Gideon
Levy, Haaretz,
13/3/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
En fin de compte, seul le Hamas subsiste. Après 17 mois d’effusion de sang, le Hamas est toujours là. Après la mort de centaines de soldats israéliens et de dizaines de milliers d’habitants de Gaza, le Hamas reste là. Après des destructions de l’ampleur de celles de Dresde, le Hamas est là. Après d’innombrables promesses israéliennes, le Hamas est là pour rester. En fait, seul le Hamas reste à Gaza. Nous devons le reconnaître et en tirer les conclusions.
Deux combattants du Hamas montent la garde alors qu’un véhicule de la Croix-Rouge arrive sur le site de la remise des corps de quatre captifs israéliens à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, en février. Photo Eyad Baba/AFP
Ce qui n’a pas été réalisé en 17
mois ne le sera pas en 17 autres. Ce qui n’a pas été obtenu par l’usage de la force la
plus barbare de l’histoire d’Israël ne sera pas atteint par
une force encore plus barbare.
Le Hamas est là pour rester. Il a
été gravement
frappé sur le plan militaire. Il s’en remettra. Politiquement
et idéologiquement, il s’est renforcé pendant la guerre, après avoir ressuscité
la question palestinienne, qu’Israël et le monde étaient censés oublier. Le
Hamas reste là, et Israël ne peut rien y changer.
Il n’a pas le pouvoir de nommer
une entité gouvernante différente à Gaza, non seulement parce qu’il est douteux
qu’il en existe une, mais aussi et surtout parce qu’il y a une limite à sa
tyrannie. Il ne peut pas remplacer le régime d’une autre nation, comme les USA
ont pu le faire par le passé.
C’est pourquoi le blabla sur le “jour d’après” est
trompeur : il n’y a pas de jour après le Hamas et il est probable qu’il n’y en
aura pas de sitôt ; le Hamas est la seule instance dirigeante à Gaza, du moins
dans les circonstances actuelles, presque inaltérables. Le “jour d’après”
inclura donc le Hamas. Nous devons nous y habituer.
La première conclusion qui en
découle est, bien sûr, le caractère insensé de la reprise de la guerre. Elle
tuera les derniers otages et des dizaines de milliers d’habitants de Gaza et,
en fin de compte, le Hamas subsistera. Mais cette sombre réalité offre
également une opportunité de changement dans la bande de Gaza, si Israël et les
USA intègrent le fait de la survie du Hamas. Il s’agit d’une organisation dure
et cruelle, qui ne peut être remplacée.
Il serait préférable que Gaza ait
un autre gouvernement - par exemple, celui des sociaux-démocrates suédois -
mais ce n’est pas pour tout de suite. De la ridicule “règle du clan” à l’importation
fantaisiste à Gaza de l’Autorité palestinienne dans le sillage des chars
israéliens, en passant par l’absurde “gouvernement de technocrates”, tout ça,
ce ne sont que fariboles.
Le roi de Gaza sera issu du Hamas
ou désigné avec son consentement. Il est impossible de nommer un dirigeant pour
Gaza, pas même le charismatique [sic] Mohammed Dahlan, si le Hamas s’y
oppose. L’Autorité palestinienne, qui meurt à petit feu en Cisjordanie, ne
reviendra pas non plus à la vie à Gaza.
Tous ceux qui souhaitaient un
gouvernement différent auraient dû y penser au moment du désengagement
israélien de 2005 de la bande de Gaza, ce qui aurait dû se faire dans le cadre
d’un accord avec l’Autorité palestinienne. Mais à choisir entre le bien et le
mal, Israël optera toujours pour le second.
Que cal vous plaise ou pas -
surtout pas - le Hamas est le seul acteur de la ville. Ce n’est pas un fait
particulièrement encourageant, mais nous devons reconnaître les limites de la
force, ce qu’Israël et les USA ont du mal à faire. Au lieu de mener une
nouvelle guerre “pour chasser le Hamas du pouvoir”, bla bla bla, nous devons
nous habituer à son existence. Il s’ensuit que nous devons parler à l’organisation.
Même, et surtout, après le 7 octobre.
Nous avons déjà exercé notre
vengeance sur le Hamas à la pelle, avec des intérêts composés. Ses commandants,
ses assassins, ses violeurs, ses ravisseurs et ceux qui les aident ont reçu
leur châtiment. Israël négocie avec le Hamas depuis 17 mois, même si ce n’est
pas directement.
Les USA lui ont déjà parlé
directement, et le ciel n’est tombé sur la tête de personne. Les pourparlers
ont débouché sur des accords, que le Hamas a respectés, démontrant non
seulement sa puissance, mais aussi qu’on peut lui faire confiance. Si Israël
avait tenu ses promesses comme l’a fait le Hamas, nous en serions déjà aux
deuxième et troisième phases de l’accord de cessez-le-feu.
Si Israël avait un homme d’État
doté d’une vision et d’un courage, ce qui est sans doute une proposition sans
espoir, il essaierait de parler au Hamas. Directement, ouvertement, en public,
à Gaza ou à Jérusalem. Nous avons pardonné à l’Allemagne et nous pardonnerons
au Hamas s’il se dote lui aussi d’un chef courageux. En attendant, nous devons
le défier en essayant. Il y a moins à perdre avec cela qu’avec une nouvelle
série insensée de bombardements et de tirs d’artillerie.
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