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27/08/2023

RATIK ASOKAN
La longue lutte des travailleurs de l’assainissement en Inde

 Ratik Asokan, The New York Review of Books, 24/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Ratik Asokan est un auteur d’articles sur les arts et la culture et traducteur né à Mumbai (Inde) et vivant à New York.


Pendant des siècles, le système des castes a contraint les travailleurs dalits [“intouchables”] à manipuler des excrétions humaines dans des conditions mortelles. Aujourd’hui, ils se soulèvent.

Parmar, un “balayeur” employé par la Brihanmumbai Municipal Corporation, Mumbai, 1999-2000; photo de Sudharak Olwe, tirée de sa série In Search of Dignity and Justice : The Untold Story of Mumbai’s Conservancy Workers (2013).

Un homme disparaît sous terre tandis qu’un autre émerge à la surface. Un troisième s’accroupit sur la route entre eux, tournant entre les deux trous d’égout, dans lesquels ils montent et descendent sans appui. Aucun des hommes ne porte de vêtements appropriés. Celui qui se trouve en surface porte des sous-vêtements blancs qui tranchent avec la crasse environnante. Les deux autres sont torse nu, leurs membres sont couverts de crasse, leurs cheveux sont mouillés et aplatis. Les signes de leur travail sont éparpillés à proximité : un seau, une chaîne rouillée, quelques tiges grossières. Au bord du cadre, on distingue des semelles de chaussures qui s’éloignent sur un sol plus propre.

Cette photo fait partie d’une série de photographies extraordinaires que Sudharak Olwe a réalisées entre 1999 et 2000 sur les Safai Karamcharis de Mumbai, c’est-à-dire les travailleurs de l’assainissement. Leur travail consiste à ramasser les ordures et à balayer les rues de la ville, à nettoyer les égouts et les fosses septiques, à charger et décharger les camions à ordures et à trier les déchets dans les décharges. Nombre d’entre eux travaillent avec des outils primitifs et sans uniforme, comme le montrent les photos d’Olwe. Sur l’une d’elles, des travailleurs passent au crible des monticules de déchets à l’aide de balais et de râteaux rudimentaires. Sur une autre, deux travailleurs en gilet et short sont assis sur des déchets dans un camion à ordures. Sur une troisième, un ouvrier fixe l’appareil photo alors qu’il met un chien mort dans une poubelle.

L’image la plus accablante d’Olwe est peut-être un portrait. Le visage d’un Safai Karamchari est vu d’en haut ; son corps est invisible sous une mare noire d’eaux usées. Il a été envoyé pour déboucher une canalisation d’égout, ce qui est une pratique courante en Inde. La loi impose des équipements de protection pour cette tâche : masques à oxygène, combinaisons, gants, bottes. Mais ces équipements ne sont presque jamais fournis, comme l’ont montré d’innombrables enquêtes. Les Safai Karamcharis sont donc en contact avec les déchets humains, qui provoquent des maladies comme le choléra, la bronchite et la tuberculose, ainsi qu’avec les gaz nocifs qui s’accumulent dans le sous-sol. Il s’agit notamment du sulfure d’hydrogène, qui peut rendre aveugle, et du monoxyde de carbone, qui peut tuer.

Les personnes envoyées au secours des travailleurs asphyxiés courent le même danger. En mai, un Safai Karamchari de 45 ans, Nandakumar, est entré dans une fosse septique à Ramnagar, dans l’Uttar Pradesh, et a perdu connaissance ; son fils, puis deux autres membres de sa famille, se sont alors précipités pour l’aider. Aucun n’a survécu. En 2022, le ministre fédéral indien de la Justice sociale, Ramdas Athawale, a déclaré au Parlement qu’au cours des cinq années précédentes, 330 travailleurs du secteur de l’assainissement étaient morts dans des fosses septiques et des canalisations d’égout, ce qui est certainement sous-estimé. Le mouvement social Safai Karmachari Andolan (SKA) estime que près de deux mille personnes meurent chaque année sous terre. Les décès dans ces chambres à gaz sont rapportés quotidiennement dans les journaux, où ils sont qualifiés d’accidents.

Le fait que les Safai Karamcharis soient obligés de pénétrer dans les égouts est un héritage du système des castes. Considérée comme une tâche impure par les hindous, l’élimination des excréments humains a été confiée pendant des siècles aux sous-castes les plus basses, les Dalits, ou intouchables. Cette relation de travail persiste dans toute l’Asie du Sud : on estime que 98 % des Safai Karamcharis en Inde sont des Dalits, tout comme la majorité des travailleurs de l’assainissement au Bangladesh, au Népal et au Pakistan. Dans tout le sous-continent, ils travaillent dans des conditions dangereuses et sont victimes d’ostracisme social. En juin 2017, Irfan Masih, un Safai Karamchari chrétien de la province pakistanaise de Sindh, est décédé après que trois médecins eurent refusé de soigner son corps couvert de boue. Les vrais croyants restent propres pendant le ramadan.

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BRICS, la segunda oficina*

Fausto Giudice, 26-8-2023

Eduardo Eurnekian, que cumplirá 91 años el 4 de diciembre, es la segunda fortuna de Argentina, valorada en 1.900 millones de dólares por Forbes en 2023. Hijo de inmigrantes armenios que empezaron en el sector textil, es fundador y presidente de Corporación América, un conglomerado todoterreno: gestión de aeropuertos (76 en Argentina y en todo el mundo, incluida Armenia, lo que le convierte en el mayor operador privado del mundo), petróleo, gas y energía, agroindustria, cerveza, medios de comunicación, finanzas, infraestructuras (especialmente carreteras). Galardonado con el título de “héroe nacional” en Armenia en 2017, no repara en gastos con los dólares que tanto le cuesta ganar, distribuyendo ayuda humanitaria desde las Malvinas a Chile y desde Haití a Armenia. En resumen, “Eduardo Eurnekian es un formidable modelo a seguir. Su visión va mucho más allá de los límites del campo de acción de la empresa. Tenemos que emularle. Es una luz que nos guía” (Baruch Tenenbaum, fundador de la Fundación Raoul Wallenberg). 

En 2019, fue recibido en... la Academia Nacional de Ciencias de la Empresa (no se puede inventar) de Buenos Aires, ocupando el sitial de Otto Bemberg (1827-1895), el Rey de la Cerveza germano-argentino a quien Juan Domingo Perón comparó con Al Capone. Pero como dijo Don Eduardo: “Si trabajas para ganar dinero, estás jodido. No se trabaja para ganar dinero. Un artista no pinta para ganar dinero. Y un buen empresario es como un artista”.

Hace poco, nuestro artista fue preguntado por el ingreso de Argentina en los BRICS, que por supuesto está alimentando la fiebre electoral en Argentina. Mamma Bullrich, candidata presidencial macrista, ex ministra de Trabajo con De la Rúa y de Interior con Macri, y por lo tanto de memoria doblemente siniestra, declaró de inmediato ante los patrones argentinos y yanquis reunidos en el “Consejo de las Américas”: “La Argentina bajo nuestro gobierno no va a estar en BRICS”, ya que junto a Lula, Putin y compañía, no son más que una manga de comunistas, a los que se sumarán los horribles iraníes, notorios asesinos en masa de judíos argentinos. 

El payaso que probablemente desbancará a la tía Pato [su apodado de joven Montonera] en la primera vuelta y se enfrentará al candidato kirchnerista Sergio Massa en la segunda, Javier Milei, sonó más estruendoso: “No voy a pactar con los comunistas, ni con Brasil, ni con Venezuela, ni con Cuba, ni con Nicaragua ni con China. Nuestro alineamiento de geopolítica es Estados Unidos e Israel”. Que se sepa. Cuando los israelíes puedan comprar tanta soja y carne como los chinos, los barberos de Palermo y Belgrano os afeitarán gratis, así que no haréis falta sacar los dólares.

¿Y qué dijo Eurnekian cuando le preguntaron sobre el ingreso de Argentina a los BRICS?  En lo personal no me molesta. Veo bien el ingreso de la Argentina a los BRICS.

Segunda pregunta: “¿No va a empiojar esto las relaciones de Argentina con Estados Unidos?” 

Respuesta del viejo zorro armenio: “No va a empiojar nada, vos podés tener tu señora y tu amante, negro, tranquilamente. Los BRICS, ¿la segunda oficina de Argentina*?

*Segunda oficina: expresión congoleña para referirse a la amante de un hombre casado.

26/08/2023

Les BRICS, deuxième bureau

Fausto Giudice, 26/8/2023

Euardo Eurnekian, qui aura 91 ans le 4 décembre, est la deuxième fortune d’Argentine, évaluée à 1,9 milliard de $ par Forbes en 2023. Fils d’immigrés arméniens qui commencèrent dans le textile, il est le fondateur-président de Corporación América, une holding tout-terrain : gestion d’aéroports (76 en Argentine et dans le monde, dont l’Arménie, ce qui en fait le plus grand opérateur privé du monde), pétrole, gaz et énergie, agro-industrie, bière, médias, finances, infrastructures (notamment routières). Décoré « héros national » en Arménie en 2017, il ne lésine pas ses dollars durement gagnés, distribuant de l’aide humanitaire, des Malouines au Chili et d’Haïti en Arménie. Bref , « Eduardo Eurnekian est un modèle formidable. Sa vision dépasse largement les limites du champ d'action de l'entreprise. Nous devons l'imiter. Il est une lumière qui nous guide » ( Baruch Tenenbaum, créateur de la fondation Raoul Wallenberg). En 2019, il a été accueilli à … l’Académie Nationale des Sciences de l’Entreprise (ça ne s’invente pas) à Buenos Aires, occupant le fauteuil d’Otto Bemberg (1827-1895), le « Roi de la Bière » germano-argentin que Juan Domingo Perón comparera à Al Capone. Mais comme a dit Don Eurnekian, « Si vous travaillez pour gagner de l'argent, vous êtes foutu. On ne travaille pas pour gagner de l'argent. Un artiste ne peint pas pour gagner de l'argent. Et un bon homme d'affaires est comme un artiste. »

L’autre jour, notre artiste a été interrogé sur l’entrée de l’Argentine dans les BRICS, qui alimente bien sûr la fièvre électorale qui frappe l’Argentine. La mère Bullrich, candidate macriste à la présidentielle, ex-ministre du Travail de De la Rua et de l’Intérieur de Macri, donc de double sinistre mémoire, a aussitôt déclaré devant les patrons argentins et yankees réunis en « Conseil des Amériques » : « Pas question que moi, Présidente, l’Argentine fasse partie des BRICS », qui ne sont, avec Lula, Poutine et compagnie, qu’un ramassis de cocos, auxquels vont s’ajouter les horribles Iraniens, célèbres massacreurs de juifs argentins. Son de cloche plus tonitruant chez le clown qui risque bien de faire gicler Tatie Pato [son surnom quand elle était jeune Montonera] dès le premier tour pour affronter au deuxième tour le candidat kirchneriste Sergio Massa, j’ai nommé Javier Milei : « Je ne ferai pas de pacte avec les communistes. Je ne ferai de commerce ni avec le Brésil, ni avec le Venezuela, ni avec Cuba, ni avec le Nicaragua, ni avec la Chine. Ma priorité, ce seront les démocraties du monde, en premier lieu les USA et Israël ». Qu’on se le dise. Quand les Israéliens pourront acheter autant de soja et de viande de boeuf que les Chinois, les barbiers de Palermo et Belgrano vous raseront gratis, inutile de sortir vos dollars.

Et qu’a répondu Eurnekian aux questions sur l’entrée de l’Argentine dans les BRICS ? «En lo personal no me molesta. Veo bien el ingreso de la Argentina a los BRICS» : « Moi, personnellement, ça ne me dérange pas; je vois ça comme une bonne chose  ». Deuxième question : « ça ne risque pas de compliquer les relations de l’Argentine avec les USA ? ». Réponse du vieux renard arménien : « No va a empiojar nada, vos podés tener tu señora y tu amante, negro » : « ça ne va rien compliquer du tout, tu sais, mec, tu peux avoir ta légitime et ta maîtresse, tranquillement ». Les BRICS, deuxième bureau* de l’Argentine ?

*Deuxième bureau : expression congolaise pour désigner la maîtresse d’un homme marié

GIDEON LEVY
Qusai, 16 ans, se rendait en scooter chez son oncle. Il a été exécuté par la police israélienne

 Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 Un adolescent palestinien de Jéricho se rendait chez des parents dans la banlieue de la ville lorsqu’il a été pris dans un raid de la police des frontières. Une seule balle l’a abattu et tué. « Deux terroristes ont été éliminés, dont le sujet de votre enquête », a déclaré la police à Haaretz

 

Le père endeuillé, Omar Walaji

 

Le scooter, un SYM 125 cc, est abîmé et éraflé à l’avant et sur les deux côtés. Des taches de sang séché parsèment le plancher, le siège et la carrosserie. Une photo de son conducteur - le jeune, ou plutôt le garçon - Qusai Walaji, est accrochée au guidon du véhicule cassé. Il est garé dans l’arrière-cour de la maison des Walaji, dans la rue Kitaf al-Wad, dans un quartier résidentiel de Jéricho. Cette semaine, il est devenu le mémorial à Qusai, qui y a été tué par balle. Il avait 16 ans au moment de sa mort.

 

Lorsque nous avons rendu visite cette semaine au père endeuillé, Omar Walaji, nous avons parlé pendant un bon moment de son fils et de son exécution par la police des frontières une semaine auparavant. Pendant tout ce temps, Omar s’est montré cordial, facile à vivre, parlant de son fils, qui avait été tué si peu de temps auparavant, comme s’il parlait de l’enfant des voisins. Mais vers la fin de notre conversation, lorsque nous lui avons redemandé s’il avait craqué et à quel moment - il avait d’abord éludé la question - son visage s’est soudain crispé et ses lèvres ont tremblé. Il a essayé de toutes ses forces d’étouffer ses larmes, mais sa retenue a cédé. Il a ouvertement versé les larmes amères d’un père qui pleure son fils bien-aimé.

 

« Vous avez ouvert sa blessure », a dit l’un des deux autres fils d’Omar, qui se trouvaient dans la pièce.

 

Omar a raconté qu’il n’avait pleuré que lorsqu’il avait vu le corps de son fils à l’hôpital de Jéricho, alors que les médecins essayaient, en vain, de le réanimer. Il n’avait pas pleuré depuis, mais là, les larmes coulent de manière incontrôlée. Embarrassé, il s’est précipité dans la salle de bain pour se laver le visage, comme un garçon puni qui a été renvoyé, et est revenu en se cachant le visage dans une serviette. Les pleurs ne se sont pas calmés facilement. Qusai n’est plus là.

 

Qusai a abandonné l’école en dixième année pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Il a travaillé dans un magasin de légumes à Jéricho, qui appartient à son oncle, puis, la nuit, il a travaillé à la maison avec son frère pour préparer des feuilles de molokhia [ou mouloukhiya/mloukhiyé, corète, jute rouge] utilisées pour faire de la soupe, afin de compléter ses revenus. Lors de notre visite, des sacs de plantes étaient posés au fond du salon. La famille du jeune homme est originaire du village de Wallaja, à côté de Jérusalem. En 1948, ils ont perdu leurs terres et se sont réfugiés dans le camp de Deheisheh, près de Bethléem, avant de s’installer à Jéricho. La maison des Walajis est un immeuble de trois étages qui abrite la famille élargie.

 

Il fait extrêmement chaud à Jéricho au mois d’août, et les grands refroidisseurs d’air portables Emek Coolers, fabriqués en Israël, travaillent d’arrache-pied. Omar est un homme petit et trapu de 51 ans qui, jusqu’à la semaine dernière, avait cinq enfants. Ses fils aînés, Ahmed, 26 ans, et Mohammed, 22 ans, tous deux grands et beaux, servent à leurs invités du café amer et des dattes sucrées. Mohammed travaillait jusqu’à récemment dans une succursale de la chaîne de supermarchés Rami Levy dans la colonie de Mishor Adumim - dans « l’exécution des commandes », dit-il en hébreu. Cependant, lorsque la police des frontières a tué son frère, son permis de travail a été automatiquement révoqué. Les familles palestiniennes endeuillées sont toujours punies deux fois : une première fois par la mort d’un être cher et une seconde fois par la privation de leurs moyens de subsistance.

 

Mohammed, à gauche, et Ahmed Wajali, avec le scooter que conduisait leur frère Qusai lorsqu’il a été abattu.

Les frères de Qusai ont essayé de le persuader de retourner à l’école, mais il n’aimait pas étudier et n’y est jamais retourné. Il travaillait au magasin de légumes tous les jours de 16 heures à 2 heures du matin, avant de rentrer chez lui pour s’occuper des feuilles de molokhia. Pendant l’été, les gens préfèrent travailler la nuit et dormir le jour. En effet, lorsque nous avons traversé la ville sous le soleil brûlant de l’après-midi en début de semaine, les rues elles-mêmes semblaient s’être dissoutes sous l’effet de la chaleur.


Le dernier jour de sa vie, Qusai n’est pas allé travailler mais est resté à la maison pour se reposer, comme il le faisait à l’occasion. Seul Mohammed est allé travailler au magasin de leur oncle ; ils avaient l’habitude de s’y rendre ensemble sur le scooter de Qusai. Ce jour-là - le lundi 14 août - Qusai travaillait avec les feuilles, et vers 2h30 du matin le mardi, il est sorti pour acheter des cigarettes. Environ une heure plus tard, il a pris le scooter et s’est rendu au camp de réfugiés d’Aqabat Jabr, situé à la périphérie sud de Jéricho.

 Ces derniers mois, Aqabat Jabr est devenu un lieu militant et sanglant. Presque chaque nuit, les Forces de défense israéliennes et les troupes de la police des frontières font des descentes dans le camp pour exécuter des « opérations d’arrestation » aussi provocatrices qu’inutiles ; à certaines occasions, les soldats se montrent également dans la journée, comme nous l’avons vu lors de notre précédente visite en mars dernier.

Début février, à la suite d’un incident au cours duquel un restaurant appartenant à des colons au carrefour d’Almog Junction, près de la mer Morte, a été la cible de tirs - personne n’a été blessé - les forces des FDI et de la police des frontières ont lancé un assaut de grande envergure sur le camp, d’où elles pensaient que les suspects venaient, et ont tué cinq jeunes gens en une seule nuit, selon les autorités israéliennes. Mais les habitants du camp affirment qu’on ne sait toujours pas exactement qui et combien de personnes ont été tuées, car Israël a conservé les corps. Une mère, qui pensait que son fils avait été blessé, est arrivée dans un hôpital en Israël et a été consternée de découvrir que le patient dans le lit n’était pas son fils - qui, s’est-il avéré, avait été tué ("Jours tragiques dans les annales d’un camp de réfugiés palestiniens, 31/3/2023).

Au cours de l’année écoulée, 13 jeunes Palestiniens ont été tués à Aqabat Jabr - un nombre important pour un petit camp, autrefois considéré comme calme. Le 10 avril, des soldats y ont tué un jeune de 15 ans, Mohammed Balahan ; la semaine dernière, c’était un jeune de 16 ans.

 

Mardi à l’aube, Qusai se rendait chez son oncle et ses cousins, la famille Indi, dans le camp de réfugiés, où il se rendait fréquemment. Environ un quart d’heure après son départ, ses frères ont reçu un message d’un ami du camp indiquant que Qusai avait été blessé et transporté à l’hôpital de Jéricho. Avec leur père, ils se sont précipités à l’hôpital, apprenant quelques minutes plus tard que l’adolescent avait été déclaré mort. Qusai a été enterré aux premières lueurs du jour, car la famille ne voulait pas conserver son corps en chambre froide, nous disent-ils.

 

Cette nuit-là, la police des frontières avait organisé un raid à grande échelle sur Aqabat Jabr, pénétrant dans le camp peu de temps avant l’arrivée de Qusai. S’il avait su que les forces armées étaient entrées dans le camp, il ne se serait pas approché, affirment ses frères. La police des frontières avait pour mission de placer en détention un homme du Fatah, Abu al-Assal, une opération qui a suscité la résistance de militants armés. Les soldats ont pris position sur les toits.

 

Qusai Wajali

 L’oncle de Qusai habite non loin de la maison où l’homme recherché a été arrêté. Dans une autre partie du camp, la police des frontières avait déjà tué Mohammed Najum, un maître-nageur de 25 ans de la piscine de Jéricho, apparemment au cours d’échanges de coups de feu avec les militants. Mais Qusai, un jeune de 16 ans, venait d’arriver en scooter ; il est difficile de croire qu’il avait une arme ou qu’il a participé à la résistance. A-t-il jeté des pierres depuis le SYM 125 ? Cela défie l’entendement. Sa famille dit qu’elle ne peut même pas concevoir un tel scénario. Elle admet qu’elle ne connaît pas encore tous les détails de ce qui s’est passé ; elle n’a pas enquêté elle-même sur l’incident.

 

Selon Aref Daraghmeh, chercheur de terrain dans la vallée du Jourdain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, Qusai est arrivé par hasard sur les lieux après être entré dans le camp et a été abattu à quelques dizaines de mètres de distance. Il est convaincu que Qusai n’était pas armé. Une balle a atteint l’adolescent à la poitrine et il est tombé sur le scooter. Des jeunes l’ont embarqué dans une voiture privée et ont filé à l’hôpital.

 

Un porte-parole de la police israélienne a déclaré cette semaine, en réponse à une question posée par Haaretz : « Le 15/8/23, les forces de sécurité sont arrivées pour procéder à l’arrestation d’un individu recherché et pour fouiller sa maison à la recherche d’armes. Dans le cadre des échanges de tirs qui ont eu lieu entre les forces et les terroristes, deux terroristes qui ont ouvert le feu sur les forces ont été éliminés, y compris le sujet de votre enquête ».

 

L’objet de notre enquête était donc un terroriste.

 

« Il était jeune », dit son père en pleurs, la voix brisée. « Si jeune ».

 

 

XVe Sommet des BRICS : Déclaration de Johannesburg II

Original anglais
Йоханнесбургская декларация-II
 砖国家领导人第十五次会晤约翰内斯堡宣

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Cette déclaration du sommet des BRICS, qui vient de se tenir en Afrique du Sud, a été publiée en anglais, russe et chinois. Les ministères brésilien et indien chargés des BRICS se sont contentés de publier la version anglaise, ne disposant apparemment pas de ressources pour la traduire en portugais et en hindi [1% des Brésiliens et 12% des Indiens comprennent l'anglais]. La multipolarité revendiquée par les BRICS ne vaut pas, semble-t-il, dans le domaine linguistique. Vu l'absence quasi-totale d'informations dans les médias francophones sur ce sommet regroupant les dirigeants de 45% de la population mondiale, nous avons jugé utile de traduire cette déclaration  en français.-FG

Préambule

 1. Nous, les dirigeants de la République fédérative du Brésil, de la Fédération de Russie, de la République de l’Inde, de la République populaire de Chine et de la République d’Afrique du Sud, nous sommes réunis à Sandton, en Afrique du Sud, du 22 au 24 août 2023, à l’occasion du XVe sommet des BRICS, qui s’est tenu sur le thème : « Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif » .

2. Nous réaffirmons notre attachement à l’esprit des BRICS, à savoir le respect et la compréhension mutuels, l’égalité souveraine, la solidarité, la démocratie, l’ouverture, l’inclusivité, le renforcement de la collaboration et le consensus. Alors que nous nous appuyons sur 15 années de sommets des BRICS, nous nous engageons en outre à renforcer le cadre de la coopération mutuellement bénéfique des BRICS au titre des trois piliers que sont la coopération politique et sécuritaire, la coopération économique et financière, et la coopération culturelle et entre les peuples, et à renforcer notre partenariat stratégique dans l’intérêt de nos peuples par la promotion de la paix, d’un ordre international plus représentatif et plus équitable, d’un système multilatéral revigoré et réformé , d’un développement durable et d’une croissance inclusive.

Partenariat pour un multilatéralisme inclusif

3. Nous réaffirmons notre engagement en faveur d’un multilatéralisme inclusif et du respect du droit international, y compris les objectifs et les principes consacrés par la Charte des Nations unies (ONU), qui en est la pierre angulaire indispensable, ainsi que le rôle central des Nations unies dans un système international au sein duquel les États souverains coopèrent pour maintenir la paix et la sécurité, faire progresser le développement durable, assurer la promotion et la protection de la démocratie, des droits humains et des libertés fondamentales pour tous, et promouvoir une coopération fondée sur l’esprit de solidarité, le respect mutuel, la justice et l’égalité.

4. Nous sommes préoccupés par le recours à des mesures coercitives unilatérales, qui sont incompatibles avec les principes de la Charte des Nations Unies et qui ont des effets négatifs, notamment dans les pays en développement. Nous réaffirmons notre volonté de renforcer et d’améliorer la gouvernance mondiale en promouvant un système international et multilatéral plus souple, efficace, efficient, représentatif, démocratique et responsable.

5. Nous appelons à une plus grande représentation des marchés émergents et des pays en développement dans les organisations internationales et les forums multilatéraux dans lesquels ils jouent un rôle important. Nous appelons également à accroître le rôle et la part des femmes de marchés émergents et d’économies en développement (EMDC) à différents niveaux de responsabilité dans les organisations internationales. à différents niveaux de responsabilité dans les organisations internationales.

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24/08/2023

GIDEON LEVY
Les “héros” israéliens exécutent des “Arabes” en toute impunité


Gideon Levy, Haaretz, 24/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Le clip vidéo est horrible. Un groupe de jeunes hommes s’occupe d’un homme blessé qui gît sur la route, tandis que l’on entend en arrière-plan les cris des personnes vivant à proximité. On voit un homme portant une chemise blanche courir vers le blessé. Une ambulance fait retentir sa sirène. Et soudain, c’est l’horreur. Un coup de feu retentit et une balle atteint l’homme en chemise blanche, qui est touché par derrière. Il tombe face contre terre.

Amid Ghaleb Bani Shamsa, électricien de 33 ans et père de trois enfants, est hospitalisé dans un état critique. Mardi, il a été transféré de l’hôpital Rafidiya de Naplouse à l’hôpital Istishari de Ramallah, mais son état reste critique. La photo de lui riant avec son fils en bas âge n’est pas moins triste que celle de Batsheva Nigri, également mère de trois enfants, qui a été tuée presque exactement au même moment près de la colonie de Beit Hagai, en Cisjordanie. Israël n’a bien sûr pleuré que Nigri. Il a à peine entendu parler de Bani Shamsa.


Amid Ghaleb Bani Shamsa

 Bani Shamsa a été victime d’une tentative d’exécution Il n’y a pas d’autre façon de décrire les circonstances de cette fusillade criminelle et répugnante. Un homme désarmé va porter secours à un blessé allongé sur la route, et un tireur d’élite le vise à la tête et l’abat à distance. C’est le moment de se lamenter sur le fait qu’il n’y a pas (encore) de peine de mort en Israël. Si c’était le cas, peut-être que Bani Shamsa aurait au moins été exécuté à l’issue d’une procédure judiciaire.

En attendant, on peut procéder à des exécutions sans procès, sans raison, juste pour le plaisir. Peut-être pour satisfaire la soif de tirer ou le désir de vengeance des soldats et des agents de la police des frontières. Peut-être voulaient-ils raconter comment ils avaient tué un terroriste en rentrant chez eux. Peut-être parce qu’ils savaient qu’il ne leur arriverait rien s’ils tiraient une balle dans la tête d’un Palestinien.

Tirer sur quelqu’un qui tente de donner les premiers soins à un blessé est un crime de guerre au plus haut degré. J’espère qu’à la suite de la réforme judiciaire, les agents de la police des frontières comme celui qui a tiré une balle dans la tête de l’électricien de Beita pourront désormais être poursuivis par la Cour pénale internationale de La Haye. Ce n’est que là qu’ils auront une chance de payer pour leurs crimes. Ici, ils seront considérés comme des héros.

Leur victime n’a menacé personne, elle n’était pas armée et on peut supposer qu’elle n’a pas participé à la résistance légitime des habitants palestiniens à l’invasion de leur village de Beita par la police des frontières. Beita se bat depuis de nombreux mois contre le vol de ses terres par l’avant-poste de colons insolent et malfaisant d’Evyatar.

Bani Shamsa n’est pas la première victime de ce village, ni la dernière. Il n’est pas non plus la première ou la dernière victime d’une exécution ces dernières semaines.

Cette semaine, j’étais à Jéricho afin d’enregistrer les circonstances de la mort d’un jeune de 16 ans qui se trouvait sur son scooter dans le camp de réfugiés voisin d’Aqbat Jaber. Lui aussi a été abattu par la police des frontières, à distance, non pas d’une balle dans la tête mais d’une balle dans la poitrine, ce qui constitue un petit changement tactique. Il s’agit là aussi d’une exécution.

La semaine dernière, nous avons relaté les tirs insensés sur une voiture qui passait innocemment, sans raison. Un étudiant a été tué et son ami a été blessé. Un mois plus tôt, une autre fusillade insensée contre une voiture en marche. Cette fois, la fusillade a laissé deux jeunes gens handicapés. Qu’en est-il du soldat de Nabi Saleh qui a tiré à distance, atteignant à la tête Mohammed Tamimi, âgé de deux ans et demi, et le tuant en juin ? Ne s’agit-il pas d’une exécution ? Lorsque vous tirez une salve sur une voiture garée, dans laquelle un bébé vient d’être placé, c’est une exécution.

Dans la réalité qui prévaut, de telles exécutions ne feront qu’augmenter. Les médias israéliens n’en parlent presque jamais. Personne en Israël ne s’en offusquerait même si elles étaient dûment rapportées. Le mouvement de protestation regarde ailleurs - les exécutions de rue ne sont pas liées, selon lui, à la démocratie.

Lorsque tout s’inscrit dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme, que seuls les Palestiniens sont considérés comme des terroristes, que l’armée et la police procèdent à des exécutions sans être désignées comme les agences de mise à mort d’un État terroriste, que les attentats ne sont définis comme des attaques terroristes que lorsque des Palestiniens tuent des Juifs, il n’est pas étonnant que l’histoire de la tentative d’exécution d’un électricien de Beita ait été publiée presque exclusivement dans le journal Haaretz. Après tout, qui s’intéresse au fait que quelqu’un reçoive une balle dans la tête, juste comme ça, comme si ce n’était rien ?