi, ça oui, il sait le prononcer. Les Palestiniens n'ont plus rien à chercher dans cette arène. Lorsque Biden cite un poème qui dit que « espoir et histoire riment » et leur lance 100 millions de dollars pour Augusta Victoria, il est clair que pour eux, avec les USA, c’est foutu.

Avec un président usaméricain qui leur promet une solution à deux États, mais « pas à court terme », vous arrivez à la fin de l'histoire. Vous avez envie de demander à Biden : « Que se passera-t-il "pas à long terme" pour parvenir à cette solution ? Les Israéliens décideront-ils d'eux-mêmes ? Les colons rentreront-ils d'eux-mêmes ? Quand ils seront un million au lieu de 700.000, cela les satisfera-t-il ? »

L'USAmérique pensera-t-elle un jour différemment ? Pourquoi cela devrait-il arriver ? Avec les lois contre BDS et les nouvelles définitions tordues de l'antisémitisme, les USA et l'Europe sont perdus pour les Palestiniens. La bataille a été décidée, Israël les a pratiquement battus, et leur sort pourrait être le même que celui des peuples indigènes aux USA.

Il suffit de regarder la photo de la réunion de Bethléem : douze Palestiniens sinistres en cravate autour des deux leaders dans une photo de groupe de désespoir. Il suffit de se rappeler les mots de Biden en 1986 au secrétaire d'État de l'époque, George Shultz : « Je déteste entendre une administration ... refuser d'agir sur un point moralement important. ... J'ai honte que ce pays mette en place une politique comme celle-ci, qui ne dit rien, rien ».

Biden faisait référence à la politique usaméricaine à l'égard de l'ancien pays de l'apartheid, l'Afrique du Sud. Des remarques étonnamment similaires peuvent être lancées aujourd'hui à l'encontre de Biden en raison de son approche du deuxième pays d'apartheid. Mais il n'y a pas de Biden pour les lancer.

 NdT

* Issam Sartaoui a été assassiné le 10 avril 1983 au Portugal alors qu'il participait comme représentant de l'OLP au XVIème congrès de l'Internationale socialiste. Le groupe Abou Nidal (Fatah-Conseil révolutionnaire) a revendiqué l'assassinat.