المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

17/04/2023

OFER ADERET
La théorie de la race des ténèbres colportée par le premier sexologue hébraïque, Avraham Matmon
La variante sioniste de l’eugénisme

Ofer Aderet, Haaretz, 15/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La théorie raciale du premier sexologue de l’Israël d’avant l’État [sic], qui préconisait de décourager certains individus “défectueux” d’avoir des enfants, a été défendue par des figures de proue du mouvement sioniste. L’idée a continué à être discutée même après l’arrivée au pouvoir des nazis.

Des mères et leurs bébés dans une clinique de Yehud, en 1950. C’est, écrit le sexologue Avraham Matmon, « précisément ceux qui se trouvent au niveau inférieur qui ont le plus d’enfants et leur transmettent leurs traits et leurs propensions ». Photos : Zoltan Kluger / GPO

En 1933, l’année où les nazis sont arrivés au pouvoir en Allemagne, une brochure de 20 pages a été publiée en Palestine mandataire sous le titre “Amélioration de la race de l’espèce humaine et sa valeur pour notre peuple”. L’auteur, le sexologue Avraham Matmon, né à Odessa et ayant grandi à Tel Aviv, était revenu quelques mois plus tôt de Berlin pour s’installer dans cette ville, où il avait créé l’Institut d’hygiène et de science sexuelle. Cet institut proposait au public des traitements pour les problèmes sexuels, des conseils en matière de contraception et d’autres informations. La brochure publiée par l’institut s’ouvre sur l’explication du Dr Matmon, qui explique pourquoi la qualité est plus importante que la quantité lorsqu’il s’agit de respecter le commandement “soyez féconds et multipliez-vous”. En d’autres termes, la conviction que la nation doit contrôler - et limiter - la reproduction.

« Pour que le peuple ne dégénère pas, il faut veiller non seulement à sa valeur quantitative mais aussi à sa qualité », écrit-il. « Une grande partie des gens qui pensent, en particulier les intellectuels, croient que la taille, l’avenir et la force de la nation dépendent de la conclusion du plus grand nombre de mariages et des naissances qui en découlent. Ils n’accordent pas beaucoup de valeur à l’essence du nouveau-né, qu’il soit faible ou fort, intelligent ou ignorant, qu’il devienne un penseur et qu’il soit utile aux autres, ou qu’il devienne un criminel et qu’il nuise à la société ».

Pour contrer cette approche, Matmon a présenté un point de vue ostensiblement scientifique, basé sur la théorie de l’hérédité. Les partisans de cette théorie, note-t-il, savent qu’ « un peuple dont beaucoup de membres souffrent de défauts transmis génétiquement finira par dégénérer ». Ses prévisions sont inquiétantes. « Il y a un grand nombre de personnes qui, d’après la structure de leurs organes, ne peuvent pas être considérées comme pleinement robustes », a-t-il averti. À titre d’exemple, il a cité « les défauts de la vue, qui sont si fréquents chez notre peuple », et a poursuivi en expliquant : « Sans aucun doute, nous avons ou avons eu une propension particulière à cet égard : Deux mille ans de vie dans l’obscurité de l’exil du ghetto y ont contribué. »

Mais ce ne sont pas seulement les lunettes portées par de nombreux juifs qui préoccupent Matmon. « Nous mentionnerons d’autres états de faiblesse, comme la faiblesse des nerfs - une propension que beaucoup acquièrent par hérédité ». Il cite de nombreux « troubles psychiques », comme il les appelle, « qui produisent... une tendance au suicide, à des états mentaux médiocres... à la mélancolie... à la psychopathie de différentes sortes combinée à la dépression, et à des individus dont l’état mental est instable ». Tous ces troubles, affirme-t-il, sont transmis par l’hérédité et provoquent la dégénérescence du peuple juif.

Les chiffres cités par Matmon parlent d’eux-mêmes. Dans les seules institutions éducatives de Tel Aviv, il dénombre « plus de 25 sourds-muets et plus de 30 enfants déficients et semi-imbéciles ». Selon les tableaux de la brochure - dont la source provient du livre La sociologie des juifs d’Arthur Ruppin (à l’époque, président de l’Agence juive) - les Juifs du monde entier souffraient davantage de défauts génétiques que les Chrétiens. En Hongrie, par exemple, le nombre de sourds, d’“aliénés” et de “déments” était plus élevé chez les Juifs que dans la population chrétienne.

Selon Matmon, la différence entre “aliénés” et “déments0148 est que les premiers sont « des personnes qui étaient saines d’esprit à l’origine et dont l’activité mentale a été perturbée au fil du temps », tandis que les déments sont « des malades mentaux de naissance ». Des données inquiétantes ont également été enregistrées en Prusse à la fin du 19e siècle, où, sur 100 000 Juifs, 492 étaient atteints de troubles mentaux, 105 étaient aveugles et 130 étaient sourds - des chiffres bien plus élevés que dans la population chrétienne.

« Une telle situation ne doit pas perdurer, car d’année en année, le nombre de personnes présentant des défauts augmente », écrit Matmon. L’une des raisons de cette situation, selon lui, est que « précisément ceux qui se trouvent à un niveau inférieur ont plus d’enfants et leur transmettent leurs traits de caractère et leurs propensions ». Expliquant l’importance de contrôler le caractère et la qualité des générations à venir, il écrit dans la brochure : « La meilleure matière... est celle qui va toujours de l’avant, qui pousse le peuple ou, plus exactement, qui tire le peuple vers l’arrière ». Il ajoute : « N’oublions pas les nombreuses dépenses que chaque culture consacre à ces individus dégénérés. »


Avraham Matmon

Après cette introduction, l’auteur pose la question cruciale. « Nous sommes donc confrontés à la question de savoir comment nous devons nous tenir sur la brèche. Devons-nous nous contenter d’organiser des foyers et des abris pour ces malheureux, ou devons-nous les laisser circuler sans aucune surveillance jusqu’à ce qu’ils disparaissent de la surface du globe ? » Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il en vient au fait. « Nous devons prendre le destin de ces gens en main. Leur donner l’aide et l’abri nécessaires, et en même temps influencer leur reproduction et l’orienter d’une manière qui convienne à la société », écrit-il.

« Tel est le nouveau rôle de l’hygiène moderne : protéger l’humanité du flot des inférieurs et leur barrer la route de la pénétration en leur refusant la possibilité de transmettre leur infériorité aux générations futures ». La théorie scientifique sous l’égide de laquelle l’action doit être menée est, selon lui, une « nouvelle branche de l’hygiène : l’hygiène de la reproduction, c’est-à-dire l’eugénisme, ou l’amélioration de la race humaine ».

Matmon était issu d’une famille juive sioniste distinguée. Son père, Yehuda Leib Matmon Cohen, et sa mère, Fanya Matmon Cohen, faisaient partie des 66 familles fondatrices de Tel-Aviv et ont contribué à la création de l’emblématique lycée de Tel-Aviv, Gymnasia Herzliya. L’épouse du Dr Matmon, Tehila, était active dans la défense des droits des femmes et a fondé un journal féministe, "Ha’isha Bamedina" ("La femme dans l’État"), qui réclamait une représentation égale des femmes dans la société israélienne.

L’essor de l’eugénisme

Quatre-vingt-dix ans après l’arrivée au pouvoir des nazis, il est difficile, à première vue, d’imaginer comment un juif, qui allait être épargné du sort de six millions de ses coreligionnaires uniquement parce qu’il avait émigré très tôt en Palestine, a pu écrire dans cette veine - et en hébreu de surcroît. À l’époque, cependant, l’eugénisme comptait de nombreux adeptes sincères et honnêtes. Il a été conçu à la fin du XIXe siècle par le polymathe britannique Francis Galton, qui a également inventé le terme “eugénisme”, qui fait référence à l’amélioration de la qualité génétique de la race humaine par la reproduction sélective. Au début du 20e siècle, la théorie était populaire en Europe occidentale et aux USA, et certains pays autorisaient légalement la stérilisation des personnes dites “faibles d’esprit” ou “folles”, ainsi que des criminels et des autres personnes jugées “inutiles”. [En Suède, par exemple, 63 000 personnes ont été stérilisées entre 1934 et 1976 pour des raisons “eugéniques”, en particulier des Rroms et des tattare, nomades dits “de race mixte”, qu’on prenait pour des Tatars, NdT]

Dans le mouvement sioniste aussi, certains ont défendu des aspects de la théorie, notamment des personnalités publiques, des dirigeants et des médecins, qui considéraient le judaïsme comme une race à cultiver. Parmi ces partisans, on trouve le fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl (« La race juive [en allemand, il utilisait le terme Stamm, tribu, souche, NdT] doit être améliorée immédiatement, pour faire des Juifs de bons combattants, aimant le travail et vertueux ») ; Max Nordau, cofondateur avec Herzl de l’Organisation sioniste (« Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour élever les Juifs orientaux, qui dégénèrent, à un niveau économique, moral et spirituel plus élevé ») ; et Arthur Ruppin (« Pour préserver la pureté de notre race, les Juifs comme ceux-ci doivent s’abstenir d’avoir des enfants »). Il y avait aussi des médecins, comme le Dr Yosef Meir, qui a donné son nom à l’hôpital Meir de Kfar Sava (« N’ayez pas d’enfants si vous n’êtes pas sûrs qu’ils seront sains de corps et d’esprit »).

Les nazis ont adopté certains des principes de la méthode lorsqu’ils ont développé la théorie raciale qui a servi de base à l’anéantissement du peuple juif. Des centaines de milliers d’Allemands - non juifs - ont également payé de leur vie. Dans le cadre d’un programme d’« euthanasie », des Allemands handicapés ou souffrant de troubles mentaux, entre autres, ont été assassinés sous les auspices de la loi pour la prévention de la descendance atteinte de maladies héréditaires. Les malades et les faibles étaient considérés comme une nuisance dont les besoins interféraient avec la mise en œuvre de la vision allemande d’un peuple en bonne santé.

 

Deux pages du livre de Matmon

Des dizaines de médecins ont participé à cette opération d’assassinat de masse, qui s’est déroulée de 1939 à 1941. Elle a été interrompue suite aux protestations de l’opinion publique, mais s’est poursuivie clandestinement jusqu’à la fin de la guerre. Les enfants et adolescents handicapés physiques et mentaux étaient arrachés de force à leur famille et emmenés dans des “centres de santé” où ils étaient assassinés. Les familles recevaient des lettres les informant que leurs proches étaient morts d’une maladie. Les nazis ont ensuite mis à profit l’expérience acquise dans le cadre de ce projet lors du génocide des Juifs d’Europe.

Matmon n’a pas suggéré de tuer les personnes qu’il a désignées, mais il n’a pas mâché ses mots pour les décrire et dire comment elles devraient être “traitées”. « Si c’est le cas, que devons-nous faire maintenant ? "Comment le peuple doit-il agir pour empêcher la propagation de toutes ces personnes inférieures, qui abaisseront la nation à un niveau d’humanité très inférieur ? » Sa réponse : « Il n’y a qu’un seul moyen. Nous devons tout faire pour que ces êtres disparaissent du monde ».

Il a rappelé que dans l’ancienne Sparte, les enfants faibles et malades étaient tués « pour qu’ils ne deviennent pas un fardeau pour la population ». Cependant, ajoute-t-il, « nous ne pouvons pas nous permettre de tels moyens barbares ». De même, la castration et la stérilisation - cette dernière était pratiquée aux USA - ne sont “ni bonnes ni justes”. La stérilisation, selon lui, est appropriée pour les criminels, les prostituées “et leurs semblables”, mais « quel péché ont commis les honnêtes gens et les travailleurs tranquilles qui s’efforcent toujours de faire le bien, s’ils ont été affectés par un héritage qu’ils ont reçu de leurs parents ? Doivent-ils donc être considérés de la même manière que les criminels et les assassins ? »

D’autres, a-t-il écrit, ont suggéré d’interdire à ces personnes de se marier. « Mais là encore, la question se pose de savoir si nous sommes autorisés à prendre cette décision. Qui sommes-nous pour interdire aux gens, même s’ils sont inférieurs, de satisfaire les besoins dont ils ont été dotés par la nature ? Nous n’avons ni l’autorité ni le droit d’exiger de quiconque qu’il renonce à sa satisfaction naturelle pour notre tranquillité d’esprit et notre bien-être », écrit-il. De plus, « nous n’avons pas la capacité de modifier notre pulsion sexuelle, et il serait donc extraordinairement cruel de bloquer la pulsion sexuelle de ceux qui sont susceptibles de produire des nouveau-nés déficients ».

« Au contraire, poursuit-il, nous devons leur laisser la possibilité d’évacuer les forces qui couvent en eux, de peur qu’elles n’éclatent sans loi, sans ordre et sans régime, et n’entraînent la perdition d’une partie de l’humanité ».

Quelle était alors la solution ? Interdire aux personnes handicapées de mettre au monde une progéniture.

« Nous avons la pleine autorité et le droit moral suprême de leur interdire d’avoir une descendance, c’est-à-dire d’exiger qu’ils n’aient pas d’enfants pour répandre leurs défauts dans la société », écrit-il.

 

La liste des "tares héréditaires", selon Matmon, comprend l’homosexualité, le diabète, la dépendance à la cocaïne et la myopie extrême.

Le moyen d’y parvenir était basé sur l’éducation sexuelle telle qu’il l’enseignait dans son institut. C’est ce qu’il appelle le “contrôle des mariages”. Elle consiste à « examiner les futurs mariés pour savoir s’ils sont en bonne santé et s’ils n’ont pas de tares susceptibles d’être transmises génétiquement ; et en fonction de cela, [décider] s’ils peuvent ou non avoir des enfants ».

Il ajoute : « Il existe des moyens qui donnent aux personnes pathologiques, dont l’obligation sociale et morale est de ne pas avoir d’enfants, la possibilité de satisfaire leurs besoins sexuels sans craindre de créer une génération de misérables individus défectueux, d’idiots et d’invalides. C’est l’examen médical prénuptial, ou le contrôle des mariages, qui doit nous indiquer quelles personnes sont obligées d’utiliser ces moyens ».

Selon lui, l’objectif suprême est de nature nationale. « Améliorer la qualité de la nation et produire une génération, sinon supérieure, du moins saine de corps et d’esprit et totalement exempte de défauts ». À la fin de la brochure, Matmon ajoute une liste de “défauts héréditaires”, qui comprend la “faiblesse d’esprit”, la “maladie mentale”, le “désir passionné pour l’alcool, la cocaïne et la morphine” ; il n’omet pas les « formes perverties de désir sexuel telles que l’homosexualité et autres ». L’approche négative de Matmon à l’égard de l’homosexualité est surprenante, compte tenu du fait qu’il a été l’élève de Magnus Hirschfeld, un médecin et sexologue juif allemand [lui-même gay, NdT] considéré comme un pionnier du mouvement pour les droits des LGBTQ et qui a été contraint de s’exiler après l’arrivée au pouvoir des nazis. [Il choisit la France, où il mourut en 1935, NdT]

Résidus de la doctrine

Matmon conclut la brochure par une citation du “ministère de la santé en Prusse” - qui deviendra l’Allemagne : « Chaque personne a le devoir sacré - pour elle et pour son futur partenaire, pour sa progéniture et pour sa patrie - de déclarer à l’avance si son état de santé lui permet de fonder une famille ».

Il a continué à diffuser cette doctrine alors même que la mise en œuvre de la Solution finale était à son apogée et que ses répercussions se manifestaient dans le monde entier, y compris en Palestine. En décembre 1942, une annonce parut dans la presse quotidienne hébraïque, invitant le public à une conférence de Matmon sur « La race, l’hérédité et le but national ». Par la suite, pour des raisons évidentes, l’occupation judéo-sioniste de la théorie a été minimisée et cet épisode sombre de la vie de la nation a été relégué aux archives.

En même temps, comme le sait toute femme israélienne, juive ou non, qui tombe enceinte, les résidus de cette doctrine sont encore visibles, comme en témoignent les tests génétiques complets que propose la médecine moderne, dans le but de localiser le plus grand nombre possible de défauts et d’anomalies avant la naissance.

Matmon est entré dans le panthéon local grâce à un autre livre qu’il a publié en 1938, cinq ans après avoir exposé sa théorie de la race. Ce livre a connu un énorme succès, avec huit éditions et quelque 20 000 exemplaires. Intitulé “Sexualité humaine”, il était considéré comme « l’ABC de l’amour pour l’homme et la femme ». Matmon, qui est mort en 1974, était fier d’avoir réussi, grâce à son livre, à introduire dans la langue hébraïque moderne un mot qui est encore utilisé aujourd’hui : zikpa, qui signifie “érection”. [Ah bon, ils n’avaient pas de mot pour ça ? Ils ont piqué tellement de mots arabes qu’ils auraient pu “emprunter” intisab aussi, c'est quand même plus beau que zikpa. Ben mince alors ! NdT]

 

16/04/2023

GIDEON LEVY
Le tombeau de Joseph est l’avenir d’Israël

 Gideon Levy, Haaretz, 16/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le tombeau de Joseph est le tombeau d’Israël. Ce site étrange, situé dans la ville palestinienne de Naplouse, en Cisjordanie, est le nouveau Mini Israël. Si le parc original, près de Latrun, compte 385 miniatures censées montrer le beau visage d’Israël, dans le quartier oriental de Naplouse, un seul modèle suffit pour montrer où nous allons. L’avenir est déjà là, dans cette tombe.



Au “Tombeau de Joseph”, près de Naplouse, en novembre dernier. Photos : Emil Salman

 

Tout y est, dans ce tombeau maudit : le messianisme, l’intégrisme, la violence, les troupes d’assaut, le piétinement de la dignité de l’autre nation, la seigneurie, la pourriture morale, l’impéritie ultranationaliste et la corruption.

Dans un article magistral - dommage qu’il n’y ait pas de prix Pulitzer israélien - Hagar Shezaf et Deiaa Haj Yahia (Haaretz en hébreu, 13 avril), révèlent la scène dans toute sa laideur. La plupart des maux d’Israël, en particulier ceux de l’occupation, en un seul ticket. Allez à la Tombe de Joseph - et voyez-nous.

Il y a moins de deux mois, le photographe Alex Levac et moi-même avons rendu visite à Yazid Amer, un jeune Palestinien épileptique, dans sa maison du quartier Aïn Sirin de Naplouse, qui donne sur le tombeau. Dans la nuit du 15 janvier, nouvelle invasion juive, Amer, 24 ans, malade, est traqué par les soldats qui assurent la sécurité de ces pèlerinages païens. Fragile et tremblant, il est attaché et laissé à l’air libre toute la nuit, jusqu’à ce que les envahisseurs quittent sa ville. Depuis, son état de santé s’est dégradé. Mais Amer est la victime facile de ces pèlerinages insensés. Sept Palestiniens ont été tués l’année dernière pour que Rivka, coiffée d’un couvre-chef, puisse se prosterner sur la tombe. Grande voyageuse, elle sait qu’ici « les prières sont vraiment exaucées ».

Voici comment les prières sont exaucées : Chaque invasion signifie une nuit de terreur pour les habitants et une nuit agitée pour les centaines de soldats déployés dans la ville pour garder les bus blindés transportant le groupe sacré, qui est séparé par sexe bien sûr : les hommes à l’avant et les femmes à l’arrière.

Ceux qui se trouvent derrière les vitres du bus n’ont aucune idée du prix que les habitants de la ville paient pour qu’eux puient se prosterner sur cette structure misérable. Une structure pour laquelle il n’existe aucune preuve - archéologique ou autre - que c’est bien là que le Joseph biblique a été enterré. Et même si c’était le cas, qu’est-ce que ça changerait ? Les pèlerins juifs ne voient pas non plus le camp de réfugiés de Balata, situé à proximité, car ils ne veulent pas le voir. Il n’y a pas d’humains qui vivent à Balata ou à Naplouse.

Le tombeau doit être préservé et rénové. Des sous-traitants de la sécurité israélienne, connus sous le nom de policiers palestiniens, gardent le tombeau lorsqu’il n’y a pas de Juifs. Lorsque des Juifs arrivent, les policiers palestiniens doivent partir en disgrâce. Le tombeau est géré par une association religieuse à but non lucratif, la Fondation pour le patrimoine du Tombeau de Joseph : Qu’est-ce que le “patrimoine du tombeau” au juste ? Une entreprise, Har Kabir, fondée par un colon d’un avant-poste illégal, profite des travaux de rénovation. Les Juifs n’ont pas laissé les habitants de la ville rénover le tombeau, situé au cœur d’un quartier palestinien, de peur qu’ils ne le souillent.

Chaque “visite” s’accompagne de tirs, de destructions et parfois même de morts. Le jour où un journaliste de Haaretz a participé au voyage, deux Palestiniens ont été tués pour le rituel, mais qui compte ? Et qui s’en soucie ? Chaque visite transforme la région en champ de bataille, et les habitants se cloîtrent chez eux et attendent l’aube dans la terreur, tandis que les jeunes tentent en vain de chasser les intrus à coups de pierres.

Yossi Dagan*, un macher [“faiseur” en yiddish, inluenceur, NdT] des colons, tire un capital politique de chacune de ces visites. Le conseil régional de Samarie, qu’il dirige, s’occupe de l’organisation et du transport ; Dagan, comme à son habitude, s’assure de prendre des selfies avec des célébrités. Cette folie transcende les gouvernements. Comme pour toutes les questions liées à l’occupation, en Israël, il n’y a pas de réelle différence entre les gouvernements, entre la gauche et la droite. Personne n’ose mettre fin à cette folie.

 C’est ainsi dans le pays des colons qui ont un État. Lorsque Shezaf a participé à la visite, elle a vu une femme âgée lancer des bonbons au caramel sur la foule. Un cri s’est élevé de la section des hommes : « Je suis dans une bonne situation dans ma vie, mes amis, je suis dans une bonne situation ». Un cri exalté similaire a peut-être été entendu lorsque Ahmed Shahada, 16 ans, agonisait à l’extérieur, après que les soldats l’eurent abattu lui aussi.

NdT
*Yossi Dagan, président du "Conseil régional de Judée et Samarie", structure représentant les colons illégaux de Cisjordanie, en est aussi le "ministre des Affaires étrangères et des Relations publiques"; il a organisé plusieurs opérations au Parlement européen avec le groupe d'eurodéputés Amis de la Judée et Samarie, crée en 2017 pour propager une interdiction du mouvement BDS, lever les barrières européennes à l'importation de produits des colonies et faire suspendre les subventions européennes à l'Autorité palestinienne. Le groupe, qui compte 15 députés, est dirigé par Petr Mach, un Tchèque du Parti des citoyens libres, libertarien et ami de Madame Le Pen. Pane [Monsieur] Mach appelle la Cisjordanie..."Judeamaria". Un vrai macher.

NICOLAS PELHAM
On le savait dissolu, le voilà dissous : le mystère de la déliquescence du roi du Maroc

Nicolas Pelham, 1843Magazine/The Economist
Illustrations Michelle Thompson. Images : Getty
Traduit par  Tafsut Aït Baamrane


Nicolas (“Nick”) Pelham écrit sur le monde arabe pour The Economist et la New York Review of Books. Depuis son premier poste de rédacteur en chef du Middle East Times, basé au Caire, il a passé 20 ans à étudier et à travailler dans la région. Il a été correspondant pour la BBC, le Financial Times et The Economist à Rabat, Amman, Jérusalem et en Irak, emmenant souvent avec lui son infatigable famille. Il est l’auteur de A New Muslim Order : The Shia and the Middle East Sectarian Crisis (2008), co-auteur de A History of the Middle East (2010) et auteur de Holy Lands : Reviving Pluralism in the Middle East (2016). S’éloignant parfois du journalisme, il a été analyste principal pour l’International Crisis Group et a travaillé pour les Nations unies et le Royal Institute of International Affairs, réalisant des reportages sur l’économie des tunnels de Gaza et la montée des Bédouins dans la péninsule du Sinaï.

En 2018, un kick-boxeur allemand s’est lié d’amitié avec Mohammed VI. Le monarque a rarement été vu depuis


Il y a cinq ans, une image inhabituelle est apparue sur Instagram. On y voyait Mohammed VI, le roi du Maroc âgé de 54 ans, assis sur un canapé à côté d’un homme musclé en tenue de sport. Les deux hommes étaient serrés l’un contre l’autre avec des sourires assortis, comme deux enfants en colonie de vacances. Les Marocains étaient plus habitués à voir leur roi seul sur un trône doré.

L’histoire qui se cache derrière la photo est encore plus étrange. Abou Azaitar, l’homme de 32 ans assis à côté du roi, est un vétéran du système pénitentiaire allemand ainsi qu’un champion d’arts martiaux mixtes (MMA). Depuis qu’il s’est installé au Maroc en 2018, son fil Instagram rempli de blingbling a fait frémir l’élite conservatrice du pays. Il ne s’agit pas seulement des voitures clinquantes, mais aussi du ton étonnamment informel avec lequel il s’adresse au monarque : « Notre cher roi », écrit-il à côté d’une photo d’eux deux. « Je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour nous ».

Une crise se prépare au Maroc, et le kick-boxeur rayonnant en est le cœur. Le pays est considéré comme l’une des réussites du monde arabe. Son industrie automobile est florissante, ses souks médiévaux et ses riads tranquilles séduisent les touristes occidentaux. Le Maroc semble avoir tout le charme du Moyen-Orient [sic], sans son agitation.

Un ancien fonctionnaire estime que le roi a été absent du pays pendant 200 jours l’année dernière

Mais les 37 millions d’habitants du Maroc sont confrontés aux mêmes problèmes que ceux qui ont secoué une grande partie du monde arabe au cours de la dernière décennie : manque d’emplois, inflation galopante et services de sécurité oppressifs. Jusqu’à présent, ces problèmes n’ont pas entraîné de graves bouleversements, en partie grâce à l’introduction rapide de réformes constitutionnelles par le roi au plus fort du printemps arabe en 2011. Mais aujourd’hui, l’agitation se profile à l’horizon et le roi, selon les initiés, ne se montre guère.

Depuis quatre ans, Azaitar et ses deux frères monopolisent l’attention du monarque. Selon un initié de la Cour, les conseillers ont tenté de réduire l’influence des Azaitar, mais en vain. Certains fonctionnaires semblent même s’être entendus pour publier des articles exposant le passé criminel et les extravagances présumées d’Azaitar. Le roi semble imperméable.

Mohammed n’est pas seulement distrait, il est souvent totalement absent. Il aimait voyager et prendre des vacances avant de rencontrer les Azaitar, mais cette tendance semble s’être nettement accentuée. Parfois, il se cloître avec les frères dans un ranch privé de la campagne marocaine. Parfois, le groupe s’échappe dans un refuge en Afrique de l’Ouest. Lorsque le Gabon s’étiole –“"tellement ennuyeux, il y a une plage mais rien d’autre à faire”, se lamente un membre de l’entourage - ils descendent à Paris. Un ancien fonctionnaire estime que le roi a passé 200 jours hors du pays l’année dernière.

“Nous sommes un avion sans pilote”, s’inquiète un fonctionnaire

M6 est apparu pour la première fois en public avec les Azaitar le 20 avril 2018, lors d’un événement célébrant leurs prouesses en MMA. Sur les photos communiquées à la presse, le roi et les trois frères se pressent ensemble en tenant une ceinture de championnat de MMA.

Au fur et à mesure que leur amitié se renforçait, Azaitar a commencé à poster des photos de lui avec le roi. Lui et ses frères ont rejoint la maison itinérante du roi - en tant qu’“entraîneurs personnels”, aurait-on dit aux fonctionnaires - et ont amené leur famille et leurs amis avec eux. À certains égards, cette amitié a été salutaire. Le roi, qui avait un peu d’embonpoint lorsqu’il a rencontré les frères, a souffert d’asthme et de problèmes pulmonaires. Les combattants en cage ont installé une salle de sport dans le palais et il a commencé à s’entraîner. Son visage a commencé à perdre ses bouffissures et il est apparu de plus en plus détendu, presque en forme.

Le roi, quant à lui, a comblé les frères de largesses. À la mort de leur mère, il leur a permis de l’enterrer dans l’enceinte de son palais à Tanger. Les frères ont acquis de précieux biens immobiliers en bord de mer et ont fait étalage de leur mode de vie sur les réseaux sociaux. « Ils utilisent des jets militaires, ils ont carte blanche pour fonctionner dans le palais comme ils l’entendent, ils peuvent aller au garage et prendre les voitures qu’ils veulent », explique un initié de la famille royale. « C’est vraiment bizarre ». (Le magazine 1843 a transmis les allégations de cet article aux Azaitar et au gouvernement marocain, mais n’a reçu aucune réponse).

Lire la suite

Le fugitif de l’affaire Ayotzinapa interviewé par un magazine israélien : accusé de dissimulation, Tomás Zerón dénonce les persécutions politiques du gouvernement mexicain

National Security Archive (Archives de la sécurité nationale), 14/4/2023
Document établi par Kate Doyle et Claire Dorfman

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Fondées en 1985 par des journalistes et des universitaires usaméricains pour lutter contre la montée du secret gouvernemental, les National Security Archive combinent un éventail unique de fonctions : centre de journalisme d’investigation, institut de recherche sur les affaires internationales, bibliothèque et archives de documents usaméricains déclassifiés (“la plus grande collection non gouvernementale au monde” selon le Los Angeles Times), principal utilisateur à but non lucratif de la loi usaméricaine sur la liberté de l’information, cabinet juridique d’intérêt public défendant et élargissant l’accès du public aux informations gouvernementales, défenseur mondial du gouvernement ouvert, et indexeur et éditeur d’anciens secrets.

 

Washington, D.C., 14 avril 2023 - La tournée de réhabilitation de Tomás Zerón a commencé.


Cette semaine, le magazine israélien Sheva Yamim (7 Jours) a publié une interview extraordinaire et exclusive de l’ancien fonctionnaire mexicain accusé d’avoir orchestré la dissimulation de l’une des violations des droits humains les plus tristement célèbres du pays. Dans l’article, Zerón, l’ancien enquêteur principal sur les disparitions des étudiants d’Ayotzinapa en 2014, parle de son enfance, de sa carrière dans les forces de l’ordre au Mexique et de sa vie actuelle à Tel Aviv, révélant des détails qui n’ont jamais été publiés dans un média mexicain.

Il fournit également un compte rendu intéressé de son rôle dans la direction de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa - l’enlèvement et la disparition de 43 étudiants le 26 septembre 2014 - qui a choqué le Mexique par son audace, par l’incapacité du gouvernement à résoudre l’affaire et par des preuves indiquant qu’il faisait obstruction à sa propre enquête.

Lorsque les garçons ont disparu, Zerón dirigeait l’Agence des enquêtes criminelles (AIC), considérée comme le FBI mexicain. Aujourd’hui, il est accusé de multiples crimes liés à l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa, notamment d’obstruction à la justice et de torture de suspects. Interpol a lancé une notice rouge à son encontre et le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel López Obrador le considère comme un fugitif.


Notice rouge dInterpol concernant Tomás Zerón de Lucio, qui est actuellement en fuite en Israël et fait lobjet dune demande dextradition du Mexique, où il doit répondre daccusations liées à son rôle dans létouffement de lenquête sur le massacre dAyotzinapa.

Dans l’entretien qu’il a accordé à Sheva Yamim, supplément du week-end de l’un des plus grands quotidiens israéliens, Yediot Ahronoth, Zerón affirme catégoriquement qu’il est innocent. Il continue d’insister sur l’exactitude de ses découvertes en 2014 et 2015 - découvertes qui ont servi de base à l’explication largement discréditée de la “vérité historique” pour les attaques contre les étudiants. Il considère les accusations portées contre lui comme une campagne de persécution politique menée par le président du Mexique.

Au-delà de ce que l’article nous apprend sur la vie et les hauts faits de Tomás Zerón, son interview par le magazine israélien - accompagnée d’une belle photographie - est un coup de maître en matière de relations publiques. Il semble également qu’il s’agisse de sa tentative la plus forte pour se débarrasser des problèmes judiciaires auxquels il est confronté dans son pays d’origine.

L’article commence par la description d’une rencontre improbable à Tel Aviv entre Zerón et un émissaire du président Lopez Obrador, Alejandro Encinas, le sous-secrétaire aux droits humains du Mexique et l’homme qui a supervisé les nouveaux efforts du gouvernement pour résoudre l’affaire Ayotzinapa depuis décembre 2018.

À l’insu d’Encinas, la réunion a été secrètement enregistrée.

« Vers dix heures du matin du 16 février [2022], une équipe de trois experts du renseignement et de la surveillance secrète est arrivée au “Greco Ozari”, un restaurant grec renommé du nord de Tel-Aviv... Ils se sont assis à côté de l’une des tables, ont commandé quelque chose à manger et à boire, mais ont surtout cherché le meilleur endroit dans le restaurant où ils pourraient installer les caméras et les microphones. »

L’article ne révèle pas qui a ordonné l’enregistrement.

Une fois assis dans le restaurant, comme l’a précédemment rapporté le New York Times, Encinas a tenté de minimiser les accusations portées contre Zeron et de le convaincre d’aider à résoudre l’affaire, assurant Zerón que ni lui [Encinas] ni le président Lopez Obrador ne voulaient qu’il aille en prison. Encinas a presque supplié Zerón de lui fournir des informations sur ce qui était arrivé aux étudiants, en lui promettant le soutien du président. Dans l’interview accordée à Sheva Yamim, Zerón se moque de la tentative maladroite d’Encinas : « Il devait être très naïf, ou peut-être désespéré, s’il pensait pouvoir me convaincre, avec ces promesses et ces mots, de retourner dans un endroit (le Mexique) où une campagne de persécution politique, entièrement basée sur des mensonges, est menée contre moi. »

Cette rencontre a peut-être anéanti toute chance qu’Israël renvoie Zerón au Mexique. Bien que López Obrador ait froissé des diplomates en critiquant publiquement Israël pour ne pas avoir renvoyé Zerón, l’article montre clairement que ce sont les propres mots d’Encinas lors de la conversation enregistrée secrètement qui sont les plus préjudiciables à la requête du Mexique. Comme le dit un haut fonctionnaire israélien dans Sheva Yamim, ces commentaires pourraient être “le dernier clou dans le cercueil” de la demande d’extradition.

Dans l’entretien, Zerón, 60 ans, raconte qu’il a grandi dans une famille de la classe moyenne à Mexico, qu’il est l’un des quatre fils d’un père comptable et d’une mère femme au foyer.

« Je ne suis jamais allé dans une école privée », dit-il. » J’ai toujours fréquenté des écoles publiques ». Enfant, il rêvait d’une carrière militaire, mais après le lycée, sous la pression de sa famille, il a continué à étudier l’administration des affaires à l’université. Il a ensuite obtenu une maîtrise en droit, bien qu’il n’ait jamais été agréé en tant qu’avocat. Il a commencé sa carrière dans les affaires - Zerón a été l’importateur qui a introduit au Mexique la marque de mode française Lacoste, par exemple - mais la récession au Mexique a fini par avoir raison de lui ».

L’article décrit comment, à la suite de la perte de son entreprise, Zerón « s’est retrouvé à travailler pour la police fédérale mexicaine » en 2007, travaillant « principalement dans le domaine économique ». Parce qu’il « ne s’entendait pas avec le secrétaire à la sécurité publique » - Genaro García Luna, qui a été condamné en février 2023 par un tribunal fédéral usaméricain pour trafic de drogue et corruption - il a été licencié, selon l’article. (En revanche, des journalistes mexicains ont décrit Zerón comme un “disciple” de García Luna et ont rapporté qu’il avait été licencié pour mauvaise planification lors d’une violente confrontation avec des criminels armés à Cananea, Sonora, en 2007).

« C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à travailler pour la police de l’État de Mexico... C’est là qu’il a fait connaissance avec le monde du renseignement. “J’ai dit à la personne qui m’a recruté que je ne connaissais rien au renseignement”, raconte Zerón. Il m’a répondu : “Pas de problème, tu apprendras” ».

Il devait être un excellent élève. Bien que sa réputation en matière de collecte de renseignements, d’espionnage et de surveillance audio et vidéo clandestine ne soit pas mentionnée dans l’article du magazine israélien, les journalistes mexicains font état depuis des années du penchant de Zerón pour la collecte secrète d’informations sur ses amis comme sur ses ennemis. Dans une enquête publiée en 2020 dans le magazine d’information Emeequis, par exemple, des sources du système judiciaire fédéral ont déclaré que Zerón avait appris « le pouvoir de l’objectif caché » lorsqu’il travaillait pour l’État de México, et a conservé un disque dur contenant « des centaines d’heures d’enregistrements secrets entre Tomás Zerón et des hauts fonctionnaires des administrations Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto, capturés dans des situations compromettantes », y compris « des pots-de-vin, des paiements pour des faveurs louches » et « des mises à jour sur des affaires qui ont été résolues de sorte que des innocents sont allés en prison... ».

Selon Sheva Yamim, c’est au cours de son apprentissage dans le domaine du renseignement que Zerón a découvert Israël pour la première fois.

« Dans le cadre de sa formation, il s’est rendu en Israël en 2008 et y a suivi un cours de deux semaines sur la guerre et le renseignement. À son retour au Mexique, il s’est avéré être un agent de renseignement efficace, et ses responsabilités se sont accrues. Lorsque le gouverneur de l’État, Enrique Peña Nieto, a été élu président du Mexique, Zerón a rejoint la capitale avec lui et a été nommé chef de l’AIC, une nouvelle agence gouvernementale chargée de l’application de la loi, définie comme le "FBI mexicain" ».

Au Mexique, Zerón est peut-être surtout connu pour son lien avec l’achat du célèbre logiciel espion israélien Pegasus, qui a été utilisé par deux gouvernements successifs pour espionner non seulement des criminels, mais aussi des journalistes, des avocats, des militants des droits humains et même des défenseurs de la santé publique. Sheva Yamim rapporte :

« Zerón a été très impressionné par les technologies qu’il a vues lors de sa formation en Israël et dans les enceintes fermées de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine à Mexico, et il voulait que les services répressifs mexicains subissent une révolution technologique. À l’époque où il occupait un poste de haut niveau dans les services de renseignement et de répression mexicains, une série de contrats ont été signés avec des sociétés de renseignement israéliennes pour l’achat de systèmes de surveillance et de piratage destinés aux services de renseignement et de répression mexicains, notamment le système Pegasus de la société NSO pour la pénétration des réseaux téléphoniques. La signature de Zerón figure sur au moins un des contrats avec NSO. Ces systèmes ont été très utiles dans la guerre contre les cartels de la drogue, mais ils ont également été utilisés, selon les rapports de divers journalistes internationaux, pour surveiller les militants des droits humains, les personnalités de l’opposition politique et même les parents éplorés des jeunes disparus d’Ayotzinapa. »

Le magazine ne s’attarde pas sur l’utilisation abusive du logiciel espion par le Mexique pour cibler les citoyens, mais transmet le récit de Zerón sur son importance pour “attraper les criminels”, y compris, bien sûr, El Chapo.

Dans le magazine israélien, la biographie de Zerón évolue en douceur, passant d’un travail dans le “domaine économique” pour la police à un rôle central dans la capture du célèbre baron de la drogue et chef du cartel de Sinaloa, Joaquín “El Chapo” Guzmán Loera. L’article décrit Zerón comme une “rockstar du système judiciaire mexicain” après la capture d’El Chapo. « Je me souviens de la date à laquelle nous l’avons capturé - le 22 février 2014 », dit Zerón, qui a personnellement informé le président du Mexique de la bonne nouvelle. »

Le récit du début de la carrière de Zerón ne mentionne pas certaines des affaires désastreuses auxquelles il a été associé, notamment l’étrange affaire “Paulette”, lorsqu’il était directeur de la section des enquêtes et des analyses du bureau du procureur de l’État et qu’il a coordonné les efforts de renseignement liés à la disparition d’une enfant handicapée de quatre ans, Paulette Gebara Farah, de son domicile en 2010. Malgré les recherches intensives et très médiatisées menées par les enquêteurs dans l’appartement de la famille, le corps en décomposition de l’enfant a été retrouvé enveloppé dans des draps sous son lit, neuf jours après sa disparition. La décision du procureur général de l’État de déclarer que la mort de Paulette était un accident a suscité l’indignation et la suspicion.

Zerón raconte à Sheva Yamim son expérience dans la supervision de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa. Sa version suit fidèlement le récit que lui et le procureur général de l’époque, Jesús Murillo Karam, ont fait lors d’une conférence de presse à Mexico le 27 janvier 2015, lorsqu’ils ont annoncé la “verdad histórica” (vérité historique) sur l’affaire. Selon leur récit, les 43 étudiants ont été sortis des bus à Iguala par des policiers corrompus travaillant avec un groupe criminel local, les Guerreros Unidos. Les policiers les ont remis à des membres du gang, qui les ont emmenés dans une décharge à ciel ouvert dans la ville voisine de Cocula, où ils les ont tués par balles. Ils ont transporté les corps en bas d’une montagne d’ordures de 40 mètres et les ont brûlés dans un gigantesque feu de joie jusqu’à ce que leurs restes soient réduits à des fragments d’os et à des cendres avant d’être jetés dans la rivière San Juan.

L’article n’aborde pas les nombreuses questions sur la “vérité historique” soulevées par les familles des 43 étudiants et ne mentionne même pas les conclusions du groupe de cinq experts indépendants (GIEI) suggérant que Zerón pourrait avoir placé des preuves sur le site de la rivière San Juan, le témoignage de l’expert en incendie José Torero, qui a prouvé qu’un feu de joie de la nature décrite n’aurait pas pu incinérer 43 corps en une nuit, ou la contradiction posée par la découverte, en 2020, de restes d’étudiants à plus d’un kilomètre du dépotoir.

Interrogé sur les accusations selon lesquelles il aurait torturé des détenus pour les forcer à dire ce qu’il voulait entendre, Zerón nie avoir torturé qui que ce soit, malgré une vidéo dans laquelle on l’entend menacer de jeter un détenu du haut d’un hélicoptère, et une autre vidéo dans laquelle il dit à un autre qu’il le tuerait s’il lui disait des “mamadas” (conneries). « Lors de notre entretien, M. Zerón a déclaré que ces propos avaient été tenus dans le feu de l’action : “Vous parlez à ce meurtrier méprisable, vous comprenez ce qu’il a fait et avec quel sang-froid il a massacré ces pauvres étudiants, et vous explosez” ».

Pour Tomás Zerón, la décision d’accorder une interview à Sheva Yamim - pour parler de certains aspects de son passé, de sa vie personnelle et de sa carrière - était un exercice calculé de relations publiques. Il est probable que Zerón se soit senti à l’aise pour parler avec un journaliste israélien qui ne connaissait pas bien le Mexique et qui aurait peut-être été moins enclin à le presser sur certains détails de son passé. (Plusieurs erreurs dans l’article témoignent d’un manque de connaissance du Mexique. Par exemple, l’article fait référence à l’élection présidentielle de 2018, que « Peña Nieto a perdue en grande partie à cause de l’assassinat des étudiants ». Il n’y a pas de réélection au Mexique et Peña Nieto n’était donc pas candidat en 2018).

Ce n’est pas la première fois que Tomás Zerón tente de diffuser un message pour redorer son blason. Le 3 juin 2020, moins de trois mois après son inculpation au Mexique, un article a été publié sur Yahoo ! Finance vantant les mérites de Tomás Zerón en tant que courageux agent de la force publique injustement pris pour cible par un gouvernement corrompu. Intitulé « Tomás Zerón de Lucio (TZL) : Le héros persécuté du Mexique », l’article était une tentative maladroite de mobiliser le soutien en faveur de l’ancien enquêteur en fuite, avec des fautes d’orthographe, un langage maladroit qui n’a manifestement pas été écrit par un anglophone de naissance, et qui est présenté comme provenant d’Accesswire, une société de relations publiques qui place des contenus sur des sites ouèbe et auprès d’organismes de presse.

Les relations publiques et les équipes juridiques de Zerón se sont nettement améliorées au cours des années écoulées. Son profil dans Sheva Yamim n’est pas très différent, dans certains détails, de celui décrit dans Yahoo ! Finance, mais le nouvel article est plus long, bien écrit et comporte de bien meilleures photos.

Aujourd’hui, selon Sheva Yamim, Zerón est partenaire d’un restaurant mexicain à Tel Aviv. Il aime les longues promenades, les visites de sites historiques et la musique. « Je fais beaucoup de sport ici et je dors bien », explique-t-il. Après des années de travail intensif, j’ai maintenant du temps pour moi... ».

« Ma vie en Israël est aujourd’hui consacrée à la réflexion sur le sens de la vie, à la pensée et à l’apprentissage... En Israël, j’ai appris que certaines des bonnes choses de notre vie sont celles qui nous sont données gratuitement : la liberté, la sécurité, la nature, la santé et la véritable amitié. »

Tomás Zerón ne pourra peut-être jamais retourner au Mexique en raison de l’inculpation pénale qui pèse toujours sur lui. Mais il semble, d’après cet article, qu’il ait trouvé un nouveau foyer en Israël.

L’article publié dans le Sheva Yamim de Yediot Aharonot comporte deux titres : Ronen Bergman et Itay Ilnai. Bergman a contribué à l’élaboration d’un rapport détaillé sur la réunion secrètement enregistrée qui a eu lieu en février 2022 entre Alejandro Encinas et Tomás Zerón à Tel-Aviv, dont il a parlé dans un article publié en octobre dernier dans le New York Times. Ilnai a interviewé Zerón pour l’article de Sheva Yamim et a rendu compte de la conversation.

Afin de permettre la lecture et l’analyse de l’article, les Archives de la sécurité nationale ont fait traduire l’article en anglais à partir de l’original hébreu. La traduction reflète le texte original publié dans Sheva Yamim. Afin de préserver l’intégrité de l’article, les Archives de la sécurité nationale n’ont pas signalé ou corrigé les erreurs dans l’article traduit. Toutefois, par souci de clarté, il convient de noter que le journaliste de 7 Jours  a interviewé Zerón en anglais, puis a traduit l’entretien en hébreu pour le publier. Les National Security Archive ont ensuite traduit l’article hébreu en anglais et l’ont distribué à des journalistes et à des organisations au Mexique, dont certains ont par la suite traduit des parties de l’article en espagnol pour leurs lecteurs. [Voir La Jornada du 15 avril]

Plus important encore, l’analyse mexicaine et usaméricaine de l’article du Yediot Aharonot n’aurait pas été possible sans les efforts du traducteur Emmanuel Auerbach-Baidini, qui mérite toute notre reconnaissance pour sa traduction fidèle et complète du texte hébreu original.

ROSA LLORENS
L’Établi : un intellectuel chez les ouvriers

 Rosa Llorens, 16/4 /2023
Édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 

L’Etabli raconte l’expérience de Robert, normalien de 24 ans et militant maoïste, qui se fait embaucher*, en septembre 1968, chez Citroën pour connaître la condition ouvrière et organiser des actions de lutte ; le film adapte le livre du même titre de Robert Linhart, qui date de 1978.


C’est un film réussi, dans un genre malaisé : les ouvriers au cinéma sont souvent peu vraisemblables, et la rencontre entre ouvriers (ou paysans) et intellectuel est souvent décrite avec arrogance à l’égard des premiers (Le Christ s’est arrêté à Eboli, pourtant d’un grand cinéaste, Francesco Rosi, en fait foi). L’Etabli échappe à ces deux dangers et produit un récit de grève convaincant et émouvant. L’actualité du film est évidente dans le contexte de lutte actuel ; mais que peut-on penser aujourd’hui du mouvement des « établis » ?

L’usine Citroën** de Paris 13ème, cadre de l’action, a été reconstituée à Clermont-Ferrand, dans des locaux désaffectés de Michelin. Robert découvre les difficultés du travail sur une chaîne de montage, et a d’abord du mal à s’y habituer (maladroit, il commence par se blesser, et travaillera pendant une partie du film avec des bandages autour des doigts). Mais la pénibilité de ce travail vient surtout de son caractère répétitif, et de la vigilance permanente qu’il exige : le soir venu, l’ouvrier est abruti (là-dessus, plutôt que Les Temps modernes de Chaplin, il faut citer La classe ouvrière va au Paradis, d’Elio Petri, avec Gian Maria Volonté, de 1971 ). La tension psychique est encore accrue par la surveillance des agents de maîtrise, qui se traduit par d’incessantes humiliations, notamment à l’égard des ouvriers racisés ; c’est ce qui amènera l’un des climax du film, lorsqu’un Sénégalais, insulté, pète les plombs et agresse un agent de maîtrise raciste.

Cette présentation des conditions de travail et l’adaptation de Robert au travail manuel constitue le premier centre d’intérêt du film. Le deuxième est l’action militante de Robert, déclenchée, en janvier 1969, par la décision de la direction de « récupérer » les heures de travail « perdues » du fait des grèves de mai-juin 68 : les ouvriers devront, pendant plusieurs mois, travailler, gratuitement, 3/4 d’heure de plus par jour (ainsi les augmentations de salaire accordées lors des accords de Grenelle n’auront été qu’un miroir aux alouettes). Mais cette mesure humiliante va déclencher la révolte : ce sera le moment jubilatoire du film, lorsque les ouvriers, pour défendre leur dignité, s’organisent, autour de Robert, et que la grève rallie de plus en plus de travailleurs.

Mais la fierté retrouvée et l’action solidaire ne dureront que quelques jours : la direction passe à la contre-attaque, et organise un vote sur la grève, qu’elle ne se privera pas de truquer (les élections marquent souvent la fin des mouvements sociaux !). Commence alors la répression, avec le renvoi des meneurs. C’est le troisième temps, l’échec.

Le quatrième temps, c’est celui du bilan, de la réflexion, des questions. Jusque-là, Robert s’est efforcé de se fondre dans la masse des ouvriers, faisant de l’agit-prop (secondé, de l’extérieur, par un étudiant mao qui distribue des tracts à la sortie de l’usine), organisant, mais poussant certains des ouvriers au premier plan. Maintenant, la barrière de classe réapparaît : les conséquences ne seront pas les mêmes pour l’intellectuel établi, et pour les ouvriers qui perdent leur logement (attribué, en foyer, par l’usine) et leur gagne-pain. Robert s’interroge alors sur ses responsabilités : il a poussé les ouvriers à la grève, mais lui retrouve tous les soirs un confortable appartement bourgeois*** et même, une fois renvoyé, un poste de professeur à l’Université (de Vincennes (plus tard transférée à Saint-Denis, devenant Paris-8). Que doit-on penser de cette expérience des établis et de la façon dont le film en rend compte ?

Mathias Gokalp, le réalisateur, montre tout le monde (sauf bien sûr la direction et ses chiens de garde, agents de maîtrise et milice patronale) sous un jour très sympathique : les ouvriers, avec chacun son histoire, privilégiant un groupe de trois ouvrières yougoslaves chargées de monter une pièce délicate, le compteur de vitesse (dans la réalité, c’étaient des hommes qui faisaient ce travail), comme les militants. Parmi ceux-ci, il faut mettre à part le prêtre ouvrier, délégué CGT (Olivier Gourmet) : il est appréciable que Gokalp ne le diabolise pas, alors qu’à l’époque les groupuscules gauchistes étaient en guerre contre les communistes « révisionnistes » ; mais il n’a rejoint les ouvriers grévistes qu’à titre personnel, la direction de la CGT refusant de les soutenir. Quant aux militants gauchistes, ils sont tous solidaires des ouvriers, sans aucun intérêt personnel ou sectaire : Robert renonce même à un poste à l’Université (pas celle de Vincennes, peut-être la Sorbonne) pour partager les luttes et les problèmes des ouvriers : n’y a-t-il pas là un certain angélisme ? Elio Petri, lui, se montre plus caustique et désabusé : il montre un ouvrier manipulé par les gauchistes qui, lorsqu’il est licencié, lui expriment leur sympathie mais l’abandonnent à son sort.

Que penser finalement de cette expérience « transclasses » ?

Certes, le film nous laisse sur des notes d’espoir : l’ouvrier qui avait toute la confiance de Robert, mais avait joué les agents provocateurs pour le compte de la direction, sort transformé de son compagnonnage avec l’établi, et organise des luttes dans son nouveau poste, et Robert, redevenu professeur, transforme son enseignement, passant des abstractions de la philosophie pure à des problèmes sociaux concrets. Mais l’« établissement » garde-t-il une actualité ?

Lire un extrait

Le mouvement des Gilets Jaunes a vu une nouvelle classe populaire tenir en échec un Etat autoritaire et violent en s’organisant d’elle-même ; selon Emmanuel Todd, le peuple, dont les meilleurs éléments ne vont plus offrir du sang neuf aux élites, faute d’ascenseur social, va devenir de plus en plus intelligent, face à des élites crétinisées par un enseignement supérieur à l’américaine. En 2016, déjà, Christophe Guilluy, dans Le Crépuscule de la France d’en haut, parlait du « marronnage » des classes populaires : comme des esclaves marrons, elles ont échappé à la tutelle des élites et ne veulent plus les entendre ; elles forgent leur propre réflexion et définissent leurs propres revendications. Certes, le marronnage pourrait tourner en marginalisation, c’était ce qu’estimait Emmanuel Todd, dans Les luttes de classes en France au XXIe siècle (Seuil, 2020). Mais, dans une interview plus récente, sa position semble avoir évolué : la crise du Covid a montré que les ouvriers et la production, et plus largement les employés dans les  services à la personne, étaient indispensables au pays ; il est donc possible qu’ils retrouvent une place centrale et que leurs revendications acquièrent plus de poids. Cela peut sembler paradoxal alors que la loi sur les retraites vient d’être nuitamment promulguée ; mais il se pourrait que ce soit une victoire à la Pyrrhus, tant on sent monter le malaise et l’exaspération.

 

➤France-Culture a consacré une émission au film et au livre L’Établi, avec la participation de Robert et Virginie Linhart :

Écouter le podcast de la série en 5 épisodes sur le livre L’Établi

 

NdE

*En juin 1967, l’UJCml (Union des jeunesses Communistes (marxiste-léniniste) lance la “longue marche”, “l’établissement” : plusieurs centaines de jeunes militants étudiants et lycéeens se font embaucher dans des usines ou vont travailler en milieu agricole, suivant ainsi l’exemple des Gardes rouges chinois, qui, pendant la Révolution culturelle, avaient appliqué la devise de Mao Zedong, “Le mandarin doit descendre de son cheval” [rappelons qu’à cette époque, ls enfants d’ouvriers ne représentaient que 8% des étudiants universitaires]. Interdite par Raymond Marcellin comme une douzaine de groupes gauchistes le 12 juin 1968, l’UJCml devient en septembre 1968 la Gauche prolétarienne (GP, alias les “mao-spontex », pour “spontanéistes”), dont les militants créeront des Comités de lutte dans diverses usines. Certains reviendront assez rapidement à leurs études, comme Linhart, qui quitta Citroën après un an, d’autres resteront ouvriers et deviendront souvent des militants des syndicats qu’ils avaient combattus. La GP s’autodissout en 1973

**Citroën rachète 1965 l’usine Panhard Levassor, créée en 1891 avenue d’Ivry à Paris 13ème et qui fut la première usine d’automobiles du monde, pour y assembler les légendaires 2CV fabriquées dans l’usine Citroën du Quai de Javel (15ème). Les deux usines fermeront en 1975.

***Virginie Linhart, la fille du protagoniste, a raconté que le décor bourgeois du film ne correspondait à aucune réalité vécue : « On campait, on n’avait même pas de table et j’ai dormi pendant des années sous une énorme affiche chinoise ».