13/05/2023

AMEER MAKHOUL
L’union sacrée d’Israël autour de la nouvelle agression contre Gaza ne tiendra pas longtemps

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La décision de frapper le Djihad islamique a donné à Netanyahou un regain de popularité, mais cela ne tiendra pas sur le long terme.

Carlos Latuff

Cette semaine, Israël a effectué une frappe cruciale en éliminant quatre dirigeants du Djihad islamique, ses médias soulignant la précision des missiles et l’exactitude des renseignements recueillis.

Mais cette couverture est restée largement indifférente au fait que l’opération s’est traduite par un massacre dévastateur.

Certains médias israéliens ont présenté le nombre de victimes - dont des enfants, des femmes et des professionnels de la santé - comme un bilan acceptable, fanfaronnant même sur le nombre relativement faible de victimes civiles palestiniennes. Un sentiment de célébration, de fierté et d’honneur a envahi Israël.

Un consensus national s’est dégagé lorsque les leaders de l’opposition parlementaire ont exprimé leur soutien aux actions du gouvernement Netanyahou. Les analystes estiment que l’opération pourrait prolonger la durée de vie du gouvernement assiégé, qui était aux prises avec des dissensions internes et semblait sur le point de s’effondrer.

Itamar Ben-Gvir, le leader d’extrême droite du parti Puissance juive, avait boycotté les sessions de la Knesset. Pourtant, même lui a fait l’éloge de l’opération, suggérant que ses pressions avaient porté leurs fruits, et vantant son propre rôle. Haut du formulaire

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Entre-temps, des milliers d’Israéliens ont fui leurs maisons dans les communautés proches de Gaza, tandis que l’armée supervisait un plan d’évacuation plus large.

Israël s’est félicité du succès de ses opérations militaires, citant la bonne coordination des renseignements entre l’armée et l’agence de sécurité Shin Bet. Cette démonstration de sa capacité à cibler les dirigeants palestiniens, même dans leurs propres chambres à coucher, vise à envoyer un message à toutes les factions du Sud-Liban, de la Cisjordanie occupée et de Gaza : le rayon d’action d’Israël est tous azimuts.

Assassinats ciblés

La stratégie israélienne d’assassinats ciblés démontre sa politique impitoyable d’éradication des dirigeants du Djihad islamique, en raison des opérations très médiatisées du groupe et de sa philosophie de résistance à l’occupation. Les responsables israéliens ont à plusieurs reprises exhorté le Hamas à ne pas s’impliquer dans la confrontation actuelle.

Pourtant, alors qu’Israël s’attendait à ce que la réponse palestinienne soit à l’image des précédentes agressions contre Gaza, ce n’est pas ce qui s’est produit immédiatement. Les tensions ont été exacerbées au sein de l’establishment sécuritaire, politique et médiatique israélien, alors que le pays attendait de voir ce qui allait se passer.

Bien que des roquettes aient été tirées de Gaza dans la nuit de mercredi à jeudi, le retard pris dans la réponse a semblé indiquer qu’Israël ne contrôlait plus la manière dont ces situations se développaient.

Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, contrairement au rythme dicté par Israël.

Dans le même temps, Israël a perdu le soutien de l’Égypte qui, malgré ses efforts de médiation à Gaza, a fortement critiqué les récentes frappes contre le Djihad islamique, estimant que le massacre sapait les efforts visant à établir une stabilité à long terme et violait les engagements pris par Israël lors des récentes conférences d’Aqaba (Jordanie) et de Charm el-Cheikh (Égypte).

De nombreuses factions palestiniennes et forces régionales estiment que le pouvoir de dissuasion qu’Israël détenait autrefois a considérablement diminué au cours des cinq mois qui se sont écoulés depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et qu’il n’a pas réussi, sur le plan stratégique, à renforcer son influence régionale et à consolider ses défenses nationales. 

Un autre défaut d’Israël réside dans son incapacité à anticiper l’intensité de la réponse palestinienne à son agression. À Tel-Aviv, les services de sécurité ont choisi cette semaine d’ouvrir des abris anti-bombes publics et de fermer des écoles. Ces coûts sécuritaires, politiques et économiques supplémentaires pourraient inciter Israël à lancer une offensive plus large sur plusieurs fronts, afin de tenter de reprendre le contrôle de la trajectoire et des conséquences de la confrontation.

Neutraliser le Hamas

Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la dernière agression d’Israël soit une conséquence directe de ses profonds troubles internes, la diminution du pouvoir de dissuasion de l’État peut certainement être attribuée au climat politique actuel et à la crise intérieure. Par conséquent, l’agression doit être considérée dans ce contexte. 

Si cette stratégie agressive s’avère fructueuse du point de vue israélien, le premier bénéficiaire politique en sera Netanyahou, dont la cote de popularité est sur le point de grimper.

Mais ce regain de popularité ne sera pas durable et ne garantira pas non plus la longévité du gouvernement de Netanyahou, compte tenu des conflits intérieurs profondément enracinés et des manifestations publiques en cours. Il ne permettra pas à Netanyahou de relever les défis les plus pressants auxquels il est confronté. Dans le même temps, les sondages ont montré que la confiance des citoyens israéliens dans le chef de l’opposition, Benny Gantz, s’accroît.

Entre-temps, Israël fait le pari de neutraliser le Hamas - qui gouverne effectivement la bande de Gaza et détient la plus grande puissance militaire - et de garantir un cessez-le-feu durable.

Cependant, la situation s’est encore aggravée après que le ministre de l’Énergie, Israel Katz, a menacé cette semaine d’assassiner Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, et son chef militaire Mohammed Deif, en cas de représailles de la part du Hamas. Le Hamas a publié mercredi une déclaration suggérant que ses forces participaient aux tirs de roquettes de représailles, bien que cela n’ait pas été immédiatement vérifié.

L’appareil de sécurité israélien est perplexe face à la réaction tardive et imprévisible des Palestiniens, car il s’attendait à une réaction immédiate de tirs de roquettes, suivie d’une médiation, de pressions et finalement d’une trêve jusqu’à la prochaine agression. Mais la réalité s’est avérée plus complexe.

Des inquiétudes sont apparues quant à la possibilité que l’état d’urgence israélien se prolonge indéfiniment, les coûts associés pouvant dépasser ceux d’un engagement militaire limité. La possibilité que les Palestiniens prennent pour cible les manifs des colons dans la partie occupée de Jérusalem-Est suscite également des craintes.

Toutes les options semblent être sur la table, une trêve paraissant peu probable. Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, par opposition au rythme dicté par Israël, passant d’un cycle réactif à un plan d’action plus délibéré. Bien que cela crée une nouvelle dynamique, cela ne modifie pas fondamentalement l’essence du conflit.

 

 

12/05/2023

AMIRA HASS
Chaque attaque sur Gaza entraîne son lot de “dommages collatéraux” et de dégâts absurdes

Amira Hass, Haaretz, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les termes comme “dommages collatéraux” et “proportionnalité” ne tiennent pas compte des civils dont les vies ont été prises dans le dernier cycle inutile de douleur et de souffrance. Lorsque la logique qui sous-tend les attaques est si incompréhensible, les mots manquent.

L’hôpital Shifa dans la ville de Gaza, mercredi. Photo : AHMED ZAKOT/Reuters

Pour cette femme de 87 ans, malade dans sa maison de Khan Younis, les 75 dernières années se sont réduites à un seul moment, qui remonte à avril ou mai 1948. Csest à ce moment-là qu’elle et sa famille ont fui leur maison de Jaffa après qu’elle avait été bombardée par les miliciens de l’Irgoun et de la Haganah, qui existaient avant la création de l’État. Ils pensaient rentrer chez eux au bout de deux ou trois jours, une semaine ou deux tout au plus.

Mardi, elle a surpris sa famille en se réveillant d’un coma de deux jours. Ses enfants ont compris, à travers ses marmonnements, qu’à son réveil, elle se croyait redevenue celle qu’elle était à l’âge de 12 ans, une fille dont le monde avait été bouleversé en l’espace de quelques heures.

« Cela n’a rien à voir avec les récents attentats. Je ne pense pas qu’elle sache qu’il y a une nouvelle guerre », m’a dit sa petite-fille. « C’est courant. Même lorsque nos aînés perdent la mémoire, ils se souviennent d’eux-mêmes pendant la Nakba. Alors je me suis dit que peut-être, quand je serai vieille et atteinte d’Alzheimer, je ne me souviendrai de rien d’autre que de cette terrible guerre en 2008, quand j’avais 12 ans ».

Nous avons ici tout ce qu’il faut pour faire une remarque factuelle sur la Nakba en cours. Non pas une remarque conflictuelle, argumentative ou narrative, mais un simple fait : la Nakba, un désastre de dépossession et d’expulsion, n’a pas cessé un seul instant depuis que nous avons transformé le peuple palestinien en une nation de réfugiés. Et les Palestiniens - comme c’est irritant - refusent de s’adapter ou de se rendre à cette réalité. C’est le point de départ nécessaire pour comprendre les facettes politiques, militaires et sociales de la situation israélo-palestinienne.

 

Des garçons palestiniens dans une maison détruite par les frappes des FDI à Gaza, mercredi. Photo : MOHAMMED SALEM/Reuters

Mais les oncles de ma jeune interlocutrice sont préoccupés par un problème plus prosaïque. Leur mère a un rendez-vous pour une dialyse, mais ils ont peur de la conduire à l’hôpital. Que se passe-t-il si les FDI reçoivent l’image d’une voiture depuis l’un de leurs drones en vol stationnaire au-dessus de Gaza et que le commandant en charge décide que toute personne conduisant à cette heure-ci doit être un lanceur de roquettes et qu’un missile doit donc être tiré sur elle ?

Un militant du Hamas qui n’était  pas membre de l’aile militaire de l’organisation m’a dit un jour avec fierté : « Pendant la première Intifada, nous avons jeté des pierres - mais maintenant, nous avons des roquettes ». Pour notre part, nous, Israéliens, avions le mortier artisanal Davidka, et aujourd’hui nous avons le genre de bombes et d’avions militaires que la censure militaire nous interdirait de nommer. Chaque camp se vante du développement et de l’efficacité de ses armes, mais les organisations palestiniennes vivent dans un déni constant alors que l’écart entre leur arsenal et celui d’Israël ne cesse de se creuser.

« Je m’apprêtais à dormir. Soudain, j’ai ressenti des ondes de choc. Comme un tremblement de terre. Ce n’est qu’ensuite que le son a suivi », raconte la petite-fille, que je connais depuis qu’elle est enfant, à propos des bombardements de mardi matin. « J’ai pensé que, comme toujours, les Juifs bombardaient des zones ouvertes, des bases vides du Djihad ou du Hamas ». Elle a utilisé un terme blessant pour moi, qui est couramment utilisé par les Palestiniens, ne ressentant pas le besoin de remplacer “les Juifs” par “l’armée” par égard pour moi.

« Dans les cas précédents, nos organisations de résistance ont tiré sur Israël et savaient qu’aucun Israélien ne serait tué », a-t-elle poursuivi. « L’armée a bombardé et savait qu’aucun Palestinien ne serait tué », a-t-elle ajouté. « Chacun répondait à l’autre et nous pouvions revenir à la normale ».

 

Un homme marche parmi les ruines d’un bâtiment à Gaza, mercredi. Photo : IBRAHEEM ABU MUSTAFA/Reuters

C’est pourquoi le choc a été si grand cette fois-ci. « Quinze minutes seulement après le bombardement, nous avons commencé à entendre des informations faisant état de femmes et d’enfants tués. Mon amie et sa famille vivent dans le même immeuble que la famille du commandant du Jihad islamique, Tareq Izzeldeen. Ils se trouvaient dans l’appartement lorsque la maison a été bombardée, mais heureusement ils n’ont pas été blessés. Par contre, tout leur appartement est en ruine. Il est complètement détruit. Mon amie a quitté l’appartement et a vu des cadavres dans les escaliers ».

Ses propos rappellent l’inimaginable résilience des Palestiniens. « Nous sommes des héros malgré nous », m’ont dit mes amis de Gaza en 2008, 2012, 2014, 2021 et à de nombreuses occasions entre-temps, lors d’invasions militaires et d’attaques qui n’ont pas reçu le titre de “guerre”. Pourtant, à chaque guerre, cet “héroïsme à contrecœur” devient plus difficile.

Je discutais avec cette jeune amie mercredi en début d’après-midi, alors que les lance-roquettes du Djihad islamique étaient encore silencieux et que les alarmes de missiles n’avaient pas encore interrompu les émissions de la radio israélienne. « Tout le monde s’attend à ce que le Djihad réagisse », dit-elle. « La vue des enfants assassinés par Israël a choqué tout le monde ».

Je lui ai demandé, comme si elle était une experte du Djihad islamique ou une stratège militaire, pourquoi elle pensait qu’ils ne réagissaient pas. « Maintenir les Israéliens dans la peur est aussi une arme », a-t-elle expliqué. « Le problème, c’est que nous avons également peur. L’attente est parfois plus difficile que le moment même de l’attentat. Je pense aussi que le Jihad islamique doit réagir. Mais je ne souhaite pas une nouvelle guerre ».

 Des secouristes au travail à Gaza, mercredi. Photo : MOHAMMED SALEM/Reuters

C’est un témoignage de première main des contradictions internes dans le cœur de chacun. Je n’ai pas remarqué si elle a dit que le Hamas devait également réagir. En tant que parti au pouvoir, il a des considérations différentes de celles de la petite organisation militaire [le Djihad islamique, NdT]. Le Hamas n’aime pas la comparaison, mais il est passé par des étapes similaires à celles que son rival, le mouvement Fatah, a traversées au cours de la deuxième Intifada. Le Hamas ressent également la contradiction et la tension entre un mouvement de libération et un gouvernement au pouvoir avec des fonctionnaires et la responsabilité de payer les salaires et d’entretenir les écoles.

Une autre amie de la jeune femme à qui je parlais a survécu au cancer, après de nombreux traitements et un amour inébranlable pour la vie. Un rendez-vous a été fixé pour elle mercredi, dans un hôpital de Jérusalem. Il a été coordonné après de nombreux efforts et après que l’Autorité palestinienne a garanti la prise en charge des coûts du traitement. Mais les points d’entrée en Israël étaient fermés. « Combien d’autres patients qui devaient voyager pour recevoir un traitement vital n’ont pas pu le faire ? », s’est demandé mon amie.

La procureure générale d’Israël, Gali Baharav-Miara, qui a approuvé l’assassinat des hauts responsables du Jihad islamique et de leurs familles, a dû penser à des termes tels que “dommages collatéraux” et “proportionnalité” Mais ces dommages collatéraux et proportionnels sont les civils dont les vies ont été prises, et les nombreux autres cycles de douleur et de souffrance. Tous ceux qui ont été blessés et traumatisés à vie ; tous ceux qui auront besoin de traitements contre le stress et l’anxiété et contre le diabète qui pourrait se développer en raison de leur inquiétude et de leur peur ; tous ceux qui souffriront de dépression, d’apathie, d’une perte de jours d’école et même de mois sans éducation ; tous les traitements médicaux qui ont été reportés ou annulés. Et tout cela sans parler de l’immense dévastation matérielle.

L’écriture est un acte humain qui combine la logique et l’apprentissage, l’expérience et la créativité pour transmettre un message clair et éclairant. Mais il est difficile de faire appel à la créativité, encore et encore, pour décrire la destruction. Il est difficile de décrire la logique qui sous-tend chaque série d’obus, de bombardements, de tirs et de meurtres.

Que cette logique soit dictée par des considérations politiques et organisationnelles momentanées, des plans militaires à long terme ou des considérations nationales et patriotiques, lorsque la logique est si illogique, les mots manquent.

 

 

09/05/2023

“Euskalwashing” : une entreprise basque tente de justifier sa participation au projet de tramway léger de Jérusalem-Est, dont Veolia s'est retirée

Alaitz Amundarain, Richard Wendling et Eneko Calle, Groupes  BDS en Alava, Navarre et Biscaye, naiz, 3/5/2023
Euskera

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le fait que les entreprises transnationales violent les droits humains, environnementaux et du travail n'est pas nouveau. Mais la demande sociale est de plus en plus forte pour que les entreprises transnationales soient contrôlées et contraintes de les respecter. C'est pourquoi les entreprises ont défini des stratégies pour “laver"”leur image négative en utilisant superficiellement des causes et des préoccupations sociales.

Greenwashing, purplewashing, pinkwashing, rainbow washing, vegan washing... et, pourquoi pas, euskalwashing.

La compagnie ferroviaire basque CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles, Beasain, Gipuzkoa) doit redorer son blason depuis 2020, date à laquelle des dizaines de groupes sociaux du Pays basque ont lancé une campagne pour dénoncer sa participation à la construction et à l'entretien du tramway de Jérusalem.

Action de protestation contre les travaux à Jérusalem en décembre 2020. Photo BDS CAF EUSKAL HERRIA

Cette semaine ont été décernés les prix CAF-Elhuyar, qui visent à promouvoir, récompenser et reconnaître la diffusion, le journalisme et l'inclusion sociale en langue basque de la recherche et des thèmes scientifiques et technologiques. Et dans ce cas, la CAF utilise la langue basque et la science pour blanchir sa complicité avec l'apartheid israélien en Palestine.

Car Israël ne peut maintenir son régime d'occupation, de colonisation et d'apartheid envers le peuple palestinien que grâce à la complicité internationale, et en cela, les entreprises jouent un rôle fondamental.

En août 2019, un consortium formé par l'entreprise israélienne Shapir et la CAF a remporté un contrat pour l'expansion du réseau ferroviaire reliant les colonies illégales en territoire palestinien occupé, connu sous le nom de Jerusalem Light Rail (JLR). Le JLR fait partie intégrante du plan sioniste d'annexion de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie à l'État d'Israël.

À cette fin, le projet implique la confiscation de terres palestiniennes pour sa construction et crée un nouvel obstacle physique à la libre circulation de la population palestinienne ; en outre, le tramway relie les colonies israéliennes illégales en territoire palestinien occupé à la ville de Jérusalem, facilitant ainsi le déplacement de la population de la puissance occupante (colons) vers le territoire occupé.

La complicité de la CAF avec l'apartheid israélien, en plus d'être moralement répréhensible, peut entraîner des difficultés pour la CAF et ses filiales, telles que Solaris, dans l'obtention de nouveaux contrats, étant donné qu'il existe une campagne internationale pour que les villes et les gouvernements annulent tous les contrats avec la CAF jusqu'à ce qu'elle se conforme au droit international.

L'entreprise française Veolia a été contrainte de se retirer du même projet illégal de JLR en 2015 après avoir perdu des milliards de dollars en affaires internationales à la suite d'une campagne BDS soutenue en Europe, aux USA et dans plusieurs pays arabes.

En ce sens, il est paradoxal que la CAF soutienne des prix pour la diffusion de la science en basque et l'innovation, tout en collaborant à la consolidation du projet colonial d'Israël en Palestine. Depuis 1948, Israël tente de désarabiser la Palestine, en particulier dans les Territoires de 1948 (aujourd'hui l'État d'Israël), où la population arabo-israélienne ne jouit pas des mêmes droits que la population israélienne. Il maintient une occupation militaire en Cisjordanie et à Gaza depuis 1967, qui, outre les points de contrôle militaires, les assassinats, les raids, les détentions et autres violations des droits humains, a également favorisé la construction d'un mur de plus de 700 km de long ; et il ne reconnaît toujours pas le droit au retour des réfugiés palestiniens, qui sont aujourd'hui plus de 5 millions.

Cependant, la CAF ne semble pas se soucier du développement scientifique et de l'innovation en Palestine (difficile dans un contexte d'occupation coloniale), puisque malgré la pression de ses travailleurs, des syndicats et des groupes sociaux du Pays Basque, ainsi que les demandes de la société civile et de l'Autorité nationale palestinienne, elle a poursuivi la construction du tramway illégal à Jérusalem-Est.

C'est pourquoi nous pensons qu'une réflexion interne est nécessaire à Elhuyar et euskalgintza (la culture basque), sur l'utilisation de la langue basque pour blanchir, dans ce cas, les violations des droits humains commises en Palestine par une entreprise basque, et que la participation de la CAF à l'édition 2024 des prix pourrait être reconsidérée.

De même, nous réitérons que la CAF doit annuler son contrat de fourniture et de maintenance du tramway de Jérusalem-Est.        

 

 

 

05/05/2023

GIDEON LEVY
Le Shin Bet et l’administration pénitentiaire israélienne voulaient que Khader Adnan meure

 Gideon Levy, Haaretz, 5/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

S’il y a quelqu’un en Israël et dans les territoires qu’il occupe qui correspond à la définition du combattant de la liberté, c’est bien Khader Adnan, qui est mort mardi soir dans une prison israélienne.


Il s’est battu pour sa liberté et était prêt à sacrifier sa vie pour elle, comme très peu sont prêts à le faire. Il s’est battu contre une tyrannie malfaisante et vindicative qui, pendant des années, l’a jeté en prison à plusieurs reprises, sans procès, dans l’espoir de briser son esprit. Il s’est battu pour son droit fondamental à vivre en liberté.

Adnan était un prisonnier politique, quelle que soit la définition qu’on lui donne. Personne ne l’a jamais accusé de terrorisme et lorsqu’il a finalement été inculpé pour quelque chose (et ce pour quoi il était en prison au moment de sa mort), c’était pour des délits relativement mineurs - appartenance à une organisation illégale et incitation à la violence, ce qui incluait de se rendre au domicile des personnes en deuil et d’encourager les grèves de la faim. Pour cela, il a été maintenu en prison jusqu’à la fin de son procès.

S’il ne s’agit pas d’une détention politique, qu’est-ce que c’est ?

Alexei Navalny a été placé 10 fois en détention administrative par le régime despotique russe, tandis qu’Adnan a été placé 12 fois en détention administrative par l’État démocratique d’Israël. Les deux hommes étaient des opposants au régime. S’il avait été russe, birman, irlandais ou iranien, Adnan aurait été considéré comme un honorable combattant de la liberté, même par les Israéliens. Étant Palestinien, il était considéré comme un terroriste.

Les 86 derniers jours d’Adnan ont été des jours d’abus, qui lui ont causé une souffrance indescriptible. Mais ce furent aussi des jours de disgrâce pour Israël, pour son discours public, ses médias et le mouvement de protestation [contre la réforme judiciaire]. Qui avait entendu parler de sa grève de la faim ? Qui en a parlé ? Qui s’en est soucié ? Il souffrira, il mourra, nous sommes au milieu d’un combat pour notre démocratie.

La mort d’un combattant de la liberté a reçu moins d’attention que celle d’un chien errant. Et lorsque Adnan a finalement rendu son dernier souffle - nous en avions assez de lui et de sa guerre pour la liberté - la seule chose qui nous intéressait était la réaction du Djihad islamique. Personne n’a parlé de ses motivations, de la justesse de sa cause, du déshonneur que représente la détention administrative d’un millier de personnes, ni de la manière dont il est mort. Personne ne s’est demandé si sa mort aurait pu et dû être évitée, ce qui aurait permis d’éviter une nouvelle série de combats dans le sud.

Cette fois, la responsabilité du barrage de roquettes incombe au Shin Bet et à l’administration pénitentiaire israélienne, qui ont délibérément empêché qu’Adnan soit sauvé.

Ils voulaient qu’il meure ; sinon, ils l’auraient hospitalisé, comme ils l’ont fait lors de ses précédentes grèves. Adnan ne voulait pas mourir. Ils voulaient qu’il meure pour qu’on les craigne. Ils voulaient qu’il meure parce qu’ils voyaient que personne en Israël ne se souciait plus, ni de sa vie, ni de sa mort.

Ils l’ont laissé mourir en sachant pertinemment que sa mort entraînerait une nouvelle vague de violence, et même dans ce cas, ils n’ont pas bougé le petit doigt. Au milieu de toutes les protestations, de la suffisance infinie des protestataires et de leur indifférence à l’égard de l’occupation qui en découle, on peut faire presque n’importe quoi aux Palestiniens. Silence, on est en train de protester.

J’ai suivi les arrestations d’Adnan. J’ai rencontré son père, sa femme et sa sœur chez lui, à Arraba, lors de sa première grève de la faim. Je l’ai rencontré à l’arrière d’une pharmacie à Naplouse, après son avant-dernière grève de la faim. C’était un homme brisé après 54 jours de faim, mais il était déterminé à ne pas se rendre, même s’il exagérait son importance pour la lutte palestinienne : « Israël m’a transformé en symbole - j’ai réussi à montrer son visage hideux ».

Adnan s’exprimait dans un hébreu coloré qui comprenait beaucoup de “avec l’aide de Dieu” et de “béni soit Dieu”. Lorsqu’il a mentionné à son intervieweur qu’il espérait revoir ses enfants avec l’aide de Dieu, celui-ci lui a répondu : “Dieu est occupé en ce moment en Syrie”.

Les geôliers d’Adnan mangeaient du chawarma et des pizzas dans sa chambre d’hôpital lors de sa précédente grève de la faim, ce qui lui a causé d’immenses souffrances. Combien de poids avait-il perdu ? « Ne me demandez pas combien j’ai perdu, mais combien ma dignité a augmenté », a-t-il répondu.

Aujourd’hui, il est mort dans la dignité. Il est dommage que davantage d’Israéliens ne l’aient pas honoré comme il le méritait.

04/05/2023

JUAN PABLO CÁRDENAS S.
Le lithium au Chili, une opportunité

Juan Pablo Cárdenas S., Política y Utopía, 25/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les intentions malveillantes de la droite ont été mises en évidence par la décision du président Boric de créer l’Entreprise nationale du lithium, une entité qui sera chargée de l’exploration et de la production d’une ressource qui est désormais considérée comme stratégique et qui peut produire des revenus encore plus importants pour le pays que ceux offerts par l’exploitation à grande échelle du cuivre. Une entité étatique qui assurera le contrôle par l’État d’au moins 51 % des activités d’exploitation de cette ressource et, surtout, qui visera à exporter ce minerai avec une valeur ajoutée.

Localisation des salines andines et pré-andines. Source

Il convient de noter que toutes les réserves de lithium appartiennent au Trésor public et que celui-ci pourrait se charger de leur extraction et de leur commercialisation sans faire appel à des investisseurs privés. Cependant, le gouvernement actuel a décidé d’inviter les intéressés à s’associer à l’État pour mettre en œuvre ces opérations, une offre qui a été accueillie favorablement par les deux entités privées qui exploitent actuellement ce minerai et dont les concessions expireront dans quelques années. En tout état de cause, elles préfèrent s’associer à l’État plutôt que d’abandonner leur travail au profit de l’État ou de tous les Chiliens, comme on dit.

Le Mouvement Litio para Chile, regroupant syndicalistes, militant·es et universitaires, se bat depuis une douzaine d’années pour la nationalisation du lithium

Avec leur voracité bien connue, certains entrepreneurs nationaux et étrangers n’ont pas approuvé l’initiative de La Moneda, avertissant qu’il serait bien mieux pour le Chili de confier à “l’initiative privée” l’exploitation d’une ressource destinée à rapporter d’énormes bénéfices, étant donné que c’est dans notre pays que se trouvent les plus grandes réserves du monde et qu’elles pourraient rapidement nous placer à la tête de la production mondiale. En effet, rien que l’année dernière, les impôts que l’État a perçus sur l’exploitation par Soquimich* et Albemarle* ont dépassé les ressources accordées par Codelco* au budget national, ce qui témoigne de l’immense demande mondiale et du bon prix de ce que l’on appelle aujourd’hui “l’or blanc”.   Et cela peut aussi indiquer les immenses profits de ces deux entreprises.

A tort, certains secteurs patronaux et politiques ont accusé Gabriel Boric d’imiter les décisions de l’ancien président Allende lorsqu’il a marqué une étape historique en nationalisant la principale entreprise de cuivre du pays. Une décision qui avait été adoptée en 1971 par un vote unanime du Parlement, qui incluait également les voix de la droite de l’époque.

Contrairement à ce qu’affirment les leaders de l’opposition, le président défunt n’aurait certainement pas invité, comme l’a fait le président Boric, des investisseurs privés à s’associer aux efforts de l’État dans ce domaine. Car il ne s’agit pas vraiment d’une nationalisation mais, au contraire, d’une offre généreuse au monde des entreprises de participer à l’exploitation d’une ressource qui appartient à l’État. La gauche ne devrait guère s’en réjouir, compte tenu de la triste expérience des entreprises privatisées par la dictature et les gouvernements qui lui ont succédé. Dans la mesure où des ressources aussi fondamentales que l’eau et l’électricité dépendent aujourd’hui d’entreprises dont la gestion est très discutable. Il en va de même pour les administrateurs de pensions et de santé, les concessionnaires de routes et tant d’autres qui réalisent d’énormes profits sur des services fondamentaux, avec peu de retour pour le pays.

 

Alors que les associations d’entreprises et leurs représentants au parlement s’opposent avec tant de ténacité à une réforme fiscale qui obligerait ceux qui ont tant à augmenter leurs maigres impôts au profit des pauvres et de la classe moyenne, il semblerait vraiment insensé de confier de nouvelles concessions minières, forestières et autres au secteur privé, alors que l’État pourrait entreprendre ces activités lui-même et collecter des ressources qui pourraient servir à vaincre la pauvreté, à atteindre le plein emploi et à financer, par exemple, des projets d’éducation et de logement. En outre, il devrait s’efforcer d’obtenir des salaires et des pensions décents.  

Aucune des entreprises privatisées n’a apporté autant au pays que celles qui dépendaient de l’entreprise publique Corfo*, Codelco ou celles qui géraient auparavant les fonds de pension des travailleurs, dont les pensions pour les retraités sont nettement plus élevées que celles fournies aujourd’hui par les AFP*. Aux mains, comme chacun sait, d’une poignée de propriétaires étrangers dans ce qui est considéré comme l’entreprise la plus rentable de ces dernières décennies. Cette activité n’est comparable qu’aux profits des banques privées.

Nous savons déjà que l’énorme inégalité qui existe dans le pays est à l’origine de troubles tels que la criminalité et la violence qui sévissent dans les villes et les quartiers de tout le pays. N’importe quel Chilien peut voir l’extrême richesse dans laquelle vivent certaines personnes, ainsi que les millions de compatriotes qui n’ont pas de salaire décent ni de régime alimentaire adéquat. La conséquence, par exemple, est que le nombre de jeunes qui abandonnent l’école, tentés par le trafic de drogue qui sévit dans les zones les plus précaires, augmente rapidement.

On répète, et on le répète avec force, que le plus dangereux est de confier à l’administration publique la gestion des entreprises d’État et l’exploitation de nos richesses. Cela reviendrait à encourager une plus grande corruption dans la politique, alors qu’il est déjà clair que c’est le monde des affaires qui a le plus contribué à corrompre les hauts et moyens fonctionnaires de l’État, à s’entendre pour escroquer les consommateurs et à rechercher l’impunité pour toutes ses attaques contre l’intérêt national.

La croissance économique que les puissants présentent comme une incitation au bien-être social est totalement fausse si une répartition équitable des revenus n’est pas réalisée. Il ne s’agit pas d’être étatiste par caprice, mais d’assumer la certitude que ceux qui ont le plus profité de l’exploitation de nos matières premières sont ceux qui se sont montrés incapables de freiner leur voracité excessive.

En ce sens, nos gouvernants devraient insister sur leur volonté de maintenir le lithium comme une ressource appartenant à tous les Chiliens, tout en recherchant une Constitution et une législation qui redonnent à l’État l’autorité d’entreprendre et d’assurer une croissance économique qui empêche la scandaleuse concentration des richesses.

Face à l’échec évident des politiques néolibérales, la récupération de l’État souverain dans le respect de ses ressources et de sa dignité est aujourd’hui propice. C’est un point sur lequel les gouvernements progressistes de notre région devraient s’accorder s’ils veulent éviter que les explosions sociales ne se multiplient sur tout le continent et éviter le risque de restauration par la force des dictatures néfastes qui nous ont prosternés devant les intérêts étrangers qui continuent à contrôler nos décisions politiques. En ce sens, l’hégémonie retrouvée par ces partis et mouvements grâce à leur puissance économique et communicationnelle et, bien entendu, la faiblesse et l’atomisation de la gauche, sont inquiétantes.

NDT

Soquimich (SQM) : Société chimique et minière du Chili, entreprise publique créée en 1968, privatisée sous Pinochet entre 1983 et 1988, passant dans les mains de son beau-fils Julio Ponce Lerou avec les habituelles méthodes de gangsters des Chicago Boys. L’entreprise chinoise Tianqi en a acquis 24% des actions en 2018.

 Albemarle : entreprise minière usaméricaine exploitant le lithium d’Atacama.

Codelco : Corporación Nacional del Cobre, entreprise publique d’exploitation du cuivre, créée en 1971 et partiellement privatisée sous Pinochet et ses successeurs.

Corfo : Corporación de Fomento de la Producción, organisme étatique créé en 1939, chargé du développement et d’aide à la création de l’industrie nationale.

AFP : Administradoras de Fondos de Pensiones, sociétés anonymes administrant les fonds de retraite.