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Giorgio Griziotti
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14/07/2024

GIDEON LEVY
Combien de meurtres d’enfants à Gaza vaut Mohammed Deif ?

 Gideon Levy, Haaretz, 13/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les trompettes de la victoire ont retenti immédiatement. La poussière n’était pas encore retombée sur les tentes déchiquetées des personnes déplacées à Mawasi que les studios ont commencé à jouer “victoire totale”.  Nir Dvori [correspondant militaire de Canal 12] a déclaré, le visage rayonnant, comme s’il avait personnellement ordonné l’assassinat, que Mohammed Deif “était mortel” (ce genre de journalisme israélien existe aussi) ; Almog Boker [Canal 10] a promis que “ça se présente bien” ; la publicité a parlé des “doux moments de la vie” ; et Moriah Asraf Wolberg [Canal 13]  a rompu le caractère sacré de son shabbat (sauver une vie est primordial) pour dire : « Nous espérons tous que Deif est mort ».  Tous ? Presque tous.



Tentes des déplacés, par Alaa Al Lagta

Entre la rédaction de ces lignes et leur publication, Israël fera la fête comme jamais auparavant. Il n’est pas nécessaire d’être un puriste pour peiner à comprendre le sens de cette joie. Elle indique surtout la profondeur du mal. Dans la chaîne sans fin des assassinats commis par Israël, il n’y a pas encore eu de meurtre qui apporte au pays un résultat significatif autre que la joie des masses et la satisfaction de leur désir de vengeance - et, une fois de plus, il célèbre la victoire.

Les Palestiniens qui ont assassiné Rehavam Zeevi[*] ont-ils obtenu quelque chose ? Israël paiera le prix de cet assassinat, tout comme il a payé directement et indirectement, immédiatement ou à terme, pour tous les assassinats précédents.

Si les portes de l’enfer du Liban s’ouvrent maintenant, nous en connaîtrons le prix. Si le Hamas utilise les forces qui lui restent pour exercer une quelconque forme de vengeance, nous en connaîtrons le prix. Si Deif est remplacé par quelqu’un de plus extrême, comme après les assassinats de Sheikh Yassin et d’Abbas Musawai, nous en connaîtrons le prix.

Et surtout, si le cessez-le-feu et l’accord sur les otages sont dans l’impasse, nous en connaîtrons le prix. Il n’y a pas de scénarios plus prévisibles que ceux-là, mais Israël n’en célèbre pas moins sa victoire.

Cependant, la question qui se pose avant tout est la suivante : combien de meurtres barbares cela représente-t-il ? Combien de meurtres barbares Israël est-il autorisé à commettre pour éliminer un ou deux commandants, aussi mortels et malfaisants soient-ils ? Cette question n’est pas posée en Israël. Si quelqu’un osait la soulever, il recevrait la réponse automatique : “autant que nécessaire”.

Les scènes de samedi après-midi à Gaza montrent ce que signifie “autant que nécessaire” : l’horreur. Des avions de combat et des drones ont bombardé Mawasi, que l’armée avait déclaré être le seul refuge pour les habitants de Gaza. Pour les Israéliens que les médias gonflent d’un sentiment de fausse victoire : il s’agit d’une zone égale à celle de l’aéroport d’Heathrow à Londres, soit 6,5 kilomètres carrés, peuplée de 1,8 million de personnes qui ont tout perdu.

Naturellement, il n’y a pas d’abris antiaériens, ni de maisons, seulement des tentes et du sable. Les FDI affirment que la zone bombardée était définie et “boisée” - des forêts à Gaza ? - et que des dizaines de terroristes ont été tués dans le bombardement, mais les images diffusées au monde entier montrent des tentes détruites et des enfants hurlant à la mort.

C’est là que les habitants déplacés de Gaza trouvaient un abri contre la chaleur, la soif et la faim, et c’est là que les pilotes et les opérateurs de drones ont ciblé leurs missiles meurtriers. Le résultat a été un massacre : 71 morts samedi après-midi [entretemps 120 morts et 400 blessés, la plupart graves, NdT], dont des enfants et des secouristes, et leur nombre va augmenter.

Des centaines de blessés ont été transportés sur les capots de voitures pétaradantes, sur des charrettes tirées par des ânes affamés ou dans les bras de parents et de proches terrifiés vers l’hôpital Nasser, à moitié démoli, qui ressemblait à nouveau à un abattoir. Rien de tout cela n’intéresse Israël.

Le prix que les personnes déplacées de Gaza ont payé samedi est-il approprié ? Combien d’enfants, de médecins, de femmes, de personnes âgées et de simples habitants Israël va-t-il tuer pour un seul Mohammed Deif ? Combien de sang doit-on faire couler pour satisfaire l’appétit de succès de l’échelon militaire et politique ?

100 morts, c’est certainement permis. Quid de 1 000 ? Je suppose que la plupart des Israéliens acquiesceraient. 10,000 ? 50,000 ? Disons simplement combien Israël est autorisé à tuer jusqu’à ce que cela soit considéré comme un crime à ses propres yeux ? Où s’arrête le massacre ? La réponse est prédéterminée : « Autant que nécessaire Autrement dit : il n’y a pas de limite.

NdT


[*] Général et politicien, criminel de guerre récidiviste, exécuté par le FPLP en 2001, action pour laquelle Ahmed Saadat a été condamné à 30 ans de prison et les membres du commando à des peines allant de 30 ans à la perpétuité.

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