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21/03/2023

CRISTINA MARTÍNEZ
Hussein Bachir Amadour, prisonnier politique sahraoui remis par l’Espagne au Maroc, est en grève de la faim depuis un mois
Lettre au ministre Albares

M. le ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération
Plaza de la Provincia

28012 - Madrid

 

 Madrid, le 20 mars 2023

 

Objet : Hussein Bachir Amadour, prisonnier politique sahraoui remis par l’Espagne au Maroc, est en grève de la faim depuis un mois

 

 Monsieur le Ministre,

 

Le groupe d’étudiants sahraouis “Camarades d’El Wali” a fait l’objet de persécutions politiques qui lui ont valu 85 ans d’emprisonnement.

 

Ce groupe d’étudiants faisait campagne dans les universités marocaines d’Agadir et de Marrakech pour l’autodétermination du Sahara occidental, et le gouvernement marocain s’est débarrassé d’eux comme d’habitude, en les accusant d’un crime, en l’occurrence d’un meurtre. Des preuves ? Inutiles.

 

Onze de ces étudiants ont été condamnés à 3 ans de prison en janvier 2016. Quatre autres ont été condamnés à 10 ans et sont toujours en prison. Il s’agit d’Elbar El Kantaoui, El Hafidi Abdelmoula, Aziz El Ouahidi et Mohamed Dada.

 

Hussein Bachir Amadour a ensuite été emprisonné. Il s’était enfui aux îles Canaries où il avait exprimé devant le juge son souhait de demander l’asile politique. Le juge l’a envoyé dans un centre de détention pour étrangers d’où commenceraient les procédures d’asile, mais en chemin, la police l’a détourné vers un avion à destination du Maroc, le 16 janvier 2019. Depuis, il est en prison et purge une peine de 12 ans.



Le gouvernement espagnol n’a pas enquêté sur cette désobéissance au juge, une remise illégale d’un demandeur d’asile, qui a conduit à des conséquences aussi terribles. Aucune responsabilité n’a été établie.

 

Cinq étudiants sont toujours derrière les barreaux. Trois d’entre eux ont entamé une grève de la faim le 20 février 2023 dans la prison d’Ait Melloul 1 au Maroc, la pire avec celle de Tiflet.

 

Mohamed Dada a suspendu sa grève le 1er mars, lorsqu’il a été transféré à la prison de Tan Tan.

 

Abdelmoula El Hafidi a suspendu sa grève le 7 mars, lorsque l’administration pénitentiaire lui a promis un changement de prison. 

 

Hussein Bachir Amadour est toujours en grève. Cela fait exactement un mois qu’il est en grève. Les Sahraouis sont capables de tout pour défendre leurs droits. Il demande à ne plus être classé comme un prisonnier “dangereux”, parmi de nombreux actes arbitraires, et à être rapproché de sa famille dans les territoires occupés. Un mois, c’est long. Il n’a pas de suivi médical et sa vie est en danger.

 

En novembre 2019, le Groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires avait déjà jugé que les étudiants Moussayih, Burgaa, Errami, Baber, Rguibi, Elbeur, Charki, Ajna, Amenkour, Baalli, El Ouahidi, Dadda, Baihna et El Hafidi (les plaignants) avaient fait l’objet d’une détention arbitraire et que le gouvernement marocain devait prendre les mesures nécessaires pour libérer ceux qui sont encore en prison et les indemniser tous pour leur offrir une réparation. Bien entendu, le Maroc ne s’est pas conformé à l’arrêt.

 

Et le Premier ministre Sánchez parle de ceux qui “écrasent la liberté et la souveraineté”, mais il ne fait pas là référence au Maroc. Ça, non. Le Maroc ne fait pas ça.

 

Si notre gouvernement n’ose pas faire des remontrances au Maroc sur les droits humains ou sur l’occupation du Sahara occidental, il devrait au moins faire un geste de justice à huis clos et mener une enquête sur les motivations obscures qui ont conduit à remettre un demandeur d’asile au Maroc sans avoir respecté le protocole. Le gardien ne s’est pas trompé. L’ordre devait venir d’en haut.

 

L’Espagne le doit à Hussein Bachir Amadour.

Cristina Martínez Benítez de Lugo

CRISTINA MARTÍNEZ
Hussein Bachir Amadour, preso político saharaui entregado por España a Marruecos, lleva un mes en huelga de hambre
Carta al ministro Albares


 
Excmo. Sr. ministro,

El grupo de estudiantes saharauis “Compañeros de El Uali” fue objeto de una persecución política que se saldó con 85 años de prisión.

Este grupo de estudiantes hacía campaña en las Universidades marroquíes de Agadir y Marrakech por la autodeterminación del Sahara Occidental, y el gobierno marroquí se los quitó de en medio como siempre, acusándoles de un crimen, en este caso un asesinato. Las pruebas, innecesarias.

Once de estos estudiantes fueron condenados a 3 años en enero de 2016. Otros cuatro fueron condenados a 10 años y siguen en la cárcel. Se trata de Elbar El Kantaoui, El Hafidi Abdelmoula, Aziz El Ouahidi y Mohamed Dada.

Posteriormente entró en prisión Hussein Bachir Amadour. Había escapado a Canarias donde manifestó ante el juez su deseo de pedir asilo político. El juez le mandó a un Centro de Internamiento de Extranjeros desde donde se iniciarían los trámites para el asilo, pero por el camino la policía lo desvió a un avión rumbo a Marruecos, el 16 de enero de 2019. Desde entonces está en la cárcel cumpliendo una condena de 12 años.


 El gobierno español no ha investigado esta desobediencia al juez, una entrega ilegal de un solicitante de asilo, que ha conllevado tan terribles consecuencias. No se han derivado responsabilidades.

Quedan cinco estudiantes entre rejas. De ellos, tres empezaron una huelga de hambre el 20 de febrero de 2023 en la cárcel de Ait Melloul 1, en Marruecos, la peor junto con la de Tiflet.

Mohamed Dada suspendió su huelga el 1 de marzo, cuando le trasladaron a la cárcel de Tan Tan.

Abdelmoula El Hafidi suspendió su huelga el 7 de marzo, cuando la administración penitenciaria le prometió un cambio de cárcel.  

Hussein Bachir Amadour sigue en huelga. Lleva exactamente un mes. Los saharauis son capaces de todo por defender sus derechos. Pide que le quiten, entre muchas arbitrariedades, la consideración de preso “peligroso”, y que le acerquen a su familia, en los territorios ocupados. Un mes es mucho tiempo. No tiene vigilancia médica y su vida está en peligro.

En noviembre de 2019, el Grupo de trabajo sobre detenciones arbitrarias de Naciones Unidas ya dictaminó que los estudiantes Moussayih, Burgaa, Errami, Baber, Rguibi, Elbeur, Charki, Ajna, Amenkour, Baalli, El Ouahidi, Dadda, Baihna y El Hafidi (los que presentaron la queja) fueron objeto de detenciones arbitrarias y que el Gobierno de Marruecos debía tomar las medidas necesarias para liberar a los que seguían en la cárcel e indemnizar a todos para ofrecerles una reparación. Por supuesto Marruecos no ha acatado el dictamen.

Y el presidente Sánchez habla de quienes “aplastan la libertad y la soberanía” aunque no se refiere a Marruecos. Eso no. Marruecos no hace eso.

Aunque nuestro Gobierno no se atreve a reconvenir a Marruecos en materia de derechos humanos ni en materia de la ocupación del Sahara Occidental, debería al menos tener un gesto haciendo justicia de puertas adentro y llevar a cabo una investigación sobre las oscuras motivaciones que llevaron a entregar a Marruecos a un solicitante de asilo sin haber cumplido el protocolo. El guardia no se equivocó. La orden tuvo que venir de arriba.

España se lo debe a Hussein Bachir Amadour.

Cristina Martínez Benítez de Lugo


 

 

MATTHEW DESMOND
Le coût élevé de la pauvreté aux USA

Matthew Desmond, The New York Review of Books, 21/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Matthew Desmond est professeur de sociologie à la chaire Maurice P. During de l’Université de Princeton et le chercheur principal de The Eviction Lab, un laboratoire de suivi, de collecte de données et de cartographie sur les expulsions de logements aux USA (plus de 3 millions en moyenne par an). Son nouveau livre s’intitule Poverty, by America (Crown, Penguin Random House, mars 2023).

Auteur de On the Fireline : Living and Dying with WIldland Firefighters (2007), Race in America (avec Mustafa Emirbayer, 2015), The Racial Order (avec Mustafa Emirbayer, 2015), et Evicted : Poverty and Profit in the American City (2016). CV. @just_shelter


 Cet essai figure, sous une forme quelque peu différente, dans l’ouvrage de Matthew Desmond intitulé
Poverty, by America, publié ce printemps par Crown, une collection de Penguin Random House LLC. Photos Magnum

Le gouvernement usaméricain aide le plus ceux qui en ont le moins besoin. Telle est la véritable nature de notre État-providence.

 Il y a trois ans, la pandémie de Covid-19 frappait les USA et l’économie s’effondrait. Les protocoles de distanciation sociale ont entraîné la fermeture d’entreprises et des millions d’USAméricains ont perdu leur emploi. Entre février et avril 2020, le taux de chômage a doublé, puis encore doublé. Au cours de la pire semaine de la Grande Récession de la fin des années 80, 661 000 USAméricains avaient demandé à bénéficier de l’assurance chômage. Au cours de la semaine du 16 mars 2020, ce sont plus de 3,3 millions d’USAméricains qui l’ont fait.

Le gouvernement fédéral a réagi à cette chute libre en apportant une aide audacieuse et immédiate. Il a élargi la période pendant laquelle les travailleurs licenciés pouvaient percevoir des allocations de chômage et, dans une rare reconnaissance de l’inadéquation de l’allocation, a ajouté des paiements supplémentaires. Pendant quatre mois, les chômeurs usaméricains ont reçu 600 dollars [=550€] par semaine en plus de leur allocation normale, ce qui a presque triplé le montant moyen de l’allocation. (En août 2020, le gouvernement a ramené les primes à 300 dollars par semaine).

Distribution d’eau à Denmark, en Caroline du Sud, où plus de 20 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les habitants disent que l’eau du robinet les a rendus malades. Photographie de Matt Black, 2019.

Grâce aux généreuses allocations de chômage, aux chèques de relance, à l’aide au logement, à l’élargissement du crédit d’impôt pour les enfants et à d’autres formes d’aide, la pauvreté n’a pas augmenté pendant la pire récession économique depuis près d’un siècle. Elle a diminué, et ce dans des proportions considérables. L’économie usaméricaine a perdu des millions d’emplois pendant la pandémie, mais il y avait environ 16 millions d’USAméricains de moins dans la pauvreté en 2021 qu’en 2018. La pauvreté a reculé dans tous les groupes raciaux et ethniques. Elle a reculé pour les citadins et les ruraux. Elle a diminué pour les jeunes et les personnes âgées. C’est chez les enfants qu’elle a le plus diminué. L’action rapide du gouvernement n’a pas seulement permis d’éviter un désastre économique : elle a aussi contribué à réduire de plus de moitié la pauvreté des enfants.

Après des années d’inaction, les USA ont enfin réussi à réduire considérablement le taux de pauvreté. Cependant, un groupe d’USAméricains semblait troublé par le fait que le gouvernement en fasse autant pour les aider. Ils reprochent notamment aux chèques de chômage majorés d’être à l’origine de la lenteur de la reprise économique du pays. David Rouzer, membre républicain du Congrès de Caroline du Nord, a tweeté une photo d’un Hardee’s [chaîne de malbouffe] fermé avec la légende suivante : « Voilà ce qui arrive quand on prolonge trop longtemps les allocations de chômage et qu’on y ajoute un paiement de 1 400 dollars pour la relance ». Kevin McCarthy, alors chef de la minorité à la Chambre des représentants, a écrit que les démocrates « ont diabolisé le travail pour que les Américains deviennent dépendants d’un Grand gouvernement ». Les journalistes ont parcouru le pays et interrogé des propriétaires de petites entreprises qui ont attribué leurs problèmes d’embauche à l’aide fédérale. « Nous avons eu des employés qui ont choisi de toucher le chômage et de ne pas rester, ce qui m’a semblé incroyable », a déclaré Colin Davis, propriétaire du Chico Hot Springs Resort, dans le Montana. « Depuis quand tout le monde est-il devenu si paresseux ? » Cela semblait évident : l’Amérique ne se remettait pas au travail parce que nous payions les gens pour qu’ils restent chez eux.

Il s’est avéré que cette hypothèse était erronée. En juin et juillet 2021, vingt-cinq États ont interrompu tout ou partie des prestations d’urgence mises en place pendant la pandémie, y compris l’extension de l’assurance chômage. Il était donc possible de voir si ces États avaient bénéficié d’une hausse significative de leur taux d’emploi. Mais lorsque le département du travail a publié les données du mois d’août, nous avons appris que les cinq États ayant connu la plus forte croissance de l’emploi (Alaska, Hawaï, Caroline du Nord, Rhode Island et Vermont) avaient conservé tout ou partie des allocations. Les États qui ont réduit les allocations de chômage n’ont pas connu de croissance significative de l’emploi.

Pourquoi avons-nous adhéré si facilement à une histoire qui attribuait le taux de chômage élevé à l’aide gouvernementale, alors que nous disposions de tant d’autres explications ? Pourquoi n’avons-nous pas pensé que les gens ne retournaient pas au travail parce qu’ils ne voulaient pas tomber malades et mourir ? Ou parce que leur emploi n’était pas bon au départ ? Ou parce que les écoles de leurs enfants avaient fermé et qu’ils ne disposaient pas de services de garde fiables ? Lorsqu’on leur a demandé pourquoi de nombreux USAméricains ne retournaient pas au travail aussi vite que certains l’auraient souhaité, pourquoi avons-nous répondu Parce qu’ils touchent 300 dollars de plus par semaine ?

C’est peut-être parce que, depuis les premiers jours du capitalisme, nous avons été formés à considérer les pauvres comme des personnes oisives et démotivées. Les premiers capitalistes du monde ont été confrontés à un problème auquel les titans de l’industrie sont toujours confrontés : comment amener les masses à se rendre dans leurs usines et leurs abattoirs pour travailler pour un salaire aussi bas que le permettent la loi et le marché. Dans son traité de 1786, A Dissertation on the Poor Laws : By a Well-Wisher to Mankind [Dissertation sur les lois d’assistance publique, par un ami de l’humanité] , le médecin et ecclésiastique anglais Joseph Townsend propose une réponse. « Les pauvres ne connaissent guère les motifs qui poussent les plus hauts placés à agir - la fierté, l’honneur et l’ambition », écrit-il. « En général, seule la faim les incite à travailler. »

Mais une fois que les pauvres sont entrés dans les usines, il faut des lois pour protéger la propriété, des hommes de loi pour arrêter les intrus, des tribunaux pour les poursuivre et des prisons pour les détenir. Pour avoir beaucoup d’argent, il faut un grand gouvernement. Mais un grand gouvernement peut aussi distribuer du pain. Les premiers convertis au capitalisme considéraient l’aide aux pauvres non seulement comme une mauvaise politique, mais aussi comme une menace existentielle, susceptible de rompre la dépendance des travailleurs à l’égard des propriétaires. Conscients de cette réalité, les premiers capitalistes ont dénoncé les effets corrosifs de l’aide publique. En 1704, l’écrivain anglais Daniel Defoe a publié un pamphlet affirmant que les pauvres ne travailleraient pas pour un salaire si on leur donnait des aumônes. Cet argument a été répété à maintes reprises par d’éminents penseurs, dont Thomas Malthus dans son célèbre traité de 1798, An Essay on the Principle of Population (Essai sur le principe de population).

De nos jours, on entend toujours les mêmes arguments névrotiques. Lorsque le président Franklin Roosevelt, à l’origine du filet de sécurité usaméricain, qualifiait en 1935 l’aide sociale de drogue et de “destructeur subtil de l’esprit humain”, ou lorsque le sénateur de l’Arizona Barry Goldwater se plaignait en 1961 des “escrocs professionnels qui marchent dans les rues, qui ne travaillent pas et n’ont pas l’intention de travailler” ; ou lorsque Ronald Reagan, en campagne pour l’investiture présidentielle à la fin des années 1970, n’a cessé de parler d’un complexe de logements sociaux à New York où “vous pouvez obtenir un appartement avec des plafonds de 3 mètres et demi et un balcon de 6 mètres“ ; ou lorsque, en 1980, l’American Psychiatric Association a fait du “trouble de la personnalité dépendante” une catégorie diagnostique officielle ; ou lorsque l’écrivain conservateur Charles Murray a écrit dans son livre influent de 1984, Losing Ground [Perte de terrain], que « nous avons essayé de fournir plus aux pauvres et avons produit plus de pauvres à la place » ; ou lorsque le président Bill Clinton a annoncé en 1996 son plan pour “mettre fin à l’aide sociale telle que nous la connaissons” parce que le programme a créé un « cycle de dépendance qui a existé pour des millions et des millions de nos concitoyens, les exilant du monde du travail » ; ou lorsque le Conseil des conseillers économiques du président Donald Trump a publié un rapport approuvant les exigences de travail pour les plus grands programmes d’aide sociale du pays et affirmant que les politiques d’aide sociale de l’USAmérique ont entraîné un “déclin de l’autosuffisance”, ils ne faisaient que ressasser une vieille histoire - appelez-la la propagande du capitalisme - qui a été transmise d’une génération à l’autre : notre médicament (l’aide aux pauvres) est un poison.