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13/03/2023

GIDEON LEVY
C’est l’occupation qui a mis en déroute l’État d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 12/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Note du traducteur : quand l’auteur parle d’occupation, il désigne celle des territoires palestiniens (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) initiée pendant la Guerre des Six Jours de juin 1967 (sans oublier les hauteurs du Golan syrien), mais pas la Palestine de 1948 appelée Israël, qui n’a pas de frontières officielles et est donc le seul pays “élastique” au monde. Encore une fois, répétons-le, la seule solution est un seul État démocratique de la mer au Jourdain, fondé sur le principe “Une personne, une voix”.

Jeudi dernier dans la soirée, en un seul instant, tout a fusionné en une seule image. Un homme armé a commencé à tirer sur les passants de la rue Dizengoff à Tel-Aviv, alors que les derniers manifestants de la journée contre le coup d’État judiciaire se dispersaient pour rentrer chez eux. Les premiers rapports étaient confus, comme à l’accoutumée : s’agissait-il d’une attaque terroriste, d’un incident criminel ou peut-être d’une tentative d’assassinat politique ? Pendant un moment, la protestation contre le gouvernement a été liée à l’occupation.

Des manifestants brandissent des drapeaux israéliens et palestiniens lors d’une manifestation à Tel Aviv contre la réforme judiciaire du gouvernement, la semaine dernière. Photo : Fadi Amun

La situation s’est rapidement éclaircie. L’attentat n’avait rien à voir avec la manifestation, mais il n’est plus possible de continuer à occulter le lien : l’occupation est à l’origine de la plupart des maux contre lesquels les Israéliens manifestent aujourd’hui, même s’ils ne veulent pas l’admettre. Elle est à l’origine de tous les maux. Sans elle, Israël serait un meilleur endroit ; sans elle, de nombreuses forces de destruction ne seraient pas aussi puissantes. C’est pourquoi il est temps d’admettre que l’occupation et les colonies ont vaincu l’État d’Israël. Elles ont gagné, et l’État s’effondre sous elles. Ce qui a commencé avec la guerre des six jours de juin 1967 et le seder de la Pâque d’avril 1968 au Park Hotel d’Hébron* a atteint le cœur même du pays, s’y est installé, l’a rongé de l’intérieur et l’a fait pourrir. Le processus a pris plus de temps que prévu, mais il se déroule maintenant sous nos yeux blasés à une vitesse alarmante. Le sort en est jeté. Il est dommage que les protestataires et les manifestants n’en voient pas l’origine.

Il n’a jamais été juste de tout relier à l’occupation. Ceux qui l’ont fait ont choisi la facilité. Israël est confronté à une foule d’autres défis et maux qui n’ont rien à voir avec elle. Mais l’occupation éclipse tout. Sa malédiction pèse également sur le coup d’État judiciaire. La plupart des forces qui motivent le coup d’État ont germé dans les serres des colons ou de leurs champions et complices. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas de colonies - et s’il n’y a pas de colonies, il n’y a pas de Bezalel Smotrich, pas d’Itamar Ben-Gvir et pas de Simcha Rothman. C’est aussi simple que cela. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas autant de porteurs de kippa dans toutes les sphères du pouvoir. S’il n’y a pas de désir d’annexion et d’avidité pour les territoires, il n’y a pas de Yariv Levin. S’il n’y avait pas d’occupation, il y aurait toujours du racisme, mais moins. Peut-être même que Benjamin Netanyahou aurait été différent. Toute la politique israélienne aurait été différente si le maintien de l’occupation n’était pas devenu son principal objectif.

L’occupation a donné naissance à la nouvelle figure générique de l’Israélien : un tyran qui n’a de comptes à rendre à personne. Agressif, généralement ignorant. Il ne respecte pas la loi et l’ordre, ni le monde. Tout est permis, y compris le mensonge, au nom de la terre d’Israël. La corruption est également née là, entre la vallée de Dotan [Sahl Arraba] et les collines du sud d’Hébron [janub jabal alkhalil]. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de voleurs et d’assassins avant le Conseil des colonies de Yesha, mais le pourrissement judiciaire, la tromperie comme norme, le vol comme politiquement correct et, bien sûr, la violence comme phénomène légitime et même vénéré - tout cela a prospéré dans l’occupation. Si c’est permis là-bas, pourquoi pas ici ? Ceux qui ont été formés à brûler et à tirer à Huwara comme option première et préférée n’abandonneront pas facilement cette idée à quelques kilomètres à l’ouest. Je le répète : l’occupation n’est pas responsable de tout, mais elle l’est bien plus qu’Israël ne l’admet. Il est très triste que la majorité du camp protestataire ne l’ait pas encore reconnu.

SAGI COHEN/CORIN DEGANI
Un week-end noir pour la haute technologie israélienne après l'effondrement de la SVB

Sagi Cohen & Corin Degani, Haaretz, 12/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Un certain nombre d'entreprises israéliennes de haute technologie se sont précipitées pour retirer leur argent de la Silicon Valley Bank en faillite, mais tout le monde n'y est pas parvenu

 

Les entreprises high-tech et les startups israéliennes ont vécu un week-end d'angoisse et de panique après la chute de la Silicon Valley Bank. Plusieurs entreprises israéliennes se sont précipitées pour retirer leur argent de la SVB et le transférer dans d'autres banques aux USA et en Israël. Selon LeumiTech [branche du groupe Leumi, spécialisée dans les services bancaires aux entreprises de haute technologie, NdT], ses équipes ont aidé ses clients à transférer environ 1 milliard de dollars en Israël.

Les professionnels du secteur ont déclaré à la fin de la semaine que bon nombre d'entreprises israéliennes avaient pu retirer leur argent à temps, mais que ce n'était manifestement pas le cas pour tout le monde. En fait, la situation réelle dans le secteur de la haute technologie du pays n'est pas claire, car les entreprises dont les dépôts sont maintenant bloqués chercheront à le cacher, craignant que toute rumeur ne fasse fuir les clients, les fournisseurs et les employés.

Une personnalité du secteur a déclaré qu'une startup avait des dizaines de millions de dollars de dépôts à la SVB, soit environ 90 % de son argent. « Ils ont quelques millions de dollars en Israël », a-t-il déclaré. « Dans ces conditions, il faut être prêt à licencier toute l'entreprise en quelques mois. Il y a aussi des entreprises qui ont 100 % de leurs dépôts à la SVB ».

« Je n'ai jamais connu une telle situation », a déclaré le PDG d'une start-up israélienne qui possède environ 1 million de dollars à la SVB, ce qui représente une part faible mais significative de son capital. Jeudi après-midi, il a remarqué une chute brutale des actions de la banque. Quelques heures plus tard, il a commencé à recevoir des messages WhatsApp et des appels téléphoniques de l'un des membres du conseil d'administration, qui lui demandait de retirer l'argent immédiatement.

« J'ai dit [aux employés] de tout laisser tomber et de sortir l'argent. L'ordre a été donné à 20 heures, puis nous avons commencé à devenir fous parce que l'ordre n'était pas passé. Les heures ont passé, les nouvelles se sont accumulées ». L'entrepreneur milliardaire et investisseur en capital-risque Peter Thiel a dit de sortir l'argent, a-t-il ajouté.

« Soudain », poursuit le PDG, la banque a été prise d'assaut. « C'est quelque chose que vous lisez dans les livres, mais non seulement c'est quelque chose que je n'ai jamais vécu, mais je n'ai jamais pensé dans un million d'années que c'était possible avec SVB, une banque avec une forte réputation et une marque, considérée comme la banque numéro un pour les startups. Sur quoi pouvez-vous compter ? De l'argent à la banque. Et soudain, même ce que vous pensez être le fondement le plus élémentaire de votre travail est ébranlé ».