Sergio Rodríguez Gelfenstein, 24/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Nous célébrons ce 24 juillet le
241e anniversaire de la naissance du libérateur Simón Bolívar. En hommage au père de la patrie, l’éminent collègue du journal Ciudad Caracas, Luis Carlucho Martín, extraordinaire chroniqueur de faits peu connus de l’histoire locale, a écrit sous le titre “Simón Bolívar est mort pendant la Seconde Guerre mondiale”, publié dans le journal El Pepazo le 18 juillet, une histoire intéressante sur un général usaméricain nommé Simon Bolivar Buckner Jr. (écrit ainsi, sans accents) qui a participé à la Seconde Guerre mondiale et est mort lors de l’invasion de l’île d’Okinawa en 1945, étant - selon l’auteur - le plus haut gradé de l’armée usaméricaine tué au combat. Pour ajouter à la curiosité du fait, il convient de mentionner que le père du général, qui était également militaire, s’appelait aussi Simon Bolivar [une tradition poursuivie par ses descendants, dont le cinquième est né en 1990, NdT].
Simon Bolivar Buckner Junior enfant
Bukcner Junior peu avant sa mort à Okinawa
Plaque commémorative de Buckner à l’Académie militaire de West Point
Établissant avec précision les idéaux pour lesquels notre Libérateur et ce général usaméricain éponyme se sont battus, Martin affirme qu’entre les deux “la différence est fondamentale. Simón Bolívar le créole a donné sa vie pour apporter la liberté. Les Simón Bolívar du Nord, en tant que soldats, ont donné leur vie pour renforcer leur pays”, avant tout, ajouterais-je, pour renforcer l’impérialisme usaméricain.
Je ne vais pas faire l’historique de ce général. Luis Carlucho l’a fait explicitement dans un article très didactique et éclairant comme tous ceux qu’il publie dans différents médias de notre pays, le Venezuela. Cet article m’a rappelé un récent échange épistolaire avec le camarade John Catalinotto, un révolutionnaire usaméricain à part entière qui, depuis les profondeurs de l’empire, le combat, le dénonce dans ses articles et ses publications, tout en embrassant avec enthousiasme et passion la cause des opprimés.
Suite à mon article sur la grande farce médiatique construite en Occident pour nier l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, en particulier en ce qui concerne le débarquement en Normandie, John m’a écrit pour me dire : « Sergio, je comprends ta colère et ta passion au sujet de cet événement en Normandie. Lorsque j’ai lu le NY Times ce matin, j’ai voulu écrire un article très similaire au tien, et plus tôt cette semaine, j’ai écrit un article sur l’OTAN et sa mission de répression de la lutte des travailleurs et du socialisme dans l’Europe d’après-guerre. Pour moi, c’est également personnel, parce qu’un bon camarade, qui a été le premier rédacteur en chef de The Bond, notre journal pour organiser les soldats contre la guerre du Viêt Nam, était un parachutiste qui avait sauté derrière les lignes allemandes la nuit précédant la bataille [de Normandie] : notre F.O. Richardson, [qui] à 21 ans était un héros en 1944, mais en tant que communiste en 1968, était un véritable héros, luttant contre l’impérialisme usaméricain ».
Le soldat de deuxième classe Fayette O. H, 508e Régiment d’infanterie parachutiste, Camp Mackall, Caroline du Nord. 1943
Tombe de F.O. Richardson au cimetière de Strykersville, comté de Wyoming, New-York, USA
Cette lettre m’a incité à découvrir qui était F.O. Richardson, car venant de John, j’ai supposé qu’il était l’un de ces héros méconnus qui vivent et meurent pour la cause des travailleurs et du peuple, à l’insu de tous. F.O. Richardson, que ses amis appelaient Richie, était le parachutiste Fayette O. Richardson, né le 20 avril 1923, qui, adolescent, a sauté en Normandie la nuit précédant le débarquement du 6 juin 1944. Il faisait partie du 508e Régiment d’infanterie parachutiste de la 82e Division aéroportée, une force d’élite de l’armée usaméricaine chargée d’allumer des balises pour la force d’invasion.
Richardson, qui avait déjà participé à la bataille des Ardennes, a survécu à l’intense DCA allemande et est parvenu jusqu’à la fin de la guerre. Pour sa participation exceptionnelle aux combats, il a reçu la médaille de bonne conduite de l’armée et l’étoile de bronze.
Une fois la guerre finie, il a passé une année à récupérer et à travailler comme il le pouvait pour gagner sa vie. En 1964, près de 20 ans après la Seconde Guerre mondiale, il était instituteur. Les rigueurs de l’après-guerre et sa lutte pour la survie ont fait de Richie « un combattant engagé pour la classe ouvrière du monde entier », selon Catalinotto.
En 1965, il participe en tant qu’orateur principal à une grande manifestation sur Union Square à New York pour protester contre l’envoi de troupes de combat au Viêt Nam par le président Lyndon Johnson. Cette manifestation organisée par “Youth Against War and Fascism” (Jeunesse contre la guerre et le fascisme) a été attaquée par des groupes réactionnaires et pro-guerre.
L’engagement politique de Richardson s’est accru lorsqu’en 1968, il a décidé d’assumer la responsabilité de la rédaction de The Bond, qui est devenu le journal de protestation le plus lu par le mouvement de résistance grandissant des soldats, des marins, des marines, des troupes aéroportées et des soldats de toutes sortes pendant la guerre du Viêt Nam.
John Catalinotto explique que The Bond était un journal mensuel produit par le Syndicat des soldats US qui, sous la direction de Richardson, était envoyé à des dizaines de milliers d’abonnés qui 3le transmettaient de main en main aux soldats du monde entier, portant un message anti-guerre et antiraciste et les mobilisant contre la chaîne de commandement dictatoriale ».
À la fin de la présence militaire usaméricaine au Viêt Nam, après la défaite et la fuite de l’armée US le 30 avril 1975, Richie avait indubitablement contribué en tant qu’activiste anti-guerre au cœur même de l’empire. Son travail dans The Bond a joué un rôle important dans le processus de sensibilisation au rôle interventionniste de l’empire usaméricain au Viêt Nam.
Le 26 mars 2010, à l’âge de 86 ans, le soldat Fayette O. Richardson, qui s’est battu toute sa vie pour un monde meilleur, est décédé à Brooklyn, New York. Il était accompagné de sa femme Nancy et de leurs trois enfants. Bien qu’il ait été malade pendant une grande partie des dernières années de sa vie, il n’a jamais cessé de se battre. Entre 1987 et 1988, il écrivait des chroniques engagées sous la rubrique “Straight Talk” [Franc-parler] du Brooklyn Paper sous le nom de Rich Richardson. Dans ces écrits, comme tout au long de sa vie, il porte un regard très avancé sur la société qui l’entoure, suscitant la controverse et contribuant à clarifier des faits et des situations.
Une chronique de Rich Richardson
Il a également publié un bulletin d’information intitulé The Brooklyn Voice et le livre pour enfants “Sam Adams : The Boy Who Became Father of the American Revolution” (Sam Adams : le garçon qui devint le père de la révolution américaine).
En 2006, à l’approche des élections au Nicaragua, Daniel Ortega a rencontré à plusieurs reprises le président Hugo Chávez. Lors de certaines de ces rencontres, le Comandante Ortega était accompagné de Paul Oquist, un USAméricain né dans l’Illinois qui a rejoint très tôt la révolution sandiniste et est devenu l’un des plus proches conseillers d’Ortega.
Paul Oquist Kelley (1943-2021)
Le Comandante Chávez appréciait beaucoup ses conversations avec Oquist, qui parlait espagnol avec un fort accent yankee. Il a commencé à l’appeler le “Gringo Bueno” et à le désigner comme tel lorsque c’était nécessaire. Malheureusement, le Gringo Bueno est décédé en avril 2021. Presque en même temps qu’Oquist, Fayette O. Richardson accomplissait son extraordinaire travail de dénonciation de l’impérialisme par une pédagogie éclairante et courageuse. Sans aucun doute, on peut dire que Richie était un autre bon gringo.
Tout comme Buckner a reçu le nom de Simon Bolivar pour se battre dans les rangs de l’armée usaméricaine pendant la Seconde Guerre mondiale, Fayette O. Richardson était l’homonyme d’un autre général, un Français qui s’est distingué en participant à la révolution d’indépendance usaméricaine contre le colonialisme britannique [1775-1783] et à la Révolution française de 1789. C’est pourquoi le marquis de La Fayette a été appelé le “héros des deux mondes”.
À l’heure où les USA intensifient leur campagne agressive contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua et contre tous les peuples qui luttent pour leur liberté, nous devons savoir que dans les “entrailles du monstre”, comme le disait Martí, il y a beaucoup de bonnes personnes qui ont le courage d’affronter l’impérialisme de l’intérieur. Notre lutte n’est donc pas dirigée contre le peuple usaméricain. Il est clair que la première victime de l’empire est le peuple américain, en qui existent de profonds sentiments d’humanité et de solidarité, semblables à ceux que nous avons au sud du Rio Bravo contre l’impérialisme, le colonialisme et le sionisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire