Anshel Pfeffer, Haaretz, 14/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
L’article qui suit est digne de figurer dans une anthologie de la “langue fourchue de la pensée unique” sioniste israélienne en temps de génocide. Résumé : alors, le chat aux neuf vies est-il mort ? P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non. Si oui, c’est tout bon, si non, c’est ptêt aussi bon…En tout cas, le seul responsable du génocide de Gaza n’est autre que…le Hamas. Bravo, Monsieur Poivre (Pfeffer), continuez comme ça, vous irez loin dans le Panzerjournalisme !-FG
La frappe aérienne qui a visé Mohammed Deif à Gaza samedi n’est que la dernière tentative israélienne d’assassinat du chef militaire du Hamas. Quel que soit son sort, l’assassinat d’un meurtrier de masse glorifié comme une légende de la “résistance” a de nombreuses implications pour Israël, le Hamas et la bande de Gaza.
Écrire sur Mohammed Deif au passé est problématique. Tout d’abord, parce qu’il n’y a toujours pas de confirmation officielle que le chef de l’aile militaire du Hamas a bien été tué samedi matin lors de la frappe aérienne israélienne à l’ouest de Khan Younès.
Les services de renseignement israéliens estiment qu’il est “très probable” qu’il n’ait pas survécu au bombardement massif qui a pulvérisé le complexe du Hamas et causé des dizaines de morts dans les campements environnants de la “zone humanitaire” d’Al Mawassi. Mais on parle de Deif, un homme qui survécu à six tentatives d’assassinat au fil des ans. Tant que ce ne sera pas confirmé sans l’ombre d’un doute, il devra être considéré comme étant toujours en vie.
Et c’est la deuxième raison pour laquelle nous devrons peut-être continuer à parler de Deif au présent pendant un certain temps au moins. Son caractère insaisissable, l’absence de photographies contemporaines et le fait que, pendant de longues périodes de mois et d’années, on a supposé qu’il était soit mort, soit à peine opérationnel, ont créé toute une légende du commandant fantôme, tant chez les Palestiniens que chez les Israéliens.
Cette légende n’a fait que croître lorsqu’il est apparu qu’il était toujours en vie, mobile et dirigeant les opérations militaires du Hamas. Même si cette fois il est bel et bien fini, éradiquer une légende est beaucoup plus difficile. Les deux parties doivent se défaire de leurs mythes sur Deif.
Les Israéliens qui le considèrent comme le cerveau suprême de l’attaque du Hamas du 7 octobre doivent garder à l’esprit qu’il était loin d’être le seul à l’avoir planifiée. Des années et des ressources importantes ont été consacrées à la préparation de l’attaque surprise et du massacre. Non seulement Deif n’était que l’un des membres d’un groupe plus important travaillant à la réalisation de cet objectif, mais le soutien financier et logistique, ainsi que l’expertise militaire fournie par le Hezbollah et son protecteur, l’Iran (même s’ils n’étaient pas au courant à l’avance de la date de l’attentat), ont joué un rôle clé dans son exécution. Sans eux, l’opération n’aurait pas pu avoir lieu.
Des Palestiniennes inspectent un site
touché par un bombardement israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de
Gaza, samedi. Photo : Jehad Alshrafi/AP
Si Deif est effectivement mort, il n’est que le dernier d’une série de victimes d’assassinats par lesquels Israël a largement contribué à éliminer la plupart des hauts responsables militaires du Hamas. Mais les fondations sur lesquelles le Hamas a construit son opération Déluge d’Al Aqsa sont toujours là et s’étendent à toute la région. Israël sera confronté à ce réseau dans les années à venir.
Du côté palestinien, où l’insaisissable Deif est leur propre version du Mouron Rouge, un héros fantôme de la résistance, on se rend compte qu’il n’est pas seulement l’homme responsable de la mort du plus grand nombre d’Israéliens - il est aussi directement responsable de la plus grande souffrance du peuple palestinien depuis la Nakba. [sic]
Si Deif reste populaire au lieu d’être perçu comme un meurtrier impitoyable qui n’a apporté que des tragédies à son propre peuple, il est difficile de voir comment la paix sera un jour possible entre les deux nations qui partagent une bande de terre.
Mais il était [il est donc mort ?, NdT] bien plus qu’un simple symbole. Pendant près de 31 ans, il a commandé l’aile militaire du Hamas à Gaza (pendant une partie de cette période, il a également dirigé des opérations terroristes en Cisjordanie). Il a supervisé l’évolution du Hamas, qui est passé d’un petit groupe qui assassinait des Palestiniens accusés de collaboration (même si leur véritable crime était souvent d’ordre “moral” - homosexualité, voire simple location de cassettes vidéo) à un réseau qui lançait des attentats suicides contre des bus et des restaurants israéliens. Il est ensuite devenu une “armée de terreur” importante et bien équipée, dotée d’un arsenal de roquettes plus important que celui de la plupart des pays, et d’un réseau de tunnels sous Gaza plus étendu que le système de transport souterrain de n’importe quelle mégapole.
Depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza lors de son coup d’État sanglant contre l’Autorité palestinienne en 2007, Deif a dirigé l’enracinement de l’aile militaire des Brigades Ezzedine Al Qassam dans le tissu social de Gaza, avec des milliers de puits de tunnel, des entrepôts d’armes et des quartiers généraux locaux dans les maisons, les écoles, les mosquées et les hôpitaux.
Lorsqu’Israël s’est lancé dans sa campagne au lendemain du 7 octobre pour détruire les capacités militaires du Hamas, cela signifiait la destruction de dizaines de milliers de bâtiments et de l’infrastructure civile utilisée par le Deif. C’est son héritage. Il ne sera véritablement vaincu que lorsque les civils palestiniens ne seront plus maltraités de la sorte par ceux qui prétendent les représenter. [resic]
La mort présumée de Deif, ainsi que celles d’autres hauts responsables militaires tels que son adjoint Marwan Issa et Saleh al-Arouri, qui était chargé des opérations à l’extérieur de Gaza, laisse également un vide politique. Yahya Sinwar est théoriquement du côté “politique” dans son rôle de dirigeant général à Gaza, mais il était également issu de l’aile militaire. Deif était à la fois un ami d’enfance de Khan Younès et un partenaire dans le duopole qui a dirigé Gaza ces dernières années. Sinwar est apparemment le dernier homme debout sur la liste des cibles d’Israël, et il est de plus en plus isolé au sein de l’échelon supérieur du mouvement. [reresic]
Des Palestiniens à la recherche de
corps et de survivants après la frappe aérienne israélienne sur Khan Younès
samedi. Photo : Jehad Alshrafi/AP
Tentant désespérément de rester en vie alors qu’Israël se concentre sur sa localisation, Sinwar subit des pressions de la part des dirigeants du Hamas à l’étranger et de leurs protecteurs qataris pour qu’il fasse preuve de plus de souplesse dans ses conditions pour un accord de cessez-le-feu. Contrairement à Deif, il n’est pas une légende et est plus craint qu’admiré par le public palestinien. [rereresic]
Il est censé contrôler le sort des 120 otages encore détenus à Gaza, mais il pourrait avoir plus de mal à exercer son autorité maintenant. Il est compréhensible que les familles des otages craignent que l’assassinat [de Deif] n’entrave les négociations sur le cessez-le-feu et la libération des otages, mais il est tout aussi probable qu’il incite Sinwar à conclure un accord le plus rapidement possible.
La mort éventuelle de Deif a d’autres implications. Certains responsables israéliens ont remarqué la différence frappante entre la couverture des médias israéliens et celle des médias internationaux : alors que les Israéliens se sont concentrés sur l’assassinat éventuel de l’homme responsable de la mort de tant d’Israéliens, les organes de presse étrangers - y compris ceux qui ne critiquent pas systématiquement Israël - ont été beaucoup plus enclins à faire leurs gros titres sur la frappe aérienne sur la “zone humanitaire” et les nombreuses victimes civiles. [tiens, tiens, comme c’est bizarre, comme c’est étrange, NdT]
L’attention du monde s’est rapidement portée sur une autre tentative d’assassinat - celle de Donald Trump - mais il s’agit là d’un nouveau signe de l’érosion dramatique de la légitimité internationale d’Israël à riposter aux atrocités du 7 octobre.
La valeur symbolique, stratégique et politique de Deif peut également jouer un rôle en Israël. Alors que le consensus au sein de l’establishment sécuritaire est de plus en plus favorable à un cessez-le-feu, à la fois comme seul moyen de sauver le nombre décroissant d’otages vivants et pour mettre fin aux combats à Gaza afin qu’Israël puisse se concentrer sur l’escalade de la situation avec le Hezbollah au nord, l’assassinat de Deif pourrait fournir une partie du bouclage nécessaire à ce cessez-le-feu.
Il permettrait également au Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui est beaucoup plus réticent à accepter un accord de cessez-le-feu, de bénéficier d’un événement que les Israéliens auront vécu comme un succès. Et il n’y a personne d’aussi rapide que Netanyahou pour revendiquer un succès comme le sien. Qui sait, cela pourrait même suffire à l’inciter à accepter le cessez- le-feu qui entraînera presque certainement la chute de son gouvernement.
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