15/03/2025

Le plan du département d’État US visant à déporter les étudiants “pro-Hamas” s’appuie sur une loi de 1952 qui visait les Juifs suspects de “soviétisme”

Les survivants juifs de l’Holocauste soupçonnés de sympathies avec l’Union soviétique étaient soumis à la loi McCarran-Walter

Andrew Silverstein, Forward, 7/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala   

Le département d’État usaméricain utilise une loi antisémite datant de l’ère McCarthy pour annuler les visas d’étudiants étrangers qu’il considère comme “pro-Hamas”.

Le programme, appelé “Catch and Revoke” (attraper et révoquer), a été rapporté pour la première fois par Axios jeudi, utilisera l’intelligence artificielle pour analyser les médias sociaux, les reportages sur les manifestations anti-israéliennes et les procès intentés par des groupes d’étudiants juifs alléguant l’antisémitisme sur les campus.


New York, 1920 : dans la cadre de la première vague de "Red Scare" (Peur des rouges) du XXème siècle, des étrangers soupçonnés d’être « des anarchistes, des communistes et des radicaux » ont été raflés et conduits à Ellis Island pour être déportés. La deuxième vague eut lieu au début des années 1950 sous la houlette de Joseph McCarthy

La Fondation pour les droits individuels et l’expression et l’Union américaine pour les libertés civiles ont tiré la sonnette d’alarme sur la violation apparente des droits du premier amendement par le gouvernement, mais peu d’attention a été accordée à la base juridique du projet.

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« La loi sur l’immigration et la nationalité de 1952 donne au secrétaire d’État le pouvoir de révoquer les visas des étrangers considérés comme une menace », écrit Axios, citant de hauts fonctionnaires du département d’État.

La loi de 1952, également connue sous le nom de loi McCarran-Walter, codifie les restrictions à l’immigration des “subversifs” et des communistes. Les quotas et le test idéologique de la loi ont été largement compris à l’époque comme visant les survivants juifs de l’Holocauste d’Europe de l’Est soupçonnés d’être des agents soviétiques.

Le sénateur du Nevada Patrick McCarran, architecte de la loi, a utilisé l’argument selon lequel les Juifs sont des perturbateurs et des “rats subversifs qu’il faut empêcher d’entrer”, mais avec une nouvelle tournure propre à la guerre froide, en présentant les immigrants juifs comme des agents soviétiques, selon David Nasaw, professeur émérite au CUNY Graduate Center.

Nasaw, qui a publié en 2020 le livre The Last Million: Europe’s Displaced Persons From World War to Cold War [Le dernier million : Les personnes déplacées en Europe de la guerre mondiale à la guerre froide], note qu’il s’agissait là d’un des nombreux cas de législation sur l’immigration d’après-guerre qui favorisait les immigrants allemands, irlandais et anglais tout en limitant l’immigration en provenance de Pologne, où les Juifs qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale l’ont fait en fuyant vers l’Union soviétique ou en étant libérés par l’Armée rouge.

Les politiciens juifs ont combattu la loi de 1952 et le président Harry Truman y a opposé son veto. Toutefois, le Congrès a annulé ce veto par un vote des deux tiers des deux chambres. Le projet de loi poursuivait les politiques qui rendaient presque impossible l’émigration des survivants juifs polonais vers les USA. Ceux qui l’ont fait, dont la famille de Jared Kushner , ont été contraints de se présenter aux autorités usaméricaines comme Allemands.

« À tous les étrangers résidents qui ont participé aux manifestations pro-djihadistes, nous vous prévenons : en 2025, nous vous retrouverons et nous vous expulserons », déclare une fiche d’information publiée sur le site web de la Maison Blanche avec le décret du président Donald Trump de janvier sur l’antisémitisme. « Je vais également annuler rapidement les visas d’étudiants de tous les sympathisants du Hamas sur les campus universitaires, qui ont été infestés par le radicalisme comme jamais auparavant ».

Le secrétaire d’État Marco Rubio, s’appuyant sur le décret de Trump, cherche apparemment à utiliser la loi sur l’immigration de la guerre froide pour cibler les étudiants détenteurs d’un visa étranger, qui n’ont peut-être pas commis de crime mais dont les convictions sont jugées pro-Hamas ou antisémites.

C’est déjà fait, Fox News rapporte que le visa d’un étudiant militant pro-palestinien a été révoqué*.

Nasaw s’est dit surpris que le département d’État se réfère à la loi de 1952, expliquant qu’elle était utilisée pour empêcher les immigrants d’entrer sur le territoire, et non pour les expulser.

Bien que les juifs aient été divisés sur les tactiques agressives de l’administration Trump, Nasaw, qui considère la politique de l’administration Trump comme une attaque contre la liberté d’expression sur les campus, note qu’en 1952, les groupes juifs étaient d’un seul avis. « Le Comité juif américain, tout le monde, dit-il, tous les comités juifs et les législateurs juifs se sont opposés à la loi de 1952 ».

Dans une édition de 1952 du New York Times, Benjamin Epstein, alors président de la Ligue anti-diffamation, était cité, disant que les réglementations en matière d’immigration telles que la loi McCarran étaient « des exemples de la pire sorte de législation, discriminatoire et violant les concepts et les idéaux américains ».

NdT

*Référence à Mahmoud Khalil, qui a été arrêté le lendemain de la publication de cet article. Exemple parfait de désinformation officielle : Khalil n’avait pas de visa étudiant mais une carte verte de résident permanent.

 

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