10/07/2024

PUBLISHERS FOR PALESTINE
La Foire du livre de Francfort et les éditeurs multinationaux d’origine allemande sont complices du génocide de Gaza


Les multinationales de l’édition de propriété allemande sont impliquées dans le génocide perpétré par Israël contre 2,3 millions de Palestiniens à Gaza.

Publishers for Palestine, Mondoweiss, 8/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 


Publishers for Palestine (Éditeurs·trices pour la Palestine) est un collectif mondial de plus de 500 éditeurs et travailleur·ses de l'édition basé·es dans 50 pays à travers le monde. Nous défendons la justice, la liberté d'expression et le pouvoir de l'écrit. Les projets de P4P peuvent être trouvés sur notre site ouèbe et sur Instagram @publishers4palestine et X @pubforpalestine. Lire notre DÉCLARATION DE SOLIDARITÉ AVEC LA PALESTINE (3/11/2023). Télécharger notre recueil gratuit Poems for Palestine

Depuis la vague de condamnation déclenchée en octobre dernier par l’annulation[*] d’une cérémonie de remise de prix à l’écrivaine palestinienne Adania Shibli [lire ici], qui devait recevoir le prix LiBeratur à la Foire du livre de Francfort, la tentative de réduire au silence les Palestiniens et le soutien à la cause palestinienne par des institutions culturelles occidentales n’a fait que s’amplifier. Dans le même temps, l’examen de la complicité des institutions avec l’apartheid et le génocide israéliens s’est également intensifié à grande échelle. Le mouvement BDS a remporté des victoires significatives, notamment le désinvestissement d’universités et d’entreprises, et le Festival de Hay-on-Wye 2024 et le Festival international du livre d’Édimbourg ont récemment annoncé qu’ils mettaient fin à leurs partenariats avec la société d’investissement Baillie Gifford, complice de la destruction du climat et de l’apartheid et du génocide israéliens, La rupture par BG de ses relations de financement avec tous les festivals littéraires britanniques et le retrait de sa participation dans la multinationale minière Rio Tinto, ainsi que la réduction de moitié de la participation de la Banque Scotia, principal sponsor artistique canadien, dans le fabricant d’armes israélien Elbit Systems, sont autant d’indices d’un changement et d’un fossé important entre les grandes entreprises et les institutions culturelles, d’une part, et leurs travailleurs, leurs publics et le grand public, d’autre part.

Les principales organisations internationales de défense des droits humains continuent de tirer la sonnette d’alarme concernant les violations horribles et croissantes des droits de l’homme commises par Israël à l’encontre de millions de Palestiniens. Nombre d’entre elles ont été décrites dans la plainte déposée en décembre par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice contre Israël pour crime de génocide. Malgré l’arrêt rendu en janvier par cette Cour, selon lequel Israël commettait vraisemblablement un génocide, ses décisions ultérieures selon lesquelles Israël devait autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire et mettre fin aux opérations militaires à Rafah, et le dépôt par la Cour pénale internationale de demandes de mandats d’arrêt à l’encontre de hauts responsables israéliens, ainsi que les soulèvements massifs d’étudiants et de travailleurs en faveur de la libération des Palestiniens et de la fin de la complicité avec Israël dans le monde entier, la campagne génocidaire menée par Israël contre le peuple palestinien à Gaza se poursuit essentiellement sans contrôle de la part de ses principaux soutiens, à savoir les USA et d’autres puissances coloniales occidentales.

Les écrivains et les éditeurs sont particulièrement concernés par le fait que la Foire du livre de Francfort (FBM), le plus grand événement mondial de l’industrie du livre, a toujours accueilli chaleureusement la présence de l’Israël de l’apartheid. On pourrait penser que, face aux actions d’Israël et à l’indignation internationale croissante, des institutions culturelles comme la FBM retireraient leur soutien, condamneraient Israël pour ses violations et rompraient leurs relations. Toutefois, la position initiale de la Foire du livre de Francfort, qui a soutenu fermement Israël tout au long de sa tenue en octobre dernier - position qui s’est traduite par des déclarations au nom de la Foire et de son directeur général, Jurgen Boos, et par des projets visant à rendre les voix israéliennes « particulièrement visibles » grâce à l’ajout d’une programmation spéciale, y compris un panel intitulé « In Sorge um Israel » [En souci d'Israël] - n’a pas changé à ce jour, et la FBM a gardé un silence assourdissant sur le génocide en cours dans les mois qui ont suivi. 


 Un tel soutien vocal et tacite contraste fortement avec les interdictions nationales édictées par la FBM, dont l’interdiction permanente imposée à la Russie depuis 2022, invoquant la “violation du droit international” à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Une lettre d’information de la FBM distribuée le 24 avril contient un article intitulé « Marché du livre Ukraine : Bibliothèques en ruine et nouvelles librairies », où l’on peut lire : « Il y a une question que l’on pose régulièrement aux éditeurs lors d’événements internationaux et de conversations privées : comment faites-vous pour continuer à travailler pendant la guerre ? » Pourtant, FBM ne fait aucune mention de Gaza, où les écrivains, les universitaires, les éditeurs, les bibliothèques, les universités et les imprimeurs ont été pris pour cible bien avant le 7 octobre et ont été brutalement ciblés pour être éliminés au cours des nombreux mois qui se sont écoulés depuis. Cette destruction du savoir a été largement documentée, notamment dans un rapport détaillé rédigé par Librarians and Archivists with Palestine (Bibliothécaires et archivistes avec la Palestine). Depuis, les Nations unies ont fait état d’un “scolasticide” à Gaza. Toutes les universités de Gaza ont été détruites. Le fait que la FBM n’ait pas encore annoncé une interdiction d’Israël similaire à celle imposée à la Russie, ni exprimé ne serait-ce qu’un soupçon d’inquiétude quant à la violation des lois internationales par Israël, met en évidence une incongruité déjà existante.

Cependant, la complicité de la Foire du livre de Francfort va au-delà de son message public et ne peut être comprise qu’à travers ses relations étroites avec le gouvernement allemand et deux empires allemands de l’édition, devenus des multinationales multimilliardaires : Holtzbrinck Publishing Group et Bertelsmann SE & Co. KGaA.

Il faut d’abord souligner l’importance de la sphère culturelle israélienne - y compris le monde de l’édition et de la littérature - dans le maintien de l’apartheid israélien. Le fait que l’État israélien s’appuie fortement et collabore étroitement avec son secteur culturel complice afin de blanchir son image a été rendu public lorsque Nissim Ben-Sheetrit, ancien directeur général adjoint de “Brand Israel”, a ouvertement admis ne pas faire de différence “entre la hasbara [propagande] et la culture”. Le nouveau livre de Maya Wind, Towers of Ivory and Steel : How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom (Tours d’ivoire et d’acier : comment les universités israéliennes nient la liberté des Palestiniens), détaille le rôle des universités, en particulier leur rôle dans cette indifférenciation, cette collaboration et cette complicité. Selon Naomi Klein, les recherches de Maya Wind « révèlent d’innombrables façons dont les établissements d’enseignement les plus célèbres et les plus réputés du pays sont totalement imbriqués dans la violente machine de dépossession, d’occupation, d’incarcération, de surveillance, de siège et de bombardement militaire des Palestiniens ».

Cette intégration des arts et de la culture dans les objectifs de l’État israélien est depuis longtemps contestée par la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI), membre fondateur du mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) dirigé par les Palestiniens. Lancée il y a vingt ans, PACBI a appelé le reste du monde à cesser toute collaboration avec les institutions culturelles et universitaires israéliennes complices. Pour être exemptée de l’appel au boycott du PACBI, une institution doit faire deux choses : prendre ses distances avec le génocide israélien et le régime d’apartheid colonial sous-jacent, et approuver les pleins droits du peuple palestinien en vertu du droit international, y compris le droit au retour des réfugiés palestiniens.

La plus grande foire du livre au monde et le climat de censure en Allemagne

Le programme de la Foire du livre de Francfort 2024 sera rendu public ce mois-ci [pays hôte : l’Italie]. Dans l’attente de sa publication, la censure et l’inquiétude internationales n’ont cessé de croître face à la limitation des droits civils par le gouvernement allemand, qui utilise des tactiques répressives pour faire taire la solidarité avec la Palestine. Au cours des derniers mois, ces tactiques ont notamment consisté à faire irruption dans le Congrès palestinien à Berlin et à le fermer violemment, ainsi qu’à interdire l’entrée en Allemagne et la participation au Congrès (en personne et en ligne) du chirurgien palestino-britannique et recteur de l’université de Glasgow, le Dr Ghassan Abu-Sittah. Lorsqu’il a tenté d’entrer en France en mai pour parler au Parlement français de son expérience à Gaza, M. Abu-Sittah a également découvert que l’Allemagne était allée jusqu’à mettre en œuvre une interdiction de voyager d’un an dans toute l’Europe à son encontre.

Plus récemment, l’Allemagne a adopté une loi exigeant que les candidats à la citoyenneté affirment le “droit d’exister” d’Israël, un régime d’apartheid vieux de 76 ans contre le peuple palestinien, au lieu de respecter ses obligations de mettre fin à sa complicité avec ce régime.

Derrière cette pratique étatique de censure extrême se cache l’énorme soutien militaire et diplomatique de l’Allemagne à Israël. L’Allemagne fournit près de la moitié des armes livrées actuellement à Israël (en deuxième position après les USA) et est son principal partenaire commercial en Europe et son quatrième partenaire d’exportation dans la région.

L’industrie allemande de l’édition est l’une des plus importantes au monde, représentant 11,4 milliards de dollars en 2022 ; les ventes de livres en Allemagne sont énormes, derrière les USA et la Chine. L’exploitation de l’édition par le gouvernement nazi pour sa propagande constitue un sombre précédent historique. Mais aujourd’hui, on peut difficilement parler d’une relation sans lien de dépendance. Dans un exemple récent, la Commission des monopoles a fait pression pour la suppression de la politique de prix fixe sur les livres conçue pour protéger les livres en tant qu’objets culturels, qualifiant la loi de « nuisance réglementaire de premier ordre » ; une telle suppression poserait de sérieux problèmes aux petits éditeurs et libraires et réduirait inévitablement la présence de voix progressistes dans l’atmosphère culturelle déjà très surveillée de l’Allemagne. Mais les objectifs de la Commission en matière d’économie de marché sont clairs : « l’intérêt culturel et politique des législateurs nationaux pour les livres doit être mis en balance avec l’intérêt d’une concurrence non faussée ».

09/07/2024

HAMZA HAMOUCHENE
A psicologia da opressão e da libertação
O que Fanon diria sobre o genocídio em curso na Palestina?

 

Hamza Hamouchene, Africa is a Country, 28/6/2024
Traduzido por
Helga Heidrich, editado por Fausto Giudice, Tlaxcala

Hamza Hamouchene é um pesquisador e ativista argelino que vive em Londres. Atualmente, é coordenador do programa da África Setentrional no Transnational Institute (TNI). @BenToumert

 

Para a Europa, para nós mesmos e para a humanidade... precisamos elaborar novos conceitos e tentar criar um novo homem.

 - Frantz Fanon, Os condenados da Terra


Baixe o documento

08/07/2024

HAMZA HAMOUCHENE
La psicologia dell’oppressione e della liberazione
Cosa direbbe Fanon del genocidio in corso in Palestina?

Hamza Hamouchene, Africa is a Country, 28/6/2024
Tradotto da Fausto Giudice, Tlaxcala


Hamza Hamouchene
è un ricercatore e attivista algerino residente a Londra. Attualmente è coordinatore del programma Nord Africa presso il Transnational Institute (TNI). @BenToumert

Per l'Europa, per noi stessi e per l'umanità, compagni, bisogna rinnovarsi, sviluppare un pensiero nuovo, tentare di metter su un uomo nuovo.
- Frantz Fanon, I dannati della terra


 

YANIV KUBOVICH
Le 7 octobre, l’armée israélienne a ordonné la mise en œuvre de la directive Hannibal pour empêcher le Hamas de capturer des soldats

Yaniv Kubovich, Haaretz, 7 /7/2024
Traduit par Alain Marshal, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 

« Il y a eu une hystérie démente et on a commencé à prendre des décisions sans vérifier les informations » : des documents et des témoignages obtenus par Haaretz révèlent que l’ordre opérationnel Hannibal, qui ordonne l’utilisation de la force pour empêcher la capture de soldats, a été appliqué dans trois bases de l’armée israéliennes infiltrées par le Hamas, mettant potentiellement en danger des civils israéliens également.


Attaque du Hamas sur les communautés frontalières de Gaza dans le sud d'Israël, le 7 octobre. Photo Hani Alshaer, Anadolu Agency

Les opérations de la Division de Gaza et les frappes aériennes des premières heures du 7 octobre étaient basées sur des informations limitées. Les premiers longs instants qui ont suivi le lancement de l’attaque du Hamas ont été chaotiques. Des rapports étaient reçus, dont la signification n’était pas toujours claire. Lorsqu’ils ont été compris, on s’est rendu compte que quelque chose d’horrible s’était produit.

Les réseaux de communication ne parvenaient pas à suivre le flux d’informations, pas plus que les soldats qui envoyaient ces rapports. Cependant, le message transmis à 11h22 sur le réseau de la Division de Gaza a été compris par tous. L’ordre était le suivant : « Pas un seul véhicule [de combattants palestiniens] ne doit retourner à Gaza ».

À ce stade, les FDI ne connaissaient pas l’ampleur des enlèvements le long de la frontière de Gaza, mais elles savaient que de nombreuses personnes étaient impliquées. La signification de ce message et le sort réservé à certaines des personnes enlevées étaient donc parfaitement clairs.

Ce n’était pas le premier ordre donné par la division dans le but de déjouer un enlèvement, même au détriment de la vie des personnes kidnappées, une procédure connue dans l’armée sous le nom de « procédure Hannibal ».

Des documents obtenus par Haaretz, ainsi que des témoignages de soldats et d’officiers moyens et supérieurs de l’armée israélienne, révèlent une multitude d’ordres et de procédures établis par la Division de Gaza, le commandement sud et l’état-major général de Tsahal jusqu’aux heures de l’après-midi de ce jour-là, montrant à quel point cette procédure était répandue, dès les premières heures suivant l’attaque et en divers points le long de la frontière.

Haaretz ne sait pas si, ni combien de civils et de soldats ont été touchés à cause de ces procédures, mais les données cumulées indiquent que de nombreuses personnes kidnappées étaient en danger, exposées aux tirs israéliens, même si elles n’étaient pas la cible.

À 6h43, alors que des tirs de barrage de roquettes étaient lancés sur Israël et que des milliers d’hommes du Hamas attaquaient les bastions de l’armée et les équipements d’observation et de communication de la division, le commandant de la division, le général de brigade Avi Rosenfeld, a déclaré : « les Philistins ont envahi ».

C’est la procédure à suivre lorsqu’un ennemi envahit le territoire israélien. Un commandant de division peut alors assumer une autorité extraordinaire, y compris le recours à des tirs nourris à l’intérieur du territoire israélien, afin de bloquer un raid ennemi.

Une source très haut placée de l’armée israélienne a confirmé à Haaretz que la procédure Hannibal avait été utilisée le 7 octobre, ajoutant que le commandant de la division n’y avait pas eu recours. Qui a donné l’ordre ? Cela, a déclaré la source, sera peut-être établi par des enquêtes menées après la guerre.

En tout état de cause, selon un fonctionnaire de la défense qui connaît bien les opérations du 7 octobre à la division de Gaza, dans la matinée, « personne ne savait ce qui se passait à l’extérieur ». Il affirme que Rosenfeld était enfermé dans la salle de guerre, « alors qu’à l’extérieur une guerre mondiale faisait rage ».

« Tout le monde était choqué par le nombre de terroristes qui avaient pénétré dans la base. Même dans nos cauchemars, nous n’avions pas prévu une telle attaque. Personne n’avait la moindre idée du nombre de personnes enlevées ni de l’endroit où se trouvaient les forces armées. Il y a eu une hystérie démente, avec des décisions prises sans aucune information vérifiée », poursuit-il.

L’une de ces décisions a été prise à 7h18, lorsqu’un poste d’observation de l’avant-poste de Yiftah a signalé qu’une personne avait été enlevée au poste frontière d’Erez, à côté du bureau de liaison de Tsahal. Le quartier général de la division a donné l’ordre suivant : « Hannibal à Erez, envoyez un Zik ». Le Zik est un drone d’assaut sans pilote, et la signification de cet ordre était claire.

Ce n’était pas la dernière fois qu’un tel ordre était entendu sur le réseau de communication. Au cours de la demi-heure suivante, la division s’est rendu compte que les terroristes du Hamas avaient réussi à tuer et à enlever des soldats postés au point de passage et à la base adjacente. Puis, à 7h41, l’incident s’est reproduit : Hannibal à Erez, un assaut sur le point de passage et la base, juste pour que plus aucun soldat ne soit enlevé. De tels ordres ont également été donnés plus tard.

Le poste frontière d’Erez n’est pas le seul endroit où cela s’est produit. Les informations obtenues par Haaretz et confirmées par l’armée montrent que, tout au long de la matinée, la procédure Hannibal a été appliquée à deux autres endroits pénétrés par les terroristes : la base militaire de Re’im, où se trouvait le quartier général de la division, et l’avant-poste de Nahal Oz, où se trouvaient des guetteuses militaires. Cela n’a pas empêché l’enlèvement de sept d’entre elles et l’assassinat de 15 autres guetteuses, ainsi que de 38 autres soldats.

Au cours des heures suivantes, le quartier général de la division a commencé à rassembler les pièces du puzzle, réalisant l’ampleur de l’attaque du Hamas, mais manquant l’invasion du kibboutz Nir Oz, que les premières forces de l’armée n’ont atteint qu’après le départ des terroristes. En ce qui concerne la fréquence d’utilisation de la procédure Hannibal, il semble que rien n’ait changé. Ainsi, par exemple, à 10h19, un rapport est parvenu au quartier général de la division indiquant qu’un Zik avait attaqué la base de Re’im.

Trois minutes plus tard, un autre rapport de ce type est arrivé. À ce moment-là, les commandos de l’unité Shaldag [unité des forces spéciales sous le commandement de l'armée de l'air israélienne] se trouvaient déjà sur la base et combattaient les terroristes. À ce jour, on ne sait pas si l’un d’entre eux a été blessé lors de l’attaque du drone. Ce que l’on sait, c’est qu’un message a été diffusé sur le réseau de communication, demandant à tout le monde de veiller à ce qu’aucun soldat ne se trouve à l’extérieur de la base, car les forces de Tsahal étaient sur le point d’entrer et de chasser ou de tuer les terroristes restants.

Selon un haut fonctionnaire de la défense, la décision de mener des attaques à l’intérieur des avant-postes hantera les commandants toute leur vie. « Quiconque prenait une telle décision savait que nos combattants dans la zone pouvaient également être touchés. »

07/07/2024

GIDEON LEVY
La chutzpah des négasionistes
Israël n'a pas le droit de critiquer Roger Waters et d'autres personnes qui nient les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre

Gideon Levy, Haaretz, 7/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Israël est horrifié par Roger Waters. Israël est horrifié par les négationnistes du 7 octobre. Il n’y a rien de pire aujourd’hui aux yeux des Israéliens que de nier les atrocités. Ils ont raison. Cela revient à nier l’Holocauste. Les atrocités du 7 octobre sont la justification abusive d’Israël pour tout ce qu’il a fait depuis, et c’est pourquoi leur rage est si féroce.


Aux yeux d’Israël, il est même impossible de ne pas savoir qu’il y a un bébé israélien parmi les otages, même s’il y a 17 000 enfants palestiniens morts, dont la plupart des Israéliens nient l’assassinat odieux.

Guy Lerer, de l’émission d’actualité HaTzinor sur la Chaîne 13, comme ses collègues animateurs propagandistes de télévision, a délibéré la semaine dernière entre deux possibilités : soit Waters est devenu fou, soit il est trompeur. Lerer a choisi les deux. Waters n’est ni l’un ni l’autre, mais il n’a pas besoin de moi pour le défendre.

Le déni du 7 octobre est en effet une injustice qui témoigne d’un manque de compréhension. Le 7 octobre, des crimes horribles ont été commis contre des milliers d’Israéliens innocents, même si des bébés n’ont pas été assassinés dans des fours. On peut et on doit être choqué par ce qu’Israël a fait à Gaza depuis lors, même sans entretenir des théories complotistes sans fondement sur le 7 octobre.

On peut et on doit avoir de l’empathie pour les victimes israéliennes, du festival Nova au kibboutz Nir Oz, d’Ofakim au kibboutz Be’eri, et en même temps être choqué par les crimes d’Israël à Gaza et exprimer sa solidarité avec les millions de victimes qui s’y trouvent. Mettre en doute la véracité de tel ou tel détail n’est pas pertinent, car l’image globale du 7 octobre est claire et choquante.

Le fait que Waters pleure tous les matins pour les enfants de Gaza, comme il l’a dit dans une interview avec Piers Morgan, est une marque d’honneur pour lui et sa conscience. Je connais ses larmes, elles sont sincères.

J’aimerais que davantage d’Israéliens pleurent pour les enfants de Gaza. Ils sont tués, blessés et rendus orphelins en masse. Et pourtant, il ne faut pas minimiser l’ampleur du désastre israélien.

Cela dit, Israël n’a pas le droit de critiquer les négationnistes du 7 octobre ou de toute autre catastrophe nationale. Peu de nations nient les désastres qu’elles ont perpétrés contre d’autres peuples comme le fait le peuple d’Israël. Israël surpasse tous ceux qui nient la vérité, qui se mentent à eux-mêmes et aux autres.

GIDEON LEVY
Les images ne mentent pas, l’armée israélienne a une nouvelle façon de transporter les Palestiniens blessés : sur le capot de ses jeeps

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 6/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Ce n’est pas un mais trois Palestiniens blessés et partiellement nus qui ont été humiliés par des soldats des FDI qui les ont forcés à s’allonger sur leurs véhicules chauffés à blanc et à défiler dans Jénine la semaine dernière. L’armée minimise les incidents

Hashem Selith devant sa jeep, cette semaine. Il a reçu deux balles dans la jambe avant d’être forcé à monter dans le véhicule de ses ravisseurs.

Pas une jeep, mais au moins trois véhicules différents des Forces de défense israéliennes. Et pas seulement une équipe de soldats, mais au moins trois équipes différentes convaincues qu’il est à la fois permis et correct d’ordonner à des Palestiniens blessés - non armés et, pour la plupart, ne figurant pas sur la liste des personnes recherchées par Israël - de se déshabiller en leur présence, puis de monter sur le capot brûlant de leur jeep, en s’accrochant désespérément à leur vie, pendant qu’ils sont transportés vers le site de détention et d’interrogatoire de l’armée.

Le clip vidéo qui a fait le tour du monde la semaine dernière montrait un homme blessé, Mujahed Abadi, gisant en sang et sans défense sur le capot d’une jeep conduite par ses ravisseurs et humiliateurs. Il a été libéré sans condition peu après et transporté dans un hôpital de Jénine, où il est toujours soigné pour ses blessures. Abadi n’était pas armé et n’était pas recherché par les FDI. Il a été abattu, battu et emmené par les troupes, sans raison apparente, comme l’atteste sa libération immédiate. Peut-être les soldats s’ennuyaient-ils ? Peut-être étaient-ils animés d’un esprit de vengeance, comme c’est souvent le cas dans l’armée depuis le 7 octobre ? Peut-être ont-ils décidé d’utiliser les blessés comme boucliers humains ?

Ce clip macabre a eu un retentissement considérable - il n’est pas facile de voir un homme blessé, presque nu, étalé sur une surface brûlante - mais beaucoup moins en Israël, bien sûr. Pour sa part, l’unité du porte-parole des FDI a tenté, comme d’habitude, de dissimuler, de blanchir et de minimiser l’incident. « La conduite observée dans la vidéo n’est pas conforme aux directives des FDI sur ce que l’on attend de leurs soldats », a déclaré l’unité dans un communiqué, ajoutant que « l’événement fait l’objet d’une enquête et sera traité en conséquence ».

@eye.on.palestine

Alors que l’armée “enquête” et “agit en conséquence” avec toute l’énergie requise - ce qui signifie, dans le jargon de l’armée, qu’elle ne lève absolument pas le petit doigt - nous nous sommes rendus sur les lieux cette semaine, en haut du quartier Al-Jabriat de Jénine, qui surplombe le camp de réfugiés de la ville, au sud. Abdulkarim Sadi, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, nous a expliqué que, selon l’enquête qu’il a menée après l’incident, ce n’est pas un seul homme blessé qui a été soumis à cette humiliation par les soldats, le 22 juin. En fait, au moins quatre hommes ont été forcés de s’allonger sur les capots de trois jeeps. On soupçonne maintenant que ce qui a été filmé dans la vidéo d’Abadi n’était pas une anomalie, mais une pratique régulière, appelée procédure de transport des blessés.

06/07/2024

HANEEN ODETALLAH
La philosophie du Hamas dans le roman de Yahya Sinwar Épines et œillets


Haneen Odetallah, 3/7/2024
Original :
فلسفة «حماس»: السياسة والوجود عند يحيى السنوار

Version anglaise : The philosophy of Hamas in the writings of Yahya Sinwar

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Haneen Odetallah   حنين عودة الله est une critique culturelle, autrice et artiste (musique et cinéma) palestinienne. Elle est titulaire d’une licence en architecture de l’université de Bir Zeit et d’un master en analyse culturelle comparative de l’université d’Amsterdam. odhaneen @haneenodetallah

Les concepts d’abnégation, d’ascétisme et de sécurité étaient essentiels à la philosophie de résistance de Yahya Sinwar. La révolte qui a culminé le 7 octobre a été l’application directe de sa pensée politique.

Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, participe à un rassemblement de victoire dans la ville de Gaza à la suite d’un cessez-le-feu avec Israël après 11 jours de combats, le 24 mai 2021. Photo : Ashraf Amra/APA Images

Le texte suivant a été publié à l’origine en arabe dans Babelwad, sous le titre « La philosophie du Hamas : La politique et l’existence selon Yahya Sinwar », par Haneen Odetallah. La version anglaise a été publiée par le Réseau d'information de la résistance (Resistance News Network). L’auteure utilise le roman du chef du Hamas Yahya Sinwar, “Épines et œillets”, pour analyser l’état d’esprit de la résistance contemporaine, en approfondissant les thèmes de l’autosuffisance [compter sur ses propres forces], du sacrifice et de la vigilance sécuritaire. Odetallah explore la manière dont ces concepts sont ancrés chez les individus pour favoriser l’ascension politique et la libération collective, illustrant les dimensions stratégiques et existentielles de la résistance et offrant une perspective unique sur le cadre idéologique de la résistance.-Mondoweiss

« Nous devons entrer dans l’esprit de Sinwar » : c’est le slogan de la phase actuelle des médias israéliens, qui continuent à diffuser des condamnations bruyantes après que Yahya Sinwar, le chef du Mouvement de résistance islamique (Hamas) à Gaza, a réalisé le plus grand tour de passe-passe en termes militaires et de renseignement de l’histoire de leur entité. Sinwar les a surpris par une bataille baptisée « Déluge d’Al-Aqsa », mais son véritable titre est celui des prisonniers palestiniens, auxquels Sinwar est resté fidèle, étant lui-même un ancien prisonnier libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers appelé « Loyauté des libres ».

Sinwar a passé 23 ans de sa vie en prison, dont quatre à l’isolement, mais il n’a pas perdu une seule de ces années. Il a appris l’hébreu et tout ce qu’il pouvait sur son ennemi, allant même jusqu’à formuler et exécuter un plan de renseignement à long terme derrière les barreaux, ce qui, à l’époque, était d’une grande portée. Sinwar a beaucoup étudié et réfléchi, et il a également écrit. Bien que nous n’ayons pas à « entrer dans l’esprit de Sinwar », je pense que nous devrions au moins « apprendre à connaître sa pensée », pour utiliser une expression moins intrusive.

Mais ce qui est peut-être plus facile que de « pénétrer dans l’esprit de Sinwar », c’est de lire les écrits qu’il a rédigés après des années d’isolement, de contemplation et d’étude.

 En 2004, après une opération complexe et de longue haleine qui a nécessité de grands efforts et le recrutement de nombreux prisonniers, Yahya Sinwar, alors prisonnier, a publié son roman, Al-Shawk wa’l Qurunful [Épines et œillets, ou, comme le voulait l’auteur, Épines d’œillets]*. Le roman traite d’un aspect de l’histoire de la lutte palestinienne au cours de la période historique allant de 1967 à l’Intifada Al-Aqsa du début des années 2000, et de l’émergence du mouvement islamique dans la résistance palestinienne - en particulier le Mouvement de résistance islamique, ou Hamas - dans son contexte social, politique et culturel.

Le roman raconte une histoire qui commence dans une maison d’un camp de réfugiés à Gaza et qui façonnera les valeurs et les choix de ces enfants, qui grandiront pour devenir des figures actives et clés du Mouvement de la résistance islamique. L’histoire s’étend ensuite à la famille, aux voisins, aux habitants du camp, à la bande de Gaza, à la Cisjordanie et au reste des territoires occupés, où chaque personnage forme une pierre qui construit l’expérience du Mouvement de la résistance islamique au cours de ces années.

Le roman historique, réceptacle de la philosophie

Ce roman met en scène des personnages fictifs, mais tous les événements sont réels ; l’aspect fictif provient de la transformation de ces événements en une œuvre qui remplit les conditions d’un roman, comme l’auteur l’indique dans l’introduction. Le choix de l’auteur, avant tout politique et militaire, de documenter cette étape charnière de l’histoire de la résistance armée et de la transmettre sous cette forme créative et romanesque indique qu’il s’agit d’une tentative qui va au-delà de la simple narration de l’histoire et de ses événements. Le roman historique n’est pas seulement un reflet des événements du passé ; c’est une exploration profonde des forces philosophiques et morales qui façonnent les mouvements historiques. Les personnages des romans historiques incarnent et mènent des luttes philosophiques dans le contexte de leur époque [1], c’est-à-dire qu’ils permettent de comprendre la relation complexe entre les croyances personnelles et l’étendue de l’histoire. Quant à l’auteur, il est l’une des figures pionnières du Hamas, qui a assisté à sa création et contribué à sa formation et à son développement depuis sa jeunesse jusqu’à aujourd’hui. En s’écartant des limites de l’historiographie traditionnelle pour aborder des luttes dramatiques novatrices dans l’histoire, il explore ses dimensions philosophiques, en particulier l’impact des croyances sur l’histoire. Dans le contexte de l’histoire du Hamas, cela lui permet de formuler une philosophie pour le mouvement de résistance islamique.

L’histoire est racontée du point de vue d’Ahmad, le fils du camp de réfugiés qui ouvre les yeux pour la première fois sur la dureté du monde : le camp, la guerre et la disparition de son père, un combattant de la résistance, sans laisser de traces. Ahmad observe l’environnement et les conditions de vie du camp, la pauvreté, le froid, la pluie qui s’infiltre par le plafond pendant qu’ils dorment et les suit jusqu’à leur salle de classe à l’école de l’UNRWA. Il observe la communauté du camp et sa culture, voyant le souci de sa mère pour l’honneur et la réputation des autres - surtout quand il s’agit de leurs filles - et sa sévérité en la matière. Inversement, il éprouve de la joie à accompagner son grand-père à la prière et aux réunions sociales dans la mosquée du camp.

Ahmad observe les transformations politiques dans le camp, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans l’ensemble des territoires occupés ; il est témoin des couvre-feux, des sièges, de la chasse incessante aux résistants et des punitions collectives. Il est témoin de la normalisation de l’occupation, de la stabilité matérielle, des permis de travail et des voyages d’agrément dans les territoires occupés, grâce auxquels de plus en plus d’individus sont contraints et forcés de collaborer avec l’ennemi. Ahmad observe les prisons israéliennes dont lui, ses frères, ses proches et ses connaissances sont sortis, témoignant du pouvoir de la détermination et de l’organisation pour changer la réalité. Plus important encore, Ahmad observe comment les armes et la lutte pour la liberté évoluent en réponse à ces conditions, en voyant des hommes qui ont été façonnés par la résistance et qui, à leur tour, l’ont façonnée. Ahmad retrace l’émergence du Hamas en suivant les personnages qui l’ont formé, développé et incarné, résumé dans son cousin Ibrahim, le fils du martyr qui a grandi avec lui dans la même maison avec la même mère, et qui est devenu un modèle de véritable leadership et de construction de la destinée politique.

Le narrateur joue le rôle d’un observateur participant : il ne se contente pas de regarder, mais il accompagne Ibrahim dans son travail, son éducation et son parcours de lutte. Bien qu’il ait rejoint Ibrahim dans les manifestations, qu’il ait organisé des sit-in religieux et éducatifs dans la mosquée Al-Aqsa et qu’il ait assuré la sécurité en chassant les collaborateurs, le narrateur n’a pas adhéré officiellement au mouvement jusqu’à la fin : « Bien que je ne me considère pas comme un membre ou un partisan du “Bloc islamique”, je n’avais pas d’autre choix que d’élire mon cousin et sa liste, car notre vie commune et mon admiration personnelle pour lui ne me permettaient pas de faire autrement ».