24/06/2024

“Bénédictions des profondeurs” : Zion Oil & Gas Inc., la compagnie pétrolière évangélique qui fore désespérément à la recherche de pétrole biblique

Non, ce n’est pas une blague d’Homer Simpson : après avoir eu son illumination en 1981 dans le Michigan, John Brown s’est installé au Texas et a lancé son entreprise pétrolière en 2000. Depuis, il fore à travers le territoire de la Palestine de 1948 à la recherche d’or noir juif. Sans grand succès pour le moment. Ce qui ne lempêche pas de vendre des actions à 250$ aux gogos qui se préparent comme ils peuvent à lArmageddon-FG

Nir Hasson, Haaretz, 23/6/2024
Photos : David Bachar
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Zion Oil & Gas Inc. a été fondée par un chrétien usaméricain born again, John Brown, qui dit vouloir favoriser l’indépendance énergétique d’Israël pour aider le peuple juif.


Une plateforme de Zion Oil & Gas dans la vallée de Beit She’an. Le fondateur John Brown pense qu’un verset de la Genèse est un indice divin sur l’indépendance énergétique d’Israël.  

Les pages en hébreu de la plateforme de médias sociaux X ont été inondées ces dernières semaines de publicités achetées par Zion Oil & Gas, une société énergétique usaméricaine qui appelle les utilisateurs à acheter ses actions pour un minimum de 250 dollars [avec une capitalisation boursière dune quarantaine de millions d'€, laction de ZNOG vaut actuellement sur les marchés 0,053500 €, avec zéro dividende,bref une arnaque boursière, pour utiliser un pléonasme, NdT]. Ce déluge survient à l’approche d’un projet d’exploration pétrolière dans la vallée de Jezreel, dans le nord du pays, où les premiers engins de forage ont déjà été mis en place.

Le ministère israélien de l’énergie et des infrastructures encourage la prospection, bien qu’Israël se soit engagé publiquement à réduire sa dépendance à l’égard du pétrole et du gaz et bien que les scientifiques, la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie s’accordent à dire que la poursuite de la prospection pétrolière devrait être évitée dans le monde entier.

Zion Oil & Gas n’est pas une entreprise ordinaire. Un simple coup d’œil sur son site ouèbe montre clairement qu’elle ne cherche pas seulement à promouvoir des intérêts financiers, mais qu’elle a aussi des aspirations religieuses. Outre l’offre d’achat d’actions, le site invite les visiteurs à prier pour Israël.

La société a été fondée en 2000 par John Brown, un chrétien évangélique fondamentaliste qui affirme avoir reçu une prophétie lui ordonnant d’aider le peuple juif et Israël, et ce en favorisant l’indépendance énergétique du pays. Le site ouèbe de l’entreprise utilise plusieurs citations bibliques qui font référence à cette idée, telles que « Alors il dit : “Le Dieu de nos ancêtres t’a choisi pour connaître sa volonté, pour voir le Juste et pour entendre les paroles de sa bouche” » (Nouveau Testament, Actes : 22, 14).

Il cite également Habacuc 2, 2-3 : « Si la chose semble lente, attends-la ; elle viendra, elle ne tardera pas » et Genèse 49, 25 : « Le Tout-Puissant, qui te bénira [...] des bénédictions des profondeurs qui sont au-dessous de toi ». Le fondateur de la société interprète les “bénédictions des profondeurs” comme un indice divin sur la possibilité de trouver du pétrole sur la terre d’Israël.

Les dirigeants de Zion Oil & Gas soulignent que, malgré ses racines religieuses et tous les textes sacrés, il s’agit d’une entreprise moderne qui ne se contente pas de s’appuyer sur les prophéties bibliques. Sa prospection pétrolière est basée sur la recherche et des méthodes scientifiques sophistiquées, affirment-ils. La société a levé beaucoup de capitaux auprès de petits investisseurs, dont beaucoup sont des évangélistes usaméricains qui achètent des actions en partie pour des raisons idéologiques, la principale étant le désir d’aider Israël.


L’équipement de Zion Oil & Gas sur sa plateforme près de Sde Eliyahu dans la vallée de Beit She’an. La société a tenté plusieurs explorations au cours des 23 dernières années, sans parvenir à trouver un gisement commercialement viable.

Au cours des 23 dernières années, la société a obtenu des licences d’exploration pétrolière et a effectué plusieurs forages. Elle a effectué des forages d’exploration dans le nord, près de Ma’anit, près d’Ein Carmel (sur une plate-forme appelée Elijah 3, d’après le prophète biblique) et sur une plate-forme appelée Jezreel Megiddo 1. Aucun de ces forages n’a permis de trouver des quantités de pétrole commercialement viables.

En septembre dernier, la compagnie a obtenu une nouvelle licence d’exploration pétrolière sur une zone de 300 000 dunams (30 000 hectares) dans la vallée de Jezreel. Pour opérer dans cette zone, la société devait trouver un site approprié et obtenir une licence de forage. La nouvelle licence couvre 98 % des terres visées par deux licences expirées, délivrées en 2013 et 2020. La branche israélienne du groupe environnemental Greenpeace affirme que les licences sont fondamentalement identiques et que la société a demandé une nouvelle licence dans la même zone parce que la loi régissant l’exploration pétrolière ne permet pas de prolonger les licences de plus de sept ans.

« Les trois licences ont été accordées au même organisme, à savoir Zion Oil & Gas, dans des circonstances qui font craindre que l’introduction de changements mineurs dans la licence Megiddo [dans la vallée de Jezreel] ne serve de couverture pour permettre au détenteur de la licence de prolonger sa validité au-delà de la période autorisée par la loi sur le pétrole », a écrit l’avocat Matan Greenfeld au commissaire au pétrole du ministère de l’énergie, Chen Bar Yosef, au nom de Greenpeace. Bar Yosef a rejeté l’argument, affirmant qu’il s’agissait d’une nouvelle licence et que Zion Oil & Gas avait été la seule société à faire une offre pour la licence d’exploration pétrolière dans la région.


L’octroi de la licence dans la vallée de Jezreel s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large mené dans différentes régions d’Israël. Il existe quatre licences de prospection pétrolière actives sur terre dans le sud - dans la région de Lachish, le Néguev occidental et l’Arava - et quatre licences de prospection gazière en mer. Le ministère de l’énergie et son conseil du pétrole accordent les licences sur la base de la loi sur le pétrole de 1952, qui donne au ministère une grande liberté d’action et ne tient pas compte des considérations environnementales ou climatiques.

En 2021, l’Agence internationale de l’énergie, fondée en 1974 à la suite de la crise pétrolière pour assurer un approvisionnement régulier et considérée comme relativement conservatrice, a recommandé de mettre fin à l’exploration pétrolière et gazière et de mettre l’accent sur les énergies renouvelables. Un rapport des Nations unies publié il y a six mois était encore plus sévère. Il mettait en garde contre les projets visant à poursuivre l’expansion de l’utilisation des combustibles fossiles, qui "remettent en question l’avenir de l’humanité". Néanmoins, la plupart des producteurs de pétrole du monde continuent de lancer de nouvelles explorations. Ils justifient l’absence de changement en arguant que même si l’humanité passe rapidement aux énergies renouvelables, elle aura encore besoin de pétrole et de gaz pendant des décennies. Certaines compagnies affirment que leur pétrole est "moins nocif" en raison de leurs méthodes de production.

Le ministère de l’énergie a répondu à une demande de commentaire : « La licence pour la vallée de Megiddo a été accordée conformément aux dispositions de la loi et aux instructions du commissaire au pétrole en ce qui concerne les demandes de licences d’exploration à terre. Dans le cadre de la procédure d’octroi de licences, un appel d’offres est publié pour la zone demandée afin de permettre à d’autres parties de soumettre des offres ».


La plate-forme pétrolière près de Sde Eliyahu. Selon un récent rapport des Nations unies, l’expansion de la production de combustibles fossiles pourrait mettre en péril l’avenir de l’humanité.

« Après l’achèvement de toutes les procédures préliminaires, le Conseil du pétrole recommande l’octroi de la licence », poursuit le ministère. « Compte tenu de ce qui précède, il est clair que les affirmations contenues dans la lettre [de Greenpeace] sont sans fondement et sans rapport avec les faits, étant donné qu’il s’agit d’une nouvelle licence accordée légalement et non de l’extension d’une licence existante, l’entreprise ayant déjà effectué des forages conformément à sa licence précédente.

« Quant aux combustibles fossiles (pétrole et gaz), comme il s’agit d’un produit dont l’économie israélienne aura besoin pendant au moins les 15 prochaines années, le fait qu’il provienne d’une source locale ne peut qu’aider l’économie israélienne, à la fois en termes de sécurité énergétique et sur le plan économique ».

Zion Oil & Gas n’a pas répondu à une demande de commentaire.

23/06/2024

FRANCO “BIFO” BERARDI
La défaite d’Israël et l’avenir du monde

 Franco “Bifo” Berardi, il disertore, 19/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Moshe Feiglin, le chef du parti Zehout (Identité), qui fut membre du Likoud de 2000 à 2015, a déclaré que le génocide ne doit pas être arrêté tant qu’un seul Palestinien reste en vie.

Certains objecteront que c’est un détraqué et qu’il ne représente pas le peuple israélien. Qu’il soit déséquilibré ne fait aucun doute, mais malheureusement la majorité des Israéliens sont aussi déséquilibrés que lui et pensent ce qu’il dit, même s’ils ne le disent pas tous. Le statut de colonisateur, l’habitude de discriminer des millions de femmes et d’hommes qui vivent à deux pas de chez soi, le cynisme de la zone d’intérêt dans lequel les Israéliens vivent depuis des décennies sont les causes de ce dérèglement mental.

Le 7 octobre a déclenché la folie meurtrière : la cruauté et l’horreur ne peuvent plus être reléguées dans un espace marginal, elles sont entrées dans l’histoire. La raison et les sentiments humains sont un résidu que seuls des déserteurs peuvent cultiver.

Avec l’arrivée de la saison chaude à Gaza, le problème de la pénurie d’eau prend des contours catastrophiques. Israël a délibérément bouché des centaines de puits d’eau avec du béton et détruit des unités d’eau potable dans le nord de la bande.
À Jabaliya, les premiers décès dus à la soif ont été enregistrés parmi les enfants et les personnes âgées. Même les nazis n’ont pas utilisé la faim et la soif comme armes de guerre contre la population civile. Il s’agit d’un crime au regard des normes internationales : un crime horrible, une extermination de masse cruelle, scientifiquement étudiée et préméditée.

Mais aujourd’hui, après huit mois de génocide, je crois qu’Israël est sur le point de sombrer dans un chaos sanglant de guerre civile et de violence suicidaire, parce que ce peuple n’est plus capable de raisonner.

Le Jerusalem Post a publié un article le 17 juin disant explicitement que la guerre de Netanjahou est perdue, parce que le Hamas ne peut pas être éliminé : étant le produit (symétriquement fou et cruel) de la violence et de la haine, le Hamas grandit chaque jour qui passe.

 Et Thomas Friedman, éditorialiste israélophile, a écrit le 18 juin dans le New York Times : « Israël tel que nous le connaissions n’existe plus... L’Israël d’aujourd’hui est en danger existentiel » [lire ici Les dirigeants usaméricains devraient cesser de s’avilir devant Israël].

Je ne suis pas un stratège, mais je suppute que, pour Israël, la véritable guerre n’a pas encore commencé. Jusqu’à présent, il s’agit d’un génocide, d’un acte unilatéral d’extermination, semblable à ceux que les troupes hitlériennes ont menés contre la population juive sans défense.

THOMAS L. FRIEDMAN
Les dirigeants usaméricains devraient cesser de s’avilir devant Israël

Thomas L. Friedman The New York Times, 18/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 4 novembre 2022, juste après l’élection de l’actuelle coalition gouvernementale israélienne d’extrême droite, j’ai écrit une chronique avec ce titre : « L’Israël que nous connaissions a disparu ». Il s’agissait d’une mise en garde contre la radicalité de cette coalition. Beaucoup de gens n’étaient pas d’accord. Je pense que les événements ont prouvé qu’ils avaient tort et que la situation est encore pire aujourd’hui : l’Israël que nous connaissions a disparu et l’Israël d’aujourd’hui est en danger existentiel.


Photo Abir Sultan

Israël est confronté à une superpuissance régionale, l’Iran, qui a réussi à prendre Israël en étau, en utilisant ses alliés et ses mandataires : le Hamas, le Hezbollah, les Houthis et les milices chiites en Irak. Pour l’heure, Israël n’a pas de réponse militaire ou diplomatique. Pire encore, il est confronté à la perspective d’une guerre sur trois fronts - Gaza, le Liban et la Cisjordanie - mais avec une nouveauté dangereuse : le Hezbollah au Liban, contrairement au Hamas, est armé de missiles de précision qui pourraient détruire de vastes pans de l’infrastructure israélienne, de ses aéroports à ses ports maritimes, en passant par ses campus universitaires, ses bases militaires et ses centrales électriques.

Mais Israël est dirigé par un premier ministre, Benjamin Netanyahou, qui doit rester au pouvoir pour éviter d’être éventuellement envoyé en prison pour corruption. Pour ce faire, il a vendu son âme pour former un gouvernement avec des extrémistes juifs d’extrême droite qui insistent sur le fait qu’Israël doit se battre à Gaza jusqu’à ce qu’il ait tué tous les Hamasniks – “victoire totale” - et qui rejettent tout partenariat avec l’Autorité palestinienne (qui a accepté les accords de paix d’Oslo) pour gouverner un Gaza post-Hamas, parce qu’ils veulent qu’Israël contrôle tout le territoire entre le Jourdain et la mer Méditerranée, y compris la bande de Gaza.

Aujourd’hui, le cabinet de guerre d’urgence de Netanyahou s’est effondré en raison de l’absence de plan pour mettre fin à la guerre et se retirer de Gaza en toute sécurité, et les extrémistes de sa coalition gouvernementale réfléchissent à leurs prochaines actions pour accéder au pouvoir.

Ils ont déjà fait tant de dégâts, et pourtant le président Biden, le lobby pro-israélien AIPAC et de nombreux membres du Congrès n’ont pas pris conscience de la radicalité de ce gouvernement.

En effet, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, et ses collègues du G.O.P. [Great Old Party, Les Républicains] ont décidé de récompenser Netanyahou en lui accordant le grand honneur de s’adresser à une session conjointe des deux chambres du Congrès le 24 juillet. Poussés dans leurs retranchements, les principaux démocrates du Sénat et de la Chambre des représentants ont signé l’invitation, mais le but inavoué de cet exercice républicain est de diviser les démocrates et de provoquer des cris d’insultes de la part de leurs représentants les plus progressistes, ce qui aliénerait les électeurs et les donateurs juifs usaméricains et les pousserait à se tourner vers Donald Trump.

Netanyahou sait qu’il s’agit avant tout de politique intérieure usaméricaine, et c’est pourquoi son acceptation de l’invitation à prendre la parole est un tel acte de déloyauté à l’égard de Joe Biden - qui a fait le voyage jusqu’en Israël pour le serrer dans ses bras dans les jours qui ont suivi le 7 octobre – que ça vous coupe carrément le souffle.

Aucun ami d’Israël ne devrait participer à ce cirque. Israël a besoin d’un gouvernement centriste pragmatique capable de le sortir de cette crise aux multiples facettes et de saisir l’offre de normalisation avec l’Arabie saoudite que Biden a réussi à mettre en place. Cela ne peut se faire qu’en destituant Netanyahou par de nouvelles élections, comme l’a courageusement demandé le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, en mars dernier. Israël n’a pas besoin d’une soirée arrosée sponsorisée par les USA pour son chauffard bourré.

On se demande si les “amis” d’Israël ont la moindre idée de la nature de son gouvernement. Ce gouvernement n’est pas l’Israël de votre grand-père et ce Bibi n’est même pas l’ancien Bibi.

Contrairement à tous les cabinets israéliens précédents, ce gouvernement a inscrit l’objectif d’annexion de la Cisjordanie dans l’accord de coalition. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait passé sa première année à essayer d’écraser la capacité de la Cour suprême israélienne à mettre un frein à ses pouvoirs. Bibi a également cédé le contrôle de la police et des principales autorités du ministère de la défense aux suprémacistes juifs de sa coalition afin de leur permettre d’accroître le contrôle des colons sur la Cisjordanie. Ils ont immédiatement procédé à l’ajout d’un nombre record d’unités d’habitation au cœur de ce territoire occupé pour tenter d’empêcher la création d’un État palestinien.

CHUCK FREILICH
Face à une guerre imminente avec le Hezbollah, Israël dispose de six options difficiles
Petit aperçu des “réflexions” stratégiques sionistes

 Ci-dessous un exemple plutôt pathétique des cogitations stratégico-tactiques usraéliennes en ces temps de guerre asymétrique multi-fronts. “Errare humanum est, perseverare autem diabolicum, et tertia non datur” [L’erreur est humaine, la persistance [dans l’erreur] est diabolique, et la troisième possibilité n’est pas donnée] : comment dit-on cela en hébreu moderne ? -FG

Sud-Liban, 10 août 2006: ce jour-là, entré dans l'histoire comme Majzara Merkava, le massacre des Merkavas, la résistance libanaise détruisit 39 blindés des unités d'élite de l'armée israélienne. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais que les plus de 50 ans devraient méditer...

Chuck Freilich, Haaretz, 20/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Israël se trouve dans une situation sans précédent de guerre permanente avec le Hamas à Gaza et un Iran enhardi, alors qu’il est en train de décider comment réagir à l’escalade des combats transfrontaliers avec le Hezbollah au Liban. Sa prochaine action doit être la plus calculée et la mieux calibrée possible - il n’y a pas de place pour l’erreur

Deux hommes se tiennent près d’un camion et observent les panaches de fumée qui s’élèvent d’un incendie dans un champ après que des roquettes lancées depuis le sud du Liban ont atterri près de Katzrin, sur le plateau du Golan, la semaine dernière, dans le cadre des affrontements transfrontaliers entre Israël et le Hezbollah. Photo : AFP

Le nord d’Israël est en flammes, le risque d’une guerre à grande échelle, voire sur plusieurs fronts, augmente rapidement et Israël reste empêtré dans le bourbier de Gaza. Le sens commun veut que le Hezbollah ne soit pas intéressé par une confrontation totale et préfère un cessez-le-feu, si et quand il sera obtenu à Gaza.

Toutefois, la capacité du Hamas à survivre à l‘attaque massive d’Israël, ainsi que la détérioration de sa position stratégique, ont renforcé la confiance de l (Iran, Hezbollah, Hamas, Houthis et diverses milices chiites) et l’ont probablement incité à prendre davantage de risques. L’“Axe” semble croire qu’il peut résister à la supériorité conventionnelle d’Israël et même la vaincre.

Des partisans du Hezbollah suivent un discours prononcé par le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, sur un écran lors d’une cérémonie commémorant la mort du commandant supérieur du Hezbollah, Taleb Sami Abdullah, dans la banlieue sud de Beyrouth, à Dahiyeh, au Liban, mercredi. Photo : Bilal Hussein, AP

Dans ces circonstances sans précédent, Israël doit choisir entre cinq options principales. Chacune doit être évaluée en fonction de ses perspectives de succès militaire et diplomatique et de ses ramifications intérieures. Plus important encore, la question est de savoir si l’option est susceptible de produire une amélioration significative de la position stratégique globale d’Israël, ou si nous paierons un lourd tribut et reviendrons à la case départ.

Poursuite de la voie actuelle : Jusqu’à présent, Israël et le Hezbollah ont veillé à rester en deçà du “seuil d’escalade”, un terme intentionnellement vague qui a été mis à rude épreuve et qui pourrait être insoutenable. Les dégâts subis par les villes, villages et kibboutzim du nord d’Israël sont importants et s’aggravent, et quelque 60 000 personnes évacuées n’ont pas pu rentrer chez elles depuis plus de huit mois. Après le traumatisme du 7 octobre, l’opinion publique israélienne en a assez des interminables rounds de guerre limitée, qui ne font qu’engendrer des périodes de calme limitées jusqu’au prochain round, et souhaite des solutions plus permanentes. À l’inverse, l’équilibre de la terreur avec le Hezbollah, après la guerre de 2006, a tenu pendant 16 ans. Si un retour à ce type de politique est susceptible d’aboutir à un nouveau cessez-le-feu prolongé, il ne faut pas l’écarter complètement.

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Un cessez-le-feu unilatéral : Cette mesure serait prise dans l’espoir d’isoler le Hezbollah, de le forcer à cesser ses tirs et de renforcer la légitimité internationale d’une opération militaire israélienne, si elle s’avérait nécessaire. Bien entendu, rien ne garantit que le Hezbollah réagira comme on l’espère, même après un cessez-le-feu israélien prolongé. Une action unilatérale pourrait être considérée comme un signe de faiblesse et, en tout état de cause, serait difficile à mettre en œuvre sur le plan politique, en particulier pendant que les combats se poursuivent à Gaza.

22/06/2024

THE NEW YORK TIMES
Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, décrit la tentative secrète du gouvernement de bétonner le contrôle de la Cisjordanie


Natan Odenheimer, Ronen Bergman et Patrick Kingsley, The New York Times, 22/6/2024
Johnatan Reiss a contribué au reportage depuis Tel Aviv et Adam Rasgon depuis Jérusalem
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les juges israéliens ont longtemps estimé que le contrôle d’Israël sur le territoire était une occupation militaire temporaire et qu’il était conforme au droit international. Un discours récent d’un ministre influent, enregistré, suggère que le gouvernement tente de changer cela.
Nos reporters ont examiné l’enregistrement d’un récent discours prononcé par Bezalel Smotrich, un ministre israélien d’extrême droite qui dirige les efforts visant à renforcer le contrôle israélien sur la Cisjordanie occupée.

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Un soldat israélien à un poste de garde en Cisjordanie, en décembre. Photo : Avishag Shaar-Yashuv pour le New York Times

Un membre influent de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré à des colons de la Cisjordanie occupée par Israël que le gouvernement était engagé dans un effort furtif visant à modifier de manière irréversible la manière dont le territoire est gouverné, afin de renforcer le contrôle d’Israël sur celui-ci sans être accusé de l’annexer formellement.

Dans un enregistrement du discours, on peut entendre le fonctionnaire, Bezalel Smotrich, suggérer lors d’un événement privé au début du mois de juin que l’objectif était d’empêcher la Cisjordanie de faire partie d’un État palestinien.

« Je vous le dis, c’est méga-dramatique », a déclaré Smotrich aux colons. « De tels changements modifient l’ADN d’un système ».

Si l’opposition de Smotrich à la cession du contrôle de la Cisjordanie n’est un secret pour personne, la position officielle du gouvernement israélien est que le statut de la Cisjordanie reste ouvert aux négociations entre les dirigeants israéliens et palestiniens. La Cour suprême d’Israël a statué que la domination d’Israël sur le territoire équivalait à une occupation militaire temporaire supervisée par les généraux de l’armée, et non à une annexion civile permanente administrée par des fonctionnaires israéliens.

Le discours prononcé le 9 juin par Smotrich lors d’un rassemblement en Cisjordanie pourrait rendre cette position plus difficile à maintenir. Il y a décrit un programme soigneusement orchestré pour retirer l’autorité sur la Cisjordanie des mains de l’armée israélienne et la confier à des civils travaillant pour Smotrich au sein du ministère de la défense. Certaines parties du plan ont déjà été introduites progressivement au cours des 18 derniers mois, et certaines autorités ont déjà été transférées à des civils.

 

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, s’adressant aux parents des otages lors d’un rassemblement à Jérusalem ce mois-ci. Photo : Menahem Kahana/Agence France-Presse - Getty Images

« Nous avons créé un système civil distinct », a déclaré Smotrich. Pour détourner l’attention de la communauté internationale, le gouvernement a permis au ministère de la défense de rester impliqué dans le processus, de sorte qu’il semble que l’armée soit toujours au cœur de la gouvernance de la Cisjordanie.

« Ce sera plus facile à avaler dans le contexte international et juridique », a déclaré Smotrich. « Ainsi, ils ne diront pas que nous procédons à une annexion ».

Les journalistes du New York Times ont écouté un enregistrement du discours d’environ une demi-heure fourni par l’un des participants, un chercheur de La Paix Maintenant, un groupe de campagne contre l’occupation. Un porte-parole de Smotrich, Eytan Fold, a confirmé qu’il avait prononcé le discours et que l’événement n’était pas secret.

21/06/2024

ANSHEL PFEFFER
Au milieu des combats à Gaza, la guerre acharnée entre Netanyahou et les généraux israéliens s’intensifie : une armée qui a un État ou un État qui a une armée ?

Anshel Pfeffer, Haaretz, 17/6/2024
Traduit par
Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les désaccords entre Netanyahou et les FDI concernant la guerre à Gaza deviennent si toxiques que le camp de Netanyahou  accuse désormais les généraux de “coup de poignard dans le dos”, une théorie du complot classique propagée par les nazis après la défaite allemande de 1918. Mais c’est une tactique risquée, voire dangereuse.

L’échange d’accusations de dimanche dernier entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et des sources anonymes des Forces de défense israéliennes concernant qui a donné l’ordre de permettre une “pause humanitaire” dans les combats dans la bande de Gaza n’est que le dernier rebondissement d’une relation de plus en plus hargneuse entre le premier ministre et l’état-major général des FDI

Dans ce cas, Netanyahou a publié une déclaration niant avoir connaissance de la pause humanitaire, s’attirant une réponse des FDI disant que cela avait été fait sur ses ordres exprès.

Ces dernières semaines, une série de problèmes ont élargi le fossé. Des officiers supérieurs ont informé les médias qu’Israël risque de perdre les “gains tactiques” des derniers mois de combats au sol à Gaza, parce que Netanyahou a refusé de permettre la formation d’une “alternative au Hamas” qui pourrait prendre le contrôle de la bande. Au lieu de cela, le Hamas retourne dans les zones déjà dégagées par les FDI.

Le chef d’état-major, le général de division Herzl Halevi, a publiquement parlé de la nécessité les FDI de recruter deS jeunes hommes haredim [juifs orthodoxes, exemptés de service militaire] pour combler ses rangs épuisés, ce qui a irrité Netanyahou, qui doit tenir les étudiants des a yeshivas [écoles religieuses] à l’écart de l’armée s’il veut garder les partis haredim dans sa coalition.

Lors de réunions privées, Halevi a parlé de la nécessité de prioriser un accord avec le Hamas pour la libération des otages encore détenus à Gaza, des remarques qui ont été rapidement divulguées. Cela constituerait une autre menace pour la coalition de Netanyahou, car ses partis d’extrême droite menacent de quitter le gouvernement si un tel accord avec le Hamas se concrétise.

20/06/2024

JUDY MALTZ
“Papy plaque Mamie” : une nouvelle exposition à New York brise le mythe du “gentil mari juif”


Judy Maltz, Haaretz, 19/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pendant une soixantaine d’années à partir du début du XXe siècle, le Bureau national des désertions a traqué aux USA et à l’étranger les maris juifs qui avaient abandonné leur femme et leur famille. Une nouvelle exposition permet d’en savoir plus sur cette agence quasiment de détectives méconnue.

Runaway Husbands, Desperate Families: The Story of the National Desertion Bureau

NEW YORK - Nathan Goldfarb, un horloger qui vivait à Manhattan avec sa femme et ses deux enfants, était tombé amoureux d’une pensionnaire qui louait une chambre dans la maison familiale. Après que sa femme Lena les a surpris au lit, Goldfarb et sa maîtresse se sont enfuis en Californie, où ils ont rejoint une communauté pratiquant l’amour libre.

La maîtresse finit par le quitter pour un autre homme et, après avoir été menacé d’arrestation pour s’être introduit chez elle, Nathan retourne à Lena la queue entre les jambes.

Portrait de Jacob Rosenbloom et article du journal Forverts de juillet 1912 montrant un groupe de maris partis sans laisser d'adresse

Abraham Meyerson et sa femme Fannie ont connu une fin moins heureuse. Découpeur de tissus dans une usine de Chicago, Abraham abandonne sa femme et ses quatre enfants et s’enfuit sur la côte ouest, où il se met en ménage avec une autre femme.

C’est la deuxième femme et la deuxième famille qu’il abandonne. Bien qu’il ait finalement été retrouvé et qu’il ait accepté de verser une pension alimentaire à Fannie, les archives montrent qu’il n’a pas toujours respecté cet engagement.

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Cours de citoyenneté pour les immigrants juifs à la Hebrew Sheltering and Immigrant Aid Society of America [Société hébraïque d’hébergement et d'aide aux immigrants d’Amérique] dans le Lower East Side de New York, février 1920. Photo : Institut YIVO pour la recherche juive

Ces histoires et bien d’autres de maris juifs fugueurs font partie d’une exposition spéciale, inaugurée cette semaine à l’Institut YIVO pour la recherche juive à Manhattan, consacrée à une agence peu connue appelée le Bureau national des désertions.

Créé pour retrouver les milliers d’hommes juifs qui ont abandonné leurs femmes et leurs familles lors de la grande vague d’immigration vers les USA au tournant du siècle, il a fonctionné du début des années 1900 jusqu’aux années 1960 [en 1955, il a changé de nom, devenant Family Location Services, Services de localisation pour les familles, NdT]

« Nous aimons tous considérer la vague d’immigration juive en Amérique comme une immense success story », note Eddy Portnoy, directeur des expositions à YIVO. « Mais il y a aussi eu de nombreux cas comme celui-ci, où Zeidie [Papy en yddish] a plaqué Bubbie [Mamie en yidish] ».

Le Bureau national des désertions a été mis en place par le Jewish Board of Family and Children’s Services [Office juif de service aux familles et aux enfants], créé il y a 150 ans et qui est l’une des plus grandes agences de santé mentale et de services sociaux de l’État de New York.

GIDEON LEVY
Des photos manquent sur la Place des Otages de Tel-Aviv : celles des otages palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 20/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une photo manque sur la place de Tel Aviv connue sous le nom de Place des Otages. Quelques douzaines d’images sont également absentes des manifestations de la rue Kaplan, située à proximité. Ces photos n’ont jamais été brandies dans les manifestations, alors qu’elles y ont leur place au même titre que les photos des otages israéliens. Les photos manquantes, celles des Palestiniens kidnappés, auraient dû être le deuxième point focal des protestations, après celles des otages israéliens. Mais pas dans l’Israël de 2024. Ici, personne ne pense même à les prendre en considération.


Un soldat israélien passe devant des photos de captifs israélien détenus à Gaza, sur la place Dizengoff à Tel Aviv, en mai. Photo Marko Djurica / Reuters

J’aimerais voir, lors de la manifestation de Kaplan ce samedi soir, une photo du kidnappé Bassem Tamimi après sa libération en Israël. Tamimi a été libéré la semaine dernière ; il avait été enlevé au passage Allenby/King Hussein entre la Cisjordanie et la Jordanie le 29 octobre et emprisonné sans procès.

Son apparition après environ huit mois d’incarcération et de torture aurait dû choquer tous les Israéliens, en particulier les parents des otages de Gaza. Les photos montrent un homme brisé : émacié, le visage décharné, les yeux rouges et en pleurs. Tamimi a été détenu des dizaines de fois, généralement pour des raisons politiques et sans procès, mais jamais, après sa libération, il n’a eu l’air qu’il avait la semaine dernière. L’homme autrefois beau et charismatique n’était plus que l’ombre de lui-même. Même ses amis ont eu du mal à le reconnaître au début. Il ressemblait à un détenu libéré de Guantanamo ou d’Abou Ghraïb.

 

C’est un militant politique chevronné qui a perdu quelques membres de sa famille dans la lutte. Sa fille Ahed est devenue un symbole international de la résistance palestinienne à l’âge de 14 ans après avoir giflé - que le ciel nous vienne en aide ! - son excellence, un officier de l’armée israélienne, qui , lui, a le droit de gifler et même de tuer à sa guise. Tamimi a été brisé. Ses amis disent qu’il est paniqué, effrayé et en état de choc après ce qu’il a enduré dans les infâmes ailes de prison pour les détenus de sécurité opérant sous la férule d’Itamar Ben-Gvir.