Les survivants juifs de l’Holocauste soupçonnés de sympathies avec l’Union soviétique étaient soumis à la loi McCarran-Walter
Andrew Silverstein, Forward,
7/3/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le département d’État usaméricain
utilise une loi antisémite datant de l’ère McCarthy pour annuler les visas d’étudiants
étrangers qu’il considère comme “pro-Hamas”.
Le programme, appelé “Catch and
Revoke” (attraper et révoquer), a été rapporté pour la première fois par Axios jeudi, utilisera l’intelligence artificielle
pour analyser les médias sociaux, les reportages sur les manifestations
anti-israéliennes et les procès intentés par des groupes d’étudiants juifs
alléguant l’antisémitisme sur les campus.
La Fondation pour les droits
individuels et l’expression et l’Union américaine pour les libertés civiles ont
tiré la sonnette d’alarme sur la violation apparente des droits du premier
amendement par le gouvernement, mais peu d’attention a été accordée à la base
juridique du projet.
« La loi sur l’immigration
et la nationalité de 1952 donne au secrétaire d’État le pouvoir de révoquer les
visas des étrangers considérés comme une menace », écrit Axios,
citant de hauts fonctionnaires du département d’État.
La loi de 1952, également connue
sous le nom de loi McCarran-Walter, codifie les restrictions à l’immigration
des “subversifs” et des communistes. Les quotas et le test idéologique de la
loi ont été largement compris à l’époque comme visant les survivants juifs de l’Holocauste
d’Europe de l’Est soupçonnés d’être des agents soviétiques.
Le sénateur du Nevada Patrick
McCarran, architecte de la loi, a utilisé l’argument selon lequel les Juifs
sont des perturbateurs et des “rats subversifs qu’il faut empêcher d’entrer”,
mais avec une nouvelle tournure propre à la guerre froide, en présentant les
immigrants juifs comme des agents soviétiques, selon David Nasaw, professeur
émérite au CUNY Graduate Center.
Nasaw, qui a publié en 2020 le livre The Last Million: Europe’s Displaced Persons From World War to Cold War [Le dernier million : Les personnes déplacées en Europe de la guerre mondiale à la guerre froide], note qu’il s’agissait là d’un des nombreux cas de législation sur l’immigration d’après-guerre qui favorisait les immigrants allemands, irlandais et anglais tout en limitant l’immigration en provenance de Pologne, où les Juifs qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale l’ont fait en fuyant vers l’Union soviétique ou en étant libérés par l’Armée rouge.
Les politiciens juifs ont
combattu la loi de 1952 et le président Harry Truman y a opposé son veto.
Toutefois, le Congrès a annulé ce veto par un vote des deux tiers des deux
chambres. Le projet de loi poursuivait les politiques qui rendaient presque
impossible l’émigration des survivants juifs polonais vers les USA. Ceux qui l’ont
fait, dont la famille de Jared Kushner , ont été
contraints de se présenter aux autorités usaméricaines comme Allemands.
« À tous les étrangers résidents
qui ont participé aux manifestations pro-djihadistes, nous vous prévenons : en
2025, nous vous retrouverons et nous vous expulserons », déclare une
fiche d’information publiée sur le site web de la Maison Blanche avec le
décret du président Donald Trump de janvier sur l’antisémitisme. « Je vais
également annuler rapidement les visas d’étudiants de tous les sympathisants du
Hamas sur les campus universitaires, qui ont été infestés par le radicalisme
comme jamais auparavant ».
Le secrétaire d’État Marco Rubio,
s’appuyant sur le décret de Trump, cherche apparemment à utiliser la loi sur l’immigration
de la guerre froide pour cibler les étudiants détenteurs d’un visa étranger,
qui n’ont peut-être pas commis de crime mais dont les convictions sont jugées
pro-Hamas ou antisémites.
C’est déjà fait, Fox News rapporte que le visa d’un étudiant
militant pro-palestinien a été révoqué*.
Nasaw s’est dit surpris que le
département d’État se réfère à la loi de 1952, expliquant qu’elle était
utilisée pour empêcher les immigrants d’entrer sur le territoire, et non pour
les expulser.
Bien que les juifs aient été
divisés sur les tactiques agressives de l’administration Trump, Nasaw, qui
considère la politique de l’administration Trump comme une attaque contre la
liberté d’expression sur les campus, note qu’en 1952, les groupes juifs étaient
d’un seul avis. « Le Comité juif américain, tout le monde, dit-il, tous
les comités juifs et les législateurs juifs se sont opposés à la loi de 1952 ».
Dans une édition de 1952 du New
York Times, Benjamin Epstein, alors président de la Ligue anti-diffamation,
était cité, disant que les réglementations en matière d’immigration telles que
la loi McCarran étaient « des exemples de la pire sorte de législation,
discriminatoire et violant les concepts et les idéaux américains ».
NdT
*Référence à Mahmoud Khalil, qui a été arrêté le lendemain de la publication de cet article. Exemple parfait de désinformation officielle : Khalil n’avait pas de visa étudiant mais une carte verte de résident permanent.
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