Gilad Atzmon,
17/12/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Jamais auparavant, la fracture démographique, politique, spirituelle et idéologique de la société israélienne n'avait été aussi éclatante.
À la
télévision, soir après soir, on peut voir des interviews d’héroïques femmes
kibboutzniks d’un certain âge (voir photos) qui ont été récemment libérées par
le Hamas dans le cadre d’un échange d’otages après 50 jours à Gaza. Ces femmes
sont les derniers membres vivants du vieux sionisme travailliste. À l’adolescence,
elles ont rejoint le mouvement de jeunesse travailliste israélien et ont fini par
fonder des kibboutzim, principalement dans les régions proches des frontières d’Israël
de l’époque.
Ce sont
elles qui ont fait “fleurir le désert”. Ce sont leurs hommes qui ont travaillé
dans les champs, ce sont leurs maris qui ont envahi Gaza en 2 heures et le
reste du Sinaï en 4 jours en juin 1967. Ce sont leurs hommes qui ont sauvé
Israël d’une humiliante défaite en 1973. Ce sont leurs maris et leurs fils qui
ont libéré les otages israéliens à Entebbe en 1977, où Benjamin Netanyahou a
perdu son frère. Pourtant, elles n’ont rien à redire sur leur séjour chez le
Hamas. Ce n’était pas une partie de plaisir, elles l’admettent, mais elles
comprenaient les circonstances. Elles ont compris que leurs maris et leurs fils
auraient fait la même chose s’ils avaient été Palestiniens. Elles comprennent
le conflit. Elles l’ont vu émerger. Elles sont elles-mêmes devenues un instrument
en 17 ans de siège militaire israélien sur Gaza.
C’est
Netanyahou et l’armée israélienne qu’elles accusent d’être à l’origine de leur
calvaire. C’est Tsahal qu’elles accusent d’être à l’origine de leur calvaire. C’est
l’armée israélienne qui n’a pas su les protéger, c’est Netanyahou qui n’a pas présenté
une perspective de paix et d’espoir pour Gaza et la région.
Mais nous voyons aussi “l’autre Israël” à la télévision. Le véritable Israël, celui qu’Israël est devenu. Et ce n’est pas beau du tout.
L’armée
israélienne, dominée par des commandants et des combattants sionistes
travaillistes jusqu’à la fin des années 1970, a fait l’objet d’un changement
démographique total. Elle est désormais soumise à l’hégémonie des gars en kippah,
dont beaucoup sont des diplômés de yeshiva ultra-sionistes et des colons de
Cisjordanie. Ils ont littéralement pris la place des sionistes travaillistes comme
leaders politiques, militaires, idéologiques et spirituels.
Ces Israéliens-là sont animés d’un
enthousiasme expansionniste : ils placent leurs Menorahs dans les maisons détruites des Gazaouis, ils
transforment des écoles palestiniennes en ruines en “synagogues temporaires”,
ils se filment eux-mêmes en train de vandaliser des magasins palestiniens
détruits. Ils déshabillent des hommes palestiniens, leur bandent les yeux, les
font défiler dans les rues et diffusent les photos sur les médias sociaux.
Mais ils n’ont pas évacué beaucoup d’otages... en fait, pas même un seul depuis le début de l’opération terrestre. Jour après jour, ils ramènent en Israël des corps d’otages israéliens. Ils prétendent qu’ils ont été “assassinés à Gaza”, mais en réalité, comme tant d’habitants de Gaza, ils ont perdu la vie à cause des bombardements inconsidérés et aveugles de l’armée de l’air israélienne et de l’artillerie forces de défense israéliennes.
Les
performances militaires de cette nouvelle élite israélienne ne sont rien moins
qu’une catastrophe : plus Israël s’enfonce
dans la bande de Gaza, plus grand est le
spectacle du dysfonctionnement de l’opération militaire : plus de deux mois
après le début de l’attaque israélienne, aucun objectif n’a été atteint.
Le pouvoir
de dissuasion d’Israël a été éradiqué à jamais. Les chars israéliens Merkava
sont vaincus par les roquettes RPG maison fabriquées à Gaza. Plus de 20 % des morts
et blessés israéliens sont dus à des tirs amis. L’armée est épuisée et terrifiée,
elle tire sur tout ce qui bouge, ami ou ennemi. Il y a 2 jours, les FDI ont
réussi à tuer 3 otages israéliens qui avaient trouvé le chemin des lignes
israéliennes.
Ils étaient à moitié nus, ils brandissaient le drapeau blanc, mais l’armée qui s’autoproclame “l’armée la plus morale du monde” a tué 2 d’entre eux. Elle a ensuite envoyé un commandant de bataillon avec une unité d’élite pour retrouver le troisième qui avait réussi à s’échapper, mais au lieu de sauver le pauvre garçon et de le mettre à l’abri, les FDI l’ont également tué.
J’ai entendu dire qu’un demi- million d’Israéliens ont quitté le pays à la
suite de l’événement du 7 octobre... Je suppose qu’ils ont décidé de laisser le
pays aux autres Israéliens, à savoir les colons. Et pour cause, ils n’adhèrent
pas au carnaval du “tous unis, nous vaincrons”.
Nombre d’entre
eux ont estimé que l’Israël tel qu’ils s’en souviennent relève de la nostalgie.
Ils n’ont
aucun intérêt à partager leur avenir avec des gens comme Ben Gvir, Smortrich ou
Netanyahou.
Ils savent
également que l’alternative israélienne dite de centre-gauche est
presque aussi mauvaise, voire pire.
NdT
*Shever tov ! : Bonne fracture ! en hébreu postmoderne (sur le modèle de Mazel tov : litt. Bonne étoile, c'est-à-dire Bonne chance.
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