06/09/2025

THE NEW YORK TIMES
Comment une mission top secrète de l’équipe de forces spéciales SEAL Team Six en Corée du Nord a échoué en 2019

Interrogé vendredi après-midi dans le Bureau ovale, Donald Trump a nié avoir connaissance des faits relatés ci-dessous : «Je ne sais rien à ce sujet. C’est la première fois que j’en entends parler». No comment [NdT]

L’opération de 2019, approuvée par le président Trump, visait à obtenir un avantage stratégique. Elle a provoqué la mort de civils nord-coréens désarmés.


Le président Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un entretenaient une relation erratique. Ils se sont rencontrés sur l’île de Sentosa à Singapour en 2018.
Photo Doug Mills / The New York Times

Dave Philipps et Matthew Cole, The New York Times, 5/9/2025
Julian E. Barnes, Adam Entous et Eric Schmitt ont contribué au reportage.

Traduit par Tlaxcala

Dave Philipps est correspondant national pour The New York Times, spécialisé sur la guerre, l’armée et les anciens combattants, couvrant le Pentagone.
Matthew Cole est un journaliste indépendant, auteur de Code Over Country: The Tragedy and Corruption of SEAL Team 6. Il a travaillé pour The Intercept et a été producteur d’enquêtes pour NBC News et ABC News.

Un groupe de Navy SEAL émergea de l’océan noir d’encre par une nuit d’hiver début 2019 et se faufila jusqu’à une côte rocheuse de Corée du Nord. Ils étaient en mission top secrète, si complexe et cruciale que tout devait se dérouler parfaitement.

L’objectif était de poser un dispositif électronique qui permettrait aux USA d’intercepter les communications du dirigeant nord-coréen reclus, Kim Jong-un, en plein cœur de pourparlers nucléaires de haut niveau avec le président Trump.

La mission avait le potentiel d’offrir aux USA un flux de renseignements précieux. Mais elle impliquait de placer des commandos usaméricains sur le sol nord-coréen — une manœuvre qui, si elle était découverte, pouvait non seulement faire échouer les négociations, mais aussi provoquer une prise d’otages ou une escalade du conflit avec un ennemi doté de l’arme nucléaire.

Le risque était tel qu’il exigeait l’approbation directe du président.

Pour cette opération, l’armée choisit l’escadron rouge de la SEAL Team Six — la même unité qui avait tué Oussama ben Laden. Les SEAL s’entraînèrent pendant des mois, conscients que chaque geste devait être parfait. Mais lorsqu’ils atteignirent, vêtus de combinaisons noires et de lunettes de vision nocturne, ce qu’ils pensaient être une côte déserte, la mission capota rapidement.

Un bateau nord-coréen surgit de l’obscurité. Des faisceaux lumineux balayèrent la surface de l’eau. Craignant d’avoir été repérés, les SEAL ouvrirent le feu. En quelques secondes, tous les occupants du bateau nord-coréen étaient morts.

Les SEAL se replièrent en mer sans avoir posé le dispositif d’écoute.

L’opération de 2019 jamais reconnue

L’opération de 2019 n’a jamais été publiquement reconnue, ni même évoquée, ni par les USA ni par la Corée du Nord. Les détails restent classifiés et sont ici rapportés pour la première fois. L’administration Trump n’a pas informé les principaux membres du Congrès chargés de superviser les opérations de renseignement, ni avant ni après la mission. Ce défaut d’information pourrait avoir constitué une violation de la loi.

La Maison-Blanche a refusé tout commentaire.

Ce récit s’appuie sur des entretiens avec deux douzaines de personnes, dont des responsables civils du gouvernement, des membres de la première administration Trump, ainsi que des militaires en activité ou anciens ayant connaissance de la mission. Tous se sont exprimés sous condition d’anonymat en raison du caractère classifié de l’opération.

Plusieurs d’entre eux ont dit vouloir discuter des détails de la mission parce qu’ils s’inquiétaient du fait que les échecs des opérations spéciales soient souvent dissimulés par le secret gouvernemental. Si le public et les décideurs ne prennent conscience que des succès médiatisés, comme le raid qui a tué Ben Laden au Pakistan, ils risquent de sous-estimer les risques extrêmes que prennent les forces usaméricaines.

L’opération militaire sur le sol nord-coréen, à proximité de bases usaméricaines en Corée du Sud et dans le Pacifique, risquait également de déclencher un conflit plus large avec un adversaire hostile, doté de l’arme nucléaire et fortement militarisé.

Le New York Times procède avec prudence lorsqu’il rend compte d’opérations militaires classifiées. Le journal a occulté certaines informations sensibles concernant la mission en Corée du Nord qui pourraient compromettre de futures opérations spéciales et missions de renseignement.

On ignore dans quelle mesure la Corée du Nord a pu découvrir des éléments sur la mission. Mais cette opération des SEAL constitue un épisode d’un effort de plusieurs décennies des administrations usaméricaines pour engager la Corée du Nord et limiter son programme nucléaire. Presque rien de ce qu’ont tenté les USA — ni les promesses de rapprochement, ni la pression des sanctions — n’a fonctionné.

En 2019, Trump entreprenait une démarche personnelle envers Kim, à la recherche d’une avancée que ses prédécesseurs n’avaient pas réussi. Mais ces pourparlers s’effondrèrent, et le programme nucléaire nord-coréen accéléra. Le gouvernement usaméricain estime désormais que la Corée du Nord possède environ 50 armes nucléaires et des missiles capables d’atteindre la côte ouest des USA. Kim a promis de continuer à développer son programme nucléaire de manière « exponentielle » afin de dissuader ce qu’il appelle les provocations usaméricaines.

Points aveugles

La mission des SEAL visait à corriger un angle mort stratégique. Depuis des années, les agences de renseignement usaméricaines avaient trouvé presque impossible de recruter des sources humaines ou d’intercepter des communications dans l’État autoritaire et refermé de la Corée du Nord.

Comprendre la pensée de Kim devint une priorité majeure dès l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche. Le dirigeant nord-coréen paraissait de plus en plus imprévisible et dangereux, et sa relation avec Trump oscillait de façon erratique entre lettres d’amitié et menaces publiques de guerre nucléaire.

En 2018, les relations semblaient s’orienter vers la paix. La Corée du Nord suspendit ses essais nucléaires et balistiques, et les deux pays entamèrent des négociations. Mais les USA n’avaient toujours que très peu d’informations sur les intentions de Kim.

Au milieu de cette incertitude, les agences de renseignement usaméricaines révélèrent à la Maison-Blanche qu’elles disposaient d’une solution au problème : un dispositif électronique nouvellement développé, capable d’intercepter les communications de Kim.

Le hic, c’est que quelqu’un devait s’infiltrer pour l’installer.


Trump et Kim se sont rencontrés à l’hôtel Métropole à Hanoï, au Vietnam, en février 2019.
Photo Doug Mills / The New York Times

La mission fut confiée à la SEAL Team 6 en 2018, selon des responsables militaires.

Même pour la Team 6, la mission allait être extraordinairement difficile. Habitués à des raids rapides en Afghanistan ou en Irak, les SEAL allaient devoir survivre pendant des heures dans une mer glaciale, échapper aux forces de sécurité sur terre, installer un dispositif technique avec précision, puis s’exfiltrer sans être détectés.

L’exfiltration était vitale. Au cours du premier mandat de Trump, les plus hauts responsables du Pentagone pensaient que même une petite action militaire contre la Corée du Nord pouvait provoquer des représailles catastrophiques de la part d’un adversaire disposant d’environ 8 000 pièces d’artillerie et de lance-roquettes pointés sur les quelque 28 000 soldats usaméricains stationnés en Corée du Sud, sans compter des missiles à capacité nucléaire pouvant atteindre les USA.

Mais les SEAL croyaient pouvoir réussir, car ils avaient déjà mené une opération similaire.

En 2005, des SEAL avaient utilisé un mini-sous-marin pour débarquer en Corée du Nord et repartir sans être repérés, selon des personnes informées de cette mission. L’opération de 2005, menée sous la présidence de George W. Bush, n’avait encore jamais été rendue publique.

Les SEAL proposaient de réitérer l’exploit. À l’automne 2018, alors que des négociations de haut niveau avec la Corée du Nord étaient en cours, le Commandement des opérations spéciales conjointes, qui supervise la Team 6, reçut l’autorisation de Trump de commencer les préparatifs, selon des responsables militaires. On ignore si l’intention de Trump était d’obtenir un avantage immédiat dans les négociations ou si l’objectif était plus large.

Le Commandement des opérations spéciales conjointes a refusé de commenter.

Le plan prévoyait que la marine infiltre un sous-marin nucléaire, long comme près de deux terrains de football (200 m.), dans les eaux proches de la Corée du Nord, puis déploie une petite équipe de SEAL dans deux mini-sous-marins, chacun de la taille approximative d’un orque, qui rejoindraient silencieusement le rivage.

Ces mini-sous-marins étaient des « sous-marins humides », ce qui signifiait que les SEAL y circulaient immergés dans une eau à 4 °C pendant environ deux heures, utilisant du matériel de plongée et des combinaisons chauffantes pour survivre.


Un sous-marin nucléaire usaméricain à missiles guidés participa à des exercices près d’Okinawa, au Japon, en 2021. Un sous-marin similaire transporta une équipe de Navy SEAL vers les eaux nord-coréennes en 2019.
Photo US Marine Corps / Département de la Défense

Près de la plage, les mini-sous-marins devaient libérer un groupe d’environ huit SEAL qui nageraient jusqu’à la cible, installeraient le dispositif, puis replongeraient discrètement dans la mer.

Mais l’équipe faisait face à une limitation majeure : elle s’engageait presque à l’aveugle.

Normalement, les forces d’opérations spéciales disposent de drones au-dessus de la zone de mission, transmettant une vidéo haute définition en direct, que les SEAL au sol et les responsables dans des centres de commandement éloignés utilisent pour diriger l’action en temps réel. Ils peuvent souvent écouter les communications ennemies.

En Corée du Nord, tout drone serait immédiatement repéré. La mission devait donc se reposer uniquement sur des satellites en orbite et des avions espions à haute altitude opérant dans l’espace aérien international, qui ne pouvaient fournir que des images fixes de faible résolution, selon des responsables.

Ces images arrivaient avec plusieurs minutes de retard, dans le meilleur des cas. Et elles ne pouvaient pas être transmises aux mini-sous-marins, car une seule communication cryptée risquait de révéler l’opération. Tout devait donc se dérouler presque sous un blackout total des communications.

Si quelque chose attendait les SEAL sur la côte, ils ne le sauraient que trop tard.

L’opération capote

La SEAL Team 6 s’entraîna pendant des mois dans les eaux usaméricaines et poursuivit ses préparatifs jusqu’aux premières semaines de 2019. En février, Trump annonça qu’il rencontrerait Kim pour un sommet nucléaire au Vietnam à la fin du mois.

Pour cette mission, la SEAL Team 6 s’associa avec l’équipe sous-marine d’élite de la Navy, le SEAL Delivery Vehicle Team 1, spécialisée depuis des années dans les opérations d’espionnage avec mini-sous-marins. Les SEAL embarquèrent sur le sous-marin nucléaire et mirent le cap vers la Corée du Nord. Quand le submersible atteignit l’océan ouvert et s’apprêta à entrer en blackout de communications, Trump donna son feu vert final.

On ignore quels facteurs Trump prit en compte en approuvant la mission des SEAL. Deux de ses plus hauts responsables de la sécurité nationale de l’époque — son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, et le secrétaire à la défense par intérim, Patrick M. Shanahan — ont refusé de commenter cet article.

Le sous-marin approcha de la côte nord-coréenne et lança deux mini-sous-marins, qui rejoignirent un point à une centaine de mètres du rivage, dans des eaux claires et peu profondes.

Les planificateurs de la mission avaient tenté de compenser l’absence de vidéo en direct en passant des mois à observer les allées et venues dans la zone. Ils étudièrent les habitudes de pêche et choisirent un moment où le trafic maritime serait réduit. Le renseignement suggérait que si les SEAL arrivaient silencieusement au bon endroit, au cœur de la nuit en hiver, ils ne devraient rencontrer personne.

La côte nord-coréenne, photographiée en 2018, est fréquentée par de petits bateaux de pêche.
Photo. Ed Jones/Agence France-Presse/ Getty Images

La nuit était calme, la mer tranquille. Alors que les mini-sous-marins glissaient vers la cible, leurs capteurs confirmaient les informations de renseignement : la côte semblait déserte.

Les mini-sous-marins atteignirent le point où ils devaient se poser sur le fond marin. C’est là que l’équipe commit peut-être la première de trois petites erreurs, qui paraissaient anodines sur le moment mais qui pouvaient avoir condamné la mission.

Dans l’obscurité, le premier mini-sous-marin se posa au fond comme prévu, mais le second dépassa la zone et dut faire demi-tour, selon des responsables.

Le plan exigeait que les mini-sous-marins soient orientés dans la même direction. Mais après le demi-tour, ils pointaient en sens opposés. Le temps pressait, l’équipe décida donc de libérer le groupe de nageurs et de corriger ce problème plus tard.

Les trappes s’ouvrirent, et les SEAL — tous équipés d’armes intraçables, chargées de munitions tout aussi intraçables — nagèrent silencieusement jusqu’au rivage avec le dispositif d’écoute.

Tous les quelques mètres, les SEAL sortaient légèrement la tête de l’eau noire pour scruter les environs. Tout paraissait calme.

Ce fut peut-être une deuxième erreur. Flottant dans l’obscurité se trouvait un petit bateau. À bord, un équipage de Nord-Coréens, difficiles à détecter parce que les capteurs des lunettes de vision nocturne des SEAL repéraient surtout la chaleur, et que les combinaisons de plongée portées par les Nord-Coréens avaient été refroidies par l’eau glaciale.

Les SEAL atteignirent la côte, persuadés d’être seuls, et commencèrent à retirer leur équipement de plongée. La cible n’était qu’à quelques centaines de mètres.

De retour aux mini-sous-marins, les pilotes réorientèrent celui qui faisait face au mauvais côté. Avec les trappes de cockpit ouvertes pour la visibilité et la communication, un pilote lança le moteur électrique et fit pivoter l’engin.

C’était probablement une troisième erreur. Certains SEAL ont plus tard supposé que le sillage du moteur avait pu attirer l’attention du bateau nord-coréen. Et si l’équipage entendit un bruit d’eau, il put apercevoir la lumière provenant des cockpits ouverts des mini-sous-marins dans l’obscurité.

Le bateau commença à se diriger vers les mini-sous-marins. Les Nord-Coréens balayaient l’eau avec leurs lampes torches et parlaient comme s’ils avaient remarqué quelque chose.

Certains pilotes de mini-sous-marins expliquèrent plus tard lors de débriefings qu’à leurs yeux, observant depuis l’eau claire, le bateau paraissait encore à distance sûre, et ils doutaient qu’ils aient été repérés. Mais pour les SEAL sur la côte, dans la mer sombre et uniforme, le bateau semblait quasiment sur eux.

Un mini-sous-marin de la Navy, appelé SEAL Delivery Vehicle, lors d’un exercice en 2007. Des engins similaires furent utilisés lors de la mission de 2019.
Photo US Navy / Département de la Défense

Avec les communications coupées, impossible pour l’équipe à terre de consulter les pilotes sous-marins. Les faisceaux du bateau balayaient l’eau. Les SEAL ignoraient s’il s’agissait d’une patrouille de sécurité les traquant ou de simples pêcheurs, inconscients de la mission à haut risque en cours.

Un homme du bateau nord-coréen plongea dans la mer.

Si l’équipe côtière rencontrait des problèmes, le sous-marin nucléaire disposait d’un groupe de renforts SEAL avec des embarcations gonflables rapides. Plus au large, des aéronefs furtifs étaient positionnés sur des navires usaméricains, avec encore davantage de troupes des opérations spéciales prêtes à intervenir.

Les SEAL faisaient face à une décision critique, mais sans aucun moyen de discuter de la marche à suivre. Le commandant de mission se trouvait à des kilomètres, à bord du grand sous-marin. Sans drones ni communications, nombre des avantages technologiques sur lesquels comptent normalement les SEAL avaient disparu, laissant quelques hommes en néoprène, incertains de ce qu’il fallait faire.

Alors que l’équipe côtière observait le Nord-Coréen dans l’eau, le sous-officier le plus expérimenté sur place choisit une ligne de conduite. Sans un mot, il épaula son fusil et tira. Les autres SEAL firent instinctivement de même.

Compromission et fuite

Si les SEAL doutaient encore que leur mission ait été compromise avant d’ouvrir le feu, ils n’avaient plus aucune incertitude après. Le plan prévoyait que les SEAL abandonnent immédiatement s’ils rencontraient qui que ce soit. Les forces de sécurité nord-coréennes pouvaient déjà être en route. Il n’y avait plus de temps pour poser le dispositif.

L’équipe à terre nagea jusqu’au bateau pour s’assurer que tous les Nord-Coréens étaient morts. Ils ne trouvèrent ni armes ni uniformes. Tout indiquait que l’équipage — composé, selon les personnes informées, de deux ou trois personnes — était constitué de civils pratiquant la pêche sous-marine. Tous étaient morts, y compris l’homme tombé à l’eau.

Des responsables familiers de la mission affirmèrent que les SEAL tirèrent les corps dans l’eau afin de les dissimuler aux autorités nord-coréennes. L’un ajouta que les commandos percèrent les poumons des victimes avec des couteaux pour s’assurer que leurs corps couleraient.

Les SEAL regagnèrent les mini-sous-marins et envoyèrent un signal de détresse. Craignant que les commandos ne soient sur le point d’être capturés, le grand sous-marin nucléaire manœuvra en eaux peu profondes, tout près de la côte — une prise de risque majeure — pour les récupérer. Il prit ensuite la fuite vers le large.

Tout le personnel militaire usaméricain s’en sortit indemne.

Immédiatement après, des satellites espions usaméricains détectèrent une forte activité militaire nord-coréenne dans la zone, selon des responsables usaméricains. La Corée du Nord ne fit aucune déclaration publique sur ces morts, et les responsables usaméricains affirmèrent qu’il n’était pas clair si les Nord-Coréens avaient jamais compris ce qui s’était passé et qui en était responsable.

Le sommet nucléaire au Vietnam eut lieu comme prévu à la fin février 2019, mais les pourparlers s’achevèrent rapidement sans accord.

En mai, la Corée du Nord avait repris ses essais de missiles.

Trump et Kim se rencontrèrent une dernière fois en juin dans la zone démilitarisée entre les deux Corées. Ce fut un moment de télévision spectaculaire, avec Trump franchissant même brièvement la frontière vers le Nord. Mais la rencontre ne produisit guère plus qu’une poignée de main.

Dans les mois qui suivirent, la Corée du Nord tira plus de missiles qu’au cours de toute autre année précédente, y compris certains capables d’atteindre les USA. Depuis, selon les estimations usaméricaines, la Corée du Nord a accumulé 50 ogives nucléaires et de la matière pour en produire environ 40 de plus.

Un bilan inégal

La mission avortée des SEAL entraîna une série de révisions militaires durant le premier mandat de Trump. Elles conclurent que le meurtre de civils avait été justifié selon les règles d’engagement, et que l’échec de la mission résultait d’un enchaînement malheureux de circonstances imprévisibles et inévitables. Les conclusions restèrent classifiées.

L’administration Trump ne révéla jamais l’opération ni ses conclusions aux dirigeants des commissions clés du Congrès chargées de superviser les activités militaires et de renseignement, selon des responsables gouvernementaux. Ce faisant, l’administration aurait pu violer la loi fédérale, a affirmé Matthew Waxman, professeur de droit à l’Université Columbia et ancien responsable de la sécurité nationale sous le président George W. Bush.

Waxman a expliqué que la loi contient des zones grises qui laissent aux présidents une certaine marge de manœuvre quant aux informations transmises au Congrès. Mais pour les missions les plus conséquentes, l’obligation d’informer tend à être plus forte.

« Le but est de s’assurer que le Congrès n’est pas tenu dans l’ignorance quand des choses majeures se déroulent », dit Waxman. « C’est exactement le type d’opérations qui devrait normalement être signalé aux commissions, et sur lesquelles  ces commissions s’attendent à être informées. »

Beaucoup des personnes impliquées dans la mission ont ensuite été promues.

Mais l’épisode inquiéta certains responsables militaires expérimentés, au courant de l’opération, car les SEAL ont un bilan inégal qui, depuis des décennies, est largement occulté par le secret.

Les unités d’opérations spéciales d’élite se voient régulièrement confier les tâches les plus difficiles et dangereuses. Au fil des années, les SEAL ont enregistré de grands succès, notamment l’élimination de chefs terroristes, des sauvetages spectaculaires d’otages et l’opération contre Ben Laden, qui ont forgé une image quasi surhumaine auprès du public.

Mais pour certains militaires ayant travaillé avec eux, les SEAL ont la réputation de concevoir des missions excessivement audacieuses et complexes qui tournent mal. La première mission de la Team 6, lors de l’invasion de la Grenade en 1983, en est un exemple parlant.

Le plan consistait à sauter en parachute dans la mer, foncer vers la côte en bateaux rapides et placer des balises pour guider les forces d’assaut vers l’aéroport de l’île. Mais l’avion des SEAL décolla en retard ; ils sautèrent de nuit dans des conditions orageuses, chargés d’équipements lourds. Quatre SEAL se noyèrent, et les embarcations des autres chavirèrent.

L’aéroport fut ensuite pris par des Rangers de l’armée usaméricaine, parachutés directement sur la piste.


Des troupes usaméricaines surveillant l’aéroport de Point Salines après l’invasion de la Grenade en 1983. La mission inaugurale de la SEAL Team 6, visant l’aéroport principal de l’île, tourna très mal.
Photo Associated Press

Depuis, les SEAL ont monté d’autres missions complexes et audacieuses qui se sont effondrées, au Panama, en Afghanistan, au Yémen et en Somalie. Lors d’une mission de sauvetage en Afghanistan en 2010, des SEAL de la Team 6 tuèrent accidentellement, à la grenade, l’otage qu’ils tentaient de libérer, puis induisirent leurs supérieurs en erreur sur les circonstances de sa mort.

En partie à cause de ce bilan, le président Barack Obama limita les missions d’opérations spéciales à la fin de son second mandat et renforça la supervision, réservant les raids complexes de commandos à des situations extraordinaires, comme les sauvetages d’otages.

La première administration Trump annula bon nombre de ces restrictions et réduisit le niveau de délibération nécessaire pour les missions sensibles. Quelques jours après son entrée en fonction en 2017, Trump court-circuita en grande partie le processus décisionnel établi pour approuver un raid de la Team 6 contre un village au Yémen. Cette mission laissa 30 villageois et un SEAL morts, et détruisit un avion de 75 millions de dollars.

Lorsque le président Joseph R. Biden Jr. succéda à Trump, la gravité de la mission en Corée du Nord attira un regain d’attention. Son secrétaire à la Défense, Lloyd J. Austin III, ordonna une enquête indépendante, confiée au lieutenant-général à la tête du bureau de l’inspecteur général de l’armée.

En 2021, l’administration Biden informa les principaux membres du Congrès des conclusions, selon un ancien responsable gouvernemental.

Ces conclusions restent classifiées.

05/09/2025

LYNA AL TABAL
Le dernier des rois : Netanyahou, prisonnier de l’illusion d’immortalité et creuseur de sa propre tombe

Lyna Al Tabal, Rai Al Youm, 2/9/2025
Original: نتنياهو آخر الملوك: أسير وهم الخلود.. وصانع مقبرته بيديه

Traduit par Tlaxcala

Depuis les légendes des rois engloutis par l’arrogance — Gilgamesh, qui chercha l’immortalité, et Néron, qui joua avec le feu —, chaque époque voit naître un roi qui se croit au-dessus des hommes.  

En Israël, son nom est Benjamin Netanyahou alias “Bibi, roi d’Israël”, qui croit vraiment être un roi biblique arrivé par erreur au XXIᵉ siècle. Un roi qui possède toutes les formes de guerre.

Emad Hajjaj


Et lorsque les soldats s’effondrent aux frontières de Gaza, ou que les civils tombent à Beyrouth, le roi sourit et dit à ses sujets que ce sang est le prix de la sécurité. Il leur rappelle qu’il est indispensable et que lui seul détient la clé du salut.

C’est le dernier roi d’Israël, un roi de papier, qui gouverne un royaume qui se désagrège de l’intérieur et a bâti sa gloire sur les ruines de la paix.

Sa politique ressemble à une malédiction ancienne : chaque fois qu’il s’approche d’une trêve, il déclenche une nouvelle guerre. Pour lui, la paix, c’est la perpétuation de la guerre perpétuelle.

Un roi sans sagesse : voilà comment Ibn Khaldoun l’aurait décrit sur lui ; car lorsqu’un roi est dépourvu de raison et de discernement, il devient un malheur pour lui-même et pour son peuple.

C’est une copie de Trump, dans son obsession de tout ce qui est “tendance”. Tous deux sont prisonniers de l’illusion d’immortalité à travers les gros titres et les trophées creux. Ils vivent dans une ère numérique où ils croient que l’histoire est une application que l’on peut programmer, ou un algorithme que l’on peut tromper

Mais l’histoire enregistre tout. Elle ne répond pas aux désirs des rois ni aux rêves des narcissiques. C’est un juge silencieux. Elle écrira certainement sur eux et consignera leur chute retentissante.

Dans la nuit de Gaza, Netanyahou tisse les fils de sa nouvelle invasion. Les précédentes ne lui ont pas suffi. Il veut anéantir les édifices, arracher les êtres humains, pour qu’ils deviennent des spectres errants dans l’exil. Il appelle ça “un départ volontaire”, mais le droit international l’appelle par son vrai nom : déplacement forcé, crime de guerre, crime contre l’humanité (selon les Conventions de Genève de 1949 et le Statut de Rome de 1998).

Mais n’a-t-il rien appris des généraux du vide et de la bêtise ? 
Qu’il invoque donc l’esprit de Golda Meir : elle lui dira que le vide n’engloutit pas Gaza. Elle lui rira au visage et dira : “Bravo, Bibi ! Tu nous as ramené la même vieille stupidité. Ne sais-tu pas que ce vide engendrera des générations plus fortes ? Ne sais-tu pas que chaque mur que tu détruis à Gaza deviendra une pierre tombale pour toi et ton royaume de papier ?”

Rêves-tu encore au “Grand Israël”, Bibi ? C’est un royaume de cendres, qui grandit par le sang et s’effrite par le sang.

Regarde la rue israélienne bouillir… Les manifestations remplissent les places, les pancartes crient : “Assez, fini de jouer, Bibi !” La guerre dont tu avais promis la victoire à ton peuple est devenue un cauchemar qui engloutit tes soldats et laisse les familles dans un deuil perpétuel.

Pas d’occupation de Gaza, pas d’illusions de royaume biblique. Comprends donc que “ le jeu est fini”. N’as-tu pas réalisé que Gaza n’est pas un petit camp que tes chars peuvent occuper ? N’as-tu pas compris que Gaza est une bête qui respire sous les décombres ? Ta seule issue maintenant est de reconnaître la réalité et de te hâter d’ouvrir la porte. Accepte l’accord maintenant, un accord qui te permette de libérer les prisonniers et un retrait qui sauve ce qui reste de l’image de ton armée ensablée.

Cette guerre doit se terminer immédiatement. Aucun trône ne peut se maintenir sur le sang, aucune armée n’échappe à la malédiction des enfants affamés ou enterrés sous les ruines. Ta seule issue est un échange de prisonniers et un retrait.

Netanyahou, roi biblique obsédé par l’immortalité et non par ses soldats, préfère laisser les prisonniers de son pays fondre dans l’obscurité des tunnels de Gaza plutôt que d’affronter l’instant de vérité. Il les jette dans le brasier de la politique pour gagner un jour de plus sur son trône.

Ici, au Liban, personne ne parle non plus des prisonniers. Regardez le Liban : ici, il n’y a pas un seul roi, mais une horde de petits rois. Des amateurs de pouvoir qui ne maîtrisent même pas les rituels du règne, mais excellent dans le silence comme pratique quotidienne… 19 prisonniers libanais croupissent dans les prisons israéliennes et personne ne mentionne leurs noms. Silence radio. Le président est occupé à couper les rubans des festivals, le Premier ministre à se faire photographier avec Amr Diab, et les ministres rivalisent à la télévision. Silence encore.

Voulez-vous savoir à quel point Netanyahou est chanceux ? La “yérida”, l’’émigration hors d’Israël des intellectuels de gauche et des libéraux est le “gros lot” qu’il a décroché… Ces gens ne sont pas partis par amour pour Gaza ni pour la défendre ; ils sont partis parce qu’ils ne pouvaient plus supporter la politique du roi… Les “gêneurs”, comme il les appelait, sont enfin partis…

Maintenant, le pays ne reste plus que pour lui et sa clique rabbinique : le blond Smotrich et le bouffon Ben Gvir. Un duo de comédie noire qui accompagnera son roi dans son ultime voyage vers La Haye.

Ceci n’est pas un article sur Netanyahou tel qu’il se présente, roi de l’histoire, mais un article sur le cauchemar du roi : le jour où l’accord sera conclu.  Quand les visages reviendront des cellules de l’ombre : Marwan Barghouti, le bras levé en signe de victoire ; Ahmad Saadat, avec son keffieh rouge, et Abdallah Barghouti, au regard ferme.

Ces images à elles seules démantèleront tout un récit, feront revenir l’histoire pour croiser passé et présent, et témoigneront de l’effondrement du pouvoir royal. Cela, Netanyahou le sait… parfaitement. 
Il sait qu’une seule photo d’un prisonnier libéré est plus puissante que tous ses chars et son arsenal, et que le sourire de Marwan Barghouti pourrait renverser son trône qui a coûté des décennies de sang.

En fin de compte, Netanyahou ne négocie pas pour ses prisonniers ni pour l’avenir de Gaza. Il négocie seulement pour la durée de son règne et pour sa puissance.  Cette puissance qu’il vénère le broiera à la fin.

La fin de Netanyahou ne viendra pas de ses ennemis. Il tombera par la main d’un appareil de pouvoir stupide qu’il a lui-même dessiné. Du chaos qu’il a bâti comme instrument de domination et qui est devenu une machine de chute.

Le destin de Netanyahou a déjà commencé depuis longtemps, il marche vers lui comme un roi aveugle. 
C’est un roi sans sagesse, ignorant que l’immortalité qu’il poursuit est son nom gravé sur le mur de l’effondrement final.

LYNA AL TABAL
El último de los reyes: Netanyahu , prisionero de la ilusión de la inmortalidad y cavador de su propia tumba

Desde las leyendas de los reyes devorados por la arrogancia — Gilgamesh, que buscó la inmortalidad, y Nerón, que jugó con fuego — en cada época nace un rey que se cree por encima de los hombres. 
En Israel, su nombre es Benjamín Netanyahu, “Bibi, rey de Israel”… Netanyahu cree realmente que es un rey bíblico que llegó por error al siglo XXI… Un rey que posee todas las formas de guerra.

 Emad Hajjaj

Y cuando los soldados caen en las fronteras de Gaza, o los civiles en Beirut, el rey sonríe… y les dice a sus súbditos que esa sangre es el precio de la seguridad. Les recuerda que es indispensable, que solo él tiene la llave de la salvación.

Es el último de los reyes de Israel, un rey de papel, que gobierna un reino que se desmorona desde dentro. 

Netanyahu construyó su gloria sobre las ruinas de la paz…

Su política se asemeja a una antigua maldición: cada vez que se acerca a una tregua, estalla una nueva guerra… Para él, la paz es la guerra perpetua…

Un rey sin sabiduría — así lo habría descrito Ibn Jaldún; porque cuando un rey carece de razón y discernimiento, se convierte en una desgracia para sí mismo y para su pueblo.
Que invoque entonces el espíritu de Golda Meir: ella le dirá que el vacío no devora Gaza. Se reirá en su cara y dirá: “¡Bien hecho, Bibi! Nos trajiste la misma estupidez de siempre. ¿No sabes que ese vacío engendrará generaciones más fuertes? ¿No sabes que cada muro que destruyes en Gaza se convertirá en una lápida para ti y para tu reino de papel?”
¿Todavía sueñas con el Gran Israel, Bibi? Es un reino de cenizas, que crece con sangre y se apaga también con sangre.
Esta guerra debe terminar de inmediato. Ningún trono se mantiene sobre la sangre, ningún ejército escapa a la maldición de los niños hambrientos o enterrados bajo los escombros. Tu única salida es un intercambio de prisioneros y una retirada.
Aquí tampoco, en el Líbano, nadie habla de los prisioneros… Miren al Líbano: aquí no hay un solo rey, sino una manada de reyezuelos. Aficionados al poder que ni siquiera dominan los rituales del gobierno, y que solo practican el silencio como costumbre diaria… 19 prisioneros libaneses están en cárceles israelíes, y nadie menciona sus nombres. Silencio… El presidente ocupado cortando cintas en festivales, el primer ministro tomándose fotos con Amr Diab, y los ministros compitiendo en la televisión… Silencio con todo.
Sabe que una sola foto de un prisionero liberado es más poderosa que todos sus tanques y su arsenal, y que la sonrisa de Maruan Barghuti podría derribar su trono, que le costó décadas de sangre.
Al final, Netanyahu no negocia por sus prisioneros ni por el futuro de Gaza. Negocia solo por la duración de su trono… y por su poder. 
Ese poder que adora lo aplastará al final.

Es una copia de Trump en su obsesión con todo lo que es “tendencia”… Ambos prisioneros de la ilusión de la inmortalidad a través de grandes titulares y trofeos huecos. Viven en una era digital en la que creen que la historia es una aplicación que se puede programar, o un algoritmo que se puede engañar…

Pero la historia lo registra todo. No responde a los deseos de los reyes ni a los sueños de los narcisistas. Es un juez silencioso… La historia escribirá sobre ellos, sin duda, y consignará su estruendosa caída.

En la noche de Gaza, Netanyahu teje los hilos de su nueva invasión… Las anteriores no le bastaron. Quiere borrar edificios y arrancar a los seres humanos, para que se conviertan en espectros errantes en el exilio. Lo llama “salida voluntaria”, pero el derecho internacional lo llama por su verdadero nombre: desplazamiento forzoso, crimen de guerra, crimen de lesa humanidad (según los Convenios de Ginebra de 1949 y el Estatuto de Roma de 1998).

¿Pero acaso Netanyahu no aprendió nada de los generales del vacío y la estupidez? 

Mira la calle israelí hervir… Las manifestaciones llenan las plazas, las pancartas gritan: “Basta ya, se acabó el juego, Bibi”… La guerra con la que prometiste la victoria a tu pueblo se ha convertido en una pesadilla que devora a tus soldados y deja a las familias en duelo perpetuo.

No hay ocupación de Gaza, ni ilusiones de un reino bíblico… Comprende que “se acabó el juego”. ¿No te diste cuenta de que Gaza no es un pequeño campamento que tus tanques puedan ocupar? ¿No entendiste que Gaza es una bestia que respira desde debajo de los escombros? Tu única salida ahora es reconocer la realidad y apresurarte a abrir la puerta… Acepta el acuerdo ahora… Un acuerdo para devolver a los prisioneros y una retirada que salve lo que queda de la imagen de tu ejército hundido en la arena.

Netanyahu, rey bíblico obsesionado con la inmortalidad y no con sus soldados, prefiere dejar a los prisioneros de su país fundirse en la oscuridad de los túneles de Gaza antes que enfrentar el momento de la verdad… Los lanza a la hoguera de la política para ganar un día más en su trono.

¿Quieren saber cuán afortunado es Netanyahu? La “yerida”, la emigración fuera de Israel de intelectuales de izquierda y liberales es el “premio gordo” que ganó… Ellos no se fueron por amor a Gaza ni para defenderla; se fueron porque no podían soportar la política del rey… Los “molestos”, como los llamaba, finalmente se marcharon…

Ahora solo queda el país para él y su corte rabínica: el rubio Smotrich y el bufón Ben Gvir. Un dúo de comedia negra que acompañará a su rey en su último viaje hacia La Haya.

Este no es un artículo sobre Netanyahu presentándose como rey de la historia, sino un artículo sobre la pesadilla del rey: el día en que se firme el acuerdo.  Cuando los rostros regresen de las celdas de la oscuridad: Maruan Barghuti, con la mano levantada en señal de victoria; Ahmad Saadat, con su kefia roja… y Abdallah Barghuti, con su mirada firme.

Estas imágenes por sí solas desmantelarán toda una narrativa, harán que la historia regrese para cruzar pasado y presente, y serán testigos del colapso del poder real… Netanyahu lo sabe… muy bien. 

El final de Netanyahu no vendrá de sus enemigos. Caerá por la mano de un aparato de poder estúpido que él mismo diseñó… Del caos que construyó como herramienta de dominio y que se convirtió en una máquina de caída.

El destino de Netanyahu ya comenzó hace tiempo, camina hacia él como un rey ciego. 

Es un rey sin sabiduría, ignorante de que la inmortalidad que persigue es su nombre grabado en el muro del colapso final.

GIDEON LEVY
Las capuchas negras del ejército israelí no alcanzan a tapar sus crímenes de guerra en Gaza

Gideon Levy, Haaretz4/9/2025
Traducido por Tlaxcala

Israel se cubre la cara: por vergüenza, tal vez, por culpa, por miedo… seguramente por las tres razones. La nueva moda es que los oficiales entrevistados en televisión aparezcan con capuchas negras. El “ejército del pueblo” se transformó en el ejército de las capuchas


El teniente coronel T., comandante de un batallón de reserva, asegura que la participación de los reservistas es «impresionante»; el mayor S., segundo al mando de otro batallón de reserva, dice: «Dejé a una esposa valiente sola en casa con tres hijos que retomaron sus rutinas, y un negocio que quedó en pausa. Aun así, entendemos que estamos en una misión importante». Los dos aparecen con capuchas negras. Parecen ladrones de banco a punto de dar un golpe: solo se les ven los ojos. Las capuchas entregadas por el ejército reemplazaron a la clásica media de nylon de los rateros. Algo, o alguien, necesita ser ocultado.

Los primeros en disfrazarse, como siempre, fueron los pilotos de la Fuerza Aérea. En cada entrevista aparecían con su imponente casco y lentes oscuros, para que nadie los reconociera. Al principio, el miedo era que, si uno caía en medio de la noche, sus captores lo identificaran por una entrevista televisiva. Con casco y lentes podía alegar que solo era un sargento de escritorio o que estaba en contra de los bonos militares. Pero con el aumento de los crímenes cometidos por los pilotos en Gaza, el disfraz adquirió otra función clave: evitar que nuestros “héroes” fueran identificados en La Haya, donde ya saben perfectamente lo que hacen los pilotos.


Los escoltas del primer ministro y de algunos ministros también se sumaron hace poco a esta farsa de misterio, ocultamiento y autoiengrandecimiento. Usan mascarillas quirúrgicas negras, agregando otra capa a un espectáculo ya grotesco: decenas de guaruras rodeando con agresividad a una sola persona, con una seriedad absurda. Ahora no solo los protegidos, sino también los guardias mismos se vuelven “objetivos sensibles”. Súmales las sirenas aullando y las caravanas interminables, y tenemos una república bananera hecha y derecha. Las mascarillas negras son la cereza del pastel. Si antes los guardias parecían lo mejor de lo nuestro, con esos tapabocas negros ya parecen matones de la mafia. Quizá ese sea el objetivo.

Pero las nuevas capuchas militares y los disfraces de los escoltas no son solo una caricatura de soberbia; también reflejan una realidad más amplia. Algunos oficiales de reserva que esta semana entran a Gaza lo hacen sabiendo que se espera de ellos que cometan crímenes de guerra atroces. Y aun así se presentan. La capucha se supone que les facilita el trabajo: dice que tienen algo que esconder y algo que temer.

El ladrón armado que se lanza a su golpe más grande sabe que lo que hace es ilegal, inmoral y peligroso; por eso se cubre la cara. Lo mismo con los oficiales que entran a Gaza. Quizá unos pocos se sientan avergonzados por sus actos, pero es muy dudoso – al igual que los ladrones, no suelen sentir vergüenza: la mayoría solo teme ser atrapada. El miedo a La Haya ya cayó sobre el ejército, y con razón.

Aunque ese miedo tampoco es del todo fundado. La justicia en La Haya se mueve con una lentitud desesperante. Para cuando determinen si hay un genocidio en Gaza, ya no quedará nadie allí. Y Benyamín Netanyahu no será extraditado, pese a la orden de arresto de la Corte Penal Internacional. Aun así, el hecho de que los oficiales usen capuchas muestra que dentro del ejército hay conciencia de que algo anda mal y que hay que tener cuidado. No cuidado con lo que hacen, sino cuidado para que no los atrapen por lo que hacen.

Un ejército que viste a sus oficiales con capuchas negras es un ejército que sabe que comete crímenes, aunque no lo confiese. Al final, hasta quienes miran a esos oficiales disfrazados acabarán reconociéndolo.

GIDEON LEVY
Les cagoules noires de l’armée israélienne ne peuvent pas masquer ses crimes de guerre à Gaza

Gideon Levy, Haaretz4/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Israël se couvre le visage : par honte, peut-être, ou par culpabilité, ou par peur, et sans doute pour les trois raisons à la fois. La nouvelle tendance consiste pour les officiers interrogés à la télévision à cacher leur visage sous des cagoules noires. L’armée du peuple est devenue l’armée des cagoules.


Le lieutenant-colonel T., commandant de bataillon dans la réserve, affirme que le taux de mobilisation des réservistes est « impressionnant » ; le commandant en second du bataillon de réserve, le major S., déclare : « J’ai laissé une épouse courageuse seule à la maison avec trois enfants qui ont retrouvé leur routine et une entreprise mise en pause. Néanmoins, nous comprenons que nous sommes en mission importante. » Tous deux apparaissent cagoulés de noir. Ils ressemblent à deux braqueurs de banque prêts pour un coup ; seuls leurs yeux sont visibles. Les cagoules fournies par l’armée ont remplacé le bas nylon classique des cambrioleurs. Il y a sans doute quelqu’un, et quelque chose, à dissimuler.

Les premiers, comme toujours, furent les pilotes de l’armée de l’air. Dans chaque interview, ils portaient le casque impressionnant ainsi que des lunettes noires, de peur d’être reconnus. Au départ, la crainte était que si un pilote s’éjectait en pleine nuit, ses ravisseurs ne l’identifient grâce à une apparition télévisée. Grâce au casque et aux lunettes, il pourrait prétendre n’être qu’un simple sergent de bureau, ou être opposé aux primes militaires. Mais avec l’augmentation des crimes commis par les pilotes à Gaza, le déguisement a pris une fonction supplémentaire cruciale : éviter que nos « héros » soient identifiés à La Haye, où l’on sait très bien ce que font ces pilotes.


Les gardes du corps du Premier ministre et de quelques ministres se sont récemment joints à cette mascarade de mystère, de dissimulation et d’auto-magnification. Ils portent des masques chirurgicaux noirs, ajoutant une dimension supplémentaire à un spectacle déjà grotesque : celui de dizaines de gardes du corps se pressant avec agressivité autour d’un seul individu, avec un sérieux solennel. Désormais, ce ne sont plus seulement les protégés, mais aussi les gardes eux-mêmes qui deviennent des cibles sensibles. Ajoutez les gardes masqués aux sirènes hurlantes et aux cortèges interminables, et nous avons une république bananière certifiée. Les masques chirurgicaux noirs en sont la cerise sur le gâteau. Si, auparavant, ces gardes semblaient être nos meilleurs éléments, affublés de noir ils ressemblent eux aussi à des hommes de main de la mafia. Peut-être est-ce le but recherché.

Mais les nouvelles cagoules militaires et les accoutrements des gardes du corps ne sont pas seulement une caricature d’importance déplacée ; ils reflètent aussi une réalité plus large. Au moins certains officiers de réserve qui entrent cette semaine dans Gaza le font en sachant qu’ils sont censés commettre d’horribles crimes de guerre. Et pourtant, ils se présentent au service. La cagoule est censée leur faciliter la tâche. Elle dit qu’ils ont quelque chose à cacher et quelque chose à craindre.

Le braqueur armé qui part pour son plus gros coup sait que ce qu’il fait est illégal, immoral et dangereux ; c’est pourquoi il enfile un bas nylon. Il en va de même pour les officiers pénétrant dans la bande de Gaza. Peut-être que quelques-uns éprouvent de la honte pour leurs actes. C’est très douteux – les braqueurs, eux non plus, n’ont pas honte : la plupart ont juste peur d’être attrapés. La peur de La Haye s’est abattue sur l’armée, et à juste titre.

Non pas que cette crainte soit pleinement fondée. Les rouages de la justice à La Haye tournent avec une lenteur insupportable. Le temps qu’ils déterminent si un génocide est en cours à Gaza, il n’y aura plus personne là-bas. Et Benjamin Netanyahou ne sera pas extradé, malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Pourtant, le simple fait que les officiers portent des cagoules suggère qu’il existe, au sein de l’armée, une compréhension implicite que quelque chose ne va pas et qu’il faut se montrer prudent. Non pas prudent dans leurs actes, mais prudent afin de ne pas être pris à cause de ces actes.

Une armée qui affuble ses officiers de cagoules noires est une armée qui sait qu’elle commet des crimes, même si elle ne l’admet pas. Finalement, même ceux qui regardent ces officiers déguisés finiront par le reconnaître.

04/09/2025

NAAMA RIBA
“Un massacre offert par Tsahal ?” : Yosef Ohman, le photographe israélien qui a documenté l’injustice

Naama Riba, Haaretz, 3/9/2025

Traduit par Tlaxcala

Des manifestations contre la première guerre du Liban à l’évacuation d’un village palestinien durant la guerre des Six Jours, Yosef Ohman – mort à 86 ans – a couvert les protestations et les injustices sous un angle de gauche.


Des membres du kibboutz Ga’ash manifestant en septembre 1982 après le massacre de Sabra et Chatila pendant la guerre du Liban. La pancarte dit : « Massacre offert par Tsahal ? »
Photo Yosef Ohman

Le photographe Yosef Ohman, dont de nombreux clichés documentaient les protestations et l’injustice – bien avant que ce genre ne devienne courant – est mort samedi 31 août à l’âge de 86 ans.
Atteint d’une maladie rénale, Ohman était lui-même militant et participait souvent aux événements qu’il photographiait.

Au début des années 1970, il a couvert à Jérusalem les manifestations des Panthères noires israéliennes, un mouvement représentant les Israéliens séfarades et mizrahi – issus du Maghreb et du Machrek.


Manifestation des Panthères noires israéliennes en 1971. Photo Yosef Ohman

Il a également documenté la révolution des œillets en 1974 et les élections qui suivirent un an plus tard. Plus près de chez lui, il était présent en 1982 lors de l’évacuation de Yamit, une colonie du Sinaï que l’État d’Israël a démantelée dans le cadre du traité de paix avec l’Égypte.


Yosef Ohman portant un T-shirt à l’effigie de Che Guevara
PhotoMiki Kratsman

Il a aussi photographié les manifestations contre la première guerre du Liban, déclenchée en 1982, et l’année suivante, il a immortalisé les funérailles d’Emil Grunzweig, tué par une grenade lancée contre un rassemblement de “La Paix Maintenant”. En 1986, l’un de ses clichés marquants représentait Meir Kahane, dirigeant d’extrême droite.

Ohman a également documenté la disparition du village d’Imwas, à l’ouest de Jérusalem, détruit par Israël pendant la guerre des Six Jours de 1967 pour garantir une route dégagée à la sortie de la capitale.


Protestation en 1985 au kibboutz Ga’ash, au 1 045 jour de présence israélienne au Liban après l’invasion de 1982
Photo Yosef Ohman / Archives Yad Yaari


Un camion de “La Paix Maintenant” garé devant la colonie d’Elon Moreh en 1979.
Photo Yosef Ohman

« Nous avons vu des réfugiés sur la route en direction de Ramallah », a raconté Ohman à propos de cette ville de Cisjordanie. « Soudain, j’ai vu des bulldozers détruire le village. Je ne réalisais pas que c’étaient les dernières photos que nous prenions à Imwas avant sa destruction. »

« Ohman a observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques. »
Tali Tamir (curatrice d’art indépendante)


Meir Kahane faisant un discours à Jérusalem en 1986.
Photo Yosef Ohman

Né en 1938 à Buenos Aires, Ohman avait étudié dans une école chrétienne. Avant son arrivée en Israël en 1959 avec un groupe du mouvement de jeunesse juif de gauche Hashomer Hatzaïr, il avait étudié la peinture et la sculpture. Il s’est établi au kibboutz Harel, à l’ouest de Jérusalem, dont il est devenu le photographe attitré.

Il a ensuite déménagé au kibboutz Ga’ash, au nord de Tel-Aviv, puis en 1991 à Hadera, plus au nord encore. Enseignant dans un internat, il s’installe en 2015 à Herzliya, dans la banlieue de Tel-Aviv. Il laisse derrière lui quatre fils et petits-enfants.


Un portrait de Che Guevara sur le mur d’une prison en Argentine en 2010
Photo
Yosef Ohman

Les archives d’Ohman sont conservées au centre de recherche et de documentation Yad Yaari, lié à Hashomer Hatzaïr. Le chercheur de la culture des kibboutzim, Yuval Danieli, décrit son travail comme « un trésor d’histoire humaine, politique et émotionnelle ».

Ces dernières années, son œuvre a connu un regain d’intérêt. En 2018, l’exposition Ciel rouge lui a rendu hommage à la galerie Yad Yaari, suivie d’une autre exposition et d’un livre en 2024.

« Ohman a observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques », a écrit Tali Tamir, autrice et éditrice de l’ouvrage. « Ce livre présente une continuité de la résistance de gauche en Israël : une culture d’engagement et de responsabilité sociale, au service des faibles, en soutien à la justice et contre les gouvernements de droite qui ont mené des guerres et encouragé l’agression.

Les photographies reflètent un type de photographe qui a disparu de ce monde : quelqu’un qui ne sert pas les médias sensationnalistes mais agit selon sa conscience. »