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20/12/2023

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Gaza : un silence radio tellement assourdissant qu’il s’est brisé


 

Luis E. Sabini Fernández, 19/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Depuis plus de deux mois, les forces israéliennes bombardent sans relâche la bande de Gaza, commettant le plus grand massacre télévisé de personnes désarmées de l’histoire du monde. Les dirigeants israéliens ont généralement utilisé un langage génocidaire explicite pour décrire leurs plans, certains suggérant même l’utilisation d’armes nucléaires pour anéantir complètement la population de Gaza, qui compte plus de deux millions d’habitants. Des dizaines de milliers de bâtiments ont été démolis, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles, des universités et tous les bâtiments liés à une société et à ses activités, qui, lorsqu’ils sont utilisés comme cibles d’artillerie dans des conflits militaires, ont toujours été considérés [jusqu’à présent] comme des crimes de guerre. Même lorsque le procureur général de la Cour pénale internationale s’est récemment rendu en Israël », et l’on aurait pu supposer que cette visite était liée à l’attaque surprise du 7 octobre et à la réaction sans précédent des commandants israéliens qui ont assassiné à gauche et à droite, nous avons pu constater, avec inquiétude, que leur objectif, rappelle Unz, « était de fabriquer des accusations et des actes d’accusation contre le Hamas et d’autres groupes palestiniens pour la mort de civils israéliens au début du mois d’octobre ».  [1]

Et pourtant, ce scandale éthique, politique, médiatique (et militaire, évidemment) est à peine discuté, car la grande majorité des médias d’incommunication de masse n’abordent guère le sujet, et s’ils le font, ils le réduisent à une confrontation à armes égales entre le Hamas et Israël. 


Nous pourrions même la formuler comme une loi sur les médias : plus un média se révèle établi et “honorable”, moins il s’intéressera à ce qu’Unz considère comme “le plus grand massacre télévisé d’une population désarmée dans l’histoire du monde”.

Parce que si la mort d’Israéliens a de l’importance sur la scène internationale, la mort de Palestiniens n’en a pas.

À cet égard, je comprends qu’il est approprié de dire quelque chose au sujet de l’action entreprise par les Palestiniens qui a déclenché/justifié/favorisé l’action militaire en réponse à l’opération de prise d’otages menée par le Hamas.

Au-delà de ma sympathie limitée pour les mouvements fondés sur des croyances divines, le Hamas « rejette le droit d’Israël à avoir dépossédé les Palestiniens de leur patrie en 1948 et de les avoir emprisonnés dans des ghettos surpeuplés comme Gaza ». Des paroles impeccables de Jonathan Cook (extrait de son article que je cite en note 3). Il convient de rappeler que même les Nations unies reconnaissent un droit de résistance à l’oppression coloniale et à la dépossession qui en découle. Et l’action du Hamas fait partie de cette lutte. En ce qui concerne la réalité de cette journée clé du 7 octobre, plusieurs enquêtes ont déjà noté qu’en plus de l’envahissement du quartier général régional israélien et de l’assassinat de militaires plus ou moins surpris qui s’en est suivi, le sang a coulé en raison de la réaction excessive de l’armée israélienne (de nombreux Israéliens ont été tués par des "tirs amis").


Bien qu’il y ait beaucoup d’occultation et que la partialité des médias soit abyssale, l’homme est incorrigible et il y a des exceptions. Je retranscris maintenant les paroles de René Pérez Joglar, le rappeur portoricain connu sous le nom de Residente de Calle 13 : « Depuis octobre, j’ai décidé de reporter la sortie de mon album face à tout le génocide macabre qui détruit lentement la Palestine. Je ne me sens pas bien, ça me fait trop mal et je me demande quand nous nous sommes déshumanisés au point de voir des têtes d’enfants exploser devant nous et de ne rien dire ».

Residente pose d’autres questions : « Pourquoi ne pas tout arrêter comme pour la pandémie, tout arrêter et se concentrer sur ce qui se passe à Gaza au lieu de mettre en ligne un article modélisant des vêtements [...] ou une soirée [...], s’arrêter un instant, chercher des informations sur la Palestine et dénoncer le génocide qu’Israël est en train de commettre avec le soutien des USA ». La citation de Residente date du 12 décembre.

 

En effet, nous vivons, comme dans la fable du roi nu qui se sentait si bien habillé, dans une situation schizoïde où de plus en plus de gens trouvent le comportement israélien méprisable, mais face à l’épée de Damoclès qui pèse sur eux s’ils osent critiquer quoi que ce soit de juif et s’exposent à l’accusation d’antisémitisme, ils choisissent tout simplement d’éviter le sujet.

Mais il s’agit bien de ce que décrit Unz : un massacre télévisé à une échelle jamais vue auparavant. Il y a eu, bien sûr, des massacres bien plus importants, mais le fait que nous les "regardions" en même temps, qu’ils se déroulent en toute impunité au vu et au su de tous et en particulier des références morales du monde, du Conseil de sécurité, de l’Assemblée de l’ONU, de nos gouvernants en général, élus par le vote des populations, de la Cour pénale internationale, dont on a déjà vu ce qu’elle a fait à Israël (sans envisager d’enquêter sur le massacre aveugle et massif de villageois palestiniens, hommes, femmes, enfants, vieillards, bébés). Dans cette opération, à laquelle Israël a initialement attribué 1 400 Israéliens tués, il a fallu écarter les militaires israéliens tués pendant l’opération, qui sont estimés entre 300 et 400, et ensuite, la traînée de morts laissée par la contre-attaque israélienne, dont on sait déjà qu’elle a éliminé des centaines d’êtres humains à partir d’hélicoptères, où un nombre énorme d’Israéliens ont perdu la vie (ceux qui ont tenté de quitter la rave party en voiture, par exemple, et surtout les Israéliens qui ont tenté de quitter la rave party en voiture), par exemple, et surtout les Israéliens qui étaient pris en otage par des Palestiniens et qui ont été tués avec leurs ravisseurs lors de la prétendue opération de sauvetage, l’armée israélienne ayant ainsi brutalement mis un terme à toute négociation. Les dernières estimations font état de dizaines de victimes civiles israéliennes.  

La prise d’assaut du quartier général israélien pour Gaza aux premières heures du 7 octobre, qui gardait le camp de concentration, et immédiatement après l’opération de prise d’otages ont rendu furieux les commandants militaires (si l’on admet qu’ils ont été pris par surprise, car la thèse selon laquelle Israël "a laissé faire le Hamas" pour justifier une terrible riposte est également répandue). D’une manière ou d’une autre, l’“armée brancaleone” (en armement, mais très efficace) a atteint une grande partie de ses objectifs : payer les militaires de la même monnaie que celle dont les Israéliens se servent impunément depuis des décennies,[2] et "récolter" des otages pour en faire de futures monnaies d’échange.

Tout cela est épouvantable, mais semble être une évolution soi-disant logique des mesures prises contre Gaza au moins depuis 2005, car rappelons-nous les paroles du boucher Ariel Sharon lorsqu’il a dû retirer les colonies sionistes de Gaza : « Nous partons, mais nous allons leur rendre la vie impossible ».

 

Quelque six heures après l’attaque par les Palestiniens, l’armée renforce avec encore plus de violence la dénégation qu’elle a entrepris depuis 17 ans maintenant ; non seulement des libertés les plus élémentaires, comme le droit de circuler, l’accès aux soins de santé ou à l’eau potable, mais maintenant le massacre aveugle et généralisé sous le prétexte de rechercher et de se venger des auteurs de l’opération. Mais, comme le rappelle à juste titre Cook, « Israël n’a jamais caché qu’il punit les habitants de Gaza parce qu’ils sont gouvernés par le Hamas, qui rejette le droit d’Israël à avoir dépossédé les Palestiniens de leur patrie en 1948 et de les avoir emprisonnés dans des ghettos surpeuplés comme celui de Gaza ». [3]

Comme l’explique Cook à juste titre, cette politique israélienne subvertit tous les efforts déployés après la Seconde Guerre mondiale pour empêcher les atteintes au droit le plus fondamental à la vie, comme le bombardement de Dresde en 1945, qui n’avait aucun but militaire, mais servait simplement à montrer qui commandait, et l’utilisation de bombes atomiques pour anéantir la vie de centaines de milliers de Japonais à Nagasaki et à Hiroshima (avec une mort immédiate et différée par contamination).

Cherchant à établir une base pour le droit international, les Conventions de Genève ont interdit les “punitions collectives”. Cook résume ainsi la situation : « Ce qu’Israël fait à Gaza est la définition même de la punition collective. C’est un crime de guerre : 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 52 semaines par an, pendant 16 [maintenant 17] ans (ibid.) ».

Pour compléter l’observation précise de Cook, je pense que, dans le même temps, la politique de massacre de la population civile, maintenant à un rythme industriel, répond à la politique déjà employée de vidage de la population, qui était la Nakba de 1948 et de “s’en tirer à bon compte”, pour garder “bibliquement” cette terre (Gaza n’était pas juive selon la Bible ; les références bibliques ne sont guère plus qu’une feuille de vigne).

Sur le site internet auquel participent le désormais nonagénaire Noam Chomsky et de nombreux intellectuels attachés à la vérité, ils titrent l’un de leurs derniers billets : « Une usine de meurtres de masse », en référence aux bombardements hautement calculés – y compris avec des outils d’intelligence artificielle - des villes et des routes de Gaza.[4]

Pour répugnante et monstrueuse qu’elle soit, cette expérience n’en est pas moins inédite. Parce que jusqu’à présent, ces politiques génocidaires étaient menées dans la discrétion, avec peu d’accès à ces événements, et en l’occurrence, depuis le 7 octobre, grâce à la ténacité des journalistes sur le terrain, presque tous palestiniens, mais aussi parce que les écrans technologiques actuels rendent visible en permanence l’information qui circule, si ce n’est sans restriction, avec beaucoup de dynamisme (malgré les digues de confinement des maîtres de l’info), nous sommes de plus en plus nombreux à “être au parfum”.

Et nous espérons que nous serons de plus en plus nombreux à remettre en cause les journalistes oiseux qui parlent de choses “importantes” ou insignifiantes en évitant autant que possible le mauvais sentiment d’être taxés d’antisémitisme.

Comme le dit avec pédagogie Andrew Anglin : « La définition officielle de l’“antisémitisme” avant le 7 octobre 2023 était “haïr les Juifs sans raison” ; la définition après cette date est “dire que les Juifs devraient arrêter de tuer des bébés”.[5]

Ce qu’Israël commence à récolter pourrait être le début de la fin de son impunité. Chutzpah comprise.

Notes

[1]  Ron Unz, "Eliminating the Entire Palestinian People", unz.review, 11 déc. 2023.

[2] Le nombre de soldats israéliens tués au cours de l'opération n'a pas de précédent.

[3]  Jonathan Cook, “Guerre Israël-Palestine : tout autant qu’Israël, l’Occident a le sang de Gaza sur les mains, 13 octobre 2023.

[4] Une fabrique d’assassinats masse » : Au cœur du bombardement « calculé » d’Israël sur Gaza de https://www.france-palestine.org/Une-fabrique-d-assassinats-de-masse-Au-coeur-du-bombardement-calcule-d-Israel

 

-"La mort des trois otages israéliens qui arboraient un drapeau blanc est due à une erreur lamentable.
-"Nos soldats les ont pris pour trois civils palestiniens arborant un drapeau blanc."

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