Yacov Ben
Efrat, Daam, 30/1/2024
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala
Yacov Ben Efrat est le secrétaire
général du Parti des travailleurs Da’am, un groupe écosocialiste créé en 1995
pour se présenter aux élections israéliennes. Da’am est l’acronyme inversé de منظمة العمل الديمقراطي (Munazzamat al amal
addimokratiy/ Organisation pour l’action démocratique). Critiques à l’égard des
accords d’Oslo, qu’ils considéraient comme préjudiciables aux Palestiniens, ils
appellent au remplacement du régime d’apartheid israélien par un État unique où
les Palestiniens et les Israéliens jouiraient de tous les droits civiques.
Lors d’une émission de radio
matinale populaire, on a demandé à Hili Tropper, ministre de la coalition Unité
nationale (Gantz/Lapid), entrée dans le cabinet de guerre après le 7 octobre, censée
être modérée, quelle était sa position sur la proposition de Biden concernant
la création de deux États. La réponse de Tropper a été sans équivoque : « actuellement
hors sujet ». Si l’on ajoute à cela le rejet catégorique par Netanyahou de
la proposition usaméricano-égyptienne d’accord sur les otages, il semble que
Biden perde peu à peu du terrain parmi les dirigeants israéliens. La popularité
de Joe Biden a atteint son apogée lorsqu’il a stationné l’USS Eisenhower
au large des côtes libanaises, exprimant ainsi son soutien inconditionnel à
Israël. On se souvient de son triple avertissement au Hezbollah et à l’Iran :
« ne bougez pas ».
Il est difficile de parler d’un
État palestinien lorsque 80 % des Palestiniens de Cisjordanie soutiennent l’attaque
du Hamas du samedi 7 octobre, tandis que la majorité des Israéliens refusent
catégoriquement toute souveraineté palestinienne, surtout après l’attaque du
Hamas.
La société israélienne est plus
divisée que jamais. Le gouvernement contre le commandement militaire, la droite
contre la gauche, avec en filigrane le débat sur le sort des otages. Faut-il
accepter l’arrêt des combats pour sauver les otages du Hamas, ou continuer la
guerre en espérant que la pression militaire fera fléchir le Hamas ?
La question politique divise
également la société. Le gouvernement refuse de discuter du « jour d’après »,
un refus qui, selon les militaires, entraîne la perte des acquis militaires
obtenus au prix du sang de quelque 200 soldats morts et de milliers de blessés.
Un État palestinien ne fait pas du tout partie de la discussion, et il semble
qu’il y ait un énorme manque de communication entre les USAméricains et les
Israéliens.
Néanmoins, le débat politique au
sein du cabinet est intéressant. Il divise le gouvernement d’union. Netanyahou
affirme que la discussion sur « le jour d’après » aura lieu lorsque
la guerre sera terminée, tandis que Gantz et Eisenkot (et Tropper) affirment
que le jour d’après, c’est ici et maintenant. En d’autres termes, la guerre
dans sa forme la plus intense est terminée et nous devons maintenant décider de
ce qu’il faut faire. On peut se demander comment il est possible que Netanyahou
et Gantz soient assis dans le même cabinet de guerre, gérant les batailles
ensemble tout en étant en désaccord sur une question fondamentale : guerre ou
pas guerre ?
La réalité du terrain permet de
mieux comprendre cette énigme. En effet, Israël a divisé Gaza en deux, Gaza
Nord et Gaza Sud. Au nord de Gaza, la guerre s’est terminée et l’armée s’est
partiellement retirée. C’est cette zone qui fait débat : qu’en faire et qui la
contrôlera. Benny Gantz mise sur les fonctionnaires palestiniens locaux pour
gérer la vie des 150 000 habitants de Gaza qui y restent, tandis que Smotrich
et Ben Gvir veulent annexer le territoire à Israël et y installer des colons.
Et que veut Bibi ? Il veut survivre. S’il se range du côté de Smotrich et Ben
Gvir, il perdra son partenariat avec Gantz et Biden se prononcera contre lui.
Si Bibi va avec Gantz, sa coalition s’effondre et son avenir politique est voué
à l’échec.
Alors que Biden tente de s’attaquer
à la racine du problème, en cherchant une solution durable au sanglant conflit
israélo-palestinien [sic], la coalition et l’opposition israéliennes se querellent
sur l’avenir du nord de la bande de Gaza. Les Israéliens ne sont pas
actuellement ouverts à des solutions radicales. En réalité, ils ne l’ont jamais
été. Ils ont toujours préféré la gestion des conflits à leur résolution.
Malgré le sentiment profond de
chaque Israélien que le 7 octobre est un moment décisif, le plus grand désastre
qui ait frappé le pays depuis sa fondation, il n’y a actuellement ni ouverture
ni énergie mentale pour aller au fond des choses. En apparence, tout le monde
comprend que l’armée a échoué et que la confiance en elle a été brisée. Tout le
monde comprend que le premier responsable de ce désastre se trouve au sommet de
la pyramide, le Premier ministre Binyamin Netanyahou. Il nie sa responsabilité
en la rejetant sur l’armée, dont tous les commandants ont déjà assumé la
responsabilité de cet échec.
Et c’est là que réside l’absurdité
: Quel est l’échec de Netanyahou ? Il a fait confiance au Hamas, l’a financé,
lui a permis de se renforcer afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne et d’enterrer
définitivement l’idée de deux États. Après tout cela, Biden vient le voir une
fois de plus avec le même mantra d’un État palestinien. Conclusion de
Netanyahou : il n’y a personne à qui faire confiance, ni à l’Autorité
palestinienne ni au Hamas. Et que faut-il faire ? Il n’a pas de réponse pour l’instant
et de toute façon, taisez-vous, on est en guerre !
Face à cet échec colossal, qui a
mis Israël à genoux et obligé les USA à venir à son secours, le président usaméricain,
qui a mis tous ses œufs dans le panier israélien, se gratte la tête. Comment
ouvrir les yeux des Israéliens, comment les convaincre que l’illusion que le
conflit peut être géré au lieu d’être résolu est à la base de l’échec du 7
octobre ? Je vais leur apporter une solution sous la forme d’un État
palestinien enveloppé dans les atours saoudiens. Le cadeau lui-même ne leur
plaira peut-être pas, mais l’emballage les incitera à l’accepter.
Le problème avec Biden, c’est qu’il
n’a personne avec qui travailler. Les acteurs sur lesquels il compte sont très
éloignés de sa vision du monde et de ses politiques. Comment faire confiance au
Saoudien Mohamed Ben Salman, ce même MBS que Biden a déclaré, lors de son
élection, être une personnalité indésirable ? Quelle Autorité palestinienne
peut être construite avec un prince sanguinaire qui méprise la démocratie et
massacre les opposants politiques ? Quelle sorte d’Autorité palestinienne peut
être établie lorsque ses représentants sont impliqués dans la corruption et
suppriment tout signe de liberté et de démocratie ? Et surtout, quelle sorte d’Autorité
palestinienne « améliorée » sera construite lorsque le Hamas se cache
derrière elle ? Ne s’agit-il pas simplement d’une réplique du modèle du
Hezbollah, qui se cache derrière le gouvernement libanais mais en est l’acteur
déterminant ?