Akiva
Eldar, Haaretz,
16/6/2022
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Le
gouvernement norvégien a décidé de faire une distinction entre les produits
originaires des territoires palestiniens occupés depuis 1967 et ceux qui se
trouvent à l'intérieur des frontières de 1967, la fameuse Ligne verte. Le
moment de cette décision est apparemment sans rapport avec la crise autour de
l'extension de l'ordonnance réglementant le statut des colons israéliens dans
ces territoires, crise qui menace désormais l'existence du gouvernement de
coalition. Cependant, il existe un lien étroit entre cette ordonnance d'apartheid,
dont le renouvellement de l'approbation est devenu une question de routine pour
le corps législatif israélien, et la décision prise par la Norvège.

L'ordonnance
israélienne en question soumet un colon juif à un système judiciaire et son
voisin palestinien à un autre système, inférieur. L'ordonnance norvégienne
accorde un traitement préférentiel à un agriculteur (juif et palestinien) vivant en Israël proprement dit, qui cultive
des poivrons pour gagner sa vie, tout en refusant ces avantages à son homologue
israélien qui gagne sa vie en cultivant des poivrons sur un territoire occupé -
ou sur une « terre d'État/publique » {« state land »]
qui ne fait pas partie de l'État d'Israël.
La nouvelle
loi norvégienne, comme celles déjà en vigueur dans plusieurs pays de l'Union
européenne, touche à une loi qui n'est pas moins raciste et corrompue - et
peut-être même plus - que l'ordonnance qui a fait la une des journaux
récemment. Cette loi légitime la prise de contrôle de terres de Cisjordanie par
des agriculteurs, des industriels et des entrepreneurs israéliens, leur
permettant de saper une solution diplomatique tout en réalisant des profits.
La Knesset
est absoute d'avoir à plusieurs reprises reconduit la loi qui régit ce vol de
terres. Le sultan turc l'a fait dans une loi foncière de 1858, qu'Israël
sanctifie maintenant. Pour être plus précis, Israël a donné à certaines des
clauses clés de la loi une interprétation qui profite à l'occupant au détriment
des résidents palestiniens.
À la différence
de l'ordonnance sur la Cisjordanie, qui doit être renouvelée tous les cinq ans,
l'ancienne loi n'a pas de date d'expiration. Les mots magiques de la loi, « terres
publiques », passent de génération en génération, de gouvernement en
gouvernement. Selon cette loi, sont « terres publiques » sont toutes
les parcelles de terre dont les « indigènes » ne peuvent prouver
qu'ils sont propriétaires. Comme il n'y a pas eu d'autre État en Cisjordanie au
cours des 55 dernières années, l'occupant israélien s'empare de tout.
Combien de
fois avez-vous entendu l'argument de réfutation : « Que
voulez-vous de nous, nous n'avons rien pris à aucun Arabe ? Notre colonie se
trouve sur une terre publique ». Mais Israël n'a pas annexé ces terres, et
pas à cause d'un quelconque scrupule moral. Il s'est abstenu de le faire pour
ne pas incorporer des centaines de milliers d'Arabes à ce territoire et pour
éviter de se chamailler avec les USA. Il préfère détenir ces terres en tant que
syndic et en faire ce qu'il veut.
Dans leur
pure impudence, les colons de droite s'appuient sur les Accords d'Oslo pour
soutenir leur affirmation selon laquelle Israël est minutieux en s'appropriant « seulement »
la zone C, telle que désignée dans ces accords, qui, notons-le, comprend 60 %
de la Cisjordanie. Qui se souvient que la validité du concept des zones A et B
était censée expirer au cours du millénaire précédent, pour faire place à un
accord permanent ?
Le droit
international et la décence commune obligent le syndic - le commandant militaire
dans ce cas - à préserver les « terres publiques » et à les
développer au profit de la population palestinienne locale. La Cour suprême
israélienne a même jugé qu'une administration militaire doit s'occuper des
résidents protégés dans un territoire occupé.
Dans la
pratique, la quasi-totalité des « terres publiques » sont désormais
entre les mains des conseils régionaux de colons, incluses dans leur zone de
compétence. Cela signifie que les Palestiniens, qui représentent 88 % des
résidents de Cisjordanie, ont été empêchés a priori d'utiliser ces terres avant
même qu'elles ne soient attribuées à quelqu'un d'autre pour une quelconque
utilisation.
Selon les
chiffres fournis par l'administration civile à La Paix Maintenant, plus d'un
million de dunams, soit 100 000 hectares, ont été déclarés « terres
d'État » au fil des ans. De plus, 99,76 % des terres d'État allouées pour
être utilisées dans ces territoires ont été données aux colons. Les
Palestiniens ont reçu 0,24 %, tout au plus. Ainsi, à l'aide d'une loi conçue à
des fins impérialistes, Israël s'est emparé de la plupart des terres de
Cisjordanie. Cela s'ajoute aux milliers de dunams de Jérusalem-Est, qu'Israël a
expropriés des Palestiniens en utilisant la loi sur les absents.
Après tout cela, le ministère israélien des
Affaires étrangères ose réprimander les pays qui, de temps à autre, nous
rappellent les méfaits de l'occupation, qui est mise en œuvre à l'aide de lois
qui sembleraient naturelles dans le régime d'apartheid d'Afrique du Sud.
Quelqu'un a déjà proposé de démanteler la conférence des États donateurs, que
la Norvège préside, un mécanisme qui a été créé dans les années 1990 afin de
soutenir le processus de paix et qui est ensuite devenu un sous-traitant de
l'occupation. Une punition appropriée. Il est temps que nous commencions à
payer pour notre contrôle sur des millions de personnes et pour le vol de leurs
terres.